Des généraux britanniques interviennent pour s’opposer à un «Brexit»

Des personnalités militaires de haut rang ont fait une intervention extraordinaire cette semaine pour exiger que le Royaume-Uni reste un membre de l’Union européenne.

Cette intervention a été faite quelques jours après que le premier ministre David Cameron a annoncé qu’un référendum sur l’adhésion britannique à l’UE se tiendrait le 23 juin.

Parmi les 13 officiels concernés se trouvent quatre anciens chefs des forces armées, ainsi que deux anciens chefs de l’armée et deux de la marine. L’ancien commandant de l’OTAN, le général Sir Richard Shirreff, figure aussi parmi les signataires.

Les signataires se vantent que: «[N]ous avons commandé la Royal Navy, l’armée et la Royal Air Force, ou occupé d’autres postes supérieurs de commandement dans l’armée. Nous avons servi dans le monde entier et dans presque tous les conflits dans lesquels la Grande-Bretagne a été engagée depuis la Seconde Guerre mondiale.»

Les commandants ont servi en France, en Aden (au Yémen), en Malaisie, en Afrique de l’Est, aux Malouines, en Irlande du Nord, en Bosnie, au Kosovo, en Sierra Leone, en Irak, dans les Caraïbes, en Allemagne et à Chypre.

Leur lettre déclare que «Nous sommes particulièrement préoccupés par une question centrale: la Grande-Bretagne sera-t-elle plus en sécurité à l’intérieur de l’UE ou en dehors?»

Les treize déclarent carrément que leur principale préoccupation est qu’une sortie britannique de l’UE mettrait en péril l’alliance de l’OTAN dirigée par les États-Unis et son programme de militarisme et de guerre, en particulier dirigé contre la Russie.

La lettre constate que, «L’OTAN, bien sûr, est et restera l’alliance la plus importante pour le maintien de la sécurité nationale de la Grande-Bretagne, en particulier lorsque nous avons besoin de capacités militaires complexes. Mais l’autre pilier de plus en plus important de notre sécurité est l’Union européenne.»

«L’Europe est confrontée à une série de problèmes de sécurité graves, de l’instabilité au Moyen-Orient et la montée de l’État islamique d’Irak et du Levant, au nationalisme et à l’agression russe renaissants.» Les 13 continuent: «La Grande-Bretagne devra faire face à ces défis qu’elle soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE. Mais au sein de l’UE, nous sommes plus forts.»

L’adhésion à l’UE était critique lorsque le Royaume-Uni «a contribué à forcer les Iraniens à négocier par des sanctions à l’échelle européenne, ou a fait en sorte que Vladimir Poutine paye le prix pour son agression en Ukraine.» [soulignement ajouté]

La lettre se termine en disant que le «premier ministre lui-même a dit que l’UE est aujourd’hui un outil grâce auquel la Grande-Bretagne peut faire avancer les choses dans le monde. Le rôle de la Grande-Bretagne dans l’UE renforce la sécurité dont nous jouissons dans le cadre de l’OTAN, ajoute à notre capacité et la flexibilité en matière de coopération de défense et nous permet de projeter une plus grande puissance internationale.

«Dans un monde dangereux, elle nous aide à protéger notre peuple, notre prospérité et notre mode de vie. Nous croyons donc fermement qu’il est dans notre intérêt national de rester membre de l’UE.»

Faisant suite à la lettre, Lord Dannatt, l’ancien chef de l’armée britannique, a déclaré à Sky News de Rupert Murdoch, «Je pense que si vous regardez autour du monde au retour de la Russie et ce que M. [le président russe Vladimir] Poutine essaie de faire … ce n’est pas un temps pour l’ Europe de se désagréger, pour les pays de décider pour leurs propres raisons de quitter l’Union européenne – qui en lui-même court le risque de défaire l’ OTAN, qui a été cette alliance défensive très réussie sur laquelle la défense de ce pays a reposé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.»

Ces déclarations témoignent du rôle de l’UE en tant qu’organe qui sert la politique militariste des principales puissances européennes.

