Afghanistan : des élections pour l’imposition de la «démocratie» ?

Des élections ont été tenues en Afghanistan le 20 août 2009 en vue de rétablir voire d’imposer la «démocratie» dans ce pays. Ces élections organisées et financées par les États-Unis et leurs alliés n’ont eu pour but que de renforcer le régime de Kaboul et lui permettre de poursuivre l’application des politiques définies par les membres de la Coalition pour ce pays. Une élection dans un pays occupé et en guerre n’a aucune valeur sur le plan des droits fondamentaux, car elle est organisée non par le peuple et pour le peuple, mais elle obéit aux velléités de conquête des puissances étrangères qui font régner la terreur dans ce pays depuis 2001. Elle permet de confirmer dans leurs fonctions ceux ou celles qui ont déjà été désignés par les conquérants pour les représenter.

Comment peux-on parler de processus démocratique dans un contexte où les libertés individuelles ont été complètement annihilées et quand l’insécurité n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Les médias occidentaux se sont empressés de qualifier le déroulement du scrutin comme un succès: « 26 Afghans tués en marge du scrutin» (Afghans tués en marge du scrutin). On mesure ainsi le succès de l’opération par le nombre de morts.

Ces élections n’ont rien à voir avec le concept de la démocratie

«La démocratie est une forme de régime par lequel le peuple, souverain, se gouverne lui-même» (http://agora.qc.ca ). Or, la nation afghane a complètement perdu le contrôle de sa propre gouvernance et partant de sa souveraineté. Kaboul est devenu la capitale des intérêts occidentaux en Asie centrale et le centre opérationnel de l’occupation armée de ce pays et éventuellement de toute la région.

Une participation anticipée très faible

Des estimations laissent croire que le taux de participation sera d’environ 50% (http://www.leparisien.fr/international/election-en-afghanistan-vote-sous-tres-haute-surveillance-20-08-2009-611668.php) et il est peu probable qu’il soit connu de façon définitive. L’on affirme déjà que même avec un taux très faible et des possibilités de fraudes massives le scrutin sera valide. Cela peut nous laisser croire, à la rigueur, que même avec la participation de quelques électeurs choisis et escortés par l’armée et les forces policières cette élection devrait être considérée comme ayant atteint son objectif. Nous aurons donc des représentants qui auront été élus par des électeurs qui se sont exécutés dans un contexte de peur et d’inquiétude avec la protection de 300.000 membres des forces afghanes et étrangères placées en alerte maximale (figure 1).

Figure 1. Les forces de sécurité fortement armées

 

Source: http://www.nato.int/docu/review/2009/0902/0902_PHOTOS/files/1004_pg.jpg

Un spectacle de marketing pour les pays occidentaux

Les membres de la Coalition ne manqueront pas de souligner que la libération de l’Afghanistan des extrémistes, des insurgés et des Talibans sera réalisée désormais par les Afghans eux-mêmes sous leur supervision alors qu’ils savent très bien que les pratiques ancestrales de guerre et de corruption vont continuer de régir les relations intérieures des différents groupes d’intérêts dans le pays et qu’ils n’auront pas le choix, sous la menace, de pactiser avec tous ceux qui ont développé des activités dans le pays. Les membres de la Coalition arboreront les fleurons qu’ils ont obtenus et ce sera pour eux une victoire dans ce bourbier dans lequel ils ne cessent de s’enfoncer.

Washington et les pays de la coalition vont désormais pouvoir se consacrer davantage aux travaux de reconstruction du pays qui s’avèrent une condition sine qua non à la prise de possession et à l’exploitation de cette région de l’Asie centrale laissant les problèmes causés par l’insécurité aux Afghans, ces derniers prenant ainsi en charge les basses oeuvres et les risques les plus élevés.

Quel spectacle déprimant! Combien plus déprimants encore sont les commentaires élaborés dans les medias occidentaux concernant la préparation et la tenue de ces élections! Combien d’efforts pour ne pas révéler aux yeux du grand public les faits et les enjeux réels entourant cet exercice que l’on serait tenté de qualifier de farce monumentale et d’insulte à l’intelligence! Heureusement, Jean-François Bélanger, journaliste de Radio-Canada dans ses reportages en provenance de Kaboul, a su apporter à quelques occasions, les nuances nécessaires à une meilleure compréhension des enjeux entourant cette élection et la valeur toute relative de ses résultats.

 

Références 

AFP. 2009. 26 Afghans tués en marge du scrutin. Le 20 août 2009. En ligne: http://www.cyberpresse.ca/international/moyen-orient/200908/20/01-894299-26-afghans-tues-en-marge-du-scrutin.php

AFP. 2009. Les Afghans ont bravé la menace talibane. Cyberpresse. Le 20 août 2009. En ligne: http://www.cyberpresse.ca/international/moyen-orient/200908/20/01-894180-les-afghans-ont-brave-la-menace-talibane.php

AFP. 2009. Des Afghans prêts à défier la mort pour voter. Cyberpresse. Le 19 août 2009. En ligne: http://www.cyberpresse.ca/international/moyen-orient/200908/19/01-894008-des-afghans-prets-a-defier-la-mort-pour-voter.php

Démocratie: http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Democratie

GRUDA, Agnès. 2009. Les talibans sont décidés à faire dérailler l’élection. Cypresse. Le 19 août 2009. En ligne: http://www.cyberpresse.ca/actualites/200908/19/01-893795-les-talibans-sont-decides-a-faire-derailler-lelection.php

LEPARISIEN.FR. 2009. Election en Afghanistan : vote sous très haute-surveillance. Leparisien.fr. Le 20 août 2009.

En ligne: http://www.leparisien.fr/international/election-en-afghanistan-vote-sous-tres-haute-surveillance-20-08-2009-611668.php

  
Jules Dufour, Ph.D., est président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, professeur émérite à l’Université du Québec à Chicoutimi,   membre du cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre chevalier de l’Ordre national du Québec.



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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