A Bruxelles, les ministres de l’UE discutent attaques liberticides et provocations contre la Russie

Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne s’étaient réunis lundi à Bruxelles dans des conditions proche de l’Etat de siège; devant le bâtiment du Conseil européen patrouillaient les soldats armés.

La réunion eut lieu dans un contexte de mobilisation massive de troupes en France et en Belgique suite aux attaques contre Charlie Hebdo et un supermarché casher à Paris. Se sont produites aussi des descentes policières et des arrestations en Allemagne, en Espagne et en Grèce, alors que l’affirmation circule que l’Europe est confrontée à une menace existentielle de la part d’extrémistes islamiques.

On se sert du climat de peur et d’hystérie créé délibérément pour introduire des mesures antidémocratiques qui accroîtront les pouvoirs répressifs de l’Etat. Les ministres des Affaires étrangères ont discuté d’un plus vaste échange des données personnelles des passagers aériens au sein de l’UE, de la réintroduction de contrôles aux frontières et de propositions de retrait du passeport et de la carte d’identité de citoyens de l’UE considérés être des « menaces pour l’ordre public. » Ces propositions doivent être présentées le 12 février au sommet de l’UE.

En vertu d’une directive de l’UE sur la cybersécurité, la surveillance de l’Internet par l’Etat doit être intensifiée. Ceci reprend des mesures identiques annoncées le mois dernier par le président américain Barak Obama et la demande du premier ministre britannique David Cameron que Facebook, Twitter et d’autres réseaux sociaux en ligne soient contraints de communiquer leurs données aux services de renseignement.

La réunion de Bruxelles a également débattu d’une plus grande coopération entre l’UE et les pays arabes pour combattre l’extrémisme islamique. A cette fin, des pourparlers furent tenus avec le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil El-Araby.

On a été avare de précisions, mais ces plans cadrent avec un sommet qui s’est ouvert hier à Londres et qui est organisé par le ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, et le secrétaire d’Etat John Kerry. Ce sommet qui regroupe une vingtaine de pays, dont des Etats arabes, doit préparer la voie à une plus grande implication militaire des pouvoirs occidentaux en Irak, en Syrie, au Moyen-Orient en général et en Afrique du Nord.

Les discussions actuelles des ministres des Affaires étrangères soulignent le fait que les machinations des puissances impérialistes constituent le plus grave danger pour les peuples d’Europe et du monde.

La rencontre fut initialement convoquée pour discuter le conflit avec la Russie sur l’Ukraine suite à la décision de l’UE l’an dernier de s’associer à des sanctions américaines contre Moscou. Ces sanctions ont entraîné une stagnation économique accrue et une réelle déflation dans la zone euro. Ceci a soulevé des inquiétudes parmi les Etats de l’UE qui pensent qu’on sacrifie la compétitivité européenne aux intérêts géopolitiques américains.

Le 5 janvier, deux jours à peine avant l’attentat contre Charlie Hebdo, le président François Hollande avait réclamé un assouplissement des sanctions contre la Russie en échange d’une avancée dans la résolution de la crise ukrainienne. « Je pense que les sanctions économiques doivent s’arrêter, s’il y a des progrès, » a-t-il dit.

L’attitude de Hollande aurait été appuyée par l’Autriche, la Hongrie, l’Italie, Chypre, la Slovaquie et la République tchèque.

Dans un mémoire confidentiel divulgué à la presse, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires européennes, Federica Mogherini, a demandé aux ministres de tenir compte « de possibles éléments en vue d’un réengagement sélectif et progressif » avec Moscou. Une coopération avec la Russie était nécessaire, a-t-elle expliqué, en raison de préoccupations communes au sujet de l’expansion en Irak, Syrie, Libye et ailleurs de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EI).

Hollande avait souhaité voir des progrès lors de discussions prévues pour le 12 janvier à Berlin entre l’Ukraine, la Russie, la France et l’Allemagne – dans le cadre du format dit « Normandie ». Mais la réunion ne parvint pas à un accord; Moscou a affirmé que l’Ukraine avait rejeté ses propositions de cesser les combats entre troupes du gouvernement de Kiev et milices et forces pro-russes dans l’Est de l’Ukraine.

Le 14 janvier, le président ukrainien Petro Porochenko a, au lieu d’un cessez-le-feu, signé un décret autorisant une vague de nouvelles conscriptions pour ses opérations à l’Est. Les conscriptions qui s’effectueront en quatre étapes, devraient rassembler au total 50.000 hommes.

