Fukushima: Les « nettoyeurs » irradiés sont-ils informés sur les risques de leur travail?

FULL TYVEK JACKET - Aux travailleurs de Fukushima

Lettre au travailleurs de Fukushima

Ceux des premiers instants, les plus terribles de la catastrophe nucléaire.

Ceux qui chaque jour continuent de se battre contre la situation qui s’aggrave.

Ceux qui devront les remplacer pendant de nombreuses années.
A leur famille et à leurs proches.

Voici un message de reconnaissance et de sympathie qui vient de France.

Si vous ne pouvez pas compter sur vos employeurs et dirigeants pour vous traiter correctement, vous n’êtes pas pour autant seuls, déconsidérés, face aux problèmes difficilement surmontables que vous devez affronter.Même si c’est une faible consolation, à des milliers de kilomètres, des inconnus, des gens ordinaires comme vous, sont avec vous en pensée et vous remercient du fond du cœur pour votre courage et votre volonté.Vous êtes des gens importants, qui méritez le respect, de par les responsabilités qui reposent sur vos épaules, et en raison de ce que vous accomplissez sans vraiment recevoir en retour reconnaissance ni gratifications.On ne peut pas en vouloir à l’ouvrier qui a débranché le mauvais tuyau, appuyé sur le mauvais bouton ou fait déborder un réservoir, à cause d’un manque de formation, d’instructions précises, ou de moyens de contrôle.

On ne peut pas en vouloir au travailleur qui perd le moral, car il est aux prises avec des conditions de travail difficiles et périlleuses.

Des gens comme nous, qui sont de votre côté, qui comptent sur vous, qui vous offrent leur confiance et leur soutien moral, qui ne vous oublient pas, il y en a des milliers, et même sûrement des millions à travers le monde.

Nous ne vous connaissons pas, mais nous sommes des êtres humains comme vous, des citoyens de la Terre. Nous connaissons la difficulté de votre situation, et si nous ne pouvons pas faire grand-chose pour vous, nous tenons à vous dire merci pour ce que vous faites, merci pour les risques que vous prenez pour nous tous. Nous sommes avec vous.

Merci aux « Fukushima 50 » et à toutes les personnes courageuses, qui depuis le premier jour de la catastrophe n’ont pas hésité à mettre leur vie en danger pour éviter qu’une situation encore plus grave ne se produise.

Merci à toutes les personnes dont on ne parlera jamais, qui chaque jour à leur niveau, participent à la tâche colossale de juguler le péril radioactif à la centrale nucléaire de Fukushima.

Notre soutien moral et nos pensées vont vers vous et vos familles, et vers les proches des victimes qui ont laissé leur santé ou leur vie dans ce combat.

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Voici ce même texte au format PDF, traduit en plusieurs langues. Mon but premier est que le message en japonais parvienne à des travailleurs de Fukushima. Diffusez ce texte, transmettez-le, pour qu’il ait une chance de parvenir à ses destinataires. (SVP partagez les liens ci-dessous, pas les fichiers eux-mêmes ou leurs liens directs, pour que je puisse garder une visibilité sur leur fréquentation.)

Japonais
福島原発で働く皆さんへ
Allemand
An die Arbeiter im Atomkraftwerk Fukushima
Anglais
To the workers of Fukushima
Espagnol
A los trabajadores de Fukushima
Espéranto
Al la laboristoj de Fukushima
Français
Aux travailleurs de Fukushima
Italien
Ai lavoratori di Fukushima
Néerlandais
Aan de werknemers van Fukushima
Portugais
Aos trabalhadores de Fukushima
Russe
Работникам на Фукусиме
Autre
À vous de jouer …
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« Full tyvek jacket »

Le titre, « Full tyvek jacket », rapelle probablement quelque chose à nombre d’entre vous. Ce n’est pas innocent.

Le tyvek est un matériau fabriqué à partir de fibres de polyéthylène non tissées, une découverte fortuite de la société DuPont, dans les années 50. C’est le constituant des tenues de protection blanches ou parfois bleues, censées être portées par tous les travailleurs qui interviennent sur le site de Fukushima Daiichi et sur les chantiers de décontamination dans les zones interdites. Ce type de combinaison est très utilisé dans de nombreuses activités industrielles ou artisanales, comme vêtement jetable de protection contre les souillures.

