Bagdad: Nous ne pouvons plus compter les civils morts et blessés

«Nous n’allons sûrement pas nous laisser faire par ces salauds de GI, ho!»

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«Aujourd’hui, (le Dr) Harrie (Dewitte) et moi-même avons été les témoins directs des saloperies perpétrées par les prétendues « troupes de libération ». Ce matin, nous nous sommes rendus au Saddam Center for Plastic Surgery, afin de remettre les médicaments et le matériel chirurgical amenés de Belgique et afin de prendre des nouvelles du cameraman britannique blessé que j’avais soigné hier. De toute la journée, nous ne sommes plus sortis de l’hôpital. D’une part, nous étions bloqués, car l’hôpital se trouvait en pleine ligne de feu. Par ailleurs, on amenait tellement de blessés graves que nous en avions en permanence plein les bras. Nous avons certainement vu amener 35 à 40 blessés graves, ainsi qu’une demi-douzaine de morts, tous des civils. Mais ni les services de santé Irakiens ni nous-mêmes n’étions encore en mesure de les compter avec précision.»

«Les troupes américaines ont même criblé de balles l’ambulance de l’hôpital! J’ai vu cette ambulance s’amener, avec sa carrosserie toute bosselée et les vitres éclatées. Il m’a fallu un bout de temps avant de me rendre compte que c’était effectivement l’ambulance de « notre » hôpital qui, un peu plus tôt, venait d’emporter trois blessés. Les portes de la voiture avaient été coincées, le chauffeur était gravement blessé au volant, son assistant, à côté de lui, était également tout en sang. Un miracle que le chauffeur ait encore pu ramener le véhicule avec les trois blessés graves. Les patients étaient littéralement en train d’agoniser, l’un d’entre eux avait même ramassé une balle de plus dans la cage thoracique, je voyais le sang s’écouler de la plaie béante de son poumon »

«Il s’agissait certainement de balles américaines qui ont littéralement criblé l’ambulance. Après l’incident, j’ai décidé d’aller à la rencontre des Américains pour leur mettre le nez sur ce qu’ils avaient fait. Pour la seconde ambulance, je n’ai plus trouvé de chauffeur. Je me suis donc rendu dans leur direction avec une équipe de Reuters. A 300 mètres du char américain en question, je suis descendu, avec un drapeau blanc, les mains en l’air, et en criant «I am a medical doctor!» (Je suis médecin). Arrivé à proximité, j’ai gueulé à l’adresse des GI: «Vous savez ce que vous venez de faire? Vous avez mitraillé une ambulance!». Cette ambulance, d’ailleurs, était on ne peut plus reconnaissable, avec son grand drapeau orné du Croissant Rouge. Un soldat américain a répondu: «Cette ambulance aurait tout aussi bien pu être bourrée d’explosifs.» En réalité, il s’y trouvait trois blessés et deux ambulanciers, et les cinq sont gravement blessés, à l’heure qu’il est? Le mitraillage d’une ambulance, c’est la énième violation grave du droit humanitaire international que les troupes d’invasion américaines en Irak ont sûr la conscience.»

«A l’hôpital, c’était l’enfer. Nous ne disposions plus d’oxygène ni de matériel d’intubation. Les médecins étaient abattus, nombre d’entre eux pleuraient de voir comment leurs collègues ambulanciers avaient été mitraillés de sang-froid… Une demi-heure plus tard, un bus s’est présenté devant l’hôpital, criblé lui aussi de balles américaines. Plusieurs blessés, des cris, des bousculades, un vrai chaos? Quelques autos suivaient encore, parfois chargées de personnes en train d’agoniser, il y avait du sang partout, quel drame atroce ! Et c’est ça qu’ils osent appeler la « libération » de Bagdad !»

Le Medical Team de Médecine pour le Tiers Monde se trouve maintenant en sécurité à l’hôtel Sheraton. «Les ‘libérateurs’ (et c’est dit avec cynisme) passent justement», fait remarquer Geert durant l’entretien téléphonique. «Colette, en faisant semblant de rien, furtivement, donne un coup de pied à l’un, à l’autre une bourrade. Nous n’allons pas nous laisser faire par ces GI, ho ! hein?! Je me suis déjà baladé jusqu’à l’un de leurs chars, les mains profondément enfoncées dans les poches de ma blouse blanche de médecin, les poings serrés de colère. Aujourd’hui, nous avons vu de près, très concrètement et tout aussi crûment, à quel point cette prétendue « libération » s’est muée en grand bain de sang, avec des dizaines de victimes civiles.»



Articles Par : Bert De Belder

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