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Aux États-Unis, l’exécution de concitoyens est une « question politique » non assujettie à l’instance judiciaire
Par Dr. Paul Craig Roberts
Mondialisation.ca, 16 novembre 2010
16 novembre 2010
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Dix ans de gouvernance des régimes Bush et Obama ont assuré le repliement de l’État de droit aux États-Unis. Les médias couvrent-ils cette histoire extraordinaire et menaçante? Non, les médias s’occupent de l’État de droit en Birmanie (Myanmar).

Le régime militaire qui dirige la Birmanie vient de libérer de son assignation à résidence surveillée la chef de file pro-démocratique, Aung San Suu Kyi. Les médias ont sauté sur cette occasion pour monter l’affaire de l’absence de la primauté du droit au Myanmar. Je suis entièrement pour cette brave dame, mais connaissant la réalité, les États-Unis de la « liberté et de la démocratie » ont plus besoin de la primauté du droit que la Birmanie.

Je ne suis pas un expert de la Birmanie, mais d’après l’opposition que je constate au gouvernement militaire, il n’a pas à rendre de compte devant la loi. Ce régime se comporte plutôt comme il le juge bon et publie des décrets qui font avancer son ordre du jour. Il peut être reproché au gouvernement birman de ne pas avoir d’État de droit, mais il ne peut pas être critiqué d’avoir ignoré ses propres lois. Nous n’aimons pas ce que fait le gouvernement birman, mais, pour dire les choses avec précision, il n’agit pas illégalement.

En revanche, le gouvernement des États-Unis prétend gouverner par les lois, non par les hommes, mais quand le pouvoir exécutif viole les lois qui le gênent, les fautifs ne sont pas tenus pour responsables de leurs actes délictueux. Comme la nécessité de rendre compte de ses actions est l’essence même de la règle du droit, l’absence de responsabilité signifie l’absence de primauté du droit.

La liste des actes criminels des présidents Bush et Obama, du vice-président Cheney, de la CIA, de la NSA, de l’armée et des autres branches du gouvernement est longue et elle s’allonge. Par exemple, le président Bush et le vice-président Cheney ont violé les lois nationales et internationales contre la torture. Amnistie Internationale et l’American Civil Liberties Union (ACLU) ont réagi à l’aveu récent de Bush d’avoir autorisé la torture, en exigeant une enquête criminelle sur sa forfaiture.

Dans une lettre au secrétaire à la Justice (sic) Eric Holder, l’ACLU a rappelé au ministère de la Justice (sic) qu’« un pays attaché à la primauté du droit ne peut tout simplement pas ignorer la preuve que ses plus hauts dirigeants ont autorisé la torture. »

Rob Freer d’Amnistie internationale a déclaré que l’aveu de M. Bush « d’autoriser des actes constitutifs de torture en vertu du droit international » et qui constituent « un crime au regard du droit international, » met le gouvernement étasunien « dans l’obligation d’enquêter et de traduire en justice les responsables. »

L’ACLU et Amnistie Internationale ne veulent pas l’admettre, mais le gouvernement étasunien s’est défait de son engagement envers la primauté du droit il y a dix ans, quand les États-Unis ont lancé des agressions non dissimulées — des crimes de guerre en vertu de la norme de Nuremberg — contre l’Afghanistan et l’Irak sur la base de mensonges et de tromperies.

Le mépris du gouvernement étasunien envers la primauté du droit a fait un autre pas en avant quand le président Bush a violé la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) et quand la National Security Agency a court-circuité le tribunal de la FISA et a espionné ses concitoyens sans mandat. Le New York Times monte sur ses grands chevaux au sujet de la primauté du droit en Birmanie, mais quand un patriote lui révèle que Bush viole la loi, ses éditeurs ne s’occupent pas de la fuite pendant un an, pour que Bush ait le temps d’être réélu en toute sécurité.

Holder ne tentera évidemment pas de tenir Bush pour responsable du crime de torture. En effet, le secrétaire adjoint John Durham vient juste d’affranchir la CIA de sa responsabilité dans le forfait de destruction des bandes vidéo prouvant que des détenus ont été torturés illégalement par l’administration étasunienne, un crime selon la loi.