Pour ce qui nous occupe, elles protègent donc principalement les travailleurs contre la contamination par les poussières radioactives. Mais absolument pas contre les rayonnements pénétrants, les rayons gamma ou les faisceaux de neutrons. Pour cela il faut avoir recours au plomb ou aux composites à base de tungstène, utilisés par exemple à Tchernobyl où à Fukushima, par quelques intervenants très exposés pendant les travaux sur le bâtiment réacteur 3.
Elles ne protègent pas non plus des risques causés par un ajustement défectueux de tous les éléments de protection de la tenue, dû à des consignes inexistantes ou insuffisantes, ou des pièces d’équipement inadaptées. On se souviendra par exemple des travailleurs irradiés en mars 2011 dans le bâtiment réacteur innondé de l’unité 3, l’eau fortement contaminée dans laquelle ils pataugaient s’étant infiltrée entre leurs bottes trop basses et la tenue mal ajustée. Par contre, on remarquera que « pour les photos », où leurs collègues les dissimulent derrière une bâche lors de leur évacuation pour recevoir des soins, tout le monde semble bien étanche, et scotché de partout. Ou presque …

Voici donc la seule armure contre les radiations dont dispose l’énorme majorité des travailleurs de Fukushima : une salopette en polyéthylène. Full tyvek jacket …




Russia Today a récemment publié un court reportage sur la condition des travailleurs en charge des travaux de réhabilitation post-Fukushima. Le voici sous-titré en français.
On y retrouve Tomohiko Suzuki, le courageux journaliste d’investigation qui a travaillé clandestinement à la centrale de Fukushima pendant un mois et demi durant l’été 2011, et a publié un livre intitulé « Les yakusas et l’industrie nucléaire ».


Conf. de presse Tomohiko Suzuki ancien… par kna60


Conf. de presse Tomohiko Suzuki ancien… par kna60

Bien qu’un peu longue, je vous conseille de regarder cette conférence de décembre 2011 en deux parties, traduite en français, au cours de laquelle Mr. Suzuki relate son expérience à la centrale de Fukushima, avec  certaines photos et séquences vidéo prises sur place. Deux thèmes principaux sont abordés :
– L’état  de la centrale, malgré la déclaration officielle « d’arrêt à froid », les risques encourus par les travailleurs, et les manquements de TEPCO et du gouvernement Japonais.
– L’implication depuis de nombreuses années des organisations maffieuses Yakuza dans l’industrie nucléaire Japonaise.

Voici maintenant le témoignage de quelques ouvriers de Fukushima qui ont contacté les studios de la chaîne allemande ZDF à Tokyo en octobre 2011 : « Ceux que l’on nomme souvent des héros, ceux qui font le nettoyage, ont donné leur version de leurs sévères conditions de travail, sans avoir aucune idée des doses de radioactivité réelles là-bas. Même si la catastrophe nucléaire est sortie de la tête de la plupart des gens, pour ceux qui y travaillent, elle continue … »

Les mois, les années passent, peu de choses changent. Revenons à présent plus de 40 ans en arrière, avec le documentaire édifiant de N. Röhl, « Ginza nucléaire », où il donne la parole a plusieurs victimes, envoyées se faire irradier sans protections ni formation dans les zones les plus dangereuses, et aux parents d’un ouvrier de même pas 30 ans qui y a laissé sa peau. Je lui ai déjà consacré un article il y a un an. Si vous l’avez déjà lu, aller le relire, revoyez cette vidéo. C’est cela aussi le nucléaire, dans la belle nation du Japon, en marche vers un avenir radieux…Il me semblerait injuste de ne pas mentionner aussi ceux qui bien souvent sont dès le début des catastrophes majeures en  première ligne, les pompiers, et les militaires. Certes, ils ont plus probablement choisi leur métier, sans être ramassés dans quelques bas-fonds par les yakuzas. Mais que ce soit en Ukraine ou au Japon, combien d’entre eux ont payé de leur vie leur volonté de mener un combat auquel ils n’étaient pas préparés, et les secours portés à autrui ? On ne le saura jamais, ça n’est dans l’intérêt d’aucun gouvernement ni autorité de comptabiliser et divulguer exactement ce genre de choses, dès qu’il est question de nucléaire.


Ginza nucléaire – N. Röhl 1995 (En st Jp + Fr) par kna60

Voici toutefois un témoignage à propos de la mort d’un membre de l’unité spéciale de sauvetage des pompiers, qui n’a pas été confirmée officiellement ni rapportée dans les principaux médias. On y retrouve Taro Yamamoto, qui n’était pas encore versé en politique. Depuis, on essaye aussi de lui faire payer le prix fort pour les vérités qu’il essaye de mettre en lumière…


Fukushima, la mort d’un sauveteur irradié (A… par kna60

Voici également un documentaire de la chaîne Américaine PBS, malheureusement en anglais, qui rend hommage à  ces hommes courageux, « Inside Fukushima’s meltdowns ».
La transcription anglaise est disponible en suivant ce lien.
Il me semble difficile de clore cet article, pourtant dédié aux travailleurs de Fukushima, sans parler de la France. Peut-on penser qu’en France, la situation des travailleurs du nucléaire est meilleure ? Chez-nous, ça n’est pas la pègre qui fournit le tout-venant des intermitants du nucléaire. Et chez nous, pas encore de Fukushima, pour le moment. Mais il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, qui mériterait un dossier à lui seul.
Voici juste « Les forçats du nucléaire », un montage réalisé en août 2011, sur la base des photos de Vincent Capman. Lui aussi a travaillé avec les hommes qu’il a photographié, dans les centrales de Cattenom et de Palluel, en 2008 et 2009. Il a partagé leur vie, leurs journées de travail, leurs périodes de repos. (Voir la vidéo les forçats du nucléaire)
Une dernière question : avez-vous envie que pour vos enfants aussi, ce soit « full tyvek jacket » ?