Cela fait partie d’une opération de grande envergure dans la région du Donbass, au centre de laquelle se trouve l’aéroport de Donetsk. Alors que Kiev accuse la Russie d’envoyer des troupes pour aider ses adversaires, ses bombardements à l’artillerie lourde ont tué au moins neuf civils ces derniers jours.

Les provocations de l’Ukraine ont servi à empêcher toute discussion sur des concessions à la Russie de la part de l’UE. Avant même que les ministres des Affaires étrangères ne se rencontrent, Mogherini fut accusée par la presse américaine et britannique d’adopter un ton « conciliant » à l’égard de Moscou.

Le Times de Londres a écrit que le mémo de Mogherini « s’appuyait sur l’hypothèse sortie d’un conte de fées que le dirigeant du Kremlin n’avait besoin que d’un peu d’encouragement de la part de l’Occident pour reconnaître ses erreurs. »

En alléguant que la Russie était « déterminée à démanteler l’Ukraine, » le journal insiste pour dire que les sanctions dureraient jusqu’à ce que Moscou cède à Kiev le contrôle de la Crimée et de Sébastopol où est basée la flotte russe de la mer Noire.

« Se montrer intransigeant sur les sanctions, saper l’économie russe et réduire ainsi le pouvoir de Moscou dans le monde est le seul moyen sûr de forcer M. Poutine à repenser ses actes irresponsables en Ukraine, » a-t-il commenté.

Une telle assertion représente le monde à l’envers. Ce furent les puissances occidentales, menées par les Etats-Unis et l’Allemagne, qui ont fomenté le coup d’Etat droitier de Kiev en février 2014. Le but était d’attirer plus solidement l’Ukraine dans l’orbite des Etats-Unis, de l’UE et de l’OTAN dans le cadre d’un encerclement géopolitique de la Russie. Le résultat en est une guerre civile sanglante dans laquelle près de 5.000 civils et combattants ont été tués, des villes et des villages détruits et 1,5 millions de personnes déplacées.

La Pologne et la Lituanie, qui jouent un rôle de premier plan dans le déploiement des forces de l’OTAN à la frontière russe, ont dénoncé toute altération de la politique de l’UE. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Grzegorz Schetyna, a dit que ceci était inacceptable « compte tenu de ce qui est en train de se passer actuellement à Donetsk et à Lugansk, une reprise des combats et de la guerre. »

La chancelière allemande Angela Merkel a également insisté pour dire qu’une levée des sanctions était impensable tant que Moscou ne se plierait pas entièrement aux exigences de l’UE.

Sur cette toile de fond, Mogherini fut contrainte de nier le fait que l’UE était trop « molle » avec la Russie. « Il n’y a pas de normalisation, pas de reprise du cours normal des choses, » a-t-elle souligné en maintenant ouverte la possibilité de sanctions plus dures.

Vladislav Seleznyov, porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, a annoncé qu’une délégation du commandement des forces américaines, conduite par le commandant des forces américaines en Europe, le lieutenant général [Frederick Ben] Hodges, arriverait cette semaine en Ukraine. Si les Etats-Unis ont fourni une aide militaire à l’Ukraine, c’est la première fois qu’une implication militaire américaine directe a été mentionnée.

Yuriy Chizhmar, de la Société d’aide à la défense, a confirmé la présence de l’OTAN sur le terrain. La société qualifiée par euphémisme d’« organisation sportive socio-patriotique », s’est vantée d’entraîner des « spécialistes » pour l’armée et les milices ukrainiennes – plusieurs parmi celles-ci sont ouvertement fascistes.

« Nous participons activement aux négociations afin d’attirer des spécialistes de l’OTAN venus des Etats-Unis, » a-t-il précisé lors d’une conférence de presse mentionnée par ITAR-Tass, de façon à « enseigner l’art de la guerre à des Ukrainiens mobilisés. »

L’OTAN dispose déjà de programmes d’entraînement militaire en Ukraine a-t-il dit. « Nous formons une centaine de personnes lors de nos cours hebdomadaires intensifs d’entraînement OTAN. Elles sont formées à l’usage de la mitraillette, du pistolet-mitrailleur, etc. »

Une délégation ukrainienne participe cette semaine aux réunions de la commission militaire de l’OTAN.

Le Danemark, la Lituanie, l’Estonie et la Grande-Bretagne ont également demandé à l’UE de financer une chaîne TV en langue russe comme outil de propagande anti-Poutine. Ces pays ont soumis un document, Communication stratégique de l’UE en réponse à la Propagande, et exigé que la « désinformation » russe sur l’Ukraine soit contrecarrée plus efficacement.

Julie Hyland

Article original, WSWS, paru le 22 janvier 2015



Articles Par : Julie Hyland

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