Dépossession et exploitation : la politique d’Israël dans la Vallée du Jourdain et le nord de la Mer Morte

Vallée du Jourdain

La Vallée du Jourdain et le secteur situé au nord de la Mer Morte renferment les plus grandes réserves de terre en Cisjordanie. La zone couvre 1,6 millions de dunams (1600km²), ce qui constitue 28,8% de la Cisjordanie. 65.000 Palestiniens y vivent, dans 29 communautés, et environ 15.000 autres résident dans des dizaines de petites communautés bédouines. Quelques 9.400 colons vivent dans 37 colonies (dont 7 avant-postes) dans la région, où Israël a instauré un régime d’exploitation massive des ressources, encore plus intensif que partout ailleurs en Cisjordanie, qui révèle son intention : l’annexion de facto de la Vallée du Jourdain et du nord de la Mer Morte à l’État d’Israël.

Dépossession et exploitation : la politique d'Israël dans la Vallée du Jourdain et le nord de la Mer Morte

PRENDRE LE CONTROLE DE LA TERRE

 


Serres coloniales près de ‘Ein al-Bida. Photo : Eyal Hareuveni, B’Tselem, 23.03.2011

Israël a utilisé différents moyens pour prendre le contrôle de la plupart des terres de la région, à savoir :
– des milliers de km² ont été pris aux réfugiés palestiniens et utilisés pour y construire les premières colonies, à partir de 1968 et tout au long des années 1970, ceci en violation d’une ordonnance militaire ;
– par des manipulations juridiques, Israël a élargi l’inventaire des « terres d’État » dans la région, de telle sorte que 53,4% de la zone, quatre fois plus qu’avant 1967, sont maintenant considérées comme appartenant à l’État ;
Israël a déclaré que 45,7% de la zone étaient des zones militaires de tirs, bien qu’elles soient situées près des principales artères de circulation, à côté des zones coloniales bâties et des terres arables, ou qu’elles comprennent des zones coloniales cultivées ;
Israël a fermé environ 20% des terres en les déclarant « réserves naturelles », bien que seule une petite partie ait été développée dans ce sens et soit accessible aux visiteurs. 2/3 de ces zones de réserves naturelles sont aussi des zones militaires de tirs ;
Israël a confisqué les terres du nord de la Vallée du Jourdain pour la barrière de séparation et a installé 64 champs de mines près de la route de la Vallée du Jourdain. L’armée elle-même admet que les champs de mines ne sont plus nécessaires aux fins sécuritaires.

Israël a pris ainsi le contrôle de 77,5% de la terre et a empêché les Palestiniens d’y construire ou de l’exploiter ou d’y rester. 12% du secteur ont été alloués aux colonies, dont toute la rive nord de la Mer Morte. La politique d’Israël a découpé la sphère spatiale palestinienne et isolé les communautés palestiniens dans la région. Au cours des deux dernières années, l’Administration civile a systématiquement détruit les structures dans les communautés bédouines du secteur, bien que certaines d’entre elles aient été bâties avant 1967.

PRENDRE LE CONTROLE DES SOURCES

 


La source ‘Ein Uja tarie. Photo : Eyal Hareuveni, B’Tselem, 23.03.2011

Israël a pris le contrôle de la plupart des sources dans la région et les a presque entièrement dérivées au profit des colonies. La plupart des forages israéliens en Cisjordanie – 28 sur 42 – sont situés dans la Vallée du Jourdain. Ces forages fournissent à Israël environ 32 millions de m3 par an, dont l’essentiel est affecté aux colonies. L’affectation annuelle en eau pour les 9.400 colons de la région provenant des forages, du Jourdain, du retraitement des eaux usées et des réservoirs d’eau artificiels est de 45 millions de m3. La quantité d’eau allouée aux colonies leur a permis de développer une agriculture intensive et de cultiver toute l’année des produits essentiellement destinés à l’exportation. Les quotas en eau alloués aux colonies représentent presque 1/3 de la quantité d’eau attribuée aux 2,5 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie .

Le contrôle d’Israël sur la ressource en eau dans la région a provoqué l’assèchement de certains puits palestiniens et a conduit à une chute de la quantité d’eau qui peut être produite par d’autres puits et par les sources. En comparaison, en 2008, les Palestiniens pompaient 31 millions de m3, soit 44% de moins que ce qu’ils produisaient dans la région avant l’Accord israélo-palestinien intérimaire de 1995. En raison de la pénurie d’eau, les Palestiniens ont été contraints de négliger leurs terres agricoles et de se tourner vers des cultures moins rentables. Dans le gouvernorat de Jéricho, la superficie de terres utilisées pour l’agriculture est la plus faible de tous les gouvernorats palestiniens de Cisjordanie – 4,7% comparés à une moyenne de 25% dans les autres gouvernorats.