Les États-Unis ont quadruplé leur budget pour leurs forces en Europe à 3,4 milliards $, dont la moitié sera consacrée aux chars d’assaut et à l’artillerie de la «brigade lourde» en Europe occidentale. Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement britannique a annoncé qu’il envoyait cinq navires de guerre et 530 membres de la marine pour rejoindre la division maritime de l’OTAN qui sera stationnée dans les pays baltes, l’Atlantique Nord, la mer du Nord et la Méditerranée. Dans une menace visant la Russie, le secrétaire à la Défense Michael Fallon a déclaré: «En 2016, nous allons mettre un accent particulier sur la région balte en déployant nos navires là-bas dans le cadre du Groupe maritime …»

L’intervention militaire a été organisée par le gouvernement conservateur du premier ministre David Cameron pour renforcer la campagne «Rester» (dans l’UE) lors du référendum du 23 juin. L’ un des signataires, le général Sir Michael Rose, ancien commandant de la brigade des forces spéciales SAS, a plus tard souligné qu’il y a aussi un soutien pour un Brexit (sortie de l’UE) au sein de l’armée sur la base d’une autre estimation des risques et des avantages de lier le Royaume-Uni à l’Europe .

Rose s’est plaint que son nom avait été rajouté à la lettre, bien qu’il n’y ait pas été favorable. Il avait «des doutes quant à la sagesse de l’utilisation des militaires pour une campagne politique» et affichait son désaccord avec ceux qui réclament le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. «La souveraineté et la sécurité sont intimement liées et ces dernières années, nous avons vu l’UE éroder notre souveraineté», a déclaré Rose. Le gouvernement a par la suite été contraint de présenter des excuses à Rose pour avoir inclus son nom.

Tant la campagne «Rester» que «Sortir» sont basées sur un agenda militariste, mais la campagne pour sortir est particulièrement opposée aux discussions en cours sur la formation d’une armée européenne, craignant que cela vienne compromettre la position stratégique de l’impérialisme britannique, surtout son alliance avec Washington, alors que la France et l’Allemagne s’affirment davantage comme puissances militaires.

La semaine dernière, un défenseur du Brexit, l’ancien secrétaire conservateur à la Défense, Liam Fox, a déclaré: «Le lendemain de notre sortie de l’UE, la Grande-Bretagne aura encore un siège permanent au Conseil de sécurité [des Nations Unies] et nous serons toujours dans l’OTAN. Nous aurons toujours le cinquième plus grand budget de la défense du monde, nous aurons encore une «relation spéciale» avec les États-Unis, nous serons toujours dans le G7, nous serons toujours dans le G20, nous resterons au centre du Commonwealth …»

L’intervention des officiers militaires dans le référendum sur l’UE en défense de «l’intérêt national» du Royaume-Uni fait suite à des déclarations d’opposition au chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn pour sa position prétendue contre l’ utilisation des armes nucléaires. À peine huit jours après l’élection de Corbyn en septembre de l’année dernière, «un général en service» restant anonyme, a déclaré au Sunday Times que si Corbyn devait arriver au pouvoir, «Il y aurait des démissions de masse à tous les niveaux et la perspective très réelle de ce qui aurait tout l’air d’une mutinerie.»

Le 8 novembre, le chef actuel des états-majors des forces interarmées de la Grande-Bretagne, le général Sir Nicholas Houghton, en violation flagrante des principes constitutionnels, a fait une déclaration publique extraordinaire disant que le refus de Corbyn d’autoriser une frappe nucléaire «m’inquiéterait si cette pensée devenait la réalité sur le terrain politique».

Washington est fermement opposé à un retrait de l’UE et est également intervenu directement sur les questions de politique militaire britannique contre Corbyn. Plus tôt ce mois-ci, le secrétaire américain de la Défense Ashton Carter a déclaré à la BBC que le maintien du système de missiles nucléaires Trident par la Grande-Bretagne était vital, car il joue un rôle important dans la «structure de l’OTAN» et aide le Royaume-Uni «à continuer à jouer ce rôle immense sur la scène mondiale grâce à son autorité morale et sa position historique».

«Il est important que la puissance militaire corresponde à ce dernier et nous sommes donc très favorables là-dessus», a-t-il ajouté.

Les États-Unis «veulent avoir le programme [Trident] pour leurs propres besoins», a-t-il expliqué, en soulignant que «Nous avons des autorités indépendantes pour autoriser la mise à feu» des armes.

La démarche hautement médiatisée du personnel militaire du plus haut rang sur la scène politique a des implications inquiétantes pour les droits démocratiques. Elle témoigne de l’ampleur de la décomposition de la «démocratie britannique» que les deux campagnes, «rester» et «sortir», saluent d’une façon si monotone.

Robert Stevens

Article paru en anglais, WSWS, le 27 février 2016



Articles Par : Robert Stevens

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