En Irak la guerre est « subrogée »

L'art de la guerre

Cet article a été publié en décembre 2011. Nous publions à nouveau cet analyse de Manlio Dinucci à l’occasion du dixième anniversaire de la guerre en Irak.

Nos troupes sont sorties d’Irak « la tête haute », a annoncé le commandant en chef Barack Obama. Les USA ont de quoi être fiers. Ils quittent un pays envahi en 2003 au motif qu’il possédait des armes de destruction de masse, motif qui s’est révélé infondé. Mis à feu et à sang par plus d’un million et demi de soldats, que le Pentagone a déployés par rotations, avec aussi des centaines de milliers de contractor militaires (mercenaires), en employant n’importe quel moyen pour écraser la résistance : des bombes au phosphore contre la population de Fallujah aux tortures d’Abu Ghraib. Provoquant environ un million de victimes civiles, qui s’ajoutent à celles de la première guerre contre l’Irak et de l’embargo. Contraignant plus de 2 millions d’Irakiens à quitter leur maison et autant à se réfugier en Syrie et en Jordanie. Laissant un pays sinistré, avec un chômage à plus de 50%, la moitié des médecins qu’il avait avant l’invasion, un tiers des enfants affectés de malnutrition, à qui s’ajoutent ceux qui ont des malformations génétiques dues aux armes du Pentagone. Une guerre que les USA ont payée de 4.500 morts et plus de 30mille blessés chez les militaires, dont 30% sont rentrés chez eux avec de graves problèmes psychiques.

 

Guerre qui a coûté 1.000 milliards de dollars, à quoi s’ajoutent environ 4mille milliards de dépenses indirectes, comme celles de l’assistance aux anciens combattants. Elle en a cependant valu la peine : dorénavant « l’avenir de l’Irak sera dans les mains de son peuple », assure le président Obama. Est-ce ainsi qu’il a gagné le Prix Nobel de la Paix ? On peut en douter en lisant le manuel de la US Army sur « La guerre subrogée pour le 21ème siècle » : une guerre menée en substituant aux forces armées traditionnelles, qui interviennent ouvertement, des forces spéciales et agents secrets qui agissent dans l’ombre, avec le soutien de forces alliées, de fait sous commandement étasunien. Divers faits le confirment. Le personnel de l’ambassade étasunienne à Bagdad, la plus grande du monde, passera de 8mille à 16mille personnes. Son « bureau de coopération et sécurité », qui entraîne et arme les forces irakiennes sera renforcé. Depuis 2005, le gouvernement irakien a acheté des armements étasuniens pour une valeur de 5 milliards de dollars et, selon le programme, il en achètera d’autres pour 26 milliards. Parmi lesquels, 36 chasseurs F-6 avec leurs armements (qui pourraient augmenter jusqu’à 96), dont les pilotes seront entraînés aux Etats-Unis et dont les bases seront de fait sous le contrôle du Pentagone. Des unités de la Cia et des forces spéciales étasuniennes continuent à entraîner (et de fait à diriger) les « forces de sécurité » qui, sur ordre du premier ministre Nouri al-Maliki, ont déjà arrêté des centaines d’ex-baasistes accusés, sur la base de preuves fournies par le Cnt libyen, d’avoir préparé un coup d’état avec l’appui de Kadhafi. En même temps Washington s’attache le gouvernement régional kurde de Masoud Barzani avec lequel ExxonMobil a conclu un gros contrat d’exploitation pétrolière, en doublant le gouvernement de Bagdad.

Au Kurdistan irakien opèrent depuis 2003 des forces spéciales étasuniennes, sous les ordres du général Charles Cleveland. Celui-là même qui -révèle le journal égyptien al-Arabi- entraîne et dirige aujourd’hui en Turquie les commandos de l’ « armée syrienne libre» pour la « guerre subrogée » contre la Syrie.

Edition de mardi 20 décembre 2011 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111220/manip2pg/14/manip2pz/315245/

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il écrit pour le quotidien italien il manifesto.



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

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