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Génocide rwandais : Le peuple crie justice !
Par Partenariat-Intwari
Mondialisation.ca, 08 mars 2008
Cellule de la Documentation & Sécurité du Partenariat-Intwari 8 mars 2008
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/g-nocide-rwandais-le-peuple-crie-justice/8283

Mémorandum adressé au Conseil de Sécurité des Nations Unies  

Plaidoyer pour une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais et ses conséquences :

Résultats d’investigations menées par la Cellule de la Documentation & Sécurité du

Partenariat-Intwari. 

Février 2008

Liste des abréviations et acronymes

AFDL Alliance des Forces Démocratiques de Libération

APR Armée Patriotique Rwandaise

CDR Coalition pour la Défense de la République

CVTD Convention de Vienne sur le droit des traités

DIR Dialogue Inter Rwandais

DMI Directorate of Military Intelligence

EAC East African Community

ESO External Security Organisation

FAR Forces Armées Rwandaises

FDC Forces Démocratiques de changement

FOCA Forces Combattantes Abacunguzi

FPR Front patriotique rwandais

GTBE Gouvernement de transition à base élargie

ICN Intelligence communications network

IRC International Rescue Committee

ISO Internal Security Organization

ITT International Telephone and Telegraph

JDR Jeunesse démocratique rwandaise

MDR Mouvement démocratique républicain

MINUAR Mission des nations Unies au Rwanda

MONUOR Mission d’observation des Nations Unies en Ouganda et au Rwanda

MRND Mouvement révolutionnaire national pour le développement

NRM National Resistance Movement

NRA National Resistance Army

ONU Organisation des Nations Unies

PDC Parti démocrate chrétien

PL Parti Libéral

PPU Presidential Protection Unit

PSD Parti Social Démocrate

RAGL Région de l’Afrique des Grands Lacs

RDC République démocratique du Congo

RDF Rwanda Defence Forces

TIP Tutsi International Power

SPLA Armée populaire de libération du Soudan

UPDF Uganda Peoples Defence Force

URSS Union des républiques socialistes soviétiques

1. Synthèse

Un criminel de guerre promu «Héros» du Rwanda et de l’humanité!

Le juge espagnol Fernando Andreu Merelles a lancé, mercredi 6 février 2008, des mandats d’arrêts à l’encontre de quarante hauts responsables de l’armée rwandaise pour actes de génocide, crimes de guerre et terrorisme commis au Rwanda et en République démocratique du Congo entre le 1er octobre 1990 et 2002. Le général Paul Kagame, dont la responsabilité est désignée sans ambiguïté, est épargné, pour l’instant, en raison de son statut de chef d’Etat en exercice.

A la faveur de sa victoire militaire sur les forces du régime Habyarimana et solidement soutenu par ses puissants parrains américains et anglais, le général Paul Kagame s’est imposé au peuple rwandais comme son « Sauveur » et son «Libérateur»! Le «Héros» partout célébré pour avoir arrêté un génocide pourtant entièrement consommé. Curieusement, l’article 14 de la Constitution rwandaise affirme en des termes clairs et précis que le génocide s’est étalé sur la période du 01 octobre 1990 au 31 décembre 1994 : «L’Etat, dans les limites de ses capacités, prend des mesures spéciales pour le bien-être des rescapés démunis à cause du génocide commis au Rwanda du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1994, des personnes handicapées, des personnes sans ressources, des personnes âgées ainsi que d’autres personnes vulnérables». Comment, dans de telles conditions, ne pas se demander par quelle magie aucun membre Tutsi du FPR n’a jusqu’à ce jour été jugé, ni par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ni par les juridictions nationales rwandaises ou étrangères? Est-ce à dire qu’aucun d’entre eux n’ait trempé dans les crimes de guerre, crimes de viols, crimes de paix, crimes contre l’humanité et crimes de génocide qui ont émaillé cette sombre période? 

Tout se déroule comme si au Rwanda la culpabilité et la justice devaient être à sens unique, la mémoire de la guerre et du génocide être sélective et exclusive. Le peuple rwandais est littéralement pris au piège de l’instrumentalisation du génocide des Tutsi. Ces derniers sont parfois considérés comme des «Juifs d’Afrique» dans l’intention manifeste de prévenir la moindre tentative de «révisionnisme» susceptible de conduire à la relecture des événements tragiques survenus au Rwanda, une relecture qui, cependant, semble de plus en plus inéluctable. Tout se passe en effet comme si au Rwanda il n’y avait eu qu’une seule et unique partie belligérante, en l’occurrence celle où se retrouvent globalisés sans doute à tort tous les Hutu du Rwanda. On fait comme si les victimes étaient d’un seul camp, à savoir celui des Tutsi et les bourreaux de l’autre, à savoir celui des Hutu. On se retrouve piégé dans un schéma aussi cynique que simpliste dans lequel s’opposeraient à mort les «méchants» Hutu et les «gentils» Tutsi! Aux yeux de l’ONU, le FPR serait pourtant qualifié pour la mission délicate de réconcilier les composantes d’une nation dont il constitue, à notre avis, l’un des principaux fossoyeurs. Comment un Etat fondamentalement partial pourrait-il rassurer tous ses citoyens? 

Le FPR, juge et partie dans la tragédie rwandaise

Financées à coup de millions de dollars par des bailleurs de fonds en apparence sans scrupule, les fameuses juridictions «gacaca» taillées sur mesure font rage dans le pays où elles attisent l’injustice, encouragent la délation et la haine et consacrent l’inégalité des citoyens devant la loi, au sein d’une société toujours aussi traumatisée par les conséquences d’une tragédie mal assumée.

Il s’agit manifestement d’une justice de vainqueur, taillée sur mesure et ayant pour mission d’assurer l’impunité à une certaine catégorie de la population rwandaise. Mais malgré tous les subterfuges utilisés, le gouvernement FPR ne parvient pas à  stabiliser en profondeur la situation politique dans le pays. Au contraire, des milliers de familles continuent d’être spoliées de leurs biens, d’autres sont détenus parfois depuis 14 ans et sans le moindre dossier, on relève tant de disparitions forcées et tant de gens contraints à l’exil. On assiste aujourd’hui à une situation politique toujours aussi instable et très dangereuse dans la mesure où le conflit rwandais est loin d’être résolu et de révéler sa cause et sa finalité véritables. Il s’est même considérablement régionalisé et internationalisé au point que l’on peut affirmer sans le moindre risque de se tromper que la source de la crise prévalant dans le Nord-Kivu en RDC se trouve bel et bien au Rwanda. Au chevet de la RDC depuis plusieurs années déjà, la Communauté internationale aurait dû s’en apercevoir mais rien n’indique réellement que la paix et la stabilité de cette région tant convoitée soient inscrites sur son agenda.

Le génocide des Tutsi, la partie visible de l’iceberg

Le génocide des Tutsi du Rwanda est une réalité indéniable. Mais aussi effroyable qu’il puisse paraître, ce génocide dans sa version officielle à plusieurs égards contestable, ne constitue que la partie visible de l’iceberg du génocide rwandais planifié par Museveni.

Dans une décision rendue le 1er décembre 2006 à Arusha, la chambre d’appel du Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR) a réitéré son « constat judiciaire » du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994. Dans une précédente décision rendue le 16 juin 2006 dans le cadre du procès de trois dirigeants nationaux de l’ex-parti présidentiel, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), la chambre d’appel avait conclu que le génocide des Tutsi du Rwanda constituait « un fait de notoriété publique » faisant partie de l’histoire de l’humanité et qui n’est plus à démontrer.

La chambre d’appel du TPIR avait néanmoins tenu à souligner que le «constat judiciaire» du génocide ne dispense pas le Procureur d’apporter les preuves de sa thèse d’un plan du génocide. Il serait donc permis de poursuivre les investigations afin de découvrir le plan du génocide. C’est ce que nous avons tenté de faire en élucidant certains points qui nous semblaient cruciaux et que le Procureur a préféré ignorer soit par omission soit par action et pour des motifs encore mal expliqués.

Remodelage de l’Afrique sur fond d’une guerre inavouable entre puissances dites «civilisées»

Après avoir remonté aux sources du drame rwandais qui n’est en réalité qu’un des maillons de la chaîne dans le cadre d’une conflagration mondiale, nous démontrons, preuves à l’appui, pourquoi l’agression de l’Ouganda contre le Rwanda a été orientée dans un certain sens, celui de la reconnaissance du génocide des seuls Tutsi alors que celui-ci s’inscrit indiscutablement dans le plan d’une plus large extermination qui, initialement, visait plutôt les Hutu du Rwanda.

Selon des documents ultrasecrets obtenus auprès des services de renseignements ougandais et rwandais, l’invasion armée du Rwanda par l’armée ougandaise sous le couvert d’un mouvement rebelle rwandais créé et armé à cet effet, obéissait avant tout à un plan ambitieux d’une «guerre de libération régionale» ayant pour objectif de fédérer dix pays africains sous l’autorité du Président ougandais Yoweri Kaguta Museveni. Réunifiés, ces 10 pays devaient former une région vitrine dénommée « Grande Région Unifiée; Great United Region » et devant disposer d’une « Armée Rouge de Réserve ; Reserve Red Army » comptant 2.000.000 hommes et prête à assujettir le reste de l’Afrique subsaharienne. Ne tarissant pas d’éloges pour le chef de l’Allemagne nazie Adolf Hitler, Museveni entendait agir avec le soutien du Royaume-Uni et des Etats-Unis manifestement décidés à chasser la France de l’Afrique où ils espéraient en outre contrer l’influence des puissances émergentes comme la Chine et l’Inde et imposer un ordre politique, économique et militaire totalement anglo-saxon sur le continent africain.

Au-delà de la problématique Hutu-Tutsi

On a acquis l’habitude trop simpliste d’analyser tout conflit qui se déroule en Afrique sous l’angle étroit de l’ethnisme et/ou du régionalisme. Ainsi plus de 7 millions de morts dans la RAGL en l’espace de 17 ans seraient à mettre sur le compte d’incessantes luttes ethniques et régionales dont le continent africain détiendrait le triste record! Des experts autoproclamés n’hésiteront pas à réduire la tragédie rwandaise à la résultante d’une haine atavique et séculaire entre les Hutu et les Tutsi en oubliant que, de l’aveu même du Ministre français des Affaires étrangères et européennes M. Bernard Kouchner, au Rwanda, la France s’est heurtée aux Belges, aux Anglais et aux Américains. Le responsable français précise que cette confrontation se déroulait sur fond du jeu d’influences multiformes sur la RDC. Comment, dans un tel contexte, expliquer que près de 5 millions de Congolais tués en l’espace de 10 ans ne seraient que des dégâts collatéraux d’une guerre sans merci que se livreraient Hutu et Tutsi du Rwanda depuis des siècles? Notons pour comparaison que la 2ème guerre mondiale s’est soldée par 9 millions de morts au terme de 5 ans de combats dans lesquels étaient engagées les armées des principales puissances de l’époque. Si l’on voit actuellement ces pays dits «civilisés» intervenir de moins en moins ouvertement, cela ne réduit en rien leur influence néfaste dans les conflits qui déstructurent l’Afrique et d’autres parties du monde. 

Simplifier un continent jugé particulièrement complexe

Provoquée, alimentée et parfois portée à son paroxysme selon les intérêts des politiciens locaux eux-mêmes le plus souvent réduits à de simples pions entre les mains de leurs parrains étrangers, l’opposition Hutu-Tutsi constitue certes un créneau porteur en ce qui concerne le Rwanda et le Burundi. Mais la «guerre de libération régionale» chère aux Présidents Museveni et Kagame est autrement plus ambitieuse. Il faudra donc élargir ce créneau en assimilant les Hutu aux Bantous et les Tutsi aux Nilotiques en vue de mettre en place un schéma socioculturel pratiquement valable sur toute l’Afrique noire, un schéma aisément manipulable dans les dix pays à fédérer sous une entité solidement ancrée sur le modèle anglo-américain. Une précieuse longueur d’avance prise par les Anglais et les Américains par rapport à la France placée en position de bouc émissaire idéal s’agissant particulièrement du drame rwandais. 

L’Afrique face à son destin

Le 26 Juillet 2007 à Dakar, le Président Nicolas Sarkozy a déclaré : «… le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Selon lui, le paysan africain, qui « depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles…étranger à l’idée de progrès ».

Cette déclaration a aussitôt déclenché de vives protestations tout en ayant le mérite de les provoquer. Car en effet la question relative à l’attitude des Africains face à leur destin commun reste posée. Car comment comprendre que, dans le contexte d’une mondialisation toujours plus franche,-d’aucuns diraient de plus en plus sauvage-, le politicien africain continue de manier les arguments de l’ethnisme et du tribalisme, faisant ainsi le bonheur de ceux qui ne regardent l’Afrique qu’à travers ses ressources naturelles et autres matières premières précieuses? C’est pourtant ce qui se passe dans la RAGL où des peuples entiers sont menacés d’extermination par des puissances dites «civilisées» et du «monde libre» qui se battent pour le contrôle de cette région dont le cœur se trouve être la RDC décrite à juste titre comme un «scandale géologique».

Comment admettre que, sous la conduite des seigneurs de guerre formés et lourdement armés par des Etats donneurs de leçons dans les domaines de la démocratie et des droits de l’homme, nos peuples soient massacrés au nom des rivalités économiques et culturelles entre les mondes anglophone et francophone? C’est pourtant ce qui s’est passé au Rwanda et qui se poursuit en RDC et dans toute la région. En effet, l’extension de « la guerre de libération régionale » à l’Ex-Zaïre, guerre dont Museveni est le leader et planificateur incontestable, était subordonnée à l’occupation du Rwanda par la NRA de l’Ouganda. Pour ce faire, celle-ci s’est déguisée en FPR qui, dans l’intention de dissimuler le génocide des Hutu planifié depuis 1989 en Ouganda et s’assurer d’un pouvoir sans fin et sans partage au Rwanda, dut passer par un plan transitoire d’incitation à l’extirpation de l’opposition démocratique en acte et en puissance (Tutsi et Hutu) avant l’extermination systématique des Hutu qualifiés par le duo Kagame/Museveni comme des « ennemis régionaux » et « obstacles majeurs » à la poursuite de la guerre de libération régionale. L’extermination des Hutu en toute impunité n’était possible que précédée par une guerre civile permettant au FPR de contourner le traité de paix d’Arusha et l’option pour une solution politique négociée, toutes les deux étant en réalité des simulacres au service de la récupération du Rwanda considéré comme un tremplin aux opérations à venir.

A cet effet, l’assassinat inévitable de Habyarimana devait agir comme le détonateur immédiat de l’effondrement de l’ordre public intérieur. C’est à ce moment précis que la guerre, longtemps subordonnée à l’assassinat préalable de Habyarimana, pouvait enfin commencer. Initialement prévue au milieu des années 1989, cette guerre a été différée et retardée par l’insuccès d’une série d’échecs d’actions commandos allant de la fin de 1988 au 13 mars 1990, date à laquelle une réunion d’évaluation des obstacles à l’assassinat du Président rwandais à l’intérieur de son pays a décidé de confier à Nyerere une mission de concevoir une stratégie ultime pour contourner la sécurité intérieure trop serrée autour de Habyarimana. Dans une autre réunion tenue le 20 avril 1990, Nyerere a proposé à Museveni de scinder la guerre initialement subordonnée à l’assassinat préalable de Habyarimana en deux guerres distinctes mais aux objectifs absolument complémentaires. Il s’agit de la guerre provisoire et de la guerre définitive sur lesquelles nous nous étendrons en détails tout au long de ce travail.

2. Introduction

Le 8 novembre 1994, par sa résolution 955, le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît la réalité du génocide rwandais et crée le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Mais depuis, la polémique n’a cessé de croître et de faire couler tant d’encre à propos de ce génocide. Pourquoi le seul génocide des Tutsi est-il sujet à discussion ?

Le génocide des Tutsi était-il objectivement prémédité et planifié dans tous ses détails? Si oui par qui ? Sous l’autorité du Président Juvénal Habyarimana ou de celle de son éphémère successeur Théodore Sindikubwabo? Par le gouvernement de Sylvestre Nsanzimana, celui de Dismas Nsengiyaremye, celui d’Agathe Uwilingiyimana ou par celui de Jean Kambanda? A qui profitait réellement le crime? Ce génocide a-t-il effectivement été perpétré par les seuls Hutu aujourd’hui incriminés ? Les Hutu du régime Habyarimana ont-ils objectivement formé un front commun avec ceux de l’opposition démocratique en vue d’exécuter ce génocide? Comment expliquer l’élimination de la plupart des leaders de cette opposition? Les Tutsi étaient-ils les seuls visés ou s’agissait-il avant tout de se débarrasser d’une opposition encombrante où se côtoyaient Hutu et Tutsi accusés, à tort ou à raison et souvent par les deux principaux belligérants, de complicité avec «l’ennemi»?  Quelles sont les milices qui auraient été créées dans l’intention d’exécuter le génocide des Tutsi? Les «Interahamwe» du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND)? La Jeunesse du Parti socialiste démocrate (PSD) connue sous le nom de «Bakombozi»? La coalition pour la défense de la république (CDR) et sa jeunesse « Impuzamugambi »? La Jeunesse démocratique républicaine (JDR-Inkuba) du MDR ou la Jeunesse du Parti Libéral ? Quels sont les partis politiques qui, à l’époque, étaient effectivement opposés à l’application des accords d’Arusha?

A quand remonte réellement la planification d’un génocide au Rwanda? Avant ou après la formation du Gouvernement de transition comprenant des membres de l’opposition? Où et comment se serait organisée une telle planification? Pourquoi et pour quel mobile invoqué par le planificateur? L’extermination des Tutsi et des Hutu dits « modérés » aurait-elle été concevable sans l’effondrement de l’ordre public ? Quel aura été l’événement déclencheur de l’effondrement de l’ordre public au Rwanda? Qui l’a planifié et, dans quelle intention? Qui devait profiter des effets internes et externes alors escomptés? A qui l’effondrement de l’Etat et l’échec des accords de paix profitaient-ils? Un MRND décapité par l’assassinat de son fondateur Juvénal Habyarimana? Une opposition démocratique complètement désarmée et, désormais à la merci de la loi du plus puissant? Ou le FPR enfin libre de reprendre les hostilités et, sous le fallacieux prétexte de combattre le génocide, de prendre le contrôle d’un Etat à la dérive?

Pourrait-on, logiquement, accuser de génocide les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir à Kigali du 01 octobre 1990 au 31 décembre 1994 et visiblement mis en cause par l’article 14 de la Constitution adoptée sous le régime FPR, tout en innocentant aveuglément ce dernier alors que, selon la Constitution en vigueur, son offensive armée a coïncidé avec le début du génocide ? En tentant maladroitement de se déculpabiliser, le FPR n’aura-t-il pas, à travers l’article 14 de la Constitution, fait des aveux hautement significatifs quant à ses responsabilités dans la tragédie nationale? En d’autres termes, ces gouvernements auraient-ils prémédité, planifié et exécuté la violation des articles 46 à 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT) du 23 mai 1969 ? Préalablement au génocide des Tutsi d’avril-juillet 1994 et, après la signature des accords de paix d’Arusha le 04 août 1993, existerait-il des preuves matérielles quant à la violation des dispositions du droit interne concernant la compétence à conclure des traités (art.46), la restriction particulière du pouvoir d’exprimer le consentement d’un Etat (art.47), une erreur (art.48), un dol (art.49), la corruption d’un représentant d’un Etat (art.50), la contrainte exercée sur le représentant d’un Etat (art.51), la contrainte exercée sur un Etat par la mesure ou l’emploi de la force (art.52) et enfin la conclusion de traités en conflit avec une norme impérative du droit international (Jus Cogens, art.53) ? N’est-il pas manifeste qu’une partie au traité de paix d’Arusha était de mauvaise foi et réunissait toutes ces causes de nullité d’un simulacre de traité paix?

Dans l’hypothèse de la planification du génocide par le régime MRND, comment expliquer que certains responsables politiques influents de l’époque ne soient point inquiétés, ni par le TPIR ni par les tribunaux nationaux, alors que l’on continue de suggérer que les machettes avaient été distribuées avant même l’assassinat du Président Habyarimana? M. Faustin Munyazesa (ancien Ministre de l’Intérieur), M. Anastase Gasana(ancien Ministre des Affaires Etrangères), M. Marc Rugenera (ancien Ministre des Finances) et M. Enoch Ruhigira(ex-Directeur de cabinet du Président Habyarimana); ne détiendraient-ils aucun témoignage valable à propos de la planification présumée du génocide des Tutsi?

Comment l’ancien Premier Ministre Jean Kambanda aurait-il pu planifier le génocide des Tutsi alors que lui-même, Hutu réputé  »modéré » et originaire du Sud ? N’était-il pas à l’époque un membre assez peu connu de l’opposition avant de se voir nommer premier ministre dans le contexte chaotique que l’on connaît? Dans quelles conditions a-t-il plaidé coupable sans que le tribunal ne lui demande de faire toute la lumière sur la planification du génocide des Tutsi? Qu’est-ce qui, enfin de compte, aura précipité les Hutu « modérés » comme Kambanda entre les mains du camp des radicaux du régime?

