Des dizaines d’incidents ont failli provoquer la guerre entre l’OTAN et la Russie cette année

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Selon un rapport publié lundi par l’institut European Leadership Network (Réseau de Direction Européenne, ELN) à Londres, au moins 40 incidents ont failli provoquer des accrochages militaires entre la Russie et les forces de l’OTAN envoyées en Europe de l’est depuis le putsch de février à Kiev, soutenu par l’OTAN.

Selon l’ELN, depuis mars 2014 les relations entre la Russie et l’Otan sont caractérisées par « la méfiance, la crainte, et des délais de temps réduits pour prendre des décisions dans une confrontation volatile entre un Etat doté d’armes nucléaires et une alliance dotée d’armes nucléaires ». Le rapport ajoute que « Perpétuer cette réalité dans les circonstances décrites dans ce rapport est pour le moins risqué. Au pire, cela pourrait conduire à la catastrophe ».

L’ELN est composé de hauts responsables de la sécurité de plusieurs pays impérialistes européens. Siègent à son comité directeur le dirigeant de la Conférence de Sécurité de Munich Wolfgang Ischinger, l’ancien secrétaire général de l’OTAN Javier Solana, les anciens secrétaires à la Défense Des Brown et Malcolm Rifkind (Grande-Bretagne), Volker Ruehe (Allemagne) et Alain Richard (France), et l’ancien Commissaire de l’ONU sur l’Irak Rolf Ekeus. L’ELN choisit donc avec soin les incidents qu’il rapporte pour dépeindre faussement la Russie comme agresseur de l’OTAN.

Néanmoins, les incidents qu’il rapporte indiquent clairement les dangers immenses pour la survie de l’humanité posés par l’escalade irresponsable de l’OTAN en Europe de l’est, après le changement de régime qu’elle a imposé en Ukraine.

Les armées du monde entier sont en état d’alerte, les avions de l’OTAN patrouillent au-dessus des républiques baltes, de la Pologne et d’autres Etats européens à quinze minutes de vol de grandes villes russes. Des malentendus entre les forces russes et les troupes, avions de chasse et navires de l’OTAN qui déferlent sur la région – ou en Amérique du nord ou dans le Pacifique où le rapport fait état d’autres incidents – pourraient rapidement provoquer une escalade nucléaire à travers le monde.

Un incident « à haut risque » s’est produit le 5 septembre, deux jours après qu’Obama a visité l’Estonie et y a juré que ce pays aurait le « soutien éternel » de Washington contre la Russie. « Le 5 septembre 2014, un membre des services de sécurité estoniens, Eston Kohver, fut kidnappé par des agents russes d’un poste de frontière estonien. Emmené à Moscou, il fut accusé d’espionnage », écrit l’ELN. « S’il y avait eu des morts, il aurait pu y avoir une escalade dangereuse et incontrôlée ».

Comme la plupart des incidents cités par l’ELN, cet événement démontre que le principal risque de guerre provient de la politique agressive de l’OTAN. L’Estonie est un petit pays de 1,3 millions d’habitants, sans armes nucléaires et proche de St Pétersbourg. Elle utiliserait des voies diplomatiques pour résoudre une affaire pareille et éviterait une escalade militaire inégale contre la Russie, si elle n’était pas encouragée par des assurances fermes de soutien militaire contre la Russie par l’OTAN et par Washington.

Un autre incident « à haut risque » fut la campagne belliqueuse mais infructueuse lancée par la Suède le mois dernier pour trouver un sous-marin russe dans les eaux territoriales suédoises. « Le Commandant Suprême Général Sverker Goranson a souligné que la Suède utiliserait ‘la force armée’ pour faire monter le vaisseau à la surface », écrit l’ELN. « Si les autorités suédoises avaient trouvé le sous-marin et utilisé la force, ceci aurait pu provoquer des victimes et des représailles russes ».

Le dernier incident « à haut risque » était la collision évitée de justesse entre un avion de passagers SAS et un avion de surveillance russe qui ne transmettait pas sa position aux autorités civiles. Selon l’ELN, l’OTAN aurait réagi à une collision mortelle en classifiant « tout activité aérienne non identifiée ou aveugle comme une menace mortelle potentielle nécessitant une interdiction préventive par la force ».

Ainsi, l’OTAN aurait pris la décision incendiaire de rechercher et de détruire tout objet volant non identifié au-dessus de l’Europe, risquant rapidement une guerre avec la Russie.

