France: Loi du 23 février 2005 prônant l’apologie du colonialisme

Les députés UMP ont en effet refusé d’examiner l’article unique de la proposition de loi socialiste visant à abroger cette disposition, ce qui a conduit, de fait, au rejet du texte, après la discussion générale. 183 députés, contre 94, ont voté contre l’examen de la proposition de loi. Le groupe communiste et républicain, les élus Verts mais aussi le groupe UDF ont voté avec les socialistes pour l’examen de cette proposition de loi. Quelques centristes ont toutefois voté avec l’UMP. Le gouvernement a, quant à lui, souhaité ne pas modifier la loi promulguée le 23 février 2005, a déclaré le ministre délégué aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, à l’issue des débats. Une loi « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » est votée en première lecture par une poignée de députés, le vendredi 11 juin 2004. S’y est ajouté un amendement proposé par des députés UMP visant à faire connaître, à travers les programmes scolaires, « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». La loi est votée en seconde lecture, le 23 février 2005. La réaction de la classe politique est bien tardive, il a fallu pour ce faire toute la mobilisation d’historiens et d’enseignants pour que l’opposition de gauche se manifeste.

« Histoitre officielle »

A l’initiative de plusieurs centaines d’historiens et d’enseignants, une pétition intitulée « Colonisation : non à l’enseignement d’une histoire officielle » demande à ce que cet article 4 soit abrogé d’« urgence » parce qu’« il impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire et au respect de la liberté de pensée, qui sont au cœur de la laïcité ; parce que, en ne retenant que le « rôle positif » de la colonisation, (il) impose un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu’au génocide, sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé ; parce qu’(il) légalise un communautarisme nationaliste suscitant en réaction le communautarisme de groupes, ainsi interdits de tout passé ». Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a reconnu « un manque de vigilance », arguant que « l’amendement a été présenté à la sauvette, un vendredi en fin d’après-midi ». Il a souligné que « dès [qu’ils avaient] perçu sa portée », députés et sénateurs PS avaient écrit au Premier ministre, mais ce dernier avait « renvoyé la question à une commission d’historiens, qui n’a jamais vu le jour ». Comme plusieurs orateurs de l’opposition, il a estimé que cet article controversé avait contribué à « l’enlisement » du traité d’amitié franco-algérien. Les députés socialistes et apparentés, à l’origine de la proposition de loi d’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, soulignent que « (…) Depuis juin 1999, les autorités françaises ont marqué leur volonté de reconnaître, à l’histoire algérienne de la France et à la guerre d’Algérie, sa place dans l’histoire nationale, d’abord par sa reconnaissance officielle par l’Assemblée nationale, par un vote à l’unanimité, puis par l’ouverture des archives, trente ans après les faits, et enfin par l’inscription de la guerre d’Algérie dans les programmes scolaires nationaux. Alors que le fait colonial est reconnu dans toutes ses manifestations, même les plus brutales et les plus récentes, l’article 4 de la loi du 23 février 2005 semble un étrange revirement. » Les députés socialistes soulignent que « les auteurs de cet amendement (article 4) ont volontairement ignoré la réalité de la colonisation, qui a engendré des relations difficiles avec les populations des anciennes colonies ». Et de signaler que « ce texte est une injonction faite aux historiens d’écrire et à l’école de la République d’enseigner une histoire officielle afin de reconnaître le caractère bénéfique de la politique de colonisation française, notamment en Afrique du Nord ». « L’enseignement dispensé dans les écoles de la République doit être exemplaire et donner aux jeunes Français une mémoire afin de bâtir leur avenir. Il serait indigne pour l’ensemble de la Nation de passer sous silence les exactions et les répressions policières dans les territoires colonisés, comme sur le territoire métropolitain, de mentir par omission en oubliant la torture et les massacres. Or, n’avancer que le rôle positif de la présence française outre-mer, et particulièrement en Afrique du Nord, sonne comme une justification de la difficulté qu’a eu la République française à reconnaître le principe de libre détermination des peuples. » Et que cette disposition de la loi « menace l’élaboration et la signature d’un indispensable traité d’amitié franco-algérien, qui devrait permettre à nos deux peuples de devenir, demain, le moteur de la coopération euro-méditerranéenne, comme l’a été le couple franco-allemand dans la construction européenne ». « Nous chanterons à l’unisson l’hymne de la coopération avec la France, pour peu que celle-ci reconnaisse ses responsabilités dans les dégâts de la colonisation », avait déclaré, cet été, le président Bouteflika, appelant la France à « reconnaître ses crimes, commis à l’encontre du peuple algérien durant la période coloniale ». Dans un discours prononcé le 25 août à Sétif, le président Bouteflika déclarait que « les Français n’ont d’autre choix que de reconnaître qu’ils ont torturé, tué, exterminé » durant la colonisation de l’Algérie. Le 28 août à Béchar, le président de la République avait souligné que « l’Algérie travaille avec la France pour la signature d’un traité d’amitié entre les deux pays, dans le respect mutuel et des intérêts des deux peuples », précisant qu’« il n’y a aucune animosité entre l’Algérie et la France », puis d’ajouter : « Notre seul but est d’avoir des relations paisibles et amicales. Nous ne voulons qu’une paix et une quiétude sur un pied d’égalité. »



Articles Par : Nadjia Bouzeghrane

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