Existe-t-il des traces écrites au sujet de la planification du génocide des Tutsi par un quelconque gouvernement ou seulement des témoins qui ne racontent que des faits de notoriété publique? Ces faits ne seraient-ils pas instillés dans les esprits par les véritables planificateurs du génocide rwandais et principaux artisans de la solution militaire au Rwanda? Comment un gouvernement aurait-il pu planifier un génocide et ne laisser la moindre trace écrite à ses tombeurs lors de sa débandade militaire? Vaincue par les alliés, l’Allemagne nazie ne leur a-t-elle pas laissé suffisamment d’archives, des camps de concentration, des témoins et des mobiles fiables? Comparé de mauvaise foi à celui des «Juifs d’Afrique», le génocide des Juifs n’a-t-il pas laissé des traces écrites qui compromettent de façon irréfutable les différents gouvernements et autres institutions complices ? Ces traces n’allaient-elles pas se révéler précieuses dans les procès organisés par le Tribunal de Nuremberg? Toujours est-il qu’il y a moins de polémique quant à la préméditation, la planification, l’exécution et le mobile de la shoah?

C’est dans ce contexte particulièrement complexe qu’il nous est apparu indispensable de nous attaquer aux racines du génocide rwandais en vue d’en identifier les causes réelles et d’en cerner les contours. Nous entendons enfin, dans le cadre du présent Mémorandum, proposer quelques pistes de solution possibles au conflit rwandais.

3. L’Ouganda agresse le Rwanda sous le couvert du FPR-Inkotanyi

Contrairement à la thèse communément admise selon laquelle des soldats Tutsi membres de l’armée ougandaise auraient déserté pour attaquer le Rwanda, c’est plutôt l’Ouganda et non le FPR son instrument, qui prépara et mena la guerre contre le Rwanda à partir du 01 octobre 1990. Il s’agissait d’une véritable guerre d’agression menée par l’Etat ougandais contre l’Etat rwandais. Une agression caractérisée mais simulée en «guerre de libération» qui s’appuyait sur des revendications légitimes de la diaspora rwandaise à l’époque majoritairement tutsi et qui, solidement parrainée par les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni, allait embraser durablement la région de l’Afrique des Grands Lacs.

Dans un premier temps, le Président Habyarimana et son gouvernement vont d’ailleurs dénoncer une agression étrangère avant de souscrire, sous d’intenses pressions diplomatiques, à la formule plus convenante d’un conflit interne. Habyarimana se sera manifestement trompé d’adversaire car en lieu et place du FPR, c’est contre Museveni que sa contre-attaque aurait dû être la plus franche. Il en serait ainsi devenu le deuxième leader africain, après le Négus éthiopien Hailé Sélassié, à recourir à l’opinion internationale pour dénoncer une agression conduite par plusieurs puissances coalisées. S’adressant en effet le 30 juin 1936 à Genève à la Société des Nations qui allait devenir l’ONU, le leader éthiopien dénonça avec force mais en vain, l’agression dont son pays était victime de la part de l’Italie mussolinienne. Certes l’histoire lui donnera raison mais pas assez tôt pour sauver de nombreuses vies humaines péries dans des circonstances tragiques comme ce sera le cas au Rwanda et dans la région de l’Afrique des Grands Lacs.

Fortement encadrés, financés et armés par des puissances étrangères, Yoweri Kaguta Museveni et Paul Kagame ont soigneusement conçu, planifié et déclenché la guerre rwandaise qui durera de 1990 à 1994. Avec le soutien de leurs alliés, ils ont incontestablement et largement contribué à la mise en place des conditions du génocide rwandais dans l’exécution duquel ils ont joué un rôle indéniable. Et comme si cela ne suffisait pas, ils ont impunément et durablement mis le feu à la région de l’Afrique des Grands Lacs.

3.1 Le régime Habyarimana à l’épreuve du courant démocratique qui souffle sur l’Afrique

Sous la férule du général major Juvénal Habyarimana, le Rwanda est un Etat fortement centralisé. Encadré par le MRND, un parti unique comme dans la plupart des pays africains de l’époque, le pays jouit d’une certaine prospérité économique et il est souvent cité en exemple tant par les Institutions de Bretton Woods que par ses autres nombreux bailleurs de fonds. Monté au pouvoir en 1973 à la faveur d’un coup d’Etat, le général président a beaucoup de mal à s’adapter à l’avènement du pluralisme et du multipartisme qui secoue l’Afrique du moment.

Mais le régime Habyarimana est contraint de s’adapter aux évolutions politiques nouvelles marquées notamment par l’avènement du multipartisme qui déferle sur le continent africain sous l’influence du discours prononcé par le Président François Mitterrand à l’occasion de la 16ème Conférence franco-africaine de Labaule le 20 juin 1990. Dans ce discours, le Chef de l’Etat français préconisait la conditionnalité de l’aide de son pays en ces termes : « L’aide de la France aux Etats africains est subordonnée à l’avancée du processus de démocratisation».  Et M. Roland Dumas, Ministre français des Affaires étrangères de renchérir: « Le vent de la liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud ». « Il n’y a pas de développement sans la démocratie et il n’y a pas de démocratie sans le développement », tranchait le patron de la diplomatie française.

Museveni et Kagame n’allaient donc plus affronter un seul ennemi mais désormais deux. Au régime du Président Habyarimana s’ajoutait de façon inattendue l’opposition intérieure regroupée au sein des Forces démocratiques pour le changement (FDC). De plus en plus agissante et parfois au détriment des intérêts des deux principaux protagonistes du conflit qu’étaient le régime du Président Habyarimana et la rébellion du FPR dirigée par Paul Kagame, cette opposition finira par se faire phagocyter par les deux principaux protagonistes du conflit.

Dans un premier temps, le FPR va se servir de l’opposition comme argument politique en vue d’affaiblir le régime de Habyarimana. Mais il entendait ensuite extirper à la racine toute opposition en acte et en puissance comme l’atteste aujourd’hui la nature autocratique de sa gouvernance. Ayant enfin les mains libres et les pleins pouvoirs pour faire prévaloir une justice de vainqueur selon sa propre version des faits, il écrase sans ménagement toute forme d’opposition tout en maintenant pour la forme un multipartisme de façade. 

    1. Le problème des réfugiés, maladie chronique au pays des mille collines
    2. On a parlé à propos des Tutsi du Rwanda et à juste titre qu’ils étaient les réfugiés les plus vieux d’Afrique. 30 ans c’était trop. Mais, sans doute sous le coup de l’émotion, on n’aura pas assez analysé l’attitude plutôt ambiguë du FPR pourtant supposé être leur ultime espoir.

      En 1988, à l’initiative du Professeur Alexandre Kimenyi et ses amis dont l’américain Roger Winter (US Committee for Refugees), s’est tenue à Washington, une Conférence internationale sur la question des Réfugiés Tutsi. Bien qu’on soit aujourd’hui en mesure d’affirmer que ladite conférence n’était pas dépourvue de toute arrière-pensée politique, il est révélateur de noter l’attitude plutôt hostile à cette conférence aussi bien de la part du régime Habyarimana que du FPR lui-même qui venait à peine d’avoir le jour.

      En effet, le gouvernement rwandais a essayé sans succès de saboter cette initiative. Mais, craignant pour sa part de voir détourner son bastion naturel en cas de succès de la conférence, le FPR avait tenté de s’y opposer avant de se raviser et d’y participer tout en essayant de l’influencer.

      Il faudra reconnaître que le FPR s’est de tout temps montré méfiant à toute initiative poussant vers une solution pacifique au problème des réfugiés. Cela est valable pour la période où les réfugiés étaient en majorité tutsi, cela n’a pas changé aujourd’hui avec des réfugiés en majorité hutu.

      Les réfugiés Tutsi étant considérés comme son principal terroir dans la mesure où ces derniers lui fournissaient des milliers de soldats, le FPR n’aurait supporté que quelqu’un d’autre s’occupa du problème de ces réfugiés Tutsi. Car, que serait-il devenu si par hasard, ce problème avait trouvé une solution avant son offensive militaire du 1er octobre 1990? De son côté, encore marqué par la période révolutionnaire des années 50-60, le régime MRND se méfiait comme de la peste de ces Tutsi en qui, il voyait d’abord des ennemis politiques avant de les considérer comme des réfugiés et des apatrides en quête d’un foyer.

      Si les inégalités sociales et économiques étaient séculaires et institutionnalisées, force est de constater que c’est à ce niveau précis que se trouve le noeud gordien de la problématique rwandaise qui n’a pas cessé de s’empirer jusqu’à nos jours.

      Cette question s’est posée à la monarchie et aux colonisateurs belges en 1959. N’ayant su y répondre convenablement, le Rwanda a été plongé dans la violence révolutionnaire qui s’est soldée par l’abolition du régime monarchique et l’instauration de la république. La même question se posa aux deux régimes républicains successifs des présidents Grégoire Kayibanda et Juvénal Habyarimana. La réponse se fit attendre et c’est ce qui, en partie, conduira à la conflagration des années 90 avec toutes ses terribles conséquences. La même question se pose encore aujourd’hui dans des termes encore plus cruciaux au régime du FPR dominé par d’anciens réfugiés. Qui pourra enfin persuader le gouvernement FPR que les réfugiés rwandais constituent aujourd’hui un problème à résoudre plutôt qu’un instrument manipulable à merci?

      La question qui se pose est simple : oui ou non les Hutu et les Tutsi pourront-ils un jour revivre ensemble et égaux en droits dans leur pays le Rwanda?

      Allant jusqu’au bout de sa logique militariste, le FPR a pris le risque inconsidéré de torpiller les accords de paix d’Arusha en commettant l’attentat terroriste du 06 avril 1994. Mais comme nous l’expliquons tout au long du présent Mémorandum, pas plus que ses puissants protecteurs, le chef du FPR Paul Kagame n’avait jamais envisagé une solution pacifique qui aurait pu répondre aux attentes des réfugiés tout en préservant l’intérêt général de tout le peuple. Au fond dans toute cette affaire, aussi bien les réfugiés que tous leurs compatriotes auront été manipulés au nom d’intérêts étrangers. Le FPR doit se tenir prêt à en répondre un jour devant le tribunal du peuple et de l’histoire.

      De fait, avant de simuler l’option d’une solution politique négociée avec le gouvernement élargi à l’opposition non armée et dirigé par Dismas Nsengiyaremye, le FPR émettra des doutes quant à l’agenda politique du MDR qui, en réalité était né après le PL très proche du FPR. Il semble en effet que le PL opérait clandestinement depuis fort longtemps à l’intérieur du Rwanda et se préparait à devenir une alternative transitoire avant des élections démocratiques que le FPR avait déjà prévu de saboter au cas où la signature d’un simulacre des accords de paix d’Arusha l’aurait contraint à passer de son simulacre de solution politique négociée à la participation au Gouvernement de transition à base élargie (GTBE) alors censé préparer les élections démocratiques.

      C’est ce qu’indique un document codé (DOUBTS OVER POLITICAL AGENDA OF MDR REF 6470/JKS) où l’on peut lire ce qui suit : « Il y a un doute sérieux au sujet d’une libéralisation politique et de l’agenda politique du régime de Kigali. La révision de la constitution de 1991 donne au système une casquette de multipartisme qui n’est pas sûre. Tous les réfugiés sont censés retourner au Rwanda mais non en tant qu’opposition politique. Le régime n’est pas sérieux à ce sujet. Cela implique qu’un recours à une sérieuse et solide forme de résistance doit être utilisé afin d’éviter tout regret. La solution applicable dans ce cas sera comme indiqué dans la conférence (REF4563/THRWA/56 code 560/LP). Le recours aux négociations politiques devrait être encouragé mais sans pour autant s’y fier pour éviter tout regret. Le renforcement des positions et la mobilisation des forces doivent plutôt être plus forts car l’interférence de la France est inévitable. Copie pour information NAKASERO STATE HOUSE, UPDF HQ MBUYA, 1ST BATALLION » [Preuve n°001].

    3. Une guerre planifiée en deux phases, provisoire et définitive

Jusqu’à la fin des années1988, Museveni avait subordonné l’agression armée contre le Rwanda à l’assassinat préalable de Juvénal Habyarimana. Initialement planifiée pour être enclenchée en 1989, cette guerre sera retardée par l’échec de plusieurs actions para commandos de la NRA dans sa tentative d’assassiner le leader rwandais à l’intérieur de son pays. Parmi les raisons de ces échecs, on peut retenir la sécurité trop serrée autour de la victime visée par Museveni. Jusqu’au 10 mars 1990, tous les rapports transmis par les commandos de la NRA chargés de la mission d’assassinat faisaient état d’un mur de sécurité infranchissable autour du Chef de l’Etat rwandais. C’est à cette date que se tint à Kampala une réunion d’évaluation de la situation. C’est à ce moment précis que se tint une réunion d’évaluation pour lever tous les obstacles à l’assassinat du président rwandais, notamment en réunissant tous les moyens nécessaires. Parmi les invités présents figuraient, outre des officiels ougandais, le tanzanien Julius Nyerere et le nigérian Moshood Abiola, ancien patron de la société ITT. Sur proposition de Museveni, Nyerere fut chargé de monter une stratégie susceptible de débloquer la situation.

3.4 Julius Nyerere, une carte maîtresse dans le jeu du FPR

Sur proposition de Nyerere, la guerre est donc scindée en deux étapes bien distinctes mais complémentaires l’une de l’autre. Il s’agissait de la guerre provisoire et de la guerre définitive dont nous allons exposer les tenants et les aboutissants. Cette scission a été décidée au cours de la réunion tenue le 20 avril 1990 de 14h à 16h15 dans le palais présidentiel de Rwagitura à Mbarara comme en témoigne le procès verbal de la réunion(REF 0039/R/90) [preuve n°002].


Le cerveau d’un tel stratagème n’est personne d’autre que l’ancien Président tanzanien, Mwalimu Julius Kambarage Nyerere. Mais en sa qualité de leader de la «libération régionale» et planificateur de la guerre régionale, c’est Museveni qui va avaliser la proposition avant de la mettre en œuvre. En effet, une réunion d’évaluation des obstacles liés à l’assassinat du président rwandais à l’intérieur de son pays s’était tenue le 10 mars 1990 dans le palais présidentiel de Kampala [Preuve n°003].


Sur demande de Museveni, Nyerere avait conçu ce plan transitoire en vue de suppléer à l’échec d’une série d’actions menées par des commandos de la NRA à l’intérieur du Rwanda. La guerre provisoire ne visait pas à porter le FPR/NRA au pouvoir. Il s’agissait d’abord d’une contrainte militaire sur le Rwanda pour ensuite contraindre militairement son représentant à un simulacre de négociations de paix dans l’un des pays complices de l’Afrique centrale, orientale ou méridionale, selon les termes de Nyerere, où toutes les conditions étaient réunies pour l’y assassiner. Cette stratégie permettait de déjouer la sécurité intérieure trop serrée autour de Habyarimana et de l’assassiner pour déclencher la guerre définitive. L’assassinat devait par ailleurs mettre immédiatement fin au simulacre de négociations de paix et agir comme une force « détonateur » de l’effondrement de l’ordre politique au Rwanda.

A l’inverse de la guerre provisoire, la guerre définitive obéissait donc au plan initialement conçu en 1989 et qui n’avait pas pu être exécuté suite au retard enregistré par l’équipe chargée d’assassiner Habyarimana. Cette guerre avait des visées génocidaires contre les Hutu du Rwanda dont l’occupation par l’armée ougandaise ne pouvait se réaliser qu’à travers le retour armé des réfugiés Tutsi du camp de Nakivala organisés par Fred Rwigyema et Bayingana, ceux du camp de Masaka, majoritairement naturalisés ougandais et pratiquement étrangers à l’organisation des réfugiés Tutsi, mais organisés, endoctrinés et mobilisés par Museveni et Kagame qui entendaient par ailleurs contrer la popularité indéniable d’un Rwigyema jugé plutôt défavorable à leurs desseins franchement génocidaires.

Pour le duo RPF/NRA débarrassé de Rwigyema de plus en plus sceptique par rapport aux stratégies d’extermination des populations, la conquête du Rwanda par la force qui supposait l’extermination des Hutu, devait faciliter l’occupation du Rwanda par l’Ouganda et son instrumentalisation au profit de la « libération régionale ». Formé dans une telle perspective, Paul Kagame était déjà prêt à assumer valablement cette fonction. Le Rwanda allait servir de tremplin à la poursuite de la guerre notamment dans l’ex-Zaïre, avant d’envisager « la libération totale du Burundi » selon les termes précis de Museveni, puis la conquête de la Tanzanie considéré alors comme le berceau de la « libération ». Il faut noter qu’au départ, les Tutsi du Zaïre et de la Tanzanie n’étaient pas visés par le rapatriement que le FPR/NRA faisait miroiter à la Communauté Internationale comme justification de sa guerre. Ces Tutsi devaient plutôt s’implanter davantage dans ces pays comme l’indiquent clairement des documents ultrasecrets.

Nombreux parmi ces Tutsi qui, à condition d’avoir prêté main forte au FPR/NRA, auraient contribué à l’extermination des Hutu et à la « sécurisation » du pays, devaient également avoir la possibilité ou de s’établir dans leur pays d’origine ou de retourner dans leur pays d’accueil. C’est le cas des Tutsi dits « Banyamulenge » qui servirent de paravent dans les invasions de la RDC en 1996 et en 1998. Dans une enquête de mortalité publiée récemment, International Rescue Committee (IRC) estime que le conflit et la crise humanitaire en République Démocratique du Congo ont coûté la vie à 5,4 millions de personnes depuis 1998 et continuent, chaque mois, de tuer 45.000 personnes.

En effet, le retour pacifique des réfugiés Tutsi au Rwanda a été au départ compromis par Museveni et Kagame qui le jugeaient incompatible avec la finalité ultime de la guerre dite de libération régionale. Une telle guerre devait, selon eux, libérer tous les Tutsi de la région étiquetés globalement et idéologiquement de « Nilotiques » ayant pour vocation d’assujettir les Hutu globalement et idéologiquement étiquetés de «Bantous ». C’est pour obéir à cette logique finale et globale que la guerre de « libération régionale » a été précédée par une vulgarisation subtile et sournoise relative à la prétention selon laquelle il existerait « un peuple nilotique» dans la Grande Afrique de l’Est réputée allemande et qui s’étend de l’Afrique du Sud au Caire en Egypte. Un tel mythe ne pouvait que plaire aux parrains américains et britanniques de Museveni qui convoitent les immenses richesses naturelles et matières premières de la région. Dans ce cadre, quoi de plus simple et de plus efficace que de dresser le « peuple nilotique» contre le « peuple bantou », le premier étant idéologiquement assimilé aux Juifs et le second aux Nazis ?

Les « libérateurs » autoproclamés savent cependant faire preuve de pragmatisme. La guerre de « libération régionale » change d’acteurs selon les pays et la composition ethnique de chacun d’eux même si les objectifs globaux restent intacts et identiques, peu importe l’acteur actuel au service de la cause, à court, moyen et long terme. C’est au nom de ce principe que Kanyarengwe Alexis, Théoneste Lizinde, Pasteur Bizimungu et Seth Sendashonga seront intégrés dans le jeu avant de se voir écarter ; que Laurent Désiré Kabila sera assassiné après avoir compris et rejeté la stratégie de Museveni ; que Julius Nyerere a failli, à plusieurs reprises, être assassiné car accusé de trahison après avoir réalisé le caractère particulièrement criminel du tandem FPR/NRA qui aurait souhaité assassiner le président Habyarimana sur le sol tanzanien ; que J. J. Odongo originaire du Kenya resta longtemps chef d’Etat Major de la NRA pour servir d’instrument aux visées déstabilisatrices de Museveni dans ce pays d’où il partait pour renforcer la SPLA de feu John Garang au Soudan où la compagnie LONRHO est déjà signataire d’un contrat d’exploitation de pétrole une fois le Soudan « libéré » ; que l’armée du FPR comptait dans ses rangs des Somaliens, des Ethiopiens et des Erythréens souscrivant à l’idéologie raciste de Museveni. Des faits concrets et illustratifs sont nombreux pour confirmer le caractère unitaire de la « guerre régionale » en cours, une Guerre qui est en fait la somme de plusieurs guerres et de « victoires » dans la Région de l’Afrique des Grands Lacs. Les peuples meurtris par ces conflits et même plusieurs de leurs acteurs directs ignorent totalement l’existence de pactes secrets noués entre le duo Museveni/Kagame et ses parrains anglo-saxons dont les soutiens multiformes servent à pérenniser l’extermination des peuples entiers. Il s’agit d’une véritable organisation internationale criminelle qui dépasse tout d’entendement.

