Celui qui a perdu le Pakistan par les urnes ne peut pas gagner le Venezuela par un assassinat

Décrire le comportement de l’Administration étasunienne pourrait se résumer à parler d’un état de « nervosité confuse » encore plus remarquable que l’humeur fluctuante, l’inconséquence ou la confusion qui caractériseraient le comportement de Donald Trump, lequel finit même par paraître comme « le plus équilibré » des décideurs  politiques au sein de l’équipe dirigeante actuelle à Washington.

En effet, lors de sa campagne électorale, il avait sonné le glas des États-Unis d’Amérique en tant que superpuissance et gendarme du monde, pour appeler à la reconstruction des États-Unis délabrés, selon sa propre description, et à la résurrection de la « Grande Amérique » telle qu’il la concevait. Mais il a vite reculé sous la pression des institutions militaires et sécuritaires.

Ainsi, il a été empêché de conclure l’entente globale avec Moscou, pour laquelle il avait plaidé, et même lorsqu’il s’est rendu à Helsinki avec l’idée de modifier les équilibres internationaux après plusieurs tentatives infructueuses, il a eu à subir toutes sortes d’attaques suspicieuses ayant mené au gel des effets de sa rencontre avec le président Vladimir Poutine.

Et globalement, Washington n’aura réussi aucune percée sérieuse dans aucun des grands dossiers du moment :

  • Contrairement à ce qu’avait laissé entendre Donald Trump, le dossier des armes nucléaires en Corée du Nord n’est pas réglé, de l’aveu même de Mike Pompeo, son ministre des Affaires étrangères chargé de le négocier.
  • La confrontation avec l’Iran fait que Donald Trump a perdu sa boussole étant donné que l’escalade et les sanctions de plus en plus sévères mèneront nécessairement à une guerre des détroits, des voies de navigation et des pétroliers, comme il a été clairement dit ces derniers jours ; laquelle guerre enflammera le marché pétro-gazier et entraînera le monde dans l’inconnu avec des perturbations sociales et sécuritaires qui n’épargneront pas les grandes puissances.
  • Concernant la Palestine, le « deal du siècle » peine à naître. Une césarienne est impossible en l’absence d’un partenaire palestinien, lequel serait condamné à mort par le peuple palestinien et sa résistance, tandis que les tentatives de réanimation se heurtent à l’incapacité des arabes partenaires de Washington et de Tel-Aviv à déclarer ouvertement leur adhésion à un tel compromis qui abandonnerait Jérusalem à Israël, le droit au retour des Palestiniens, et restreindrait l’État palestinien au seul territoire de Gaza.
  • Les dossiers syrien, irakien, libanais et yéménite enregistrent des échecs cumulés pour les États-Unis et, en dépit des difficultés, l’axe de la Résistance tient les cartes du jeu ; le dernier échec ayant été enregistré au Sommet d’Helsinki où est clairement apparu le degré d’attachement de la Russie à sa relation avec l’Iran. Autrement dit, Étasuniens et Israéliens ont perdu leurs paris, tandis que les deux plus importants alliés régionaux de Washington sont confrontés à deux défis non enviables : Israël face à Gaza, l’Arabie saoudite face au Yémen.

Ce climat d’échec engendre ses propres effets dans les zones tendues et politiquement hésitantes. Il les pousse à virer dans le sens des courants contraires à Washington, tandis que les courants déjà opposés à Washington passent de la défense à l’attaque. C’est ce qu’a démontré le Pakistan devant les résultats de tous les conflits menés par Washington dans la région :

  • Les élections ont été gagnées par celui qui a refusé l’invitation saoudo-américaine à participer à la guerre contre le Yémen, non celui qui a milité pour cette participation.
  • Les élections ont été gagnées par celui qui a appelé très tôt à une coopération régionale pakistano-sino-russo-iranienne, non celui qui a tenu à suivre servilement les chemins tracés par Washington.

Et c’est parce que le Pakistan est l’un des États musulmans les plus importants, et un État nucléaire, que sa perte est un coup supplémentaire porté à l’Administration étasunienne déjà frappée par des coups successifs jusqu’à en perdre l’équilibre.

Quant à la tentative d’assassinat du président du Venezuela, nul besoin des empreintes des criminels pour pointer des doigts accusateurs sur Washington, en notant au passage que si les Étasuniens avaient pu espérer gagner le Venezuela par la voie des urnes, ils n’auraient pas eu recours à l’assassinat ; les assassinats politiques et présidentiels étant une technique étasunienne bien connue et largement documentée.

Or, le succès comme l’échec de cette tentative ouvriront la porte à un affrontement majeur en Amérique latine. Ceux qui écarteraient la possibilité d’un début de basculement des dominos là où des gouvernements sont impliqués dans cette tentative, pour le compte du protecteur étasunien, seraient dans l’erreur.

Ce qui nous amène à ce que la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, a déclaré en décrivant l’effondrement de l’Empire soviétique : « Lorsque les grands empires accumulent les raisons de leur chute, ils ne vous préviennent pas qu’ils vont tomber, ils tombent sans prévenir, comme les tremblements de terre et les inondations ! ». C’est le cas des États-Unis, aujourd’hui.

Nasser Kandil

06/08/2018

 

 

Source : Les points sur les « i » / Top News Nasser kandil

http://topnews-nasserkandil.com/final/Full_Article.php?id=8733

Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

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Articles Par : Nasser Kandil

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