Est-ce qu’Amnistie Internationale a perdu la tête ? Quatrième partie.

3.– Les Martyrs d’al-Aqsa. Israël a bombardé l’hôpital les Martyrs d’al-Aqsa [al-Aqsa = Jérusalem], tuant au moins 4 personnes et en blessant des douzaines. Notez qu’Israël a expliqué qu’il avait ciblé une cache de missiles antichar installée «à la proximité immédiate de l’hôpital», Amnesty en conclut qu’«il n’est pas capable de confirmer les faits» et demande une «enquête indépendante». Pour autant, présentant obligeamment le prétexte donné par Israël pour cette affaire, Amnesty n’aurait-il pas dû citer le témoignage crédible de témoins oculaires, d’une infirmière à son lieu de travail, selon laquelle, après que quatre Palestiniens furent tués dans des voitures stationnées dehors, «l’hôpital fut touché très rapidement, 15 fois de suite, par des tirs de chars»? Tandis que selon le rapport d’Amnesty, aussi bien le Hamas qu’Israël peuvent être coupables de violations des lois internationales, la Mission de Recherche médicale conclut : «Ce qui est important ici est que [al-Aqsa] a été attaqué par les militaires israéliens alors que les patients étaient traités, que les professionnels de la santé étaient au travail et que les civils cherchaient refuge après les attaques des zones environnantes.»

4.– Ambulances. Pendant l’OPE [Opération Protective Edge], 45 ambulances ont été endommagées ou détruites, soit parce qu’elles étaient directement ciblées par les Israéliens, soit en tant que dommage collatéral. Amnesty signale que Israël «a publié un court-métrage vidéo qui montrait des combattants palestiniens se réfugiant dans une ambulance». Ces 24 secondes de vidéo sont l’unique preuve qu’Israël a produite pour justifier ses attaques sur les ambulances durant OPE. En fait, cette vidéo n’a aucune valeur. On y voit deux militants du Hamas, sans armes, sans qu’on puisse déterminer ni la date, ni l’endroit, monter dans une ambulance appartenant à une unité médicale de la branche armée du Hamas (les Brigades al-Qassam). Pour quiconque voit la vidéo, ils participent à une opération routinière de sauvetage médical. Amnesty n’aurait-il pas dû rappeler que dans les conflits précédents Israël a systématiquement ciblé les ambulances? Que, malgré sa haute technologie de surveillance, c’est le seul et unique cas où Israël a voulu apporter des justifications pour une telle attaque criminelle, et que, sur sa seule insistance, Amnesty a trouvé la preuve douteuse? Bien sûr, Amnesty, la Mission de recherche médicale et la délégation de la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) ont complètement documenté cette attaque israélienne, choquante et menée sans provocation de la partie adverse, sur une ambulance durant l’OPE.

Écoles. Israël a détruit 22 écoles et en a endommagé 118 autres pendant l’OPE. Amnesty écrit : «L’armée israélienne explique que des roquettes et des obus de mortier ont été lancés de l’intérieur de nombreuses écoles de la bande de Gaza pendant les hostilités», et que «au moins 89 roquettes et obus de mortier ont été tirés à moins de 30 mètres des écoles gérées par l’ONU». Après avoir rappelé son incapacité à «vérifier chacune de ces explications», Amnesty recommande «qu’elles soient éclaircies chacune par une enquête indépendante». Mais alors pourquoi le rapport Unlawful and Deadly cite-t-il seulement – et ad nauseam – le ministre israélien des Affaires étrangères et les points de presse de l’armée israélienne? Il aurait certainement pu recouper ces déclarations avec les constatations des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, des envoyés de l’ONU et des ONG présentes à Gaza. Le Comité d’enquête de l’ONU a étudié 7 attaques israéliennes, dont plusieurs mortelles, sur des écoles de l’ONU, toutes sauf une ayant été transformées en dispensaires. Un résumé de ses conclusions a été publié après la sortie du rapport Unlawful and Deadly. Le Comité n’invoque aucune preuve pour soutenir la thèse israélienne selon laquelle le Hamas aurait tiré des roquettes de ces 7 écoles de l’ONU, ou à leur proximité, mais au contraire, de nombreuses preuves, notamment les témoignages de gardes et d’autres témoins oculaires, pour les réfuter. Cela mérite que l’on s’y arrête : en s’appuyant sur des points de presse de l’ONU, Amnesty reprend des allégations largement diffusées, accusant le Hamas d’utiliser les écoles de l’ONU non ciblées par Israël à mauvais escient. «Les groupes armés palestiniens ont stocké des roquettes et d’autres munitions dans […] les écoles de l’ONU. L’UNRWA a découvert des munitions palestiniennes dans trois de ses écoles fermées dans la Bande de Gaza», spécifiquement, «20 roquettes dans une école primaire dans la ville de Gaza», «des roquettes […] dans une école primaire de Jabalia», «une autre cachette de roquettes […] dans une école de Nuseirat». Le Comité d’enquête a trouvé, cependant, que les roquettes cachées dans ces écoles (elles étaient vides, c’étaient les congés d’été) n’étaient pas des dépôts de munitions, mais plutôt, un mortier et 20 obus dans l’école élémentaire de Gaza, «un objet, semble-t-il une arme» dans l’école de Jabalia, et un mortier et ses 3 obus, une première fois, puis un mortier et 20 obus, dans un autre cas à l’école de Nuseirat.