Les conflits et le danger d’une guerre nucléaire soulignent les dangers catastrophiques soulevés par la crise du capitalisme mondial. Un quart de siècle après la chute du mur de Berlin, suivi par la dissolution de l’URSS par la bureaucratie stalinienne et la restauration du capitalisme, les puissances impérialistes exploitent les divisions ethniques de l’ex-URSS pour encercler et diviser la Russie. Elles préparent ainsi une nouvelle guerre mondiale.

Le principal danger que confronte la classe ouvrière est la politique agressive de l’OTAN, dirigée par Washington et Berlin. Ils ont soutenu un putsch à Kiev dirigé par la milice fasciste ukrainienne, le Secteur droit. Ils ont ensuite utilisé la guerre civile qui s’est déclenchée entre le nouveau régime à Kiev et les zones ethniquement russes de l’est ukrainien pour dénoncer la Russie et envoyer des forces en Pologne, dans les républiques baltes, dans la mer Noire et en Ukraine.

Dans les pays de l’OTAN, les médias ont justifié cette offensive en prétendant que l’alliance militaire dirigée par Washington intervenait pour défendre la liberté. Par contre, on dissimula soigneusement le risque d’une guerre nucléaire aux travailleurs en Amérique et en Europe.

Le fait de reconnaître le rôle central de l’agression de l’OTAN en Ukraine n’implique aucun soutien pour les aventures militaires que le Kremlin pourrait lancer pour tenter de rétablir ses relations avec l’impérialisme. Représentant une couche d’oligarques milliardaires qui se sont enrichis en pillant la propriété publique en URSS, le régime du président russe Vladimir Poutine est incapable de faire appel aux sentiments anti-guerre largement partagés par les travailleurs de toute la planète.

Le nationalisme russe qu’il véhicule est réactionnaire, aidant les puissances impérialistes à attiser les divisions entre les travailleurs russes et ukrainiens et à l’intérieur du prolétariat mondial en général.

Il est remarquable que le rapport de l’ELN ne dise rien sur les armes nucléaires dans les incidents qu’il cite. Cependant, et l’OTAN et la Russie préparent leurs forces nucléaires à la guerre.

Washington n’a jamais fait de garantie de « no-first-use », c’est-à-dire de ne pas être la première puissance à utiliser des armes nucléaires lors d’une guerre. Quant à l’armée russe, elle pousse le Kremlin à définir les conditions sous lesquelles il lancerait des attaques nucléaires contre l’OTAN.

Au mois de mai, les forces stratégiques nucléaires américaine et russe ont toutes deux mené des exercices à grande échelle. Selon les médias officiels anglophones russes, les exercices russes « ont démontré comment les missiles, l’artillerie, l’aviation, et la DCA peuvent servir – par exemple, pour détruire des troupes au sol ou contrer des attaques de missile, aériennes, ou nucléaires par un ennemi. En plus, on a démontré comment infliger une frappe launch-through-attack avec des missiles nucléaires », c’est-à-dire, des représailles nucléaires russes lancées alors qu’une attaque nucléaire de l’OTAN contre la Russie est en cours.

Au mois de septembre, lors de nouveaux exercices nucléaires russes, le général Yury Yakoubov a dit à Interfax : « Je crois que notre ennemi principal est les Etats-Unis et le bloc atlantique … Il faut décider des conditions sous lesquelles la Russie pourrait mener une frappe de préemption avec les forces stratégiques nucléaires russes ».

Malgré son silence sur ces questions, l’ELN rapporte néanmoins l’incident suivant : « Au début de septembre 2014, des bombardiers stratégiques russes dans la mer du Labrador près du Canada se sont exercés à des frappes de missile de croisière contre les Etats Unis. Les avions russes ont évité la zone de défense aérienne canadienne, mais c’était quand même un geste provocateur en vue du sommet de l’OTAN qui se déroulait à l’époque. Des missiles lancées de la mer du Labrador pourrait atteindre Ottawa, New York, Washington, Chicago, et la base navale de Norfolk ».

Les missiles que les bombardiers russes pourraient tirer sur ces villes peuvent être armés d’ogives nucléaires.

Avant le rapport de l’ELN, ceci n’avait été rapporté que dans un article paru dans le Washington Free Beacon et écrit par le journaliste Bill Gertz. A part cela, cet événement – qui démontre que trop clairement les risques que pose la politique américaine en Ukraine—avait été passé totalement sous silence par les médias américains.

Alexandre Lantier

Article original,WSWS, paru le 11 novembre 2014



Articles Par : Alex Lantier

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