Bombardement de la Syrie : La guerre d’après

Bombarderont, bombarderont pas ? – Ils bombarderont tôt ou tard, bien que l’opinion publique occidentale soit contre. Ils bombarderont parce qu’Israël, le lobby militaro-industriel et les régimes arabes qui lui sont inféodés le veulent, parce qu’il faut renverser un régime qui leur a rendu bien des services pendant les guerres du Golfe ou comme sous-traitant de la CIA pour ses interrogatoires musclés, mais qui ne cadre plus – comme hier ceux de Moubarak et de Kadhafi – avec leur plan de redécoupage et de « rééquilibrage » du monde arabe.

Le protocole secret

L’utilisation de gaz de combat est un prétexte parmi d’autres pour diaboliser Bachar al-Assad et tirer, pour commencer, quelques missiles de croisière. Obama, Cameron, Hollande et consorts se moquent de savoir qui a vraiment gazé des habitants dans la banlieue de Damas, et pourquoi. Il est vrai que par rapport à l’enjeu du conflit, les dizaines de milliers de morts depuis deux ans et demi – majoritairement musulmans– comptent peu. En avalisant les 13 points du Protocole de Doha de novembre 2012 – secret, comme l’étaient les Accords Sykes-Picot de 1916 – l’opposition syrienne pro-occidentale s’est engagée, notamment, à« geler » les relations économiques et militaires de Damas avec Moscou, Pékin et Téhéran ; à ne faire valoir les droits de la Syrie sur le plateau Golan que par des moyens uniquement politiques – autant dire à ne jamais les recouvrer – ; à rompre ses relations avec le Hezbollah libanais et la résistance palestinienne ; à autoriser le passage d’un oléoduc alimentant Israël en eau du barrage Atatürk et celui d’un gazoduc qatari à destination de la Turquie et de l’Europe (1). Les Occidentaux auraient pu aller jusqu’à demander à l’opposition syrienne de reconnaître Israël, mais c’eut été la diviser encore plus. En cas de renversement du régime – ce qui ne semble pas être pour demain – rien ne dit que ces exigences seraient respectées. Pour l’instant, Bachar al-Assad, dont la chute semble à terme inéluctable – parce que programmée, quelle qu’en soit le coût humain – s’en sort plutôt bien. La guerre civile l’a renforcé dans son parti, au sein de sa secte religieuse et aux yeux de cercles nationalistes arabes en mal de leader. Pour quelqu’un qui n’a pas brillé par sa gouvernance de la Syrie les dix années qui ont précédé le déclenchement de la guerre civile, cela tient du miracle.

Poker menteur

On peut se demander, si les bombardements « ciblés » annoncés ne préparent pas plutôt « la guerre d’après », contre les moudjahidine duFront al-Nosra ou de L’Etat islamique en Irak et au Levant. Les états-majors de la coalition anti-Assad tiennent surtout à détruire des dépôts d’armes de destruction massive dont les islamistes pourraient s’emparer. Parallèlement, les services secrets – et le Mossad – s’emploient à réduire l’influence des brigades salafistes en finançant la création de Sahwa, des milices syriennes sunnites recrutées parmi les rebelles de l’ALS (Armée Syrienne Libre) et dans les tribus bédouines, comme l’a fait la CIA en Irak.

Dans la région d’Al-Anbar, l’opération s’était déroulée avec un certain succès, réduisant le nombre des GI tués ou blessés. Ce qui n’était pas prévu, c’est qu’Al-Qaïda supplante les organisations islamiques de résistance et étende son emprise partout dans le pays. Le régime Maliki –qui soutient par ailleurs Bachar al-Assad – demande maintenant au Pentagone d’installer des bases de drones-tueurs pour détruire les camps d’entrainement salafistes jouxtant la frontière syrienne. On a l’impression d’assister au Proche-Orient, en live, à une partie de poker menteur. Qui peut dire de quoi demain sera fait ?

 Gilles Munier

(1)Syrie-opposition : « Protocole de Doha » : Fin de l’Etat syrien, par Nouredine Merdaci

http://www.afrique-asie.fr/menu/actualite/4388-syrie-opposition-protocole-de-doha-fin-de-l-etat-syrien.html



Articles Par : Gilles Munier

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