Est-ce que Gaza est un terrain de test pour des armes expérimentales ?

 
Explosion dans le nord de la Bande de Gaza. Jerry Lampen / Reuters

Les inquiétudes concernant l’utilisation par Israël d’armes non-conventionnelles et expérimentales dans la bande de Gaza s’accroissent de plus en plus, avec les commentaires évasifs des porte-paroles et la réticence à autoriser les journalistes indépendants à entrer dans la minuscule enclave ne fait qu’alimenter les spéculations.

La polémique la plus importante concerne l’utilisation d’obus contenant du phosphore blanc, qui cause d’horribles brûlures quand il entre en contact avec la peau.

En vertu du droit international, le phosphore est autorisé en tant qu’écran de fumée pour protéger les soldats, mais considéré comme arme chimique quand il est utilisé contre des civils.

L’armée israélienne affirme qu’elle n’utilise que des armes autorisées par le droit international, même si des groupes des droits de l’homme ont sévèrement critiqué Israël pour le tir des bombes de phosphore sur des zones densément peuplées de la bande de Gaza.

Mais il y a peut-être d’autres armes non conventionnelles utilisées discrètement par Israël.

L’une de ces munitions est peut-être le DIME, ou explosif à métal dense et inerte, une arme récemment mise au point par l’armée américaine afin de créer une puissante explosion meurtrière dans un petit secteur.

L’arme est censée être encore en phase de développement et n’est pas encore réglementée. Cependant, il est à craindre qu’Israël aurait reçu le feu vert de l’armée américaine pour utiliser Gaza comme un terrain de test.

« Nous savons que Gaza a déjà été utilisé comme laboratoire pour les tests de ce que j’appelle les armes de l’enfer« , a déclaré David Halpin, un chirurgien britannique à la retraite et spécialiste des traumatismes, qui s’est rendu dans la bande de Gaza, à plusieurs reprises, pour enquêter sur les blessures inhabituelles de Gazaouis.

«Je crains qu’Israël pense qu’il est dans son intérêt de créer à Gaza autant de mutilations que possible pour terroriser la population civile dans l’espoir qu’elle se retourne contre le Hamas. »

Les médecins de Gaza, y compris l’un des rares médecins étrangers présents, Mads Gilbert, un spécialiste norvégien de la médecine d’urgence qui travaille à l’hôpital al-Shifa à Gaza City, indique que la plupart des blessures qu’il a vues sont caractéristiques de l’utilisation du DIME.

Les blessures de l’arme sont particulières. Ceux qui sont exposés à l’explosion ont des membres coupés ou fondus, ou des éclatements internes, en particulier pour les tissus mous tels que l’abdomen, qui conduisent souvent à la mort.

Il n’y a pas, dit-on, d’éclats de métal à l’exception d’une fine « poudre » de minuscules particules de métal sur les organes endommagés visibles lors de l’autopsie. Les survivants d’une explosion au DIME sont exposés à un risque accru de développer un cancer, selon une recherche effectuée aux États-Unis.

En revanche, les munitions traditionnelles causent de larges plaies quand des éclats d’obus pénètrent dans l’organisme.

«La puissance de l’explosion se dissipe très rapidement et sa force ne se propage pas très loin, peut-être à 10 mètres, mais les humains qui sont touchés par cette explosion, cette onde de pression, sont découpés en morceaux», a déclaré le Dr Gilbert dans une récente interview.

Ce n’est pas la première fois que des inquiétudes sur l’utilisation du DIME par Israël sont soulevées dans la bande de Gaza. Des médecins ont signalé d’étranges blessures qu’ils ne pouvaient pas soigner et dont les malades sont morts de façon inattendue quelques jours plus tard, au cours d’une longue vague de frappes aériennes israéliennes en 2006.

Par la suite, une enquête menée en Italie avait découvert qu’Israël utilisait un prototype d’arme semblable au DIME. Des échantillons prélevés sur des victimes dans la bande de Gaza ont montré des concentrations inhabituelles de métaux dans leur corps.

Yitzhak Ben-Israël, l’ancien chef du programme de développement des armes de l’armée israélienne, semblait bien connaître l’arme lorsqu’il disait à la télévision italienne que le court rayon de l’explosion permettait d’éviter de blesser les passants, tout en frappant de très petites cibles.

Les démentis d’Israël sur l’utilisation d’armes interdites par le droit international ne permettraient pas de dissimuler le DIME, car il n’est pas encore officiellement autorisé.

Il sera difficile d’enquêter sur les affirmations que des armes non conventionnelles ont été utilisées dans la bande de Gaza jusqu’à ce que soit conclu un cessez-le-feu, mais les enquêtes ont montré qu’Israël avait eu recours à de telles munitions.

Le groupe israélien des droits de l’homme, B’Tselem, a enregistré de nombreux cas où l’armée israélienne a tiré des obus à fléchettes, aussi bien au Liban qu’à Gaza. L’obus libère des milliers de petites fléchettes métalliques qui provoquent des blessures horribles à toute personne dans le secteur.

Un cameraman de Reuters, Fadel Shana, filmait le tir d’un tel obus par un char israélien dans la bande de Gaza en avril, quelques instants avant que ces fléchettes le tuent.

Miri Weingarten, un porte-parole de Médecins pour les Droits de l’Homme, a déclaré qu’ils surveillaient l’utilisation d’un nouveau type d’armes à fléchettes que l’armée israélienne avait mise au point appelée kalanit (anémone). Munition anti-personnel, l’obus envoie des centaines de petits disques.

Israël semble avoir utilisé un éventail d’armes controversées au cours de son attaque contre le Liban en 2006. Après des premiers démentis, un ministre du gouvernement israélien a admis que l’armée avait tiré des bombes au phosphore, et les médias israéliens ont largement rapporté que des millions de bombes à sous-munitions avaient été larguées sur le sud du Liban.

On soupçonne aussi Israël d’avoir utilisé des ogives à base d’uranium. Par la suite, une enquête menée par un journal britannique a découvert des niveaux élevés de rayonnement dans deux cratères de missiles israéliens.

Sarit Michaeli, une porte-parole de B’Tselem, a déclaré que son organisation n’avait pas encore été en mesure de confirmer que les armes étaient utilisées dans la bande de Gaza au cours des attaques. Toutefois, elle a ajouté qu’il ne fallait pas avoir confiance dans le démenti d’Israël sur l’utilisation de munitions non-conventionnelles.

« Il est vrai, comme le disent les porte-paroles de l’armée, que des armes comme les obus au phosphore et aux fléchettes ne sont pas expressément interdites. Mais nous pensons que de telles armes, qui ne font pas de distinction entre les combattants et les non-combattants, ne peuvent pas être utilisées légalement dans une zone densément peuplée, comme la bande de Gaza.  »

Ce mois-ci, des rapports ont révélé que les États-Unis avaient organisé des envois massifs d’armes à Israël, même si un porte-parole du Pentagone a nié qu’elles étaient destinées à une utilisation dans la bande de Gaza.

Lire l’article original en anglais: Is Gaza a testing ground for experimental weapons?, le 13 janvier 2008.
La version anglaise de cet article a également été publié dans The National (www.thenational.ae), à Abu Dhabi.

Traduction : MG pour ISM

Jonathan Cook est auteur et journaliste basé à Nazareth, Israël. Son dernier livre: “Disappearing Palestine: Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Son site internet est:  www.jkcook.net.



Articles Par : Jonathan Cook

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