A Munich, une avant-première effrayante de l’apparition des robots tueurs

La Conférence sur la Sécurité de Munich qui se tient tous les ans, du 12 au 14 février est, généralement, un catalogue d’horreurs. Mais, cette fois, le débat le plus inquiétant n’a pas tourné autour du terrorisme de l’Etat islamique mais autour d’une nouvelle génération d’armes tels que les robots tueurs « killer robots » et les applications « intelligentes » dotées de logiciels malveillants qui seront déployées lors des guerres prochaines.

Derrière la discussion traditionnelle sur la politique en matière de défense et de politique étrangère, il y eut un thème, de dernière minute, portant sur « L’avenir de la guerre : la course contre les machines ». Le postulat était que nous étions à l’aube d’une ère de conflit où toutes les guerres seront, d’une manière ou d’une autre, des guerres cybernétiques et où les nouvelles armes associeront les progrès étonnants de l’informatique et même de la biologie.

Espen Barth Eide, ancien ministre des affaires étrangères de Norvège, a imaginé une arme qui combine GPS, technologie de la reconnaissance faciale, et intelligence artificielle, permettant ainsi de la programmer comme un tueur électronique. Kenneth Roth, chef de Human Rights Watch, a dénombré les avantages de ces robots tueurs pour les stratèges militaires : ils ne se fatiguent pas, ils n’ont pas peur et ils exercent leur capacité logique, sans pitié.

« Le génie sortira de la bouteille » avait prédit un ancien commandant de l’OTAN, l’amiral James G. Stravidis, qui dirige la Fletcher School of Law and Diplomacy à l’Université de Tufts. « La guerre a toujours été un processus d’invention et d’ajustement »a-t-il dit. Il y a un siècle, nombreux étaient ceux qui pensaient que les sous-marins étaient terrifiants et immoraux. Comparées avec les mines ou les bombes nucléaires, les conséquences des armes de haute technologie peuvent se montrer moins toxiques et plus précises.

Des participants au « Cyber dinner » organisé par le Atlantic Council ont évalué le monde qui s’ouvre et noté que, selon l’IoT – Internet of Things – , 30 milliards de puces seront embarquées dans des automobiles, ascenseurs, réfrigérateurs, thermostats et instruments médicaux. Ces systèmes envahissants et connectés bénéficieront de peu de sécurité et pourront donc être facilement piratés.

Certains experts ont pointé du doigt, avec inquiétude, la sécurité des données privées, oublions cela, mais la sécurité des données tout court. « Vous pouvez connaître mon groupe sanguin, mais ne jouez pas avec » a expliqué l’un d’entre eux ; Les pirates pourront ainsi altérer les données des marchés financiers, des hôpitaux et des réseaux électriques, paralysant l’activité économique et quotidienne.

L’interférence, rapide et sans cesse en évolution, de la technologie et de la sécurité a été l’un des thèmes d’un panel de discussion exceptionnel qui a réuni les chefs de services secrets des Etats-Unis, de la France, de la Grande Bretagne, des Pays Bas et de l’Union européenne qui, d’habitude, ne participent pas à de tels événements. L’Allemagne, pays connu pour sa méfiance des agences de renseignement, en faisait partie. Conduit par James Clapper, directeur national des renseignements US, le groupe y a fait son apparition pour plus de transparence sur les questions de renseignement dans la mesure où, avec la technologie, individus et adversaires ont davantage de pouvoir.

Clapper a ouvert le débat sur ce brave nouveau monde de l’armement avec le rapport qu’il a présenté, peu avant cette Conférence, au Congrès, sur son évaluation des menaces : la croissance explosive de l’EI, l’assaut de la Russie sur les rebelles syriens. Cependant, le plus surprenant a été le constat par Clapper, dans ce rapport, des nuisances innées de l’utilisation des applications de l’IoT. « A l’avenir, les services de renseignement pourraient se servir de l’IoT pour ses opérations d’identification, de surveillance, de contrôle, pour suivre les déplacements, cibler le recrutement ou pour obtenir un accès à des réseaux Internet ou aux codes des utilisateurs ». Si, a-t-il averti, de l’intelligence artificielle est introduite dans l’armement, celui-ci sera en mesure de produire « un ensemble de tactiques, perturbatrices et trompeuses, qu’il sera difficile d’anticiper ou de comprendre rapidement « .

Le rapport de Clapper a été vu par l’agence de presse iranienne comme une menace que les Etats-Unis recruteront l’industrie des réfrigérateurs comme agents du Grand Satan : « le chef de la communauté du renseignement mondial a reconnu pour la première fois que les agences de renseignement américaines pourraient se servir d’une nouvelle génération d’équipements domestiques pour accroître leurs capacités de surveillance » 

Il est vrai que sont inquiétantes les possibilités des Américains, des Chinois, des Russes de se servir de la nouvelle génération d’armes. Mais plus effrayant encore est la possibilité offerte aux groupes terroristes d’avoir accès à la haute technologie cybernétique. L’Etat islamique a déjà utilisé des armes chimiques au combat, a indiqué Clapper, et on sait que le groupe travaille à la fabrication de drones. Leur prochaine étape, prévoient les experts, est l’arme biologique.

« On peut voir le passé comme de bons vieux jours où notre seul souci était les armes nucléaires » dit Eide. Cela ressemble à une plaisanterie à moins de se pencher sur ce qui nous attend.

David Ignatius

 

 

Source et titre original (Washington Post): In Munich, a frightening preview of the rise of killer robots

Traduction et Synthèse : Xavière Jardez pour france-irak-actualite.com

Photo: Logo du Washington Post

 

David Ignatius collabore à de nombreux magazines et journaux américains. Il intervient régulièrement, comme éditorialiste, dans la Washington Post. Il est l’auteur de plusieurs romans d’espionnage.



Articles Par : David Ignatius

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