Diviser pour régner : le gouvernement étasunien a allumé une guerre politico-religieuse entre les Sunnites et les Chiites, en Irak et en Syrie.

« Un projet circule [au Pentagone] selon lequel nous [les USA] allons envahir sept pays au cours des cinq prochaines années, en commençant par l’Irak, puis après la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour finir, l’Iran. »

Wesley Clark, ancien commandant suprême des forces alliées de l’OTAN (1997-2000), (entrevue du 2 mars 2007)

« Je ne veux pas seulement en finir avec la guerre [en Irak] ; je veux mettre fin à l’état d’esprit qui nous a conduit dans cette guerre en premier lieu. »
Barack Obama, alors qu’il était candidat à la présidence américaine, (le 31 janvier, 2008)

« Presque tous les hommes peuvent soutenir l’adversité, mais si vous voulez tester le caractère d’un homme, donner lui le pouvoir. »
Abraham Lincoln (1809-1865), 16e président des États-Unis (1861-1865)

 

Lorsque le gouvernement étasunien de George W. Bush (2001-2009) se mit en tête d’envahir illégalement l’Irak et de renverser le gouvernement de Saddam Hussein en 2003, contre l’avis de plusieurs, il ouvrit une « boîte de Pandore » pleine de malheurs, laquelle est toujours présente aujourd’hui, et le sera probablement pour de nombreuses années à venir. Là est la première et principale cause du bourbier actuel qui prévaut présentement en Irak et en Syrie.

En 2009, le gouvernement de Barack Obama pensa qu’il pouvait se laver les mains et se sortir de la « plus grande erreur dans l’histoire militaire étasunienne » et laisser les politiciens irakiens arranger les choses sur place en formant un gouvernement de « réconciliation nationale » à Bagdad. Voici ce que disait le président Obama le 27 Février 2009 :

« Permettez-moi de dire ceci aussi clairement que possible : le 31 août 2010, notre mission militaire en Irak va prendre fin… Pendant cette période de transition, nous allons procéder à d’autres redéploiements. Et selon les termes de l’Entente du statut de nos forces armées avec le gouvernement irakien [négociée par l’administration précédente de George W. Bush en 2008 ], j’ai la ferme intention de retirer toutes les troupes US de l’Irak d’ici la fin de 2011. »

Eh bien, comme on aurait dû s’y attendre, compte tenu de l’histoire cahoteuse de cette région, l’Irak était alors bien loin d’être une « démocratie » florissante. Au contraire, le gouvernement chiite de al-Malaki, tout à fait paranoïaque, a été tout sauf « ouvert » à la minorité sunnite. En effet, les chiites en charge du gouvernement en profitèrent pour se venger des sunnites pour les sévices subis sous la dictature de Saddam Hussein. Disposant de l’équipement militaire sophistiqué que les Etats-Unis lui avaient fourni, il s’en est servi pour traquer l’opposition sunnite et les dissidents au régime, dont certains furent tués, et il évinça du gouvernement des personnalités politiques sunnites de premier plan.

C’est là une deuxième cause de la révolte sunnite qui a cours présentement et qui est à l’origine de l’organisation djihadiste de l’État Islamique (EI) [aussi connue sous le nom de l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL)]. Ses combattants, du moins en Syrie, sont souvent des volontaires étrangers. Certains sont d’origine tchétchène, et beaucoup viennent de pays occidentaux comme du Royaume-Uni ou de la France. —Lorsque l’on sème le terrorisme, il faut s’attendre à récolter le terrorisme. Et c’est précisément ce que le gouvernement des États-Unis et ceux d’autres pays occidentaux ont obtenu en Irak et en Syrie. Dans le cas des États-Unis, le chaos est le résultat de son invasion militaire en l’Irak et son refus d’assumer ses obligations de puissance occupante selon le droit international.

En plus de la politique étasunienne improvisée et contre-productive en Irak, il faut y ajouter la politique étasunienne de déstabilisation systématique de la Syrie, le pays voisin de l’Irak, dont l’incohérence et la futilité n’échappent à personne. En effet, armer des milices farouchement islamistes pour les aider à renverser le gouvernement syrien laïc de Bashar al-Assad, alors que le gouvernement étasunien prétend combattre le terrorisme islamiste, représentait un pari des plus risqué, en plus d’être illégal. Certains pays sunnites, tels le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie ont des raisons politiques et économiques propres de s’opposer au gouvernement syrien de Bashar al-Assad. Cela n’est pas nécessairement le cas des Etats-Unis. Le résultat a été que plusieurs organisations islamistes dites « modérées » que les Etats-Unis ont soutenues ont depuis été absorbées par l’organisation terroriste la plus
radicale, soit celle de l’EI. On peut difficilement imaginer une politique aussi incohérente.