En février dernier, Cheney a déclaré à l’émission « Cette semaine sur ABC », « J’étais grand partisan du waterboarding [supplice de simulation de la noyade]. » La loi étasunienne a toujours considéré le waterboarding comme de la torture. Après la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement a exécuté des Japonais qui ont soumis des prisonniers de guerre étasuniens au waterboarding. Mais Cheney a de nouveau échappé à ses responsabilités. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’État de droit.

Le bureau du vice-président Cheney a aussi présidé à une forfaiture, au dévoilement d’un agent secret de la CIA. Pourtant, rien n’est arrivé à Cheney, et le sous-fifre qui a porté le chapeau a vu sa peine commuée par le président Bush.

Le président Obama s’est rendu complice des crimes de son prédécesseur en refusant de mettre la règle du droit en vigueur. Obama a en fait dépassé Bush par sa criminalité. Bush est le président de la torture extrajudiciaire, de la détention extrajudiciaire, de l’espionnage et des violations de la vie privée extrajudiciaires, mais Obama a coiffé Bush au poteau. Obama est le président de l’exécution [assassinat] extrajudiciaire.

Non seulement Obama viole la souveraineté d’un allié, le Pakistan, en envoyant des drones et des équipes des forces spéciales assassiner des civils pakistanais, mais en plus Obama a une liste de concitoyens qu’il a l’intention d’assassiner sans arrestation, présentation de preuves, procès ou condamnation.

Le changement le plus énorme apporté par Obama est dans son affirmation du droit de l’exécutif à assassiner n’importe qui à son gré, sans aucune interférence du droit national et international.

Depuis Joseph Staline et Hitler, le monde n’avait pas connu un gouvernement aussi criminel que celui d’Obama.

Le 8 novembre, le département de la Justice (sic) a dit à John Bates, juge fédéral de tribunal d’instance, que la résolution du président Obama d’assassiner des concitoyens est l’un des « pouvoirs au cœur même de la présidence. » Par-dessus le marché, le département de la Justice (sic) a déclaré que l’exécution de concitoyens est une « question politique » non assujettie à l’instance judiciaire.

En d’autres termes, l’existence des tribunaux fédéraux n’a qu’un seul but : jouer la comédie d’approuver les actions de l’exécutif.

En vérité, il y a plus de justice en Birmanie sous le régime militaire qu’aux États-Unis. Le régime militaire a assigné Aung San Suu Kyi à la résidence surveillée dans sa propre maison.

Le régime militaire ne l’a pas jetée dans une oubliette et ne l’a ni violée ni torturée sous couvert de fausses allégations, ni détenue indéfiniment sans inculpation. En outre, les « tyrans » militaires l’ont libérée soit en signe de bonne volonté, soit sous la pression des groupes internationaux des droits de l’homme, soit sous la contrainte des deux.

Si seulement une bonne volonté comparable existait dans le gouvernement des États-Unis ou si la pression des groupes internationaux des droits de l’homme avait autant de force ici qu’en Birmanie.

Mais hélas, aux États-Unis, les durs machos approuvent la fouille virtuelle de leurs femmes et filles dénudées avec des détecteurs à balayage corporel et le regroupement d’enfants de trois ans hurlant de terreur par les voyous de l’administration de la sécurité des transports.

Contrairement à la Birmanie, où Aung San Suu Kyi se bat pour les droits de l’homme, les moutons étatsuniens se soumettent à la violation totale de leur vie privée et à l’abolition complète de leurs libertés civiles pour nulle autre raison que leur état de mort cérébrale et parce qu’ils croient sans preuve être à la merci de « terroristes » de terres lointaines qui n’ont ni armée, ni marine, ni force aérienne et sont armés d’AK-47 et d’engins explosifs improvisés.

Terrée dans la crainte propagée par un ministère de la Vérité, la population ignorante de la « grande superpuissance des États-Unis » acquiesce à l’abolition complète de sa Constitution et de ses libertés civiles.

Un peuple mouton comme celui-là ne jouit d’aucun respect partout sur la face de la Terre.

Article original en anglais : American Hypocrisy: Destruction of the Constitution, Collapse of the Rule of Law, publié le 15 novembre 2010. 

Traduction par Pétrus Lombard. Révisée par Julie Lévesque.

Paul Craig Roberts a été secrétaire adjoint au Trésor durant le premier mandat du Président Reagan et rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal.

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