Pour en revenir au message adressé aux travailleurs de Fukushima, je serais très heureux que d’autres personnes ou d’autres groupes reprennent cette idée, et expriment aussi leur soutien à ceux qui luttent sur le champ de bataille de Fukushima, pour nous tous. Diffusez ce message sur votre site ou blog, contactez-nous pour le traduire dans d’autres langues et pour figurer dans la liste des participants.
Rédigez votre propre message de réconfort si vous préférez, et diffusez-le également.
Vous pouvez également écrire un courrier traditionnel, voici l’adresse postale de la « base-arrière » des travailleurs au  J-Village. Elle comporte en japonais la mention  » A l’attention des travailleurs de Fukushima ». Le plus simple sera probablement de l’imprimer directement ou de la coller sur l’enveloppe.
Pensez que la majorité des destinataires ne lisent que le japonais. Mais il y a des dessins, des symboles, qui n’ont pas besoin de mots pour êtres compris. Voyez à la fin quelques liens qui pourront peut-être vous inspirer.
〒979-0513福島県双葉郡楢葉町大字山田岡字美シ森8番Jヴィレッジ内
福島復興公社
福島第一原発の作業員の皆様へFukushima Revitalization Headquarters at J-Village
8, Utsukushi-mori, Yamada-oka aza
Naraha-machi oaza, Futaba-gun
979-0513, Fukushima
Japan

Le tarif d’affranchissement est de 0,95€ pour une lettre de 20 g et 1,75€ pour 50 g. Il existe aussi des enveloppes pré-affranchies pour l’Asie, un peu plus chères mais bénéfiçiant semble-t-il d’un meilleur traitement. Renseignez-vous auprès de votre bureau de poste.

Si nous sommes assez à relayer et démultiplier ce mouvement de soutien fraternel, si assez de médias s’en font l’écho, alors peut-être que cela incitera le Japon à faire un geste en faveur de ces hommes courageux. On peut toujours rêver…

 

Vidéo : Hommage -Hymne aux  » Fukushima 50 « 

 

Remerciements et sources :

Un grand merci à toutes celles et ceux sans qui je n’aurais pas pu, enfin, donner forme à ce projet. Merci bien sûr aux participants, qui contribuent à diffuser ce message, et qui m’ont été d’une aide indispensable entre autres pour les traductions.
Merci à Cathy, Janick, Pectine, Odile, SB, Akio, Georges, Laurent, Pierre, Pierre R. Dandoy, Paolo, l’équipe du site Afaz. J’espère n’oublier personne, si c’est le cas, faites-moi signe.
Merci tout spécialement à celles et ceux qui ont préféré rester des « contributeurs anonymes de valeur » pour leur participation décisive, ils se reconnaitrons.
Special thanks to those who preferred to remain « anonymous valuable contributors » for their decisive participation, theywill recognize themselves.

Nuclear-News, TEPCO-Workers deaths are not reported 報道されない原発作業員の死亡について
Riva Press, photographies de Vincent Capman

The Guardian, Life as a Fukushima clean-up worker – radiation, exhaustion, public criticism
PBS, For Fukushima Workers, Cancer Isn’t the Only Health Threat
The Telegraph, How the Yakuza went nuclear
Kibo-promesse, Yakuza et nucléaire au japon

Russia Today, Atomic Mafia? Yakuza cleans up Fukushima, neglects basic workers’ rights
CCTV English, workers say decontamination work ineffective
Reuters Insider, Help Wanted: Must be willing to work at nuclear ground zero
Japanfocus, Nuclear workers down and out at Fukushima
Enenews, ‘Nuclear Slaves’ at Fukushima
Enenews, Multiples cancers for ex-Fukushima worker

Reuters, Help wanted in Fukushima: low pay, high risks and gansters
Enformable, Chairman of Japanese nuclear regulator blames declining worker morale for Fukushima leaks and problems
Nobody, pointing a finger at Fukushima 1 webcam
The Independent, ‘I am one of the Fukushima fifty’
BBC, Why Japan’s ‘Fukushima 50’ remain unknown
The Guardian, Fukushima 50: ‘We felt like kamikaze pilots ready to sacrifice everything’
Wikipedia, Fukushima 50 (En)
Wikipédia, Les cinquante de Fukushima
Agoravox, Fukushima : Les travailleurs se cachent pour mourir
Courrier International, Les ouvriers de Fukushima « invités » à truquer leurs dosimètres
Europe 1, Le « héros » de Fukushima est mort
Gen4, L’incroyable histoire des « 50 de Fukushima » 

Kibo Promesse, les enfants japonais parlent de Fukushima
Culturebox, Fukushima à travers 400 dessins d’enfants japonais

Hymn to The Fukushima 50 – a Tribute by Julius Dobos


Articles Par : Kna

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