Blair doit être mis en accusation

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Ancien commandant des forces de l’ONU en Bosnie, le général Rose n’est pas vraiment un révolutionnaire ni même un anti-impérialiste. Mais ses critiques à Tony Blair touchent des points sensibles et révèlent les contradictions au sein de l’establishment.

Assez de ses excuses : Blair doit être mis en accusation au sujet de l’Irak
La seule manière pour que le parlement puisse regagner la confiance des électeurs mécontents est d’admettre que c’était une erreur de soutenir la guerre

Les guerres sont gagnées quand le peuple, le gouvernement et l’armée travaillent ensemble pour une cause commune en laquelle ils croient véritablement. Tandis que les citoyens peuvent à priori, douter du bien-fondé d’une intervention militaire, les politiciens en seront souvent les défenseurs les plus ardents – aveuglés par les impératifs de leurs idées politiques. Les chefs militaires seront immanquablement les plus prudents à faire usage de la force, comprenant mieux que quiconque, les conséquences de s’engager dans la guerre.

Quoique dans une vraie démocratie ils doivent rester subordonnés à leurs chefs politiques, ils ont une responsabilité certaine de dénoncer les stratégies politiques défectueuses ou manquant d’ingéniosité. Etant donné qu’ils pourraient demander aux soldats le sacrifice de leurs vies, ils doivent être assurés qu’une guerre est juste, légale et qu’elle soit un dernier recours disponible. Pourtant il y a trois ans, ce pays a été mené dans la guerre en Irak par le Premier Ministre alors que peu, s’il en fût, de ces conditions furent réunies.

D’une manière primordiale, une justification claire de la guerre en Irak n’a jamais été suffisamment établie par Tony Blair – l’information qu’il présentait était toujours inégale et contradictoire et par conséquent embarrassante. Pire, sa déclaration sans équivoque à la Chambre des Communes, que Saddam Hussein possédaient des armes de destruction massive qui pouvaient être utilisées dans un délai de 45 minutes, a été faite sans être correctement validée – il fut décidé à Washington et à Londres de lancer l’invasion de l’Irak hâtivement, sur base de la fragile évidence disponible. Cela fut fait sans demander aux inspecteurs des armes nucléaires de l’ONU se trouvant sur le terrain en Irak, d’étudier cette allégation. Finalement, comme les inspecteurs le suspectaient et comme nous le savons tous maintenant, il s’est avéré que de telles armes n’existaient pas. La Grande-Bretagne avait été menée dans la guerre sous de faux prétextes. Ce fut une guerre qui infligea au peuple irakien d’incalculables souffrances et provoqua de graves dommages sur les perspectives occidentales dans la lutte élargie contre le terrorisme.

Néanmoins, le premier ministre cherche aujourd’hui à persuader le monde, que la guerre était justifiable parce que Saddam Hussein a été renversé et qu’il existe maintenant un mince espoir de démocratie en Irak. Les élections irakiennes sont un honorable accomplissement des forces de la coalition. Mais il faut rappeler qu’une élection générale avait été tenue précédemment en Irak en 1956, et qu’en deux ans le pays était tombé sous l’autorité militaire. Sans une sécurité adéquate et des institutions démocratiques nécessaires mises en place, il n’y a absolument aucune garantie à long terme que la démocratie durera.

Avant l’invasion, le changement de régime n’a jamais été cité comme raison à la guerre. En effet, M. Blair a insisté sur le fait que le changement de régime n’était, ni n’ aurait jamais pu être, une raison à la guerre. Eût, telle justification, été entièrement discutée au Parlement, il est excessivement peu probable que l’appui politique nécessaire aurait suivi. C’était la nécessité apparente de se défendre contre une grande menace – si vivement décrite par M. Blair à la Chambre des Communes, qui remporta finalement l’argument politique.

Pendant le développement de la guerre et depuis celle-ci, la majeure partie de l’électorat de ce pays s’est uniformément opposé à la décision d’invasion. Les gens ont vu leurs choix politiques ignorés pour des raisons prouvées aujourd’hui comme étant fallacieuses. Mais il n’y eu au Parlement aucune tentative d’ interpellation personnelle de M. Blair lui-même afin qu’il s’explique sur ce qui s’est révélé être une gaffe d’importance stratégique énorme.
Il n’est donc pas surprenant que beaucoup d’électeurs de ce pays aient tourné les dos à un système démocratique qu’ils estiment très peu crédible et tellement insensible.

Une manière évidente de rengager ces électeurs mécontents serait que le parlement accepte avoir commis l’erreur de soutenir la guerre – mais uniquement pour avoir cru M.Blair. Il est évident aujourd’hui que le parlement a été trompé par M. Blair, consciemment ou inconsciemment, le parlement devrait également l’inviter à s’expliquer sur les raisons de son engagement dans la guerre. Ce n’est pas une excuse suffisante pour Blair que de prétendre qu’il a agi de bonne foi et que ses décisions ont été basées sur l’information qui lui a été donnée. La responsabilité évidente d’examiner l’information incombe aux personnes siégeant à sa position. Aucune information ne peut être considérée à sa valeur nominale, sous peine négligence.

Le Parlement devrait donc vérifier jusqu’à quel point le premier ministre a évalué l’information concernant le WMD ainsi que la fiabilité de ses nombreuses sources. Il devrait etre questionné sur l’existence d’une évidence de corroboration dans sa déclaration spécifique au sujet de WMD – et pourquoi les inspecteurs de l’ONU en Irak n’ont pas été sollicités davantage pour examiner la validité de cette déclaration. Le Parlement devrait aussi s’enquérir des motifs du peu de cas que Blair a fait des masses d’information émanant du Congrès National Irakien – une institution qui avait un droit acquis en écartant Saddam du pouvoir. La liste de questions éventuelles, non exhaustive, devrait sans aucun doute s’allonger utilement au cours de toutes les auditions.

M. Blair est un avocat habile qui apprécierait l’opportunité de se tenir à l’écart. Personne ne peut changer la décision d’engager une guerre. Mais la mise en accusation de M. Blair est un fait qui, je crois, doit se produire si nous voulons ranimer l’intérêt pour le processus démocratique.

Le Général Michael Rose était adjudant-général de l’armée britannique et Commandant de la force de protection de l’ONU en Bosnie.



Articles Par : Général Michael Rose

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