L’année dernière, alors que le terrorisme totalitaire de l’EI fanatiquement religieux gagnait du terrain et étendait son recrutement, à la fois en Irak et en Syrie, et alors que les ambassadeurs des Etats-Unis dans ces pays sonnaient l’alarme, l’administration Obama concentrait ses efforts à renverser le gouvernement élu en Ukraine et à renverser le régime d’Assad en Syrie. Aujourd’hui, les milices de l’EI sont bien installées dans de nombreuses villes irakiennes et syriennes et elles sont bien armées, grâce aux armes sophistiquées d’origine étasunienne qu’elles ont confisquées à leurs victimes. Et, elles n’ont aucun scrupule à s’en servir pour terroriser, torturer et massacrer des milliers de personnes qui s’opposent à leurs visées lunatiques. C’est tout un désastre.

Et, qu’elle a été la réaction de l’administration Obama ? Faisant face à une des plus grave crise humanitaire et militaire en Irak et en Syrie, résultat en grande partie des politiques étasuniennes, le président Obama, et ses conseillers néo-conservateurs (dont l’allégeance réelle est plus que douteuse), sont apparus hésitants, confus, dépassés, désemparés, incohérents, passifs et réactifs.

Le vieux dicton « mieux vaut prévenir que guérir » semblerait s’appliquer ici. En effet, les problèmes ont tendance à s’accumuler lorsqu’on reporte ou retarde l’adoption de solutions. Le monstre de l’EI en Irak et en Syrie s’est organisé et a pris de l’ampleur en partie à cause de l’indifférence du gouvernement étasunien face à ce qui se passait en Irak et en partie à cause des politiques étasuniennes en Ukraine et en Syrie. La source du bourbier dans ces pays remonte donc jusqu’à Washington DC. Il n’est nullement exagéré de dire que le gouvernement étasunien a du sang sur les mains face au carnage sauvage de l’EI dans ces pays.

Comment le monde pourrait-il rester indifférent quand des bouchers fanatiques, délirants et barbares du septième siècle massacrent des gens sans vergogne, pour leur appartenance ethnique, leur religion ou leurs idées ? Il y a un mot pour qualifier ce comportement sauvage, et c’est de « l’épuration ethnique ». On doit parler ici de génocide.

La triste vérité c’est que depuis une vingtaine d’années, il prévaut à Washington un certain vide intellectuel, et ce dans les plus hautes sphères. Il en est résulté des guerres ruineuses et des crises financières coûteuses.

Dans l’avenir, on qualifiera probablement les années Clinton-Bush-Obama (1993-2017) comme des « années vides », en raison du fait que le gouvernement des États-Unis aura abusé et détruit dans les faits le système de droit international construit au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, tout en se montrant incapable de fournir une alternative efficace et socialement et politiquement responsable. En fait, le gouvernement étasunien d’inspiration néo-conservatrice du dernier quart de siècle n’a pas été en mesure d’appuyer ses ambitions impérialistes mondiales sur des solutions concrètes et des institutions opérantes. Ce n’est pas une grande réussite, loin de là.

Le 4 novembre dernier, les électeurs étasuniens ont été en mesure de porter jugement sur un certain nombre de politiciens responsables du chaos et de la désolation prévalant en Irak et en Syrie, (et aussi en Libye). En effet, on a qualifié les élections législatives de mi-mandat de novembre 2014 de « référendum sur le président Barack Obama », et elles ont porté en partie sur sa compétence et sur la cohérence et la pertinence de ses politiques, mais aussi sur les faiblesses relatives de l’économie étasunienne. Plusieurs candidats du parti démocrate ont payé cher les échecs de leur président.

Avec la Chambre des représentants et le Sénat étasunien maintenant sous contrôle républicain, il est évident que les deux dernières années de la présidence de Barack Obama seront difficiles et remplies d’embûches.

Rodrigue Tremblay

 

Article initialement publié en anglais :

War USA

Divide and Rule: America Ignites a Politico-Religious “Civil War” in Iraq and Syria

 

Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et on peut le contacter à l’adresse suivante :
[email protected]

Il est l’auteur du livre du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale ».

Prière de visiter son blogue à l’adresse suivante : 

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Site Internet de l’auteur : http://www.thenewamericanempire.com/

Pour plus d’informations concernant le dernier livre du professeur Tremblay intitulé : « Le Code pour une éthique globale », voir : http://www.lecodepouruneethiqueglobale.com/



Articles Par : Prof Rodrigue Tremblay

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