AFGHANISTAN: Triste sort pour quelque 1,5 million de veuves afghanes


Photo: Abdullah Shaheen/IRIN

Selon les estimations, plus de 1,5 million de veuves vivent en Afghanistan et près de 90 pour cent d’entre elles ne savent ni lire ni écrire

KABOUL, 31 janvier 2008 (IRIN) – Chaque jour, de sept heures à 18 heures, Zulaikha et ses enfants se faufilent entre les voitures coincées dans les embouteillages de la rue Shar el Naw de Kaboul, tapant aux vitres des véhicules pour mendier quelques pièces qui leur permettront de se chauffer et de se nourrir.

« Nous récoltons souvent 100 à 150 afghanis [deux à trois dollars américains] par jour », a-t-elle dit, ajoutant que cela suffisait à peine pour s’acheter du pain et du thé.

Zulaikha est veuve. Elle a perdu son mari, Jamaluddin, en 1999, au cours des combats qui ont opposé les Talibans, anciens maîtres du pays, aux forces de l’Alliance du Nord dans la banlieue nord de Kaboul. Elle a trois enfants, un garçon de 11 ans et deux filles de huit et neuf ans.

Depuis trois ans, elle vit dans la banlieue de Kaboul, dans une baraque pour laquelle elle paie un loyer mensuel de 15 dollars.

« Il n’y a personne pour nous aider », a déploré la veuve.

L’Afghanistan est l’un des pays du monde où l’on compte le plus grand nombre de veuves (proportionnellement au nombre total d’habitants), une situation qui s’explique par les conflits armés qui ont ravagé le pays pendant plus de deux décennies.

« L’âge moyen d’une veuve afghane est d’à peine 35 ans et 94 pour cent d‘entre elles ne savent ni lire ni écrire »

Sur les quelque 26,6 millions d’habitants que compte l’Afghanistan, il y a plus de 1,5 million de veuves, selon Beyond 9/11, une association américaine à but non-lucratif qui apporte un soutien financier direct aux veuves afghanes et à leurs enfants. Dans la seule ville de Kaboul, il y aurait entre 50 000 et 70 000 veuves, d’après l’association.

Le gouvernement afghan ne dispose pas de statistiques précises à ce sujet, mais selon certaines autorités, on en compterait même plus que 1,5 million.

Analphabétisme

« L’âge moyen d’une veuve afghane est d’à peine 35 ans et 94 pour cent d‘entre elles ne savent ni lire ni écrire », a confié à IRIN Deborah Zalesne, membre du comité directeur de Beyond 9/11 et professeur de droit à l’Université de la ville de New-York.

« Environ 90 pour cent des veuves afghanes ont des enfants et généralement elles en ont plus de quatre », a ajouté Mme Zalesne.


Photo: Mirwais Bezhan/IRIN

« L’âge moyen d’une veuve afghane est d’à peine 35 ans. Environ 90 pour cent des veuves afghanes ont des enfants et généralement elles en ont plus de quatre, selon l’ONG Beyond 9/11

Pour s’en sortir, bon nombre de veuves afghanes tissent des tapis, font de la couture, mendient ou se livrent même à la prostitution.

Dans les zones urbaines, où les femmes accèdent plus facilement à l’emploi et aux autres services que dans les zones rurales conservatrices, une veuve salariée gagne en moyenne près de 16 dollars par mois, selon les estimations des experts.

D’après le ministère de la Femme (MdF), le logement, la nourriture, le travail et la protection sociale font partie des principaux sujets de préoccupation des veuves.

Pendant l’hiver, lorsque le prix du carburant et de la nourriture augmente, les foyers gérés par des femmes deviennent particulièrement vulnérables.

Des troubles psychosociaux

« Les veuves sont également plus sujettes aux troubles émotionnels et psychosociaux que les femmes ou les hommes mariés, généralement en raison de problèmes liés à l’exclusion sociale, au mariage forcé, à la violence sexiste, et à l’absence d’opportunités économiques et de possibilités d’éducation », a souligné Mme Zalesne.

« Dans la société patriarcale afghane, la mort d’un époux réduit non seulement l’indépendance financière de sa femme, mais affecte aussi sa perception de la protection sociale », a expliqué Hussein Ali Moin, responsable au ministère de la Femme.

« Les veuves sont également plus sujettes aux troubles émotionnels et psychosociaux que les femmes ou les hommes mariés »

Le gouvernement et les bailleurs de fonds à la traîne

À l’instar de Soraya Subhrang, membre de la Commission afghane indépendante des droits humains, certains activistes des droits de la femme ont critiqué le gouvernement et les bailleurs de fonds internationaux, qui n’en font pas assez, selon eux, pour soulager les souffrances des veuves.

« Les femmes afghanes en général et les veuves en particulier n’ont pas voix au chapitre et sont aussi privées de toute représentation significative dans les institutions publiques », a déploré Mme Subhrang.

Un avis que semblent partager les fonctionnaires du ministère de la Femme, qui reconnaissent aussi que les veuves afghanes vivent souvent dans des conditions déplorables et que des efforts supplémentaires doivent être faits pour résoudre leurs problèmes.

La stratégie provisoire de développement national de l’Afghanistan (i-ANDS) a un objectif noble : réduire d’au moins 20 pour cent la pauvreté chez les femmes et s’assurer qu’elles représentent au moins 20 pour cent des effectifs de tous les organismes publics d’ici 2010. Mais à en croire les analystes, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer les conditions de vie des veuves comme Zulaikha.



Articles Par : IRIN

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