Pour revenir brièvement à la guerre provisoire, il faut rappeler que celle-ci était initialement conçue pour être une opération éclair et présentait toutes les apparences d’un conflit politique plutôt à caractère interne avec pour objectif final de «libérer » le Rwanda. Mais l’ultime finalité de cette offensive était en réalité l’élimination physique du Président Juvénal Habyarimana par laquelle les « libérateurs » comptaient mettre fin au simulacre de négociations de paix et enfin enclencher la guerre totale et définitive tant attendue. Il importe enfin de souligner que la même réunion du 20 avril 1990 a unanimement désigné la Tanzanie comme l’hôte du simulacre de négociations de paix et donc le lieu potentiel du crime.

Après une longue série de tentatives manquées pour assassiner son homologue rwandais, Museveni s’était rendu compte que ce dernier n’allait pas être une proie facile. Le maître de Kampala mise alors sur des informations en provenance de l’intérieur du Rwanda pour assurer son succès. Il fait appel aux Tutsi vivant au Rwanda car jugés mieux informés que les éléments du FPR/NRA sur le régime Habyarimana et sur les rouages politico-militaires du pays.

A cet effet, les éléments du FPR/NRA opérant à l’intérieur du Rwanda ont été convoqués pour une réunion d’information sur le processus global de planification comme l’indique un document ultrasecret en notre possession (REF5674/HN/94)-Le document précise : «La délégation du PL en provenance de Kigali a exposé son agenda politique certes convaincant mais jugé trop faible pour forcer des changements politiques significatifs. La conclusion a été que seule la force pourrait briser l’ancrage du régime hutu dans la vie politique. Le point d’ancrage de la politique du régime de Kigali est la révolution sociale de 1959 qui doit être effacée de l’histoire. L’absence de liberté politique pour nos frères et leur discrimination à l’intérieur est une menace qui ne finira jamais. Il est impossible d’avoir le soutien local au terme de l’agenda. Le soutien international doit être canalisé à travers le gouvernement ougandais» [Preuve n°004].

Selon un autre document relatif aux résolutions de la réunion (REF45678/KIG/RPA/F code of operation 560LP), « Le moment proposé pour l’attaque du Rwanda était à choisir sur la période s’étalant entre le 29 septembre et le 1er octobre 1990. En vue de soutenir l’offensive à venir, le gouvernement ougandais a accordé, entre autres moyens gratuits, tout le matériel et personnel nécessaire. Les 1er et 9ème  bataillons ougandais devaient acheminer toutes les ressources nécessaires comme formellement convenu avec Salim Saleh Akandwanaho. De leur côté, Paddy Ankunda et LT. Col Drago allaient agir sur les préparatifs comme convenu au préalable selon une note (REF 34526/RPA/897-45 Code 560LP)-. Une copie pour information portant résolutions de la rencontre avec la délégation du PL fut adressée aux quartiers généraux des camps militaires de Mbuya et Lubiri » [Preuve n°005].

3.5 Mystérieuse disparition du Commandant Fred, ascension fulgurante de Paul Kagame

Alors que le début de l’offensive contre le Rwanda avait été fixée en 1989 elle ne sera finalement lancée que le 1er octobre 1990 et sera confrontée à de nombreux « imprévus » dont la mort non encore élucidée du général major Fred Gisa Rwigyema, premier Chairman du FPR, tué dès le deuxième jour de l’offensive.

Dans le but apparent de remplacer ce dernier, Paul Kagame avait été formé et préparé pour diriger les opérations d’extermination des Hutu au cours de la guerre totale et définitive à laquelle devait céder place la guerre provisoire qui n’était, on s’en souviendra toujours, qu’une contrainte militaire sur un pays et son représentant pour déjouer sa sécurité intérieure et faciliter l’assassinat à l’extérieur du Rwanda et donc une stratégie transitoire pour débloquer la guerre totale pour laquelle Kagame était formé au Cuba et Fort Leavenworth. Mais il aura fallu au préalable faire éliminer Fred Rwigyema dont le charisme et la popularité tant en Ouganda que dans certains milieux rwandais avaient fini par agacer Museveni lui-même. Par ailleurs, des liens quasi affectifs existant entre Fred Rwigyema et Julius Nyerere n’étaient pas de nature à arranger les choses.

Voici, à ce propos, ce qu’on peut lire dans un rapport ultrasecret sur la réunion du 14 février 1989(VALENTINES MEET FEBRUARY 14, 1989 REF 5678/LP/UG/GR)- « L’officiel du DMI Kagame Paul, convoqué à Rukingiri pour discuter ses problèmes persistants des luttes pour le pouvoir au sein du DMI. Salim Saleh, Lt. Col Drago, Col Serwanga Lwanga. Tous les orateurs convoqués. Le Président n’y était pas présent mais la réunion était bien présidée par Salim Saleh. Dans une déclaration lue par ce dernier, le Président proposait à Paul Kagame une partie de son stage à Cuba d’où il pourrait poursuivre un autre programme à son retour de ce pays. Il accomplira de fait un programme d’échange du savoir-faire à Fort Leavenworth, Kansas en 1990. Paul Kagame ne fait part d’aucune objection et ne manifeste pas sa satisfaction mais il est attendu pour présenter sa position directement au Président vendredi prochain à 13.00 PM. Les autres parties concernées dans la lutte pour le pouvoir se réservent de tout commentaire » [Preuve n°006].


A propos de ces dissensions au sein de l’APR scindée en deux camps à savoir celui de Fred Rwigyema avec pour père spirituel Julius Nyerere et celui de Paul Kagame ayant pour parrain principal Yoweri Museveni, Kagame devrait un jour expliquer les conditions de la disparition mystérieuse de son « ami » Fred Rwigyema. Cette disparition qui fut en réalité un coup fomenté par Yoweri Kaguta Museveni, permit à Paul Kagame de sortir du lot et de connaître une ascension fulgurante : «Kagame-Bayingana differences discussed. Les dissensions entre Paul Kagame et Peter Bayingana débattues. Rwigyema demande qu’une action disciplinaire soit prise faute de quoi la guerre directe n’aurait aucune base (cause). Kagame fut convoqué par Mwalimu Julius Kambarage Nyerere en vue de discuter des dissensions qui pourraient conduire à l’échec total de la guerre. Les conclusions furent transmises aux parties concernées. Kagame devait accepter de servir sous les ordres de Bayingana, toutes ses propositions et considérations devant alors passer strictement par son chef hiérarchique direct qui est Bayingana à l’époque,  avant d’être ensuite adressées au Président Museveni et à Mwalimu Julius Kambarage Nyerere. Aucune objection n’a été manifestée par les parties » [Preuve n°007].

Malgré l’intervention de Nyerere à plusieurs reprises pour les réconcilier, Kagame avait toujours refusé de servir sous les ordres de  Bayingana. Le torchon n’avait jamais cessé de brûler entre les deux officiers comme un document en notre possession le confirme en ces termes : «Shoot-out failure in Murambi-Byumba during the tour of J. Habyarmana. Contrairement à d’autres multiples tentatives d’assassinat avortées, l’échec d’une fusillade du président J. Habyarimana lors de son voyage d’agrément à Murambi (Byumba) n’a pas été imputée à la sécurité trop serrée autour du président mais bien aux tactiques plutôt mal planifiées mises en oeuvre par le leader du plan d’assassinat qui était Peter Bayingana. Chris Bunyenyezi a alors demandé que la mission d’assassinat soit transférée de la commission initiale issue de la NRA au DMI (the Directorate of Military Intelligence) situé à Basima House et qu’une action disciplinaire immédiate soit prise en raison d’une mission qui avait échoué. Les conclusions de la réunion d’évaluation de la mission d’assassinat furent acceptées sans aucune objection et transmises aux parties concernées » [Preuve n°008].


Le Directeur du DMI n’était personne d’autre que Paul Kagame qui avait toujours saboté Rwigyema et ses compagnons d’armes dont Bayingana. Ces derniers seront tous éliminés dès le début de la guerre dans de curieuses circonstances sans doute connues du Président Museveni dont la hantise à l’époque était non seulement d’abattre son homologue rwandais mais aussi de diminuer l’influence de plus en plus importante de Julius Nyerere qui parvenait à contrôler la situation sur le terrain via les informations fiables lui fournies par Fred Rwigyema et ses proches.

Après avoir malignement éloigné Paul Kagame du champ des violentes luttes d’influence au sein du FPR pour le protéger dans la perspective d’un après Rwigyema apparemment déjà programmé, Museveni rappelle Kagame qu’il va imposer aux forces de l’APR désormais orphelines et en position inconfortables. Les tensions internes observées actuellement au sein de l’armée de l’APR devenue RDF ne sont donc pas nouvelles. Il s’agit visiblement du prolongement dans le temps et dans l’espace des faits non-dits et non élucidés qui datent de la guerre comme ce document (MEET CRISIS REF RPA/67/78) en témoigne en ces termes :

«Le conflit a de nouveau éclaté au sein de l’APR. Tout le monde s’est mis d’accord que les morts de Rwigyema  et de Bayingana ne devraient pas se répéter. Il existe une mésentente sans cesse renouvelée sur quelques petites affaires au sein des forces de libération. P. Rwigyema, Kagame se sont convenu à Kampala en présence de Museveni pour discuter les problèmes qui causent de graves problèmes. Demain à 14 heures, nous allons être ici pour recevoir le rapport. Copie pour information à RPA TOP, NAKASERO STATE HOUSE » [Preuve n°009].

3.6 Le Rwanda entre guerre et ouverture démocratique

Le plan de Julius Nyerere du 20 avril 1990 avait incontestablement l’avantage d’intégrer dans le combat de la rébellion le paramètre d’une opposition démocratique de l’intérieur en partie générée par le fameux discours du Président François Mitterrand au Sommet de La Baule en juin 1990. C’est aussi dans ce cadre que le FPR a discrètement influencé les esprits à l’intérieur du pays afin que Tutsi et Hutu frustrés et mécontents du régime Habyarimana se regroupent et s’organisent d’abord secrètement en un parti politique d’obédience libérale. C’est à travers ce dernier qu’il allait non seulement recueillir des informations pertinentes sur l’évolution du climat politique intérieur, atteindre et persuader des personnes sceptiques recrutées en masse à l’intérieur du pays, mais   encore et surtout canaliser sa propagande de désinformation, d’intoxication et de sabotage et de phagocyter ensuite l’opposition démocratique.

Il semble donc que le Parti Libéral ait existé et fonctionné de manière informelle et en parfaite dualité avec le FPR avant d’être officiellement lancé à l’avènement du multipartisme au Rwanda. Pour rappel, c’est le 01 septembre 1990 que 33 intellectuels rwandais adressèrent une lettre au régime en place pour dénoncer les méfaits du monopartisme et demander le retour au multipartisme. Parmi eux figurait le fonctionnaire international Emmanuel Gapyisi qui sera assassiné.

Les gens commencèrent d’office à s’inscrire en masse dans les partis politiques sans attendre l’agrément des partis politiques par les autorités. Le 13 novembre 1990, sous la pression combinée de l’opinion nationale et de la Communauté internationale, le Président Habyarimana annonce le retour au multipartisme qu’il avait longtemps refusé. Paradoxalement, cet acte signait la mort dans l’oeuf de la démocratie rwandaise dans la mesure où le FPR n’entendait pas du tout arrêter son offensive militaire. C’est dans ce contexte mouvementé qu’il va récupérer un maximum de partis politiques dans son propre agenda militaire et politique. C’est le 01 juillet 1991 qu’est relancé officiellement le parti MDR connu surtout pour avoir mené la révolution de 1959 qui a instauré un régime républicain, mettant fin à plusieurs siècles de monarchie au Rwanda. D’autres partis allaient voir le jour peu après tels que le PL, le PSD et le PDC devaient être créées. Les partis rencontrent le FPR (Bruxelles). C’est là que commence un long simulacre de négociations de paix avec des invités inattendus à la table d’un simulacre de négociations de paix mais préparés préalablement par le Tandem Museveni/Kagame.

Dans tous les cas, Museveni et Kagame n’allaient plus faire face à un seul ennemi mais désormais deux. Au régime du Président Habyarimana s’ajoutait de façon quelque peu inattendue l’opposition intérieure regroupée au sein des Forces démocratiques pour le changement (FDC). De plus en plus agissante et parfois au détriment des intérêts des deux principaux protagonistes du conflit à savoir le régime du Président Habyarimana et la rébellion du FPR dirigée par Paul Kagame, cette opposition finira phagocytée par les deux principaux protagonistes du conflit.

3.7 Yoweri Kaguta Museveni l’anglo-saxon

Museveni est certes l’idéologue de la «guerre de libération» mais il ne pouvait agir seul et avait parfois besoin de couvrir ses arrières. Poussé par la dynamique du succès après sa prise de Kampala en 1986, il contribuera de façon déterminante à la création du FPR qui devait lui permettre de poursuivre sa «mission» au Rwanda et surtout en RDC. Car après la prise de Kampala, c’était le tour de Kigali, étape essentielle dans la conquête du grand Zaïre. Par ailleurs, on trouve derrière Museveni la fameuse «Alliance éprise de paix», en anglais «Peace Loving Alliance». Museveni avait reçu tous les pouvoirs de mettre en œuvre les pactes secrets dont le Royaume-Uni était l’instigatrice avec son fidèle allié américain.

En effet, le retour inopiné de Milton Obote au pouvoir en 1980 a été trop mal vécu par les Anglais qui, profitant de sa présence au Sommet du Commonwealth tenu à Singapour en 1971, avaient aidé le dictateur Id Amin à se hisser au pouvoir par un coup d’Etat militaire. Il faut rappeler qu’à l’occasion de ce sommet, la délégation britannique avait repoussé d’un revers de la main un tout débat relatif au thème de la démocratie. Cette discrétion excessive était due principalement au fait que beaucoup de membres importants de l’organisation – parmi lesquels des pays africains – étaient des démocraties douteuses. La première déclaration de principe, adoptée à Singapour en 1971, dénonce en termes passionnés les démons du racisme, mais évite délibérément de mentionner le thème de la démocratie que les Anglais considèrent à l’époque comme une peste qui réapparaît en Ouganda. Les Anglais avaient découvert Museveni du temps où il était intégré dans l’administration du président Milton Obote comme membre des services secrets en 1970. Après le coup d’état d’Id Amin Dada en 1971 sous l’égide des Anglais, Museveni fuit en Tanzanie. Nyerere quant à lui avait connu et soutenu Museveni lorsque, encore étudiant à l’Université de Dar es Salaam de 1967 à 1970, il rejoint les mouvements nationalistes radicaux et devient président du Front des étudiants africains révolutionnaires (USARF). Mais c’est au sein du Front de Libération du Mozambique (FRELIMO) que combat le pouvoir colonial portugais que Museveni s’entraine aux techniques de guérilla. Il revient en Ouganda en 1979, à la tête de la guérilla aidée par l’armée tanzanienne. Museveni est alors un personnage populaire, mais son parti, le Mouvement patriotique ougandais, est largement battu aux élections de 1980, qui ramenèrent Obote à la tête de l’état.

Peu après son accession au pouvoir, Museveni est reçu en octobre 1987 à la Maison Blanche par le Président Ronald Reagan. C’est à ce moment que naît l’alliance entre le Royaume-Uni, la Tanzanie et le Grand empire nilotique encore en gestation dans la Grande Région de l’Afrique de l’Est, appelée aussi l’Afrique allemande. Il s’agit d’un retour en arrière au fameux « Traité de l’éternelle amitié » que Karl Peters, fondateur de la colonisation allemande proposa aux africains en échange des terres de Bargash. Museveni partage les terres africaines entre les anglais et les américains, à l’instar du partage des mêmes terres entre les Français, les Anglais et les Allemands en 1885.

Dans l’esprit de Museveni et sans doute également dans celui de son allié Kagame, le Rwanda avait pour vocation de servir de tremplin aux campagnes militaires prévues au Congo, au Burundi, en Tanzanie, au Kenya et au Soudan.

3.8 L’élimination de Juvénal Habyarimana et l’extermination des Hutu, une véritable hantise chez Paul Kagame et Yoweri Kaguta Museveni

Museveni avait toujours considéré les Hutu comme des «ennemis régionaux» et leur chef de file supposé être Juvénal Habyarimana comme l’obstacle majeur aux desseins de la «guerre de libération régionale». Un document ultra confidentiel décrit la situation en ces termes : «President Y.K. Museveni accepts all reports and plans. Before War starts J. Habyarimana should be killed as this will act as an immediate sparking force to the political disorder. More alternatives provided to accomplish assassination mission » [Preuve n°010]. «First Battalion of Lubiri Army Barracks under Capt. Kiyinyi will have to lead the assault on Rwandese territory with special artillery and gunships. No opposite tribe (Hutus) should be left on ground as this should be highly maintained. Hutus are regional enemies as expressed by liberation leader Y.K. Museveni under special agreements refer to Rwagitura meet enhanced by Major Paul Kagame, strictly special techniques to be embarked on in order not to attract international attention» [Preuve n°011].

Peu après son accession au pouvoir, Museveni est reçu en octobre 1987 à la Maison Blanche par le Président Ronald Reagan. C’est à ce moment que naît l’alliance entre le Royaume-Uni, la Tanzanie et le Grand empire nilotique encore en gestation dans la Grande Région de l’Afrique de l’Est, appelée par aussi l’Afrique allemande. Il s’agit d’un retour en arrière historique qui fait penser au fameux « Traité de l’éternelle amitié » que Karl Peters, fondateur de la colonisation allemande proposa aux Africains en échange des terres de Bargash. Museveni entend ainsi partager les terres africaines entre Anglais et Américains, à l’instar du partage des mêmes terres, en 1885 lors de la Conférence de Berlin entre Français, Anglais et Allemands.

4. Une guerre inavouable entre puissances «alliées» et «civilisées»

Nous avons déjà évoqué la dimension internationale du conflit rwandais. Il convient toutefois d’y insister dans la mesure où le Rwanda en particulier et l’Afrique des Grands Lacs en général continuent de servir de théâtre à une dangereuse confrontation que les camps concernés ne semblent pas disposés à assumer au grand jour. C’est le cas des massacres qui ensanglantent actuellement le Kenya et qui ne sont pas étrangers aux plans de «libération régionale» si chers à Museveni. Nous y reviendrons plus loin.

Alors que porté à bout de bras par les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni, le régime Kagame tente désespérément d’imposer au monde une lecture réductrice de la tragédie rwandaise et régionale, il y a lieu de démontrer, preuves à l’appui, que ce qui a été présenté à l’opinion comme un conflit Hutu-Tutsi est en réalité une guerre indirecte mais particulièrement meurtrière qui a opposé le camp anglo-saxon mené par les Etats-Unis et le Royaume-Uni au camp francophone animé par la France.

L’ombre de la France planait constamment sur le déroulement des opérations militaires au Rwanda. A ce sujet, un document codé (France REF 560/RW/COF) se passe de tout commentaire : «D’après les rapports des services de renseignements ougandais, la France se prépare à intervenir pour soutenir le régime Habyarimana. Nous avons rencontré des officiels américains et ce sujet a préalablement fait l’objet d’une discussion avec l’attaché militaire à Kampala. Le rapport américain d’hier sera transmis à : AIR FORCE AND AIR MOBILITY COMMAND; C-141 STARLIFTER; C-5A GALAXY; C-17 GLOBEMASTER AIRCRAFT; KC-10; KC-135». [Preuve n°012]. Cela se passait au lendemain de l’attentat du 6 avril 1994. Il en est également question dans un rapport secret à propos de «550 hommes pour des opérations terrestres (ground operation)» : «A n’importe quel moment dès maintenant, les américains vont dépêcher des forces à Entebbe : MACGUIRE AIRFORCE BASE; TRAVIS AIRFORCE BASE; CHARLESTON AIRFORCE BASE S. CAROLINA. Copie pour information à la MAISON BLANCHE DE NAKASERO, UPDF AIRFORCE D’ENTEBBE, DMI, ISO » [Preuve n°013].

Ainsi donc au moment où les troupes françaises s’interposaient entre les deux belligérants afin de les pousser à négocier une solution politique au conflit, les troupes américaines agissaient dans l’ombre notamment à partir de l’Ouganda. Tout en s’en faisant les champions, les Anglo-Saxons vont déstabiliser et neutraliser avec succès le processus de paix et de démocratisation enclenché en Afrique sous l’impulsion de la France avec notamment l’intervention remarquée de François Mitterrand au Sommet de Labaule. Le discours du Président français paraissait sincère mais les Américains et les Anglais vont en être les principaux fossoyeurs tout en s’en proclamant les avant-gardistes. Ils cherchaient visiblement à tirer profit des aspirations africaines au changement qui passait par la chute des dictateurs africains maintenus au pouvoir dans le contexte d’«une guerre impossible entre deux blocs, la paix improbable dans le monde». Les revendications africaines s’exprimaient le plus souvent contre la domination réelle ou supposée de la France sur son pré carré.