Mosquées. Israël a détruit 73 mosquées et en a endommagé 130 autres pendant l’OPE. Amnesty signale que, selon le ministre israélien des Affaires étrangères, «au moins 83 roquettes et obus de mortier furent lancés à moins de 25 mètres des mosquées au cours des hostilités, dans certains cas directement depuis l’intérieur de l’enceinte des mosquées». Amnesty ne reprend aucune autre source. Ce n’était pas la première fois qu’Israël ciblait des mosquées à Gaza. Pendant l’opération Plomb durci, 30 mosquées ont été détruites, 15 autres endommagées. La mission du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dirigée par Richard Goldstone, a enquêté sur une attaque «intentionnelle» au missile durant Plomb durci sur une mosquée, qui a tué au moins 15 personnes réfugiées là. Elle n’a trouvé «aucune preuve que cette mosquée ait été utilisée pour stocker des armes et pour aucune activité militaire par les groupes armés palestiniens». En général, les explications israéliennes pour justifier le ciblage des mosquées manquent de cohérence. Elles affirment que le Hamas utilisait les mosquées pour cacher des armes mais – comme la mission Goldstone l’a remarqué – «alors que les ruelles labyrinthiques de Gaza offrent d’innombrables planques», le Hamas aurait été suffisamment fou pour «faire des stocks dans un bâtiment ouvert comme une mosquée, déjà pré-ciblé et pré-enregistré par les services de renseignement israéliens». Israël a aussi affirmé que le Hamas avait stocké ses armes dans les mosquées, parce que, se souvenant des conflits précédents, il «a fait le pari que l’armée israélienne ne les attaquerait pas». En fait, même avant Plomb durci, Israël a endommagé ou détruit 55 mosquées à Gaza entre 2001 et 2008. Le rapport final du comité d’enquête présidé par l’éminent juriste sud-africain John Dugard a conclu que durant Plomb durci «les mosquées, et particulièrement les minarets, ont été délibérément pris pour cibles parce qu’ils symbolisent l’Islam», pendant que les témoignages de soldats israéliens qui ont combattu à Gaza durant Plomb durci ont confirmé le ciblage indiscriminé des mosquées. S’il se met à citer les prétextes israéliens officiels pour justifier les assauts généralisés contre les lieux de culte musulmans, Amnesty ne devrait-il pas noter que dans le passé ils se sont toujours révélés être des mensonges?

Centrale électrique. Israël a régulièrement attaqué la seule centrale électrique de Gaza pendant l’OPE. Ces bombardements ont encore accentué les coupures d’électricité, auparavant déjà longues et fréquentes, et ont détruit les services de traitement des eaux et les services médicaux. Ce n’était pas la première fois qu’Israël attaquait cette unique centrale électrique. En 2006, il avait lancé une série d’attaques par missiles, ciblant précisément les transformateurs. B’Tselem (Centre israélien d’information sur les ddroits de l’homme dans les Territoires occupés) a qualifié l’attaque de 2006 de «crime de guerre». Amnesty écrit que cette attaque sur la centrale de Gaza, durant OPE «pourrait être qualifiée de crime de guerre», mais se hâte de préciser : «Un brigadier-général israélien dément le fait qu’Israël ait ciblé la centrale intentionnellement, et n’écarte pas la possibilité qu’elle ait été frappée par erreur.» Si Amnesty cite le déni prévisible du brigadier-général, n’aurait-il pas pu noter que par le passé Israël a déjà frappé cette même centrale ? «La localisation de la centrale était connue», a conclu la délégation de la FIDH après s’être rendue à Gaza. «Des frappes répétées […] et le refus de garantir la sécurité de la centrale ne peut appuyer cette affirmation selon laquelle ces frappes étaient accidentelles.»

Norman Finkelstein

À suivre…

Première partie

Deuxième partie 

Troisième partie

Article original : https://www.byline.com/project/13/article/192

publié le 22 juillet 2015

Traduit par Ludovic, relu par jj et Diane pour le Saker Francophone



Articles Par : Norman Finkelstein

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