FRANCE : Nouvel incident à la centrale nucléaire du Tricastin

La centrale nucléaire du Tricastin a été le théâtre d’un nouvel incident le 16 février dernier, lors d’essais périodiques sur des systèmes de contrôle de commande du réacteur n°2. Un capteur mesurant le niveau d’eau dans un générateur de vapeur n’est pas fiable. Cet échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température et à pression élevée dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire, qui se transforme en vapeur sert à alimenter la turbine. En cas de fuite sur le générateur, l’absence de suivi visuel du niveau d’eau aurait pu conduire à un aggravation de la situation du réacteur.

Le 16 février 2012, EDF, l’exploitant de la centrale nucléaire du Tricastin a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté portant sur le non-respect d’une mesure compensatoire mise en œuvre dans le cadre d’une modification temporaire des spécifications techniques d’exploitation accordée par l’ASN le 10 février 2012.

Cette modification des spécifications techniques d’exploitation visait à autoriser l’exploitant à réaliser des essais périodiques sur des systèmes de contrôle commande du réacteur n°2 alors qu’un capteur mesurant le niveau d’eau dans un générateur de vapeur n’était pas fiable.

Un générateur de vapeur est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température et pression élevée dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire, qui se transforme en vapeur et alimente la turbine.

A l’appui de sa demande, l’exploitant de la centrale nucléaire du Tricastin avait proposé à l’ASN plusieurs mesures compensatoires. A l’occasion de la mise en œuvre de ces essais, l’exploitant n’a pas respecté une de ces mesures compensatoires qui portait sur la surveillance visuelle du niveau d’eau d’un générateur de vapeur.

Selon l’exploitant, cet événement n’aurait pas eu de conséquence sur les installations, sur l’environnement ou sur les travailleurs. A voir… d’autant qu’en cas de fuite sur le générateur concerné, l’absence de ce suivi visuel du niveau d’eau aurait pu conduire à retarder la bonne application des procédures de sécurité et engendrer un processus échappant à tout contrôle.

En raison du non-respect de cette mesure compensatoire associée à la modification temporaire des spécifications techniques d’exploitation, cet événement a été classé au niveau 1 de l’échelle INES par l’ASN. 

Notons qu’une fois de plus les exploitants nucléaires se font tirer l’oreille pour effectuer les mises en conformité demandées par l’ASN. Des travaux devant être achevés fin 2011 ne le sont toujours pas début avril (lettre de rappel ici) .

Le 8 mars 2012, une autre inspection révèle que sur une autre installation du Tricastin, la sinistre Socatri responsable à l’été 2008 d’une fuite radioactive et de déversement d’uranium dans les rivières alentour, l’une des rétentions concernées n’est pas l’objet de l’application des procédures (rétentions de la zone 04Q). pour l’exploitant : » la procédure n’est plus nécessaire » bien qu’elle soit toujours affichée localement. Pour les inspecteurs de l’ASN, cette situation démontre des carences dans la gestion de l’installation et conduit les opérateurs à prendre l’habitude de ne pas respecter certaines consignes.

Cerise sur le gâteau : d’une part les arrimages et la stabilité des fûts de matière du bâtiment 56L ne sont pas garantie en cas d’inondation des locaux d’entreposage; et d’autre part tous les personnels susceptibles d’intervenir dans la gestion d’une situation d’urgence et la mise en oeuvre du Plan d’Urgence Interne (PUI) n’ont pas reçu leur formation de recyclage à la gestion d’une situation d’urgence (lettre de rappel ici).

Mais au Tricastin, depuis plusieurs années, on a pris l’habitude de se moquer de la sécurité et de rouler dans la farine l’Autorité de Sûreté Nucléaire comme en témoigne le fait que les inspecteurs ont constaté que « le contenu ou le délai de certains engagements avaient été modifiés par rapport à ce qui avait été annoncé à l’ASN à la suite des inspections ou de l’analyse des évènements significatifs de l’année 2011 et que SOCATRI n’avait pas fixé d’échéance à des engagements pris en 2011 ». Il est vrai qu’au Tricastin on boucle les dossiers (DES) assurant le suivi des engagements avant qu’arrivent les conclusions des travaux… Et puis une tâche de contamination radioactive ayant été repérée en juin 2011 sur la zone 17D, les inspecteurs avaient exigé de la Socatri de « rendre cohérents le zonage et son état radiologique ». Mais on en a cure chez les nucléocrates! Aussi l’ASN hausse le ton (enfin!) en constatant que la zone est régulièrement reclassée en zone à déchets nucléaires lors d’opérations de dépotage, « ce qui réduit le niveau de confiance que l’on peut avoir quant à la discrimination entre les déchets nucléaires et les déchets conventionnels ». Rien de moins! autant dire que l’on mélange les serviettes propres et les torchons sales et contaminés, que les restes du cassoulet et ceux des chiottes se côtoient allègrement sur la table de repas du petit dernier.

Nous ne sommes quand même pas ici dans une chocolaterie ou une fabrique de jouets en bois! Comment alors peut-on encore oser prétendre faire confiance au nucléaire et aux exploitants? Nous sommes au Tricastin dans la configuration de Tchernobyl et de Fukushima.

A quand l’enchaînement de dysfonctionnements a répétition qui inéluctablement nous conduira au pire sur des installations obsolètes et ayant dépassé leur durée de vie de 30 ans initialement prévue?

 



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