Fusillade à la polytechnique de Montréal, il y a 25 ans : À la mémoire des filles de Poly

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Si elles étaient vivantes aujourd’hui, elles auraient passé la quarantaine. 14 d’entre elles ne sont plus là et il faut une solidarité féminine à toute épreuve pour les garder vivantes dans notre mémoire. Les récents événements nous forcent encore une fois à nous questionner sur la rapidité avec laquelle les autorités, les analystes de comportements tout autant que les journalistes ont toujours eu tendance à désigner la rage des attaquants en parlant de « folie ». Il m’arrive de me dire que la folie a le dos large et que ça simplifie le travail de tout le monde de parler de folie plutôt que de chercher la véritable raison de ces dérives qui mènent au crime.

Bien sûr, on a eu raison de souligner le drame vécu par les deux militaires qui ont perdu la vie il y a quelques jours et le vide laissé dans leur famille respective. C’est tellement injuste. Se faire tuer parce qu’on se trouve sur la route d’un enragé qui fonce sur tout ce qui bouge, c’est insensé. C’est tout aussi insensé, pour une jeune femme, de mourir à 23 ans, à coups de barre de fer, dans un parc de Longueuil en rentrant chez elle tranquillement à bicyclette.

Dans le traitement de l’information, on devrait se demander si les meurtres de femmes n’ont pas tendance à être traités comme de la « nouvelle ordinaire » sur laquelle on ne sent pas le besoin d’insister outre mesure. La violence faite aux femmes n’a jamais figuré tout en haut d’un bulletin d’information probablement parce qu’elle met le plus souvent en cause un homme et qu’il faudrait bien finir par dire que la violence des hommes a assez duré, ce que d’autres hommes hésitent à affirmer, même ceux qui s’affichent contre la violence en général et même ceux qui se disent féministes.

Un autre exemple serait l’assassinat probable d’un nombre incroyable de femmes amérindiennes, assassinats pour lesquels on n’a même pas senti l’obligation de faire une véritable enquête, pourtant réclamée à hauts cris par les femmes amérindiennes elles-mêmes. Ça permet de mesurer l’importance que nos sociétés accordent aux meurtres et aux disparitions de femmes. On préfère un silence de plomb à la recherche des coupables.

Après les meurtres de Polytechnique, les compagnes de celles qui y ont laissé leur vie se sont serré les coudes et ont décidé de mener à terme une revendication qui exigeait du gouvernement fédéral la mise sur pied d’un registre des armes à feu afin d’arriver à limiter la possession des armes dangereuses par des « excités de la mitraille ». Il leur a fallu du temps, de la patience et de l’entêtement pour arriver à convaincre nos élus d’accoucher d’un registre qui allait s’avérer utile, mais très coûteux. Coûteux probablement parce que les sommes investies dans la réalisation de ce projet ne sont pas toutes allées dans les bonnes poches. On sait depuis la commission Charbonneau comment des sommes astronomiques prennent des directions parfois étonnantes.

Stephen Harper, sensible au lobby des propriétaires d’armes à feu, a mis fin au registre en question. Bang ! Un seul coup de feu. Droit au coeur des femmes du Québec.

Elles se sont tournées vers le gouvernement du Québec, espérant qu’il aurait la bonne idée de récupérer les données québécoises que nous avions payées et qui nous appartenaient. La demande du Québec a été mal reçue par Ottawa et la décision finale est entre les mains de la Cour suprême du Canada où le Québec, maintenant celui de Philippe Couillard, défend du bout des lèvres la sauvegarde du fameux registre québécois. M. Couillard n’a même pas eu le courage de dire qu’il y tenait et le défendrait bec et ongles. Pas plus qu’il n’a eu le courage de parler des droits de la personne durant son séjour en Chine. Ce qui fera l’affaire des hommes d’affaires chinois, mais qui n’aidera en rien le peuple chinois qui souffre.

J’ai souvent répété que la violence des hommes ne peut être réglée que par les hommes eux-mêmes, entre eux. Qu’ils en parlent, qu’ils cherchent les raisons qui font en sorte que les femmes de leur vie ont peur d’eux et qu’une femme de mon âge a vécu toute sa vie à travers les guerres du monde entier. J’ai connu des Québécois qui étaient revenus de celle de 1914 tellement « gazés » qu’ils ne réalisaient plus rien de ce qui se passait autour d’eux. J’en ai connu qui sont partis en 1939, puis en Corée et toutes les guerres qui ont suivi et qui sont en cours encore maintenant. Les femmes n’arriveront jamais à régler la violence des hommes.

Elles ne doivent cependant pas se laisser détourner de leur objectif d’autonomie, de réalisation personnelle et du sens des valeurs qui leur sont chères. Elles doivent transmettre à leurs enfants, garçons comme filles, le respect des autres humains et l’espoir d’un monde meilleur où on cessera de s’entre-tuer pour toutes sortes de mauvaises raisons.

Lise Payette



Articles Par : Lise Payette

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