Le contrôle d’Israël sur la presque totalité de la terre empêche aussi la distribution égale des ressources en eau aux communautés palestiniennes du secteur ; il empêche aussi la circulation de l’eau vers les communautés palestiniens en dehors du secteur. La consommation en eau dans les communautés bédouines équivaut à la quantité que les Nations-Unies ont fixé comme étant la quantité minimale nécessaire à la survie dans les zones de catastrophes humanitaires.

RESTRICTIONS DE CIRCULATION

 


Checkpoint Tayasir. Photo : Keren Manor, 26.12.2010, Activestills.org.

Dans le cadre de l’assouplissement des restrictions de circulation en Cisjordanie réalisé en 2009, Israël n’a pas éliminé les restrictions de circulation dans la Vallée du Jourdain, en dépit du calme sécuritaire dans la région. Israël maintient 4 checkpoints dans la Vallée du Jourdain – Tayasir, Hamra, Ma’ale Efrayim, et Yitav, que seuls les véhicules palestiniens qu’Israël reconnaît comme appartenant à des résidents de la région sont autorisés à traverser.
Les restrictions de circulation nuisent gravement à la vie palestinienne puisque la plupart des établissements scolaires et des cliniques supposés servir les résidents locaux sont situés en dehors de la zone.

RESTRICTIONS A LA CONSTRUCTION

 


Structures démolies par l’Administration civile à Al-Farsiya. Photo : Atef Abu a-Rub, B’Tselem, 19.07.2010

La politique de planification d’Israël dans la Vallée du Jourdain rend impossibles la construction et le développement de leurs communautés. L’administration civile n’a préparé des projets que pour une fraction minuscule des communautés palestiniennes. En outre, ces plans ne sont rien de plus que des plans de démarcation qui ne prévoient pas d’attribution de terres pour de nouvelles constructions ou le développement de l’existant. Par exemple, le plan pour Al-Jiftlik, la communauté la plus importante de la Zone C (zone sous contrôle israélien total), laisse 40% de la zone constructible du village en dehors de ses limites ; de ce fait, les maisons de nombreuses familles sont menacées de démolition. La superficie des terres du plan d’Al-Jiftlik est plus petite que celle du plan de la colonie Maskiyyot, bien qu’Al-Jiftlik ait 26 fois plus d’habitants.

PRENDRE LE CONTROLE DES SITES TOURISTIQUES

 


Plage israélienne Bianqini, au nord de la Mer Morte. Photo : Keren Manor, 13.03.2011, Activestills.org

Israël a pris le contrôle de la plupart des sites touristiques de premier plan de la région – la rive nord de la Mer Morte, Wadi Qelt, les grottes de Qumran, les sources de la réserve ‘Ein Fashkha et le site Qasr Alyahud (où Jean a baptisé Jésus). Des organismes israéliens administrent ces sites. Israël limite également l’accès touristique à Jéricho en canalisant les touristes vers l’entrée sud de la ville. En conséquence, peu des touristes qui visitent Jéricho y passent une nuit, ce qui entraîne de lourdes pertes pour l’industrie touristique dans la ville.

EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES

 


Salle de production, usine AHAVA. Photo : Keren Manor, 13.3.2011, Activestills.org

Israël permet aux entrepreneurs en Israël d’exploiter les ressources de la région. La société de cosmétiques Ahava, dans le kibboutz Mizpe Shalem, fabrique des produits à partir de la boue à haute teneur en minéraux du nord de la Mer Morte. Une carrière israélienne, près de la colonie Kokhav Hashahar, produit des matériaux de construction. Israël a également installé, dans la Vallée du Jourdain, des usines de traitement des eaux usées et d’enfouissement des déchets en provenance d’Israël et des colonies.

Le droit international interdit l’établissement de colonies en territoire occupé et l’exploitation des ressources du territoire occupé. B’Tselem appelle Israël à évacuer les colonies afin de garantir l’accès des Palestiniens à toutes les terres qui leur ont été fermées, et de leur permettre d’utiliser leurs sources d’eau pour leurs besoins. De plus, Israël doit lever toutes les restrictions de circulation dans la région et permettre la construction et le développement des communautés palestiniennes. Israël doit également fermer les entreprises qui tirent profit des minéraux et autres ressources naturelles dans le secteur, et il doit aussi fermer les usines d’élimination des déchets israéliens.

Rapport complet : « Dispossession and Exploitation – Israël‘s policy in the Jordan Valley & northern Dead Sea« , May 2011, B’Tselem, 80p., disponible ici au format PDF.

Source : B’Tselem

Traduction : MR pour ISM



Articles Par : B'Tselem

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