La France de l’époque est particulièrement fragile et ses rivaux anglo-saxons en sont pleinement conscients. C’était le bon moment pour précipiter sa déchéance d’autant qu’elle ployait difficilement sous le poids d’une cohabitation politique très délicate entre une gauche diminuée animée par le Président François Mitterrand et une droite montante symbolisée par Edouard Balladur devenu Premier Ministre. La France était de fait placée dans une situation difficile, singulièrement exposée au Rwanda où elle risquait à tout moment et au moindre pépin, de devenir le bouc émissaire d’une évolution incontrôlée. Ainsi, la fin de la guerre froide entre l’URSS et les USA fut suivie d’une situation complexe où les puissants de ce monde s’affrontent par pays pauvres interposés. Ceux qui n’avaient pas encore saisi la raison pour laquelle les neuf mandats d’arrêt internationaux délivrés par le Juge Bruguière contre des proches du Général Kagame restent relativement inopérants pourront sans doute réaliser pourquoi les accords de paix d’Arusha furent à juste titre qualifiés de chiffons de papiers.

4.1 Le Rwanda hypothéqué

Longtemps avant ce simulacre d’accords de paix, le Rwanda avait déjà été hypothéqué au profit des Anglais et des Américains comme le prouvent plusieurs documents ultra confidentiels. Sous le code «INTERNAL SECURITY ORGINIZATION REF: 87630/SE/CODE 546», un document rend compte des résolutions de la réunion du 16 mars 1993 : «Les participants ont décidé d’adresser au FPR  le plan politique et les propositions (Political plan and proposals to RPF) suivants en ces termes: Le plan a été proposé par le président Yoweri Kaguta Museveni et revu par Amama Mbabazi et Kayihura. Le plan implique la compression du Rwanda en cinq plus grandes provinces et non plus le maintien intact des douze préfectures actuelles. Ces cinq provinces seront les provinces Nord, Sud, Est, et Ouest auxquelles s’ajoutera la province de Kigali. L’idée originale était initialement proposée par la Baronne Linda Chalker et les réunions précédentes n’avaient émis la moindre objection. Implications et craintes: La situation sécuritaire au Rwanda après la guerre pourrait s’avérer pleine de défis et nous ne sommes pas préparés pour commettre des erreurs qui feraient honte à nos alliés occidentaux. Les 12 préfectures existantes sont trop ethniques. Copie pour information au FPR » [Preuve n°014].


Quant à la position américaine vis-à-vis de l’inévitable victoire militaire du FPR, le rapport des services externes de renseignements (ESO officials) aux PPU, NRA et ISO officials précise les attentes ou la contrepartie de l’engagement américain en faveur du FPR : « AMERICAN POSITION : Le président Yoweri Kaguta Museveni a accepté l’implication américaine dans la gestion et les décisions politiques du prochain régime au Rwanda. Tout changement d’avis de la part du FPR/APR pourrait conduire à un changement d’attitude de la part des Etats-Unis à l’égard du Rwanda voire y justifier de leur part une intervention plus directe».

Ces pactes secrets sont également assortis de plusieurs conditions insolites dont les principales sont les suivantes : «Le FPR/APR accepte des mesures politiques dictées directement de Washington; le FPR/APR accepte le principe de cooptation voire de fusion avec des personnes issues de l’opposition politique; le FPR/APR devra mettre en place un gouvernement de transition à base élargie à l’opposition au terme de sa victoire militaire et de l’anéantissement total du régime en place jugé plutôt pro belge et pro français; l’économie rwandaise devra être planifiée directement à partir des Etats-Unis; le café du Rwanda devra être vendu aux seules entreprises américaines » [preuve n°015].

Ceux qui s’interrogeaient sur les motivations réelles de la multinationale américaine «Starbucks» qui a le monopole absolu sur  l’exploitation du café rwandais ont désormais la réponse. Ceux qui se demandaient d’où vient la politique ultralibérale et la suppression des bourses destinées aux étudiants issus des familles pauvres ont eux aussi la réponse. Tout est planifié à partir de Washington. Nous sommes pratiquement retournés aux temps coloniaux.

Le temps de l’exploitation des esclaves étant révolu, les puissances modernes exploitent aujourd’hui les richesses naturelles au prix parfois des conflits économiques qui dégénèrent en guerre plus ou moins ouverte où l’on aperçoit de moins en moins les armées des pays puissants car les pays pauvres servent efficacement de chair à canon. Voilà pourquoi le général Kagame est sincère quand il affirme publiquement que tous ses concitoyens sont des « vauriens ». Les Anglo-Saxons ne tarissent d’ailleurs pas d’éloges au sujet de ce « stratège » Paul Kagame qui a parfaitement compris son rôle au service de ses parrains.

4.2 Des parrains certes prévoyants mais trop gourmands et trop pressés

Les préoccupations économiques des Anglo-Saxons ne font pas mystère dans le conflit rwandais comme le montre un document codé (ECONOMIC PLAN REF/345/JL/RW/RPA) où l’on peut lire ce qui suit : «Il existe des craintes quant à ce qui pourrait se passer si le temps imparti à notre guerre allait au-delà du calendrier planifié. Ce plan a été avancé par la commission en charge des finances de l’APR et des propositions y relatives ont été faites au gouvernement de l’Ouganda. Le plan a été discuté, voir REF346/JL/RW/RPA. Il y a un besoin de capturer les lieux suivants et de les réserver à notre possession : La région volcanique du Virunga; la région de l’Akagera; la forêt de Nyungwe et la forêt de Gishwati. Les lieux précités doivent être renforcés pour nos gains économiques au cas où le programme de la guerre devrait être prolongé. Les parties impliquées dans la guerre ne manifestent aucune objection et les copies pour information suivantes ont été transmises:REF/560/JLK; REF/561/JLM. Copie pour information à PPU, RPA.OFF ARUSHA » [Preuve n°016].

4.3 Kampala réclame sa part du gâteau via le braconnage des Gorilles du Rwanda !

Mais l’Ouganda n’est pas en reste dans la course aux intérêts économiques comme en témoigne un accord spécial conclu avec le FPR à propos des gorilles. Un document codé (SPECIAL AGREEMENT REF: MN00120) précise : «Un accord a été signé hier entre l’APR et le gouvernement ougandais concernant les GORILLES DU PARC VIRUNGA. Les parties sont tombées d’accord que les gorilles du parc du Virunga seront autorisés d’émigrer vers l’Ouganda pour y être épargnés de la guerre à la seule condition qu’ils ne seront pas par la suite retournés au Rwanda. Ceci sera un package de contrepartie spécial, voir REF MN00119. Les participants à cette réunion sont appelés à chercher le programme complet à partir de  »the sec desk7 ». CODE 78 RESPECTED. Copie pour information à COMMISSION 4»[Preuve n°017].

4.4 Quand le complexe de Fachoda fait des ravages au Rwanda

Entre le Royaume-Uni et la France, la guerre culturelle fait rage. Pour le Royaume-Uni, il faut viser la France en priorité sans pour autant épargner les cultures et les langues africaines. La Baronne Lynda Chalker donnera le ton au cours d’une réunion d’évaluation de la situation tenue à Kampala : «Laissez quiconque critiquer, mais nous devons en être désolés. Parce que nous avons nos engagements et toute la logistique. Et toute chose nécessaire nous est assurée. Laissez-les qualifier cela d’idéologisme. Mais c’est de cette façon que nous l’entendons ». Et la Secrétaire d’Etat britannique d’ajouter : «Les langues bizarres dans la région n’ont aucune contribution au développement général de la région. Mais cela est une affaire de décisions. Soyons monolingues. Eliminons le Français seulement si nous voulons réussir. Et certes il en est ainsi. Allons ! Nous voulons un changement partout où cela s’avère nécessaire. Et certes il se réalisera. Ne dansons pas au rythme des figures qui s’enferment dans un cocon ou se retranchent dans une carapace brisée (don’t dance to the ice broken figures). Le gouvernement britannique veut donner accès à l’implémentation. Nous avons le soutien et l’accès nécessaires» [Preuve n°018].


Les multinationales anglo-saxonnes ne sont pas en reste dans cette guerre. C’est ainsi que Tiny Rowlands, un des patrons du Groupe LONHRO, une Multinationale où la couronne britannique est actionnaire depuis la période des Rhodes jouera un rôle très actif dans la guerre du Rwanda et de la RDC. Pour encourager Kagame et Museveni, Tiny Rowlands confirme l’appui de son groupe en ces termes : «Soyez assurés de son soutien continu à la fois matériel et financier à cet effet. Allez tout droit au but chaque fois que vous décidez de le faire. N’ayez point peur de la destruction. Pourquoi ne pas détruire si cela est le seul moyen pour gagner le pouvoir? La destruction en masse dans la toute petite république de l’Afrique centrale ne fut-elle pas le prix des motifs décisifs (des gens déterminés)? De quoi pouvez-vous encore avoir peur?» [Preuve n°019].


Enfin, le caractère global du conflit rwandais apparaît encore plus nettement dans diverses déclarations notamment celles de Yoweri Kaguta Museveni. Dans son discours devant l’Assemblée générale de la Société de droit de l’Afrique de l’Est (The East Africa Law Society general assembly) du 04 avril 1997, le Président ougandais déclara : « Ma mission est d’assurer que l’Erythrée, l’Ethiopie, la Somalie, le Soudan, l’Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi et le Zaïre deviennent des Etats fédérés sous une même nation. Cela n’est pas maintenant un choix, mais une obligation que l’Afrique de l’Est devienne une seule nation. Ou nous devenons une seule nation ou nous périssons. De même que Hitler fit pour unifier l’Allemagne, de même nous devrions le faire ici. Hitler était un chic type mais je pense qu’il est allé un peu trop loin en voulant conquérir le monde entier » [Preuve n°020].

Mais qui, à ce stade, pourrait encore douter que Museveni lui-même soit allé trop loin? Kahinda Ottafire surnommé «Utter fire, l’incendiaire» et pour qui la « guerre de libération » serait la réalisation concrète de l’idée d’une violence tantôt «purgatoire», tantôt «expiatoire» pour reprendre deux mots de son discours a affirmé à cette occasion : « Je ne suis pas sûr que les trois millions d’Africains qui sont morts en Afrique de l’Est dans les trois dernières années aient trouvé dans ceci une saine expérience ». Et de conclure presque désabusé : « Museveni lui-même est plus honnête sur ce sujet » [Preuve n°021].

Plus tôt, dans son discours du 16 février 1994 à Amina Club House, Kololo à Kampala, devant les leaders de la  milice régionale secrète de l’Afrique de l’Est, du Centre et du Sud issus de la Tanzanie, du Burundi, de l’Ouganda, du Kenya (JJ Odong team), de l’Ethiopie, de la Somalie, de l’Erythrée et du Soudan (Col. John Garang team),  Nyerere avait déclaré que l’accès au pouvoir de Museveni en 1986 constituait le premier succès de la «guerre de libération régionale» et de l’alliance éprise de paix (Peace Loving Alliance). Nyerere ignorait sans doute à ce moment que, le moment venu, Museveni prévoyait de se retourner contre lui. Tout comme en soutenant la guérilla qui mena Museveni au pouvoir à Kampala, Habyarimana était loin de s’imaginer être tombé dans le piège tendu par son protégé. [Preuve n°022].

4.5 La France vole au secours de Juvénal Habyarimana

Au nom de ses accords militaires avec le Rwanda, la France est intervenue au Rwanda pour arrêter l’offensive du FPR en octobre 1990. Après l’échec lamentable de cette première attaque d’envergure, on a dû recourir à plusieurs subterfuges dont de nombreux simulacres de négociations et de traités de paix dont les plus connus sont ceux de N’Sele en ex-Zaïre et surtout ceux d’Arusha en Tanzanie. Considérée comme une guerre provisoire comme nous l’avons déjà expliqué, cette offensive sera relancée sous forme d’une contrainte militaire sur un pays et sur le représentant légitime d’un Etat souverain en la personne du Président Juvénal Habyarimana dont la tête était déjà mise à prix par son homologue Museveni depuis 1989. Cette première offensive ne visait pas à porter immédiatement le FPR au pouvoir mais à attirer le général major Juvénal Habyarimana dans un guet-apens depuis fort longtemps tendu par le tandem Museveni-Kagame.

De fait en perpétrant des massacres de grande ampleur et en détruisant des infrastructures économiques partout sur son passage, le FPR entendait imposer au Président rwandais des simulacre de négociations de paix et le faire sortir du pays pour accroître les chances de l’assassiner. La Tanzanie fut alors unanimement désignée par la réunion du 20 mai 1990 tenue dans le palais présidentiel de Museveni à Kampala en vue d’être le pays hôte et complice d’un tel simulacre et donc le lieu du crime de paix et de l’élimination physique du Président rwandais.

L’assassinat de ce dernier devait déclencher immédiatement la guerre définitive initialement subordonnée, selon Museveni, à l’assassinat préalable de son homologue rwandais. Cet assassinat s’étant avéré impossible à l’intérieur du Rwanda jusqu’au 20 mai 1990, il aura fallu plusieurs stratagèmes pour débloquer la situation.

4.6 La Belgique tombe dans les bras du FPR-Inkotanyi 

La Belgique s’était montrée trop partisane pour ensuite être neutre et digne de confiance. Un document ultra confidentiel codé (MEET FUNDING/BRANCH REF 560/OPP/BEL) que nous avons pu nous procurer donne quelques indications quant aux circonstances dans lesquelles la Belgique a basculé dans le camp des alliés du FPR. Ce document parle d’une mission d’officiels du FPR en Belgique et évoque un deal proposé au gouvernement belge : «Une commission des officiels du FPR voyagera en Belgique pour la recherche de fonds et l’ouverture d’une branche du mouvement. A son agenda un deal sera promis au gouvernement belge s’il accepte le retrait de ses troupes du Rwanda et fait stopper les activités enrageantes de la MINUAR. Kayihura présidera la mission pour la collecte de fonds et l’ouverture d’une branche du FPR à Bruxelles. Le Col américain J. HERNS a proposé ce deal afin d’intéresser la partie belge qui comprend le pays tout entier. Cela sera vital à l’avenir pour accomplir le combat final. Copie pour information à l’ambassade américaine et à la Maison blanche de Nakasero » [Preuve n°023].


On peut dès lors comprendre l’évolution quelque peu déroutante de l’attitude du Gouvernement belge qui, dans un premier temps, avait apporté son soutien au régime du Président Habyarimana. Comme on peut le constater, la Belgique a dû s’incliner devant la volonté américaine. Et tant pis pour ses casques bleus qui, quelques années plus tard, allaient payer le prix de cette incohérence politique plutôt mal assumée. Après avoir ainsi choisi son camp, n’était-il pas irresponsable voire suicidaire de la part de la Belgique de prétendre constituer l’ossature de la MINUAR ?

Il s’avère de fait que le retrait des troupes de la MINUAR avait été planifié par Museveni, et les belges dont les 10 casques bleus ont été sacrifiés pour justifier le retrait des forces de la MINUAR au profit du duo FPR/NRA auquel la force onusienne  abandonna des quantités importantes d’armes à sa disposition. La MINUAR II ne sera donc composée que de forces acquises à la cause du FPR. Celui-ci préparait la poursuite de la guerre au Congo-Kinshasa comme de nombreux documents le prouvent.

Aveuglé par le soutien armé et massif des Anglo-Saxons dont la stratégie «quick reaction, quick response» s’avère futile dans des situations complexes comme en témoignent de nombreux documents, le duo FPR/NRA n’a pas attendu qu’un bon fonctionnement relationnel soit établi en vue de mieux jouer sur la vulnérabilité des organisations proches, lointaines ou concurrentes et d’en tirer un avantage décisif et surtout durable. Cette erreur risque de lui coûter très cher car, pour s’assurer des victoires décisives et durables, le rôle de l’information, de la surveillance et de l’intelligence est capital.

4.7 Les Anglo-Saxons au Rwanda. Un nouvel Israël au coeur de l’Afrique?

Contrairement à la France qui se précipite, les Anglo-Saxons sauront se montrer plus discrets mais particulièrement efficaces. Patients mais vigilants, ils vont s’efforcer avec succès d’orienter les média et de conditionner les nombreuses organisations championnes des droits de l’homme qui travaillent sur le Rwanda en guerre. C’est qu’ils voient plus grand que la France qui, en s’embourbant au Rwanda, allait perdre beaucoup de son influence en Afrique. Les Anglo-Saxons le savent et l’attendent au tournant. A travers l’Ouganda, ils se contentent de donner des soutiens logistiques considérables et n’hésitent pas à apporter leur appui diplomatique déterminant à leurs alliés souvent mis en difficulté. Très prévoyants, les Anglo-Saxons préparent déjà la prochaine campagne. La plus importante à savoir la guerre du Zaïre dont le Rwanda servira de tremplin.

Mais les Anglo-Saxons peuvent également compter sur le soutien très précieux d’Israël, un pays dont l’histoire tragique pourrait  le rapprocher sentimentalement des Tutsi, ces «Juifs d’Afrique». Dans l’édition du 09/08/2007 du quotidien israélien «The Jerusalem Post», David Kimshe rend un hommage appuyé à Paul Kagame. Selon lui en effet, le Président rwandais qu’il n’hésite pas à comparer avec Ben-Gurion le fondateur de l’Etat d’Israël, serait actuellement le meilleur leader africain voire du monde entier. « Rwanda is lucky in having its own David Ben-Gurion at a critical time in its history. We were lucky in having the original, back then when our state was established. What we need now is to have our own Paul Kagame! ». L’auteur de pareilles affirmations est un ex-Directeur général au Ministère israélien des Affaires étrangères.

5. Le jeu trouble de l’ONU au Rwanda

Dans son livre Rwanda, crimes, mensonges et étouffement de la vérité, Robin Philpot se pose légitimement la question de savoir s’il y avait une mission secrète dans la mission officielle de maintien de la paix dirigée par le général canadien Roméo Dallaire en 1994 au Rwanda. Dans sa conclusion, l’auteur est affirmatif : « Il y avait une mission dans la mission. La mission publique et officielle était de maintenir la paix en appliquant les accords d’Arusha. Mais la mission non déclarée consistait à faciliter la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais. Cette mission a été confiée à Dallaire par les puissances anglo-saxonnes pour des intérêts géostratégiques. Le Général Paul Kagame a été installé au pouvoir et il joue le jeu à merveille. Pour accomplir sa mission, Dallaire adressera ses correspondances directement à son compatriote le Général Maurice Barril à l’ONU en ne respectant pas le circuit normal en usage dans cette institution internationale. Roger Booh Booh, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU au Rwanda s’en est plaint mais cela est resté un vœu pieux malgré les injonctions de Koffi Annan. Grâce à la MINUAR, le Rwanda qui, pendant quatre ans, avait résisté tant bien que mal à un siège acharné, a été conquis en quelques heures et est devenu l’énième province de l’Ouganda où tous les rescapés aussi bien Tutsis que Hutus continuent à être broyés par une machine à tuer sinon pour avoir accepté le référendum et la république qui en est le fruit, du moins pour avoir évolué dans un système  francophone ».

5.1 L’ONU déshonorée au pays des mille collines

Un document secret parle d’une réunion d’alerte (REF 67/UN/JL) en ces termes : «La réunion a convenu de débattre du déploiement des forces étrangères (REF 56/UN). Nous ne connaissons pas l’intention ou le coté des officiels de la MONUOR. Nous risquons de finir par perdre le contrôle. Les officiels spéciaux doivent être dépêchés à Kabale pour investiguer sur leurs positions (des officiels de la MONUOR). Une attention particulière devrait être fortement focalisée sur Col. BEN MATIWAZA (Zimbabwe). Les services de renseignements intérieurs (Internal security organization, ISO) sont déjà sur le terrain avec peu d’informations à leur disposition. La réunion sur les mesures à prendre a été reportée pour consultations (67/UN/JL. Code 67/JL neglected). Copie pour information à l’ambassade américaine, à la Maison blanche de Nakasero » [Preuve n°024].

Un autre document fournit des informations intéressantes quant aux motivations réelles de la mission de la MONUOR : « Il a été accepté par les officiels concernés ce qui suit. Selon la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 846 (1993) du 02 juin 1993, les opérations de la MONUOR seront basées à Kabale en Ouganda. Les avantages suivants ont été engrangés : nous aurons accès aux renseignements émanant de l’intérieur du Rwanda. Ses opérations étant basées en Ouganda, cela donnera au FPR le contrôle total du réseau de renseignement de Kigali. L’ambassade américaine a été remerciée pour cela ainsi que les autres amis présents dans le Conseil de sécurité » [Preuve n°025].

Le FPR avait effectivement de quoi se féliciter au sujet de la MONUOR : « Nous avons tiré profit des opérations de la MONUOR dès leur commencement. Le temps est maintenant venu pour la MONUOR de mettre fin à ses opérations avant le 25 septembre 1994. Les motifs  y afférents avaient déjà été débattus (REF.569/UN/ ST HSE). L’attaché militaire de l’ambassade américaine à Kampala est au courant et va transmettre ce deal aux personnes du Pentagone concernées pour suite appropriée. Le FPR est persuadé qu’il s’agit d’un bon deal. Bien qu’il ait quelques craintes, le FPR espère résoudre cela à court terme parce qu’il y est contraint » [Preuve n°026].

Ainsi donc après avoir joué un rôle plus que suspect au sein de cette mission de paix comme commandant de la MONUOR, le Général Roméo Dallaire sera chargé de poursuivre la même mission d’agent double au service des alliés et amis du FPR au sein de la MINUAR.

Il semble donc établi que la MINUAR a été tout sauf une mission de paix. Au-delà du cynisme avec lequel certains présentent son Commandant Roméo Dallaire comme un «héros», les révélations susmentionnées sont assez limpides quant aux évolutions de l’agenda caché de cette force onusienne censée être neutre dans le conflit rwandais mais dont le comportement sur le terrain a trahi une partialité difficilement contestable.

5.2 L’Organisation de l’unité africaine (OUA) neutralisée

Tout le monde se souviendra de l’acharnement avec lequel le FPR a défendu le rôle de l’OUA dans les tentatives de résolution du conflit rwandais. Nous sommes aujourd’hui en mesure de remettre en cause la sincérité des gestes et déclarations du FPR à ce sujet. Un document codé (MEETREF.5647/YUO/JP) fait état de ce qui suit : « Les accords de paix d’Arusha en perspective n’ont aucun intérêt pour nous. La seule option que nous avons est de continuer notre combat. Nous devons désorganiser les élections par une escalade du conflit. Nous n’avons aucune chance de gagner démocratiquement au Rwanda. Stratégies : tous les accords d’Arusha devraient nous être favorables. Faute de nous le garantir, cela aura de graves conséquences. La Présidence en exercice de l’OUA assurée par le président Yoweri Museveni ne devrait pas être sous-estimée mais plutôt tourner à notre avantage pour notre combat. Tous les efforts de l’Organisation de l’Unité Africaine pour résoudre le conflit diplomatiquement seront anéantis. Nous sommes des soldats et non des politiciens mais avec un but politique. La prochaine séance à 3.00 PM à SPEAK HOTEL. Les comptes rendus de la réunion ont été transmis»(Code 567/RW/RPA/F) [preuve n°027].

6. La chasse au Président rwandais se révèle laborieuse

La chasse au Président Juvénal Habyarimana aura duré plus de quatre ans ! Des documents ultrasecrets issus des services de renseignement ougandais de la NRA, PPU, ISO, ESO font état de multiples tentatives d’atteinte à la vie du Président Juvénal Habyarimana dont l’assassinat était considéré comme un préalable à toute invasion du Rwanda.

Selon la réunion du 01 janvier 1989, le Col. John Garang était convaincu que la guerre contre le Rwanda allait être une promenade de santé. Il comptait même sur des renforts en provenance du Rwanda « libéré » pour faire face au Gouvernement central de Khartoum.

Mais c’était sans compter avec la vigilance de Habyarimana dont la Sécurité parviendra à déjouer plusieurs tentatives d’assassinat et à faire échouer un nombre impressionnant de complots. La chasse au Président rwandais va en effet se révéler particulièrement laborieuse au point que les responsables du commando chargés de l’assassiner en sont arrivés à la conclusion unanime que la sécurité trop serrée autour de sa personne ne leur permettrait jamais de l’abattre à l’intérieur de son pays.

Il faudra de fait une multitude de réunions au cours desquelles on a envisagé des techniques et des stratagèmes alternatifs. Le Président Museveni a constitué un comité de conspiration chargé d’assassiner son homologue rwandais avant de renverser son pouvoir. Parmi les membres de ce comité on retrouve également des citoyens occidentaux complices du complot. Le Président ougandais a mis en place un escadron spécial composé de soldats d’élite de son armée et chargé de la conception des tactiques et de l’exécution de l’assassinat. A cet effet, Museveni a mobilisé et mis en alerte maximale tous les agents de renseignements extérieurs et intérieurs de son pays. Il a dépêché et positionné des membres de l’escadron et des agents de renseignement à l’intérieur du Rwanda pour mener des missions spéciales d’investigation et identifier les lieux appropriés pour la filature et l’élimination physique de son homologue rwandais. Les lieux identifiés seront Kigali, Muhura, Ruhengeri et surtout Byumba que l’escadron spécial désigna comme étant l’emplacement idéal en vue de la traque du Président Juvénal Habyarimana.

L’escadron spécial comprenait des responsables de la coordination des opérations dont on peut citer entre autres le Lt. Col. Drago, le Cpt. Karate, le Cpt. Joachim Rwigyemera et le Col. J. Rukundo. Une fois la machine vouée à l’exécution du complot mise en place, la structure et la coordination des opérations assassines approuvées et la motivation des assassins portée à son comble, Kampala conclut avec Kigali des simulacres d’accords bilatéraux instaurant notamment la libre circulation des personnes et des biens entre les deux pays et mettant pratiquement fin aux contrôles à leurs frontières. Ce fut l’occasion pour le Président Museveni d’infiltrer sans inquiétude ses agents déguisés en voyageurs et souvent reconnus par des agents rwandais. Ces derniers étaient très souvent sommés de se taire afin d’éviter tout incident diplomatique entre les deux pays. Depuis lors, des rapports de mission et des plans d’assassinat sur le chef d’Etat rwandais se multiplièrent et de nombreuses réunions se succédèrent entre les conjurés [Preuve n°028].

6.1 L’information vaut de l’or!

Afin de sécuriser l’information ultra sensible en rapport avec ce complot international, il fallut s’assurer du secret «absolu» de la part des principaux agents en versant à chacun une solde conséquente et surtout en mettant en place un réseau ultramoderne de satellites espions pour monopoliser, contrôler et neutraliser toute fuite d’information.

Sur proposition du Président américain Bill Clinton, des réseaux ICN(Intelligence Communication Network) ont été installés et disséminés dans la région francophone sur l’étendue allant de Kigali au Congo-Brazavillle. L’équipe qui assurait ces réseaux était sous la supervision du LT. COL. Miller Jones.

« IC Network will be sub-communication areas transforming Intelligence information found within the region but in French languages ».  « ICN-Brazzaville: stationed in Congo-Brazzaville for Monitoring of French forces who give president Pascal Lissouba pressure». « ICN-Kigali : stationed in Rwanda’s capital for intelligence information from Zaïre war. This is to to transmit information direct to Uganda Headquarters ». ICN-Kigali: Zaire intelligence information will then pass to the Ugandan high command for translation to liberation forces ».  « Generals for ICN-Kigali: Col. Kahinda Ottaffire from Uganda army, Gen. Rutazinda John from Uganda Army. Major Kahinda from Rwanda Army ». « ICN-Brazzaville: operated by americans with mercenaries from Cote d’Ivoire under contract from Hawaï ». « ICN-Brazzaville-Command: Lt. Col Anderson JK (US); Major Leitgtz Barky (USA), Cpt Ruzindana Paul (Uganda Army) « . « Obligations of ICN-Brazzaville: 1) Monitor French operations. 2)Oversee francophone area. 3)Transmit to ICN headquarters in Uganda………… »

Comme on peut le constater, parmi les 14 règles d’utilisation des réseaux Kigali-Brazzaville, l’article 1er précise que «Toute information appartient strictement aux officiels de l’Ouganda et des USA et doit être transmise en Anglais à partir de drôles de langues locales (from local funny languages».  L’article 2 somme les leaders de cette région de se soumettre à cette recolonisation : «Aucune interférence des gouvernements ni de Kigali ni de Brazzaville». L’article 3 confirme le rôle de Museveni en tant que leader de la «libération régionale» en ces termes : «Toutes les informations issues et destinées à l’intelligence doivent être transmises aux officiels de Kigali et Brazzaville seulement après leur retour des quartiers généraux de l’intelligence sis en Ouganda» [preuve n°029].

A part les réseaux éparpillés sur le tronçon Kigali-Brazzaville, il y a des accords spécifiques conclus entre l’Ouganda et les Etats-Unis au sujet de l’installation de quartiers généraux d’ICN en Ouganda. Cette installation est régie par 30 clauses relatives à la communication des informations recueillies sur les différents réseaux et centralisés en Ouganda avant d’être re-dispatchées ailleurs. La clause 24 des accords de communication confirme le rôle prépondérant des Etats-Unis dans l’entente et la complicité des crimes contre l’humanité et de génocide rwandais en ces termes : «L’Ouganda devrait payer aux officiels un montant d’au moins 15.000 $ par mois pour la protection du secret de la conflagration. Le gouvernement américain fournira une cagnotte de 200.000$ par officiel » [preuve n°030].

De fait, la protection des informations sensibles constituait une priorité. Et pour ce faire, l’article 6 précisait : «Des officiels ougandais doivent opérer sur terrain. Aucune fuite des informations n’est attendue des hauts officiels de l’armée ougandaise aux officiels subalternes». On précisait par ailleurs que toutes les informations devaient être saisies strictement sur «des disquettes fournies par des staffs américains» et qu’aucune discussion ne serait permise sur les rapports de l’intelligence. 

L’article 28 des accords relatifs aux réseaux ICN confirme le rôle secondaire dévolu aux autres partenaires des Etats-Unis : «Le Rwanda, le Kenya et la Tanzanie n’ont aucun droit ni obligation dans le projet d’installation des quartiers généraux». L’article 29 des accords continue pour confirmer qu’il y a, à coté de la conflagration, des projets d’expérimentation des engins américains de haute technologie sur les cobayes africains à l’instar des Nazis en ces termes : «Tout effet psychologique ou autre effet secondaire quelconque résultant de l’utilisation des réseaux ICN doit être communiqué et supporté par le gouvernement américain ». La clause 30 conclut ces pactes secrets en trois termes : «Respect, discipline, obédience, et le grand secret sont attendus au plus haut maximum» [Preuve n°031].

Il est vrai que les réseaux ICN se sont parfois révélés très efficaces dans la chasse aux renseignements comme l’indique un document ultraconfidentiel en ces termes: «Information Gained from ICN : Germany was carrying on intelligence within the Great Lakes region on quiet bass and discovered more about teens trained from Uganda, Rwanda, Tanzania under Kabila’s campaign».

En guise d’encouragement et de maintien du moral des troupes, les «libérateurs» prévoyaient des primes aux soldats en cas de prise de Kinshasa : «Special package award : officials from Fort Bragg proposed to Rwanda and Tanzania to put into consideration of giving a thank hand to the fighters after Kinshassa Capture : Rwanda and Tanzania officials to meet and discuss the programme at Munduru Barracks in Tanzania». «Proposed payment standards at 500-1000$ upon their succesful capture of Kinshassa». «Fort Bragg officials proposed self payment of the army at any occasion provided there is opportunity».

6.2 Cascade de complots contre le président rwandais

Comme il ne serait pas pratique, dans le cadre limité de ce document, de livrer toutes les informations à notre disposition s’agissant notamment des dizaines de réunions consacrées au complot contre Habyarimana, nous nous contenterons d’en énumérer ici quelques unes pour souligner le caractère prémédité et planifié de l’assassinat du Président Habyarimana. Celui-ci, comme on peut le constater, n’aura pas été une proie facile.

Il y eut donc la réunion du 10 mars 1989, tenue à Kampala, Nakasero State House et présidée par Museveni [Preuve n°032]; la réunion du 16 mars 1989, tenue à Kampala, Entebbe State House; la conférence du 09 mai 1989 tenue à Kampala, Nakasero State House, présidée par Museveni en présence de Mwalimu Julius Nyerere, Fred Rwigema, Peter Bayingana, Kiiza Besigye, John Mwesigye, mais aussi  Chief Mashood Abiola de la société nigériane ITT et Tiny Rowlands du groupe LONRHO [Preuve n°033]; la réunion spéciale tenue à Mbuja Military Headquarters Barracks en présence de Museveni, Salim Saleh Akandwanaho, Fred Rwigyema, Chris Bunyenyezi, Drago, Karate et Kazini [preuve n°034]; la réunion du 20 avril 1990, tenue à Mbarara, Rwagitura State House, Mbarara [Preuve n°035]; la réunion de debriefing en présence du Président Museveni [Preuve n°036]; la réunion d’échange d’informations tenue à Musasani State House au cours de laquelle un plan d’attentat contre le président Juvénal Habyarimana à Kigali, à l’Hôtel Kiyovu fut approuvé [Preuve n°037]; la réunion du 28 avril 1990 tenue à Manchester au Royaume-Uni [preuve n°038]; la réunion du 30 avril 1990 tenue à Kampala, International Conference Centre [Preuve n°039] et la réunion de Kampala en présence de la Baronne Linda Chalker [Preuve n°040] et où l’on envisagea un plan d’attentat contre le Président Habyarimana au palais présidentiel de Kigali(Intelligence into Rwandese State House) [Preuve n°041].

Des réunions similaires ont été tenues sur le même sujet et d’innombrables tentatives d’attentat à la vie du Président Habyarimana ont échoué. C’est le cas de la tentative de Murambi en préfecture de Byumba. Dans un rapport de mission relatif à cette tentative avortée, les officiers de PPU, NRA, ESO et ISO indiquaient que Habyarimana l’avait échappé belle au terme d’une fusillade directe lors de son voyage d’agrément à Murambi. Contrairement aux plans antérieurs, précisait le rapport, l’échec de cet attentat n’aurait pas été imputable à la sécurité trop serrée autour du Président rwandais. Le rapport mit plutôt remis en cause les tactiques mal planifiées de l’agent responsable du plan d’assassinat en la personne de BATAINGANA. Ecumant de rage, Chris BUNYENYEZI a immédiatement requis le transfert immédiat de la mission d’assassinat de la NRA au DMI (Directorate Military Intelligence) à Basima House alors sous la direction de Paul Kagame. Bunyenyezi a en outre requis des sanctions disciplinaires en raison de cet échec de mission. Aucune objection n’a été opposée à sa requête [Preuve n°042].

Une fois le dossier placé sous la responsabilité de Paul Kagame, un plan d’attentat contre Habyarimana fut immédiatement mis au point. Le plan supposait la présence du Président rwandais à Arusha International Conference Centre (AICC). Il fallait donc l’y inviter. A la veille de la réunion prévue à Arusha à laquelle le président rwandais était convié sans que l’ordre du jour ne lui soit précisé, une bande d’officiers ougandais surentraînés a rejoint des agents de renseignements tanzaniens. Ce groupe d’officiers comprenait entre autres les Majors Kiiza Amoti, Paul Kagame, Bataingana et Rwigema. Ils devaient se concerter sur la technique de pose des bombes à retardement sur l’avion présidentiel une fois qu’il aurait atterri à l’aéroport international de Kilimandjaro (Kilimandjaro International Airport, KIA).

Contre toute attente, Nyerere a maintenu ses objections contre ce choix retenu par Museveni et son camp. Nyerere leur lança même une mise en garde contre le coût exorbitant de la destruction susceptible par ailleurs de provoquer de graves dégâts collatéraux. Pour conclure, Eriya Kategaya opte finalement pour des actions spécifiques en territoire rwandais [Preuve n°043].

6.3 Les préparatifs de l’invasion vont bon train

Parallèlement aux réunions spécifiquement consacrées à l’assassinat du Président Habyarimana, d’autres rencontres se penchaient sur la préparation de l’invasion du pays. Il s’agissait en réalité de planifier l’extermination des Hutu du Rwanda et non d’une guerre ordinaire. Parmi les officiers qui y participaient, il y avait notamment Batayingana, Rwigyema, Kamondo, Kagame, Rwakasisi, Akandwanaho Salim Saleh et Akandwanaho Joseph. Ils ont convenu que le premier bataillon du camp militaire de Lubiri devait lancer l’assaut sur le territoire rwandais sous le commandement du capitaine Kiyinyi. Equipé d’une artillerie spéciale et de mitrailleuses (gunships), ce bataillon ne devait épargner aucune personne de l’ethnie « adverse » sur son passage aussi longtemps que la situation de guerre perdurerait. Par ethnie adverse, les documents en notre possession précisent expressément qu’il s’agissait des Hutu déclarés «ennemis régionaux» par le leader de la «libération régionale» Yoweri Kaguta Museveni. Paraphrasant ce dernier, les participants rivalisaient de référence à une réunion précédente tenue à la Maison blanche de Rwagitura à Mbarara pour débattre des techniques d’élimination des Hutu. Dans cette même réunion, Paul Kagame, toujours dans le sillage du président Museveni, a appuyé, renforcé et renchéri sur les propos incendiaires de ce dernier à qui il avait toujours fait allégeance. Dans ses conclusions, la réunion a rappelé la nécessité absolue de maîtriser les techniques spéciales de camouflage des corps durant les massacres afin de tromper l’attention de l’opinion internationale.

A notre avis, les conclusions de cette réunion sont très pertinentes. L’existence d’une longue préméditation et d’une minutieuse planification de l’extermination des Hutu a bel et bien précédé l’invasion armée du 1er octobre 1990. Dans ce cadre, le FPR n’était qu’une organisation créée par Museveni en vue d’exécuter ses plans inavouables relatifs à la fameuse «libération régionale» en passant dans un premier temps par l’extermination des Hutu du Rwanda. [Preuve n°044].

6.4 L’argent ou le nerf de la guerre

Plusieurs réunions ont été consacrées aux contributions multiformes mais surtout financières et provenant de milieux les plus divers en faveur de la guerre du FPR. C’est le cas de la réunion sur le rapport de renseignements émanant d’agents de la région de Kabale-Ruhengeri[Preuve N°045]; la réunion sur la contribution de l’Ouganda à l’invasion du Rwanda, tenue à Kampala en présence de représentants américains[Preuve n°046], les réunions sur la contribution tanzanienne au profit du FPR[Preuves n°047 ; 048 ; 049]; la réunion sur les engagements des Etats-Unis d’Amérique auprès du FPR [Preuve n°050]; la réunion sur les apports britanniques[preuve n°051]; la réunion sur la contribution de Madhvan Group of Companies [Preuve N°052]; la réunion sur les contributions des hommes d’affaires rwandais [Preuve n°053] et la réunion de Texas State University aux Etats-Unis[Preuve n°054].

Malgré tous ces soutiens, les plans de Museveni et Kagame n’ont pas toujours fonctionné selon leur souhait et n’ont pas toujours abouti aux résultats escomptés dans les délais impartis en raison notamment de la popularité dont jouissait le Président Habyarimana au sein de la population et de l’ascendant réel qu’il conservait même sur le camp des Hutu les plus radicaux.

6.5 L’assassinat du Président Melchior Ndadaye, un signe avant-coureur

Après avoir dressé le régime de Kigali contre ses opposants accusés, à tort ou à raison, de complicité avec l’ennemi extérieur, le FPR a tenté, sans succès, d’inciter les Hutu à une guerre civile entre eux, procédant notamment à des assassinats de leaders politiques comme Félicien Gatabazi, Chef du parti PSD; Emmanuel Gapyisi, un des ténors du MDR et fondateur du « Forum Paix et Démocratie » et tant d’autres encore.

Dans ses tentatives souvent réussies de couvrir ses forfaits en les rejetant sur ses adversaires, le FPR a eu recours à une campagne médiatique très agressive de désinformation, d’intoxication et de sabotage. Mais l’assassinat du Président burundais, Melchior Ndadaye, un Hutu démocratiquement élu et l’un des observateurs aux négociations de paix entre Kigali et le FPR, n’aura pas non plus, du moins dans l’immédiat, une influence déterminante sur les événements comme l’escomptaient Museveni et Kagame.

Président du Front pour la démocratie au Burundi(FRODEBU) fondé par lui en 1986 et reconnu comme parti politique en 1992,  Melchior Ndandaye avait survécu à une série de tentatives d’assassinat avant d’être investi comme Président du Burundi le 10 juillet 1993. A ce sujet on peut parler de la tentative avortée du 03 juillet 1993. La planification de l’assassinat remonte au temps où il était Président du parti FRODEBU. Celui-ci sera, après son assassinat, présidé respectivement par Sylvestre Ntibantunganya (1993-1995), Jean Minani (1995-2006).

L’assassinat du Président Ndadaye va finalement se réaliser avec succès dans une indescriptible barbarie le 21 octobre 1993. Cet assassinat avait été planifié dans tous ses détails au cours de la réunion du 13 mars 1992 tenue dans le palais présidentiel de Kampala (document REF 369/DRP1/XIX) [preuve n°055]. A cette réunion qui n’était ni la première ni la dernière du genre, participaient entre autres, le rwandais Paul Kagame, les burundais Busokoza (major) et Paul Kamana(LT) et les ougandais  Kahinda Otaffire, Karate et Mwesigye. Il faut surtout noter la participation à cette réunion de trois grandes figures britanniques : La Baronne Linda Chalker, Tiny Rowlands, Margaret Thatcher qui étaient accompagnés d’autres échelons de la société londonienne [preuve n°056].

Au cours de cette réunion, Museveni a justifié le mobile de son crime et sa stratégie en ces termes » : «… if not to finish Burundi let us finish Ndadaye. President Melchior Ndadaye whose election took into power could not temporarily end 31 years of Tutsi military rule in Burundi but could be a warning alarm on Rwanda and Uganda »[prevue n°057].

Ce lâche et sauvage assassinat survenu soit près de cent jours après l’accession au pouvoir de Melchior Ndadaye et deux mois après la signature des accords de paix d’Arusha pour le Rwanda, fut enregistré par les services ougandais en des termes extrêmement sadiques: « Results : successful as put early by Museveni »! [Preuve N°058]. Le président assassiné avait été l’un des plus actifs observateurs aux négociations d’Arusha et l’un des milliers de «sacrifices utiles au chaos fertile» qu’alimentait incessamment l’agression ougandaise depuis 1990.

6.6 Le Royaume-Uni, un paradis pour criminels?

Interrogé par BBC au sujet de la mort de Melchior Ndadaye, dans le cadre de l’émission «Imvo n’imvano» du 27/10 au 02/11/2007, le Lieutenant Paul Kamana, condamné à mort par contumace,-il est aujourd’hui réfugié en Angleterre-, se confiait au journaliste Ally Yusufu Mugenzi en ces termes : « J’ai participé à ce coup, mais je n’en suis pas le planificateur. Je n’en suis qu’un simple exécutant ». Quant à la question relative à la planification de cet assassinat, Paul Kamana a répondu : « On ne prépare pas un coup d’état en un jour. Cela peut même prendre une année voire plusieurs années ». Une chose est sûre : l’exil de Paul Kamana au Royaume-Uni n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit manifestement d’un arrangement dans lequel plusieurs responsables politiques britanniques, ougandais, rwandais et burundais trouvent chacun ses comptes. Mais jusqu’à quand ce  »secret » sera-t-il protégé?

Dans une autre réunion tenue le 10 septembre 1993 à Kampala State House de Nakasero, les conjurés avaient également planifié d’assassiner trois ministres Hutu du Burundi dont les noms ne sont pas précisés dans les documents. A cette réunion, la délégation burundaise comprenait le LT. Paul Kamana, Eugène Rugarama et Pierre Ntukazi tandis que la délégation ougandaise était composée du Col Kahinda Ottafire, Capt Karate et Lt. Col Mwesigye. Le mode opératoire de la mission d’assassinat indique que les ministres visés devaient être invités à Kampala et qu’un accident planifié devait les surprendre dans la jonction entre Kampala Road et Jinja Road. Les documents ne précisent pas les suites du plan. [Preuve n°059].


Malgré ces ingérences flagrantes dans ses affaires internes, le Burundi semble avoir réussi son processus électoral au terme d’élections jugées libres, transparentes et démocratiques tenues en 2005. Au cours de ce processus, les Burundais auront démontré une grande maturité politique notamment à travers une participation massive aux scrutins dans une sérénité exemplaire. Ils ont élu leurs représentants de la base au sommet. Reste à savoir si le couple Museveni-Kagame renoncera à son plan de « libération régionale » qui concerne aussi le Burundi. Le Rwanda du FPR peut-il digérer une démocratisation progressive mais apparemment irréversible engagée chez son voisin du sud? Dans quelle mesure la persistance de l’instabilité au Burundi ferait-elle le jeu du régime de Kigali? Toujours est-il que les Burundais sont inquiets, s’interrogeant avec angoisse sur les intentions réelles du FNL-Palipehutu qui donne l’impression de jouer le jeu de Museveni dont les plans sont désormais connus et celles des partisans de Hussein Rajabu qui avait fait sensation en prenant partie pour Kagame face à la menace des mandats internationaux délivrés par le juge Bruguière. 

7. Les négociations de paix ou le temps des pompiers-pyromanes

Du 1er octobre 1990 au 06 avril 1994, toutes proportions gardées, une série d’imprévus ont fait muer la guerre éclair en une sorte de bourbier «irakien» ou «vietnamien». Le pire de tous ces imprévus fut le désistement de Julius Nyerere qui revint sur son accord préalable d’autoriser l’assassinat de son homologue rwandais sur le sol tanzanien. Nyerere était prêt à tout sauf à faire assassiner Habyarimana sur le sol de son pays. Il avança, pour justifier sa rebuffade, le prétexte de l’immunité diplomatique. Par la suite, plusieurs propositions d’assassiner Nyerere avant Habyarimana furent rejetées en bloc par les parrains américain et britannique, plaidant pour la concentration de tous les efforts sur la cible initiale, à savoir le Président Juvénal Habyarimana [Preuve n°060].

L’autre imprévu non moins important fut l’ouverture au multipartisme au Rwanda. Non seulement Museveni et Kagame n’avaient pas initialement prévu de négocier la paix, mais ils n’avaient pas non plus sur leur agenda l’option pour une solution politique négociée. Ils n’avaient donc pas prévu les techniques de négociations de paix. Pire encore, ils seront très surpris de se retrouver autour d’une table de «négociations de paix» avec des négociateurs issus d’un gouvernement dirigé par l’opposition, en lieu et place de Habyarimana. Petit à petit, les cartes de simulacres de négociations de paix finissaient par s’épuiser. A peine enclenchée, l’offensive provisoire d’octobre 1990 s’était soldée par un échec lamentable. Mais un ultime effort devait conduire à l’assassinat du chef de l’Etat rwandais alors vu par Museveni comme le seul obstacle à sa guerre définitive. Cet assassinat allait mettre un terme non seulement au simulacre des accords de paix mais aussi à provoquer l’effondrement de l’ordre public en paralysant complètement une opposition démocratique intérieure aveuglée par l’évidence apparente d’un accord de paix qui n’en était pas un. L’option apparente pour une solution politique négociée n’était en réalité que la partie émergée d’une réalité beaucoup plus complexe. 

    1. Les parrains anglo-saxons volent au secours de leurs pions

Afin de calmer les esprits qui commençaient à s’échauffer, une importante réunion s’est tenue à Westminster le 20 décembre 1993 avec une participation anglo-saxonne aussi conséquente que déterminante. Selon les résolutions prises à l’issue de cette réunion, les gouvernements britannique et américain ont concocté un plan pour le FPR afin de lui permettre de monter d’un cran dans ses simulacres de négociations de paix avec ses adversaires. Cette armada de « voies et moyens » lui permettait de gagner du temps tout en simulant à merveille la volonté de participer à un gouvernement de transition à base élargie.

Selon des documents ultra secrets émanant des services ougandais, les accords d’Arusha furent conclus dans la seule et unique intention de sortir du simulacre de négociations de paix avec le gouvernement de transition pour concentrer les négociations entre Habyarimana et le FPR derrière lequel se dissimulaient les Etats-Unis et le royaume-Uni. Ce simulacre d’accords d’Arusha élaboré aux Etats-Unis avant le 04 août 1993 voulait garantir au FPR la possibilité d’installer un contingent de ses forces dans la capitale rwandaise. En décembre 1993 un contingent formé de 600 rebelles du FPR a reçu l’autorisation d’entrer à Kigali. Avec la complicité d’Anastase Gasana qui a négocié l’accord pourtant rejeté par Boniface Ngulinzira, le FPR put donc franchir le rubicon. La réunion du 20 décembre 1993 de Westminster au Royaume-Uni a pris des résolutions dites «resolutions of Westminster, UK» qu’on pourrait résumer en quelques points ci-après : «Le gouvernement britannique a accepté de déployer son « manpower planning unit » d’Angola au Rwanda sur demande des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont blâmé le FPR pour ses massacres en masse du 08 février 1993 dans le Nord du Rwanda, massacres ayant fait 40.000 victimes. Les plans élaborés par le gouvernement britannique en vue d’assassiner deux ministres rwandais (dont les noms ne sont pas précisés) furent rejetés par l’Ouganda, les Etats-Unis et la Tanzanie, plaidant pour la concentration de tous les efforts sur l’assassinat de Habyarimana» [Preuve n°061].

On a souvent reproché au Président Habyarimana d’avoir assimilé les accords de paix d’Arusha à de simples chiffons de papier. Mais pourquoi passe-t-on délibérément sous silence le geste mémorable de Paul Kagame qui, s’adressant à ses troupes après la signature de ces accords, avait affirmé que la kalachnikov serait le seul vrai référendum. Afin de parer à toute éventualité, le FPR/APR et ses alliés iront jusqu’à sacrifier des casques bleus présents au Rwanda. Tous ces sacrifices étaient planifiés avec l’entente et la complicité de la MINUAR, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Belgique. Il s’agissait d’un stratagème pour enclencher le retrait immédiat de la MINUAR et ainsi justifier la guerre totale et finale jusque-là toujours latente. Il faut se rappeler que la réunion du 20 décembre 1993 avait décidé que l’assassinat de Habyarimana surviendrait au plus tard fin janvier 1994 [Preuve N°062]. Mais les participants à la réunion de Westminster auront visiblement estimé que l’assassinat de Juvénal Habyarimana était insuffisant.

7.2 Les merveilles du mensonge politique

Dans le contexte de blocage consécutif au refus de Julius Nyerere d’autoriser l’assassinat du président rwandais sur le sol tanzanien, le changement de cadre introduit par la réunion de Westminster a considérablement modifié la donne tactique (locale) par une nouvelle redistribution des cartes. Il y avait d’une part un plan d’illusion trompeuse dont la fonction consistait à faire baisser la garde à l’ennemi, et de l’autre, un plan précis bien que discret basé sur une détermination sans faille en faveur de l’option militaire. Car en face d’un adversaire sensible au dialogue et apparemment prêt à négocier tel que se présentait le FPR, pourquoi encore batailler? Ce stratagème d’accords de paix devait allait en tout cas fonctionner. Il aura permis au FPR d’imposer le départ du Rwanda des troupes françaises interposées entre ses forces et celles de l’armée gouvernementale. Faisant valoir l’urgence d’une solution politique négociée par ailleurs favorablement saluée et soutenue par la quasi-totalité des citoyens de l’intérieur en liesse, le FPR et ses alliés ont réussi à persuader Paris de se retirer. Parallèlement, le FPR a eu l’autorisation d’installer ses troupes au cœur de la capitale Kigali, ce qui lui permettait ensuite non seulement de mieux donner la chasse à sa cible prioritaire à savoir le président Juvénal Habyarimana, mais encore de troubler l’eau et d’attraper un plus grand nombre de poissons tout en tirant le plus grand profit du brouillard. En effet, selon Sun Tsu dans son fameux ouvrage « L’art de la guerre »,  lorsque les eaux d’un fleuve se troublent, les repères disparaissent et le souci central devient l’espoir d’un éclaircissement ou d’une occasion soudaine. Plus la vigilance du président rwandais compliquait la tâche des commandos du FPR, plus les éléments de ce dernier multipliaient les actions de sabotage à l’intérieur du pays afin de justifier son obstruction à la formation du GTBE.

Cependant, le temps imparti au FPR pour assassiner ce dernier va expirer fin janvier 1994 sans enregistrer le moindre succès sauf l’émergence des craintes de plus en plus généralisées quant à ses réelles intentions et à sa bonne foi dans la signature des accords de paix d’Arusha du 04 août 1993. Le rapport relatif à l’échec d’abattre le président rwandais concluait ainsi : «The boys did not know Kigali itself » (Preuve n° 60). Il faudra recourir à un plan ultime pour sauver le FPR dont les cartes venaient de s’épuiser. Car en effet, ayant compris le jeu du FPR et soutenu par Paris, le Président Habyarimana se préparait à une guerre contre l’Ouganda. Car en effet, protecteur du FPR, l’Ouganda apparaissait de plus en plus comme la source réelle du conflit armé. Sur demande expresse de son parrain François Mitterrand, Habyarimana avait accepté toutes les conditions imposées par le FPR sans aucune réserve. Tout manquement manifeste de celui-ci dans la mise en place du GTBE allait enclencher la reprise de la guerre dans laquelle la France était prête à s’impliquer directement. Il est incontestable que le noyau dur du FPR et le camp des radicaux de la mouvance présidentielle privilégiaient l’option maximaliste au détriment d’une solution politique négociée pourtant saluée par la grande majorité de la population.

Le recrutement des «Interahamwe» faisait suite à un recrutement massif du FPR aussitôt après la signature des accords d’Arusha. Dans cette seule période, le mouvement rebelle a recruté 6.700 hommes contre un nombre disproportionné de 5.000 hommes composant les FAR. Afin de sauver le FPR des foudres de l’opposition démocratique qui s’est sentie trahie et qui menaçait de se rallier au régime Habyarimana pour l’aider à conclure la guerre en échange d’une plus grande ouverture démocratique, il aura fallu organiser in extremis le simulacre du Sommet régional de Dar es Salaam tenu le 06/04/1994.

7. 3 Qui veut la paix prépare la guerre!

Un document intitulé «Recrutement de renforcement» (REF/560/JL/206) témoigne de cette mauvaise passe traversée par le FPR. Voici la révélation qu’on peut lire dans cette note : «Suite à la résistance continue et inattendue des forces gouvernementales et des miliciens, UPDF doit être sollicité pour un renforcement, surtout pour les militaires en service qui veulent se porter volontaires d’autant que le package de rémunération est stipulé dans une réunion dont (REF/567/RPA/RW). La 4ème division est pressentie pour jouer un rôle important avec beaucoup de réserves qui cherchent à se joindre au combat, ce qui est un signe de fraternité. La 14ème recevra une liste des personnes pressenties, la logistique nécessaire et un rapport sera fait à ce sujet par le Col. James Kazini, Elly Tumwine, et David Tinyefuza. Copie pour information sera adressée à la délégation RPA Arusha, Maison Blanche de Nakasero » [Preuve n°063].

    1. Juvénal Habyarimana convié au Sommet de la mort !
    2. Face à l’échec de plusieurs tentatives d’assassinat contre le Président Habyarimana à l’intérieur du Rwanda et devant la menace de plus en plus consistante d’une union sacrée entre l’opposition et la mouvance présidentielle, une situation qui aurait isolé le FPR, les alliés de celui-ci ont dû voler à son secours à travers l’organisation d’un sommet «improvisé» en Tanzanie. Ce sommet ne visait rien d’autre que de piéger le Président rwandais en s’assurant de l’heure exacte de son retour au Rwanda et d’abattre son avion avec des missiles à longue portée. Ces missiles avaient été importés de l’ancienne URSS par l’Ouganda d’où ils ont ensuite été frauduleusement entrés à l’intérieur du Rwanda avec la complicité de la MINUAR et la bénédiction des Etats-Unis et du Royaume-Uni.

      Trois jours avant le Sommet de Dar es Salaam, une réunion de mise au point quant aux derniers préparatifs de l’assassinat du Président Habyarimana a eu lieu au camp militaire de Mwenge, à quelques kilomètres du centre ville de Dar es Salaam. Au même moment, les éléments du FPR et de la MINUAR chargés d’abattre l’avion présidentiel parachevaient leur entraînement au lance-missile dans le Nord de l’Ouganda, à Naguru. Leurs instructeurs étaient bien entendu des Russes car ces missiles étaient de fabrication soviétique [Preuve n°064]. Les Russes connaissaient donc parfaitement les missiles en question dont ils étaient par ailleurs les vendeurs directs à l’Ouganda. D’après l’enquête du juge Jean-Louis Bruguière*, le Parquet Militaire russe  lui a confirmé que les deux missiles, dont les références ont été relevées par Augustin Munyaneza, «faisaient partie d’une commande de 40 missiles SA 16 IGLA livrés à l’Ouganda dans le cadre d’un marché interétatique ».

      Parmi les conclusions de la dernière réunion du complot ourdi contre le président rwandais, on peut noter la mise au point des stratégies de manipulation de l’opinion internationale au sujet des auteurs de l’attentat terroriste. Outre les mass médias manipulés pour faire converger les responsabilités de l’attentat sur le camp des extrémistes Hutu, le président Nyerere entre autres, fut désigné par la réunion pour mentir à l’opinion publique. Quant à Museveni et Kagame, ils avaient, au préalable et à travers une propagande d’incitation à la haine et à l’extermination des Tutsi, préparé les esprits au déchaînement de la violence que l’attentat n’allait pas manquer de déclencher.

    3. La France prise au piège

Le 10 juillet 2007, le président Paul Kagame a déclaré qu’une nouvelle enquête devait être menée sur l’implication éventuelle de hauts responsables français dans le génocide rwandais de 1994. Le général Kagame mettait les autorités françaises au défi d’étudier les documents qui venaient d’être publiés par Gérard Davet et Piotr Smolar dans le quotidien « Le Monde » du 24 décembre 2006. Ces documents déclassifiés et datés du 26 janvier 1993 au 7 décembre 1995 tendent en effet à montrer que les services du Président François Mitterrand avaient eu connaissance des préparatifs du génocide au cours duquel 800.000 personnes ont été tuées en 100 jours. Rappelant qu’une précédente enquête avait totalement blanchi l’action de la France au Rwanda, Paul Kagame n’a pas manqué d’observer : «Et voici maintenant des faits qui disent, -Non, vous n’êtes pas innocents finalement-, ne pensez-vous pas que ces gens (les enquêteurs) devraient se dire, -peut-être qu’il y a quelque chose que nous ignorions- ? ».

La France est ainsi placée continuellement en position de bouc émissaire idéal dans le drame rwandais. Elle avait pourtant déjà retiré ses forces du Rwanda bien avant l’attentat du 06 avril 1994. Mais il lui est toujours reproché ses coupables accointances avec un régime génocidaire! On lui rappelle sans cesse son opération «Turquoise», la seule action, bien que tardive, menée au nom de la Communauté internationale pour tenter de sauver des vies au Rwanda à feu et à sang. On la critique surtout pour n’avoir pas présenté ses excuses comme l’ONU, les Etats-Unis et la Belgique alors que le Royaume-Uni n’en a pas fait davantage. On lui reproche en somme d’avoir été du mauvais côté, celui des vaincus. Mais que savent donc exactement les services français et pourquoi la France tient-elle tant à garder le secret ? Afin probablement de préserver ses relations avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni face auxquels le Rwanda apparaît comme un détail somme toute négligeable.

Toujours est-il qu’on devra désormais se pencher sur les vainqueurs dont les responsabilités pourraient se révéler plus lourdes encore que celles des vaincus. L’ONU aura-t-elle le courage salutaire de rouvrir ses dossiers?

8. L’attentat du 06 avril 1994 ouvre la boîte de Pandore

A moins d’une enquête sérieuse pour en déterminer les auteurs et les poursuivre en justice, le  »mystère » de l’attentat du 06 avril 1994 planera toujours sur la crédibilité des Nations Unies et hypothèquera encore pour longtemps les chances d’une réconciliation authentique au Rwanda.

Quel fut l’impact politique de la mort du Président Habyarimana sur la suite des événements? Quelles furent les circonstances réelles de cette mort? Pourrait-on comprendre la mécanique du génocide de 1994 sans élucider l’attentat du 06 avril 1994? Pourquoi l’ONU tente-t-elle de faire l’impasse sur un événement qu’elle considère pourtant elle-même comme l’élément déclencheur du génocide?

Premier Procureur du TPIR (1994-1996), le Sud-africain Richard Goldstone a affirmé en décembre 2006 au quotidien danois Berlingske Tidende que l’attentat commis le 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana rentre bien dans le mandat de ce tribunal. Il réagissait ainsi à la publication en novembre 2006 par le juge français Jean-Louis Bruguière de son rapport qui a désigné l’actuel chef de l’état rwandais Paul Kagame comme le principal responsable de l’attentat et appelé le TPIR à se saisir de l’affaire. Le porte-parole du TPIR, le britannique Everard O’Donnell, a cependant, déclaré peu après que cet attentat n’était pas de la compétence du tribunal.

Richard Goldstone s’est pourtant montré précis en affirmant au quotidien danois : «Je ne comprends pas cela. C’est clairement lié au génocide». « Tous comptes faits, cela a été l’élément déclencheur du génocide et il aurait été très, très important d’un point de vue juridique et du point de vue des victimes, de tirer cela au clair », concluait le magistrat sud-africain. Et l’ancien conseiller juridique en chef au TPIR, le professeur danois Frederik Harhoff, de renchérir en répondant au même journal : «Il est clairement écrit dans le mandat du tribunal qu’il est compétent pour connaître des crimes commis au Rwanda par des citoyens rwandais du 1er janvier au 31 décembre 1994». Enfin, Michael Hourigan, l’ancien enquêteur australien du Bureau du Procureur du TPIR qui, lui aussi, avait mené une enquête sur l’attentat et qui s’était vu interdire par le successeur de Richard Goldstone, la canadienne Louise Arbour, va encore plus loin : « La seule fois où le procureur a dit que cela n’était pas dans son mandat, c’est lorsque j’ai impliqué Kagame ». Hourigan estime enfin que c’est comme si l’on prétendait enquêter sur l’attentat du 11 septembre 2001 sur le World Trade Center aux USA sans faire d’investigations sur al-Qaeda.

Prédécesseur du Procureur actuel Hassan Jallow, Madame Carla Del Ponte avait affirmé au journal danois Aktuelt en date du 17 avril 2000, que s’il était prouvé que l’attentat du 06 avril 1994 a été perpétré par le Front patriotique rwandais, l’histoire du génocide serait à réécrire. Mais le gouvernement rwandais, à travers un communiqué de son délégué au TPIR Aloys Mutabingwa, a balayé les suppositions de Carla Del Ponte en affirmant que les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994 sont un «peloton de militaires français qui travaillait main dans la main avec les propres soldats de Habyarimana».

En tout état de cause, pourquoi l’ONU s’est-elle contentée d’investigations tronquées sur un sujet d’une aussi grande importance qu’un génocide? On le comprendra après lecture attentive du présent Mémorandum qui a pour ambition d’exposer brièvement les résultats de nos propres investigations et de demander l’ouverture d’une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais, un génocide qui, pour nous, relève de la responsabilité des Nations Unies. En effet, au moins deux des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à savoir les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni ont, consciemment ou non, joué un rôle très actif dans la conception, la planification et l’exécution de ce génocide qui est, comme nous le prouvons dans ce document, signé Yoweri Kaguta Museveni, Président de l’Ouganda, Commandant suprême de la National Resistance Army (NRA) devenue UPDF et son allié de toujours Paul Kagame, aujourd’hui Président du Rwanda et Commandant suprême de l’Armée patriotique rwandaise(APR) devenue RDF. La déclaration de l’ancien Secrétaire Général de l’ONU M. Boutros Boutros Ghali selon lequel «le génocide rwandais est à 100% de responsabilité américaine» n’aurait dû laisser personne indifférent. Quand un si haut responsable politique sort ainsi de sa réserve, c’est qu’il y a anguille sous roche.

A propos de la responsabilité américaine, le chercheur ougandais Mahmood Mamdani de la prestigieuse Columbia University in New York, disait aussi : «What the humanitarian intervention lobby fails to see is that the US did intervene in Rwanda, through a proxy. That proxy was the RPF, backed up by entire units from the Uganda Army. The green light was given to the RPF, whose commanding officer, Paul Kagame, had recently returned from training in the US, just as it was lately given to the Ethiopian army in Somalia. Instead of using its resources and influence to bring about a political solution to the civil war, and then strengthen it, the US signaled to one of the parties that it could pursue victory with impunity. This unilateralism was part of what led to the disaster, and that is the real lesson of Rwanda. Applied to Darfur and Sudan, it is sobering. It means recognizing that Darfur is not yet another Rwanda. Nurturing hopes of an external military intervention among those in the insurgency who aspire to victory and reinforcing the fears of those in the counter-insurgency who see it as a prelude to defeat are precisely the ways to ensure that it becomes a Rwanda. Strengthening those on both sides who stand for a political settlement to the civil war is the only realistic approach. Solidarity, not intervention, is what will bring peace to Darfur».

9.  Enquête tronquée sur le génocide rwandais

Sous l’étroite surveillance américaine notamment, l’enquête sur le génocide rwandais se limitera à un seul belligérant et donc aux effets dont les causes doivent être recherchées du côté de l’autre belligérant en l’occurrence le FPR, lui-même agissant avec la bénédiction du véritable agresseur à savoir l’Ouganda de Museveni. L’enquête a été détournée pour permettre au FPR d’exécuter impunément l’extermination des Hutu dont la planification ne fait désormais aucun doute. Bien que sous des formes encore plus sournoises, ce génocide continue sous nos yeux et a toutes les chances de se poursuivre encore longtemps tant que le FPR et ses alliés ne seront pas amenés à faire face à leurs lourdes responsabilités. Ce détournement d’enquête se poursuit à travers des procès politiques qui consistent souvent à pousser des accusés à faire des aveux en échange d’une hypothétique libération dans la mesure où celle-ci est loin de leur garantir une sécurité durable. Ceux qui n’ont rien à se reprocher et qui, de ce fait, se refusent à des aveux assistés, continuent de croupir en prison malgré le vide scandaleux de leur dossier ou carrément l’inexistence de celui-ci. Par de telles pratiques, le FPR et ses protecteurs entendent mentir par omission en prétendant que les Hutu avaient soigneusement planifié le génocide des Tutsi. Nous croyons, pour notre part, avoir largement prouvé que le génocide des Tutsi du Rwanda s’inscrit bien dans un plan criminel plus global. Un plan fomenté et co-exécuté par ceux-là mêmes qui, manifestement, tentent toujours de couvrir et/ou de minimiser leurs propres forfaits.

9.1 La stratégie de la tension par l’incitation aux violences comme une arme redoutable

On le voit assez bien, l’incitation intentionnelle à la haine contre les Tutsi et finalement à leur extermination par les radicaux Hutu obéissait à une stratégie d’exploitation des frustrations des Hutu face au risque de plus en plus réel de la conquête du pouvoir par le FPR (donc par les Tutsi) et par la force des armes. Ce précédent historique a été minutieusement monté par le duo Museveni-Kagame pour extirper à la racine tout risque de démocratisation du Rwanda. En fin de compte et tout comme les Tutsi, les Hutu du Rwanda sans oublier les Twa, du Nord au Sud et  de l’Est à l’Ouest du Rwanda, auront tous été victimes d’une seule et unique tragédie dont ils devraient être considérés comme les rescapés pour autant que les mots  »justice » et  »honnêteté » aient encore un sens. C’est par là même que l’article 14 de la constitution rwandaise justifie « un véritable génocide rwandais » commis du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1994. Peu importe l’exécuteur, la planification de ce drame reste essentiellement l’œuvre d’un chef d’Etat bien connu en l’occurrence l’ougandais Yoweri Kaguta Museveni. Dans la préparation des esprits, la fin poursuivie par lui détermine les voies et moyens, c’est-à-dire les stratégies que tout acteur, collectif ou individuel, met en œuvre implicitement et/ou explicitement sur un horizon à court, moyen et long terme. La fin poursuivie par ce dernier dans son agression contre le Rwanda puis dans sa guerre de «libération régionale» qu’il a poursuivie en RDC justifie dès lors les moyens immenses mis en œuvre par lui en vue d’atteindre ses objectifs dont celui ultime de l’érection en Afrique d’un grand empire nilotique en passant au besoin par l’extermination des Hutu et d’autres groupes réputés opposés à son plan au Congo, au Burundi et Tanzanie et au Kenya. Non pas que les extrémistes Hutu qui, méthodiquement et presque dans la fête, se sont livrés à l’extermination des Tutsi et des Hutu modérés entre avril et juillet 1994 soient innocents. Il nous semblait néanmoins indispensable et légitime de clarifier l’impact réel des choix politiques, tactiques et stratégiques du FPR et de ses parrains tant sur le plan du déclenchement du génocide que sur celui de son accomplissement.

9.2 Un sacrifice prémédité

Le sacrifice des Tutsi de l’intérieur a été prémédité et conçu pour justifier le choix d’une solution militaire inévitable et dissimuler le rejet d’une solution politique négociée et le traité de paix. Pour Kagame et ses supporters, la révolution sociale de 1959 qui a aboli la monarchie pour instaurer la république a coïncidé  avec le génocide des Tutsi. C’est dans ce contexte que l’on pourrait expliquer la haine réputée « séculaire » entre les Hutu et les Tutsi, une haine sans cesse alimentée, attisée et surtout instrumentalisée par des politiciens en panne d’arguments. En déclenchant la guerre, Kagame et les siens entendaient-ils aussi se venger contre ces Hutu supposés les avoir condamnés à l’exil ?

S’agissant des Tutsi de l’intérieur plus précisément, Kagame et certains de ses proches collaborateurs les ont de tout temps qualifiés de  « traîtres » en les accusant de complicité avec le régime hutu qu’ils n’avaient pas fui. S’il est légitime de douter de l’intention de Kagame de « libérer » ces Tutsi de l’intérieur, il est clair par contre qu’en les mettant habilement en scène dans le contexte de rivalités politiques et ethniques assez complexes, Kagame a eu beau jeu de se présenter comme un sauveur. On a affaire ici à une stratégie politique et militaire particulièrement cynique. Il est sans doute difficile de l’admettre, mais tant les Tutsi que les Hutu de l’intérieur ont été manipulés avec succès par le FPR. Le FPR, faut-il le préciser, a d’abord manipulé le gros des réfugiés Tutsi dont trente ans d’exil avaient considérablement réduit la marge de manœuvre.

Il reste que, dans une certaine mesure, Kagame lui-même n’aura été qu’un pion au service d’intérêts géopolitiques et géostratégiques qui le dépassent très largement et l’intègrent dans une stratégie globale des puissances qui s’affrontent mutuellement pour contrôler les ressources de l’Afrique par Tutsi/Nilotiques et Hutu/Bantous interposés. Cela ressemble étrangement au conflit quasi éternel entre Arabes et  Israéliens, un conflit sous contrôle des Etats-Unis qui, sous le prétexte de protéger Israël, n’en défend pas moins ses immenses intérêts géostratégiques dans la région du proche Orient. Force est de constater en outre que ce projet d’une « guerre de libération régionale » n’a jamais été porté à la connaissance de l’opinion publique. Aux réfugiés Tutsi on a fait miroiter le retour tant attendu au bercail tandis qu’aux opposants au régime Habyarimana on a facilement vendu un discours très démocratique en phase avec leurs aspirations du moment.

9.3 S’il doit y avoir un prix à payer, les Tutsi de l’intérieur n’ont qu’à le payer!

L’incitation à l’extermination des Tutsi avait pour fonction principale de dissimuler puis de justifier celle des Hutu initialement voulue et planifiée en Ouganda par Museveni et Kagame, les deux principaux responsables de l’invasion armée du Rwanda. C’est à ce niveau que la Constitution rwandaise fait preuve de pertinence lorsqu’elle stipule en des termes clairs et précis que le génocide rwandais a duré du 01/10/1990 au 31/12/1994. Reste à vérifier si le FPR est prêt à aller jusqu’au bout de cette logique dont il pourrait n’avoir pas réalisé toutes les implications.


Toujours est-il que d’une seule pierre, Museveni et Kagame ont fait deux coups. En incitant les radicaux Hutu à éliminer tous les opposants Tutsi et Hutu susceptibles de gêner leurs plans et en les poussant à exterminer les Tutsi en tant que communauté ethnique, le duo Museveni-Kagame s’assurait un bon prétexte pour massacrer impunément les Hutu et sans susciter la moindre indignation de la part d’une Communauté internationale totalement empêtrée dans ses propres contradictions. Cette incitation du FPR à l’extermination des Tutsi et des Hutu modérés de l’opposition constitue non seulement une fraude en vue de garantir son impunité par rapport aux crimes de masse perpétrés contre les Hutu, mais elle fut aussi un moyen de contourner tout traité de paix, d’extirper à la racine toute opposition tant Tutsi que Hutu. C’était donc une manière efficace d’étouffer dans l’œuf tout espoir de démocratisation au Rwanda. La démocratisation était jugée dangereuse par le FPR et ses alliés qui y voyaient un sérieux obstacle à la poursuite de la guerre au Congo-Kinshasa. On comprend dès lors que l’incitation à l’extermination des Tutsi par les Hutu n’ait pas été dépourvue de toute arrière-pensée.

Le FPR voulait pousser les Hutu radicaux, frustrés et préparés à créer un précédent historique de notoriété publique. Le FPR cherchait désespérément une justification à  l’extermination programmée des Hutu et il a cru s’en tirer en mettant ses propres massacres sur le compte de la vengeance car  considérés à l’époque comme des crimes passionnels et non prémédités alors que c’était le cas. Ici aussi, le président Kagame fera preuve de sincérité en avouant dans son discours du 07 avril 2007 prononcé à Murambi à l’occasion de la 13ème commémoration du génocide : « Mon unique regret est de n’avoir pu exterminer tous ces millions de gens qui nous ont échappé en 1994 » !

Le général Dallaire, Commandant des Forces de la MINUAR, avouera lui-même dans son livre J’ai serré la main du diable ce qui suit : « Quand j’ai demandé à Kagame d’aller directement à Kigali pour arrêter les massacres des Tutsi, il m’a répondu que s’il y avait un prix à payer, ce serait à ces Tutsi de le payer! ».

Il est intéressant d’observer que jusqu’à ce jour le Général Kagame ne regrette point le sacrifice de sa propre communauté ethnique. Cohérent jusqu’au bout et comme il l’avait déjà avoué à Romeo Dallaire, Paul Kagame semble toujours convaincu de l’utilité d’un tel sacrifice. Ne s’est-il pas clairement prononcé contre toute intervention internationale qui aurait pu, si pas arrêter l’extermination des Tutsi et des Hutu dits modérés, en aurait du moins limité l’ampleur? Froide et cynique, la stratégie de Kagame aura plutôt consisté à concentrer ses efforts sur «l’essentiel»! Pousser,-en les aidant parfois-, les Hutu radicaux à exterminer les Tutsi et les Hutu modérés pour en tirer un bénéfice politique optimal susceptible de lui permettre d’écraser définitivement les forces de l’ancien régime.

9.4 On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs

La stratégie du «sacrifice utile» a dans tous les cas fonctionné à merveille. Elle a fait l’objet de nombreuses discussions au cours de multiples réunions de propagande comme l’indiquent des documents en notre possession : « La guerre est tactique. Il faut réaliser l’importance de la propagande. Les points suivants doivent être utilisés : la propagande des droits de l’homme au sujet des massacres parmi les grandes figures des Hutu distingués et à poigne est un processus tactique vers la gagne des donnateurs occidentaux. Dans les régions de Ruhengeri, Gisenyi, une mobilisation des forces anti-tutsi est en train de se répandre fortement sur de vastes étendues. Les officiels américains en charge du dossier sont informés de ces inquiétudes mais il risque d’être trop tard pour agir parce que nous avons donné le panneau aux extrémistes Hutu (et ceux-ci y sont tombés). La mobilisation est fortement motivée tout comme la forte participation. Le gouvernement ougandais est censé informer les autorités britanniques à Kampala de ces développements. Tumwine est chargé du dossier. Le plus important de tout est une mobilisation pour sauver les victimes privilégiées. »

Une copie pour information de cette note (CODE 4563/UJ/RW/RPA/F567JL) a été envoyée au Consulat britannique de Kampala, Entebbe State House. Note CODE 4563/UJ/RW/RPA/F567JL» [Preuve n°065].  Parmi ces Tutsis « privilégiés », il y avait le préfet de Butare comme ce document (JEAN BAPTISTE HABYARIMANA MEET 567/RES/RPF/A) en témoigne : «La seule région forte dans le pays avec un préfet Tutsi est Butare. Il y a un besoin urgent pour l’affermir et  le protéger. Propositions : Le gouvernement tanzanien doit être contacté pour avoir un accès à travers le Burundi puis vers Butare pour secours humanitaire qui sera très probable si le  besoin se fait sentir. Le Major John Matonya de la Tanzanie sera à Kampala pour en débattre. Les officiels suivants doivent y participer: Lt. Col Mutabazi, Amama Mbabazi, P. Akunda. Lieu de la réunion: Masaka.Voir CODE 569/JL. CODE 560/JL APPLICABLE. Copie pour information au Haut Consul de la Tanzanie à Kampala, à la Maison blanche de Nakasero, RPA/F DELEGATION, PPU EBBE) »[Preuve n°066].

Le caractère prémédité de la stratégie de la tension privilégiée par le chef du FPR ne fait aucun doute si on se réfère au document (BIG TACTIC REF-/560/JL/09) qui fournit quelques détails quant aux tactiques adoptées par la rébellion :

«La grande tactique. Les organisations extrémistes sont inquiétantes au Rwanda. Mais elles nous fournissent une chance d’exploiter leurs avantages. Interahamwe et Impuzamugambi. Celles-ci sont des groupes dangereux mais leur nom sera utilisé pour nos propres bénéfices comme stipulé dans le plan 78. Le test (d’hystérie collective) sera mis en œuvre en forçant les officiels collaborateurs à dénoncer les accords d’Arusha sur la radio nationale à Kigali. Col Bagosora et Agathe Uwilingiyimana. Les précités agiront en aval pour canaliser l’information incendiaire (code 560/JL). Remarque : Surveiller le Major Bernard Ntuyahaga. Il est opposé à ce deal » [Preuve n°067].

9.5 Le précieux témoignage de Ruzibiza Abdul confirmé

Un autre document évoque l’existence à l’intérieur du Rwanda d’un escadron sous la supervision de Ruzibiza Abdul, les accords d’Arusha et l’installation d’un contingent FPR dans la capitale:«ARUSHA-OVERVIEW-REF.3546/UKJ/RW. Aperçu sur les accords d’Arusha (REF.3546/UKJ/RW). La réunion a convenu de débattre des doutes au sujet des manœuvres politiques en cours à Arusha. Les gens à Kigali n’ont aucune intention de formuler et d’imposer un processus. Il faut utiliser une stratégie irrésistible. Les officiels de l’intelligence bien entraînés avec un savoir-faire et des compétences appropriées savent comment se saisir eux-mêmes de l’initiative pour enclencher et exécuter le processus. L’escadron sous la supervision de RUZIBIZA ABDUL s’est bien établi dans Kigali et toute opération mise en œuvre s’appuie sur les instructions lorsque le besoin se fait sentir. Il y a un désaccord sur l’emplacement des locaux du parlement de transition à Kigali. A Arusha, la délégation a travaillé sur ce sujet. Nous espèrons que le problème sera résolu dans deux semaines. Copie pour information adressée à la délégation du FPR d’Arusha et au Bureau du président du PL (code 235/GL) » [Preuve n°068].

Il faut rappeler que Kagame n’a pas hésité à qualifier les révélations de Ruzibiza de pures affabulations et des manipulations émanant des français et non de son ex-chef de l’escadron dont il n’a pas le courage d’assumer la responsabilité.

Dans son livre «Rwanda, Histoire secrète, le lieutenant Abdul Ruzibiza a déjà confirmé que le général Kagame et ses commandants sont co-responsables du drame rwandais. Il a affirmé que sous le commandement de Kagame, l’Armée patriotique rwandaise (APR) a massacré les gens de toutes les ethnies avec pour objectif de semer l’anarchie et faciliter sa prise du pouvoir, même au prix de l’extermination de tout un peuple. C’est en acteur de terrain que Ruzibiza a narré le processus de la guerre tout en ignorant apparemment les desseins occultes de celle-ci et certains de ses acteurs clés. L’ex-officier de l’APR n’a visiblement pas eu accès aux documents que nous avons pu nous procurer et qui corroborent largement son livre témoignage. Notre enquête pourra, nous l’espérons, mettre fin à la polémique soulevée par le livre de Ruzibiza ou d’autres témoignages qui mettent en cause le FPR pour son rôle très important et pourtant si minimisé dans le génocide rwandais.

Ruzibiza Abdul a eu raison d’estimer que le Général Kagame aurait pu, s’il l’avait voulu, limiter l’ampleur des massacres car il en avait les moyens. Il faut dire que son attitude froide et cynique n’était pas du goût de tout le monde y compris parmi ses proches collaborateurs comme on peut le constater à travers le document suivant qui évoque la chute de Kigali : «IMM MEETKGL 56/DF. La réunion a pour but de vous révéler que les plans de la chute certaine de Kigali viennent d’être finalisés mais la date pour prendre le pouvoir à Kigali a été avancée de plus près en raison du génocide qui se passe à l’instant même. Si nous n’agissons pas vite, nos frères seront finis. Le moment de faire tomber Kigali est prévu avant le 06 juillet 1994. Ceci a fait l’objet d’une discussion entre le président Museveni et le Haut Commandement du FPR (RPA). On ouvrira une brèche aux forces qui résistent pour s’échapper afin d’éviter de lourds combats qui causeraient plus de morts. Les bataillons qui sont en train de bloquer les fugitifs vers le Zaïre devraient être autorisés à ouvrir le passage pour que les Interahamwe s’échappent. Ceci évitera une confrontation directe et des morts supplémentaires. La date fixée peut être plus proche mais pas repoussée plus loin. Le FPR (RPA) n’a aucune objection mais UPDF WEST se tient en alerte pour renforcer. Copie pour information adressée à UPDF WEST, 4RTH DIV, PPU, RPA TOP »[Preuve n°069].

9.6 Génocide au service des intérêts les plus sordides

Enfin, la volonté du régime FPR et ses alliés d’instrumentaliser le génocide apparaît clairement dans le document suivant (LONDON MEET REF RW/786/LN) : «Nous planifions de dominer la conférence débat du grand génocide en perspective du 27 juillet 1997 à Londres. Ceci augmentera nos chances de faire craquer de fond en comble les officiels de l’ex-régime Hutu en occident. Les pays suivants participeront : Belgique, Canada, Finlande, Burundi, France, Ouganda, Irlande, Grande Bretagne, Tanzanie, Allemagne. Plan : Nous devons transmettre toute information utile à nos amis avant la date de la conférence et bien avant que la France ne transmette la propagande. Le plus important de tout sur l’agenda, c’est que nous disposons d’une commission chargée d’opérer ces manœuvres. Copie pour information à la Maison blanche de Nakasero et à l’ambassade du Rwanda à Londres » [Preuve n°070].

10. La guerre du Rwanda beaucoup plus complexe que prévu

Selon les plans de Kagame et Museveni, le déclenchement de la guerre définitive était subordonné à l’assassinat du Président Habyarimana. Cet assassinat qui allait agir comme une force « détonateur » de l’effondrement de l’ordre public n’aura pu être accompli que dans la soirée du 06/04/1994, près de cinq ans après sa planification initiale. Contrairement à la guerre provisoire, Museveni avait assigné à la guerre définitive le double objectif de porter le FPR au pouvoir par la force, exterminer systématiquement les Hutu qualifiés d’ennemis régionaux et d’obstacle majeur à l’extension de la guerre de libération régionale dans le Congo-Kinshasa.

Suite à l’enlisement inattendu de la guerre, l’extermination systématique des Hutu sera précédée par celle des Tutsi et des Hutu  »modérés » de l’opposition. Ce qui permettait au FPR de justifier ses propres crimes de masse à l’encontre essentiellement des Hutu globalement ciblés comme étant responsables de l’extermination des Tutsi de l’intérieur. Afin de soigner son image, le FPR s’autoproclame alors comme le « sauveur » et le « libérateur » de ces derniers. Le génocide dans toutes ses dimensions donnait en tout cas au FPR l’opportunité de s’offrir un pouvoir sans partage, ce qui aurait été inconcevable en cas d’application des accords de paix d’Arusha. Les planificateurs du FPR en étaient d’ailleurs eux-mêmes conscients : « La seule option que nous avons est de continuer notre combat. Nous devons désorganiser les élections par l’escalade du conflit. Nous n’avons aucune chance de gagner démocratiquement au Rwanda ».

Pour le FPR en effet, qu’elle vienne des Tutsis ou des Hutu, toute opposition réelle ou potentielle devait être anéantie. En conséquence, Museveni en sa qualité de Président de l’Ouganda et Kagame en tant que Commandant en chef des forces du FPR doivent répondre de la planification et de l’exécution du génocide rwandais dont ils constituent les principaux cerveaux.

10.1 Quelques caractéristiques du génocide rwandais dans sa version globale

Pris dans sa version globale car le régime FPR lui-même considère qu’il s’est étendu sur une période de quatre ans (1990-1994) feignant d’oublier qu’il se sera prolongé sur le territoire congolais, le génocide rwandais remplit tous les critères inhérents à un génocide. Bien que réduit aux seuls Tutsi sans doute pour des raisons politiques, le génocide rwandais a affecté toutes les composantes ethniques du Rwanda et plus directement les Hutu qui, aux yeux des planificateurs de l’invasion du Rwanda, devaient en être la cible principale car très tôt désignés comme «ennemis régionaux» à éliminer pour faciliter la «guerre de libération régionale».

Voilà pourquoi sur de nombreux aspects et bien que reconnu par les Nations Unies, le génocide des Tutsi reste mitigé, certains le jugeant même réfutable et d’autres instrumentalisé. En réalité, toutes les trois ethnies composant la nation rwandaise ont été victimes et rescapées d’un plan d’extermination minutieusement élaboré en Ouganda par le tandem Kagame-Museveni. Tout en établissant la responsabilité du régime décapité et agressé par l’Ouganda dans le génocide de 1994, l’enquête de l’ONU aurait dû clarifier le rôle joué par l’agresseur (Ouganda via FPR). C’est la raison pour laquelle les enquêtes onusiennes sur le drame rwandais sont jugées peu crédibles car souvent partisanes et toujours partielles et partiales. Ces enquêtes sont en effet principalement axées sur des faits accessoires souvent générés par des faits essentiels et de notoriété publique mais ignorés pour des raisons jusqu’à ce jour inexpliquées. Par-delà la manipulation politique des faits avérés, force est de constater que le génocide des Tutsi et le génocide rwandais restent indissociables dans la mesure où ils s’inscrivent clairement dans un plan d’ensemble relatif à l’invasion tragique du Rwanda, invasion planifiée et exécutée par Museveni et Kagame avec l’entente et la complicité des Etats-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni. L’ONU ne saurait être crédible sans avoir le courage politique de remettre le dossier Rwanda sur la table en vue notamment de qualifier clairement les massacres perpétrés contre les Hutu au Rwanda et en RDC par les forces du FPR et ses alliés de 1990 à 1997 et d’adopter des mesures appropriées.   

10.2 Où sont donc passées les preuves de la planification du génocide des Tutsi?

Il serait sans doute plus aisé de démontrer, preuves écrites à l’appui, la planification du génocide rwandais. Mais, toujours sous la pression des vainqueurs de la guerre du Rwanda, pression relayée par de puissants alliés et complices, l’ONU met en avant le génocide des seuls Tutsi dont il se révèle néanmoins jusqu’aujourd’hui incapable de prouver le caractère prémédité et planifié. Il existe pourtant des faits de notoriété publique et absolument irréfutables qui accusent le planificateur initial de l’embrasement du Rwanda. L’ONU s’est gardée, jusqu’à ce jour, d’apporter la moindre trace écrite mettant en cause le véritable planificateur de l’invasion armée de 1990. Il n’est pas étonnant que, dans de telles conditions, certains observateurs considèrent l’ONU comme étant juge et partie dans cette affaire de la plus haute importance.

Alors que l’ONU ne fonde ses investigations que sur des témoignages plus ou moins discutables sur l’extermination des Tutsi, elle semble ignorer les preuves écrites irréfutables que nous tenons à apporter en vue d’établir la préméditation, la planification, l’exécution et le mobile du génocide rwandais et non plus uniquement celui des Tutsi.

Dans sa déclaration à l’issue d’une réunion avec des officiels de Fort Bragg, Kathi Austin, spécialiste en matière de transfert des armes vers l’Afrique dans l’organisation Human Rights Watch, a décrit la formation militaire dispensée aux éléments du  FPR par des experts militaires américains comme un entraînement par les tueurs qui forment les tueurs en ces termes : «Kern to brief a contingent of human Rights activists led by Kathi Austin a Human Rights Watch specialist on Arms transfer in Africa after meeting officials at Fort Bragg. Kathi Austin statements so alerting and to face Pentagon Committee on Security: she describes the training special programme for RPF as « killers…training Killers ». Cette déclaration a fait l’objet d’une discussion obligée au sein du pentagone de Bill Clinton» [Preuve n°071].

Il convient de rappeler au Président Paul Kagame par rapport à son récent défi à la France de rouvrir l’enquête sur son rôle dans le génocide rwandais, qu’il n’y a pas que les Français à avoir été blanchis par des enquêtes partielles et partiales. Les super tueurs ayant entraîné des tueurs ne sont pas à signaler dans le seul camp francophone car le camp anglophone a aussi des comptes à rendre. Non pas qu’il faille absoudre la France de toute responsabilité, mais elle pourrait, à la limite, avoir été victime de ses maladresses alors que les Anglo-Saxons ont réussi à couvrir leurs forfaits en imposant parfois l’inversion des rôles au profit de leurs protégés.

Toutefois, il n’est point dans nos intentions d’innocenter les responsables politiques et militaires rwandais de l’ancien régime qui seraient impliqués dans l’extermination des Tutsi et des Hutu modérés en 1994. Ils ont eux aussi opéré des choix, pris des décisions et posé des actes dont ils doivent répondre. Mais force est de constater qu’à la lumière des seuls faits relevés tout au long de nos investigations,-la liste est loin d’être exhaustive-, les Présidents Museveni et Kagame sont indubitablement coresponsables de cette extermination et devraient en répondre au même titre que leurs « ennemis ». Laissons dès lors le juge apprécier, en toute indépendance et en toute souveraineté, le niveau de responsabilité de chacun des deux belligérants ainsi que de celui de leurs alliés et amis notamment membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et dont des ressortissants siègent au TPIR en tant que juges ou au sous d’autres fonctions.

De son côté, l’ONU ne pourra faire l’économie d’une enquête globale, objective et impartiale quant aux circonstances réelles ayant entouré la tragédie rwandaise. Celle-ci est aujourd’hui réduite au génocide des Tutsi qui est de facto le seul reconnu par les Nations Unies malgré des révélations de plus en plus évidentes quant à la véracité d’un génocide autrement plus large et plus étendu aussi bien dans le temps que dans l’espace. Il convient d’insister sur l’importance de l’aveu du Gouvernement FPR selon lequel le génocide a été perpétré du 01/10/1990 au 31/12/1994. Est-il si anodin, s’agissant du FPR, que la date du déclenchement de son offensive coïncide avec le début du génocide? De là à affirmer que le génocide rwandais a été planifié en Ouganda à partir du 1er janvier 1989, il n’y avait qu’un pas que nous nous sommes permis de franchir au terme d’investigations objectives et suffisamment documentées.

10.3 Les Hutu, cible initiale des planificateurs de l’invasion du Rwanda

A la lumière des informations désormais disponibles, il ne serait point exagéré de suspecter les stratèges du FPR d’avoir délibérément sacrifié les Tutsi du Rwanda aux fins d’avoir les Hutu et d’extirper à la racine toute opposition réelle et/ou potentielle à ses projets dont celui lié à la poursuite de la guerre de libération en ex-Zaïre.

Sachant pertinemment que l’effondrement de l’ordre public au Rwanda comptait parmi les effets escomptés par la rébellion du FPR et que depuis 1989 Museveni et Kagame subordonnaient l’attaque du Rwanda à l’assassinat préalable du Président Juvénal Habyarimana et à la rupture des accords militaires franco-rwandais, on comprend mieux la stratégie de la tension sur laquelle Paul Kagame s’est appuyé pour provoquer, alimenter et intensifier l’hystérie collective qu’on a pu observer au Rwanda durant notamment les mois

d’avril-juillet 1994. 

11.  Une intégration régionale à marche forcée

N’eût été l’enlisement des forces alliées due à une succession d’imprévus auxquels Museveni et Kagame furent confrontés après le génocide de 1994, la « libération régionale » dans sa forme voulue par le tandem « libérateur » et ses alliés serait déjà réalisée depuis 2000 [Preuve n°072]. L’intégration politique de la région serait opérationnelle mais pas forcément au bénéfice des peuples concernés. On pourrait donc, à cet égard, parler d’échec même si tout laisse penser que le combat se poursuit à travers des stratégies différentes.

Ainsi, Kagame et Museveni avancent à tâtons mais la menace n’a pas totalement disparu dans la mesure où la logique des féodalités économiques reste toujours vivace. A travers la conclusion des traités de neutralisation des « forces négatives » comme celui qui a été signé à Nairobi entre Kigali et Kinshasa le 9 novembre 2007, on entend un moyen détourné de briser toute velléité de résistance, toute tentative d’une presse délivrée de l’argent et de la corruption; bref on voudrait imposer une dictature internationale qui menace la paix, le développement et la démocratie en Afrique subsaharienne.

C’est le cas de l’adhésion du Rwanda à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) qui devrait bientôt être suivie de son adhésion au Commonwealth, consacrant ainsi le retrait définitif du Rwanda du giron francophone considéré, à tort ou à raison, comme le point d’appui de la dictature et le point d’ancrage du sous-développement en Afrique post-coloniale comme si l’Afrique anglophone était économiquement et politiquement mieux lotie au point de faire la leçon aux « attardés » francophones! D’où la volonté d’en découdre avec le système francophone dans la région des Grands Lacs en imposant Aux Africains voire à toute l’Humanité et au besoin par la force des armes, une vision unipolaire du monde. A ce jeu, les Anglo-Saxons paraissent s’opposer au système francophone qui a toujours plus ou moins cohabité pacifiquement avec les langues et les cultures africaines. A ce sujet, la Baronne Lynda Chalker que nous avons déjà citée est on ne peut plus Claire : « Les langues bizarres (drôles) dans la région n’ont aucune contribution au développement général de la région. Mais cela est une affaire de décisions. Soyons monolingues! Eliminons le Français seulement si nous voulons réussir ». [Preuve n°073].

Ce jeu complexe, aussi francophobe qu’anti-africain est subtilement manipulé par les Anglo-Saxons avides d’un contrôle accru sur les ressources naturelles de l’Afrique noire et avec suffisamment de discrétion pour qu’on ne s’aperçoive pas qu’il y a anguille sous roche. Ils savent bien calibrer et ciseler leurs déclarations afin que des images et des slogans favorables à leur cause soient relayés efficacement par des médias vers l’opinion publique et les peuples sans voix de cette région. Tout comme leur communication très compétente et particulièrement agressive, leur stratégie participe des moyens mis en œuvre par eux pour atteindre leurs objectifs comme le document suivant l’indique:«MEET COF REF576/RW/UG/93. La réunion a convenu de débattre des suites à donner à la guerre en cours au Rwanda. Il y a un besoin de nous appesantir sur le futur des plans de l’après-guerre. Nous allons devenir nouveaux dans la région, les gammes de problèmes du passage de militarisation à l’intégration de la région francophone avec des styles de vie et des idéologies différentes étant probables, nous risquons de faire fausse route. Amama Mbabazi (MINADEF) en a déjà exposé l’issue (la porte de sortie) aux leaders du FPR. Et le président Museveni a sérieusement pris cela en considération. Nous sommes des soldats et les erreurs des politiciens sont inévitables. La problématique du Zaïre préalablement débattue reste une menace sérieuse. Le président Mobutu semble ne pas empressé de veiller sur de vastes étendues de son pays, ce qui s’avère être une menace sérieuse. Linda Chalker a déjà présenté cela aux autorités britanniques et celles-ci soumettront la proposition aux officiels américains. Les commissions suivantes ont déjà reçu des instructions pour travailler sur cette matière : La commission de Salim Saleh, la commission de Kazini, la commission de Sam Nanyumba (Brigadier en charge des services de renseignements ougandais). On attend les conclusions de leurs rapports respectifs dans une période de deux mois de la présente réunion. Copie pour information à PRES.OFF.PARL.BLDG, NKSR ST HSE, RPA/FDEL» [Preuve N°074].

11.1 Mettre l’Afrique à genoux afin de la maintenir mendiante

A en croire la teneur du document précédent, afin de hâter l’effondrement de l’ordre établi en Afrique francophone, le conflit sera rendu plus intense par la main invisible de la superpuissance anglo-saxonne qui veut à tout prix gagner toutes les batailles sur tous les fronts, politique, économique, militaire et culturel. En effet, lorsqu’il est intense dans la région francophone, le conflit tend à s’étendre à tout le système de pouvoir au bout de quelque temps car, selon la théorie des organisations, aucune organisation ne peut survivre à un conflit généralisé et intense.  L’hystérie collective méthodiquement provoquée et savamment entretenue dans certains pays réputés francophones procède de cet ordre. La stratégie de l’extermination appliquée au Rwanda, au Burundi et en RDC procède de cet ordre. L’assassinat en l’espace de quelques temps de quatre Chefs d’Etat africains à savoir Melchior Ndadaye, Juvénal Habyarimana, Cyprien Ntaryamira et Laurent Désiré Kabila, tous réputés Bantous ne constituent pourtant qu’une goutte d’eau dans l’océan des  faits probants et convergents quant à l’existence d’une main « invisible » mais si puissante et si efficace derrière la tragédie africaine.

Dans ce contexte et, en l’absence de preuves autrement plus convaincantes, comment croire à la sincérité des intentions affichées et des gestes posés par les puissances anglo-saxonnes prétendûment en faveur de la paix dans la RAGL ? Comment se fier aux divers pactes de paix et de stabilité conclus dans cette région martyre tant que les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni n’auraient pas reconnu leur rôle dans tous ces drames et renoncé publiquement aux projets diaboliques qui les sous-tendent ? Comment faire confiance à ces puissances pour pacifier le Soudan et la Somalie quand on sait,-ne serait-ce que partiellement-, ce qu’ils ont fait et continuent de faire en Afrique des Grands Lacs ?

Comment écarter le spectre de la guerre de recolonisation de l’Afrique subsaharienne entamée par le couple Museveni-Kagame avec la bénédiction des Anglo-Saxons sans que ces derniers ne s’expriment clairement sur ce qu’ils traitent de «recolonisation this time by the owners themselves»? (Recolonisation cette fois-ci par les autochtones eux-mêmes). Comment éluder le fait que le conflit des Grands Lacs a failli se muer en troisième guerre mondiale à partir du continent africain? [Preuve n°075].

C’est probablement dans ce contexte que l’on pourrait interpréter l’opposition résolue de Museveni, Kagame et leurs alliés au projet du Guide Libyen Mouamar el Khadafi, projet relatif à la création des « Etats Unis d’Afrique » et leur refus de la ratification du Parlement des Grands Lacs sous les auspices de l’AWEPA. Museveni et ses alliés sont visiblement inquiets de voir leurs desseins inavouables contrariés ou se diluer dans un projet d’intégration continentale qui pourrait emporter l’adhésion des peuples africains. Totalement conditionnés par des pactes secrets que leurs parrains anglo-saxons ont avalisés, Museveni et Kagame excluent toute distraction par des objectifs plus transparents et incompatibles avec les leurs beaucoup plus opaques et surtout criminels.

11.2 Evitée in extremis par le Président Arap Moï en 1992, une crise à la rwandaise menace de nouveau ce pays

Au-delà des déclarations plutôt pacifistes, rien n’indique que Museveni et ses alliés américains et britanniques aient renoncé à leur obsession de libération régionale. La Baronne Linda Chalker a été chargée par les leaders régionaux d’étudier et de débloquer la situation kenyane au moment où le Président Arap Moï était opposé au plan régional en cours. Lynda Chalker approuva la décision relative au recours à l’instrumentalisation de l’opposition ethnique des Kikuyu en vue d’intensifier les violences ethniques au Kenya. Museveni quant à lui a été chargé d’approvisionner les groupes en conflit en armes nécessaires et en provenance du Royaume-Uni. Linda Chalker promettait aussi d’employer l’arme économique comme au Rwanda en bloquant les aides en provenance de Londres. [Preuve n°076].

Dans la réunion de février 1992, Lynda Chalker a affirmé avoir sommé le Président Moï de résoudre rapidement le problème politique affectant le Nord du Kenya. Elle indiqua par ailleurs avoir insisté auprès du Président Nyerere afin qu’il fasse pression sur le Kenya d’un déploiement de forces onusiennes au cas où Moï n’arriverait pas à faire cesser les hostilités dans le Nord de son pays. La volonté des « libérateurs » d’embraser le Kenya ne faisant plus de doute, le Président Arap Moï aura la sagesse de faire profil bas afin de préserver son pays d’une catastrophe aux conséquences imprévisibles. Les groupes « rebelles » du Nord du Kenya ayant été armés par Museveni via l’Ethiopie et le Sud-Soudan, Moï aurait dû contre-attaquer mais il ne l’a pas fait, craignant de créer une situation rapidement incontrôlable. [Preuve n°077].

Les « libérateurs » ont cependant plus d’un tour dans leur sac. Lors d’une réunion tenue en janvier 1997 à Kampala, l’idée de provoquer un afflux de réfugiés du Soudan vers le Kenya à Kakuma précisément a été retenue. Il s’agissait en fait de créer un prétexte politiquement récupérable sous le couvert d’une intervention de l’ONU. Et c’est effectivement au nom de raisons humanitaires que l’ONU va déployer ses forces dans des camps temporaires installés dans le nord du Kenya pour soit disant y assister les réfugiés. Asphyxié par la politique anglo-saxonne sous le couvert de l’ONU, dans l’indifférence de l’Union Européenne et de l’OUA, le Président Arap Moï cède au milieu de l’année 1998. Il venait tout juste de recevoir la visite de l’homme fort du Rwanda, Paul Kagame. Il faut signaler que c’est à partir de ce moment que des opposants rwandais au régime du FPR commencent à se faire assassiner en plein jour à Nairobi. Ce sera notamment le cas de Seth Sendashonga, ancien Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement du FPR réfugié à Nairobi et employé du PNUD. Le Président Arap Moï accepte finalement de coopérer avec des criminels impunis du monde dans le but de préserver son peuple d’un possible génocide quelques années après celui du Rwanda. Le Kenya aura finalement échappé au piège. Linda Chalker et ses protégés durent constater leur échec. Les armes fournies aux « nordistes kenyans » leur sont alors retirées au profit de l’Ethiopie et du mouvement SPLA de John Garang [Preuve N°078].

11.3 La Tanzanie également dans le collimateur

Des documents ultrasecrets révèlent une tentative d’invasion combinée de la Tanzanie par le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda et mettent en lumière la résistance farouche de ce pays face aux menaces de ses voisins.


Des agents de sécurité du Burundi, de l’Ouganda, du Rwanda et de l’Ethiopie se sont réunis mi-janvier 1997 à Kampala. Au cours de cette réunion, les participants ont convenu de distraire l’attention de la Tanzanie sur le Zaïre. Il était prévu que l’invasion de la Tanzanie commencerait par une campagne médiatique particulièrement agressive au besoin par des manipulations pour faire croire à l’existence de groupes rebelles Hutu en fuite et désireux d’utiliser le territoire tanzanien pour leurs opérations contre le régime tutsi du Rwanda. L’invasion armée aurait dû permettre d’installer au pouvoir le Prof. LIPUMBA, un membre éminent de l’opposition tanzanienne, à l’époque réfugié à Kampala avant de s’installer au Danemark quelques temps après. Il est aujourd’hui Président du Front Civique Uni (CUF, Civic united Front), parti principal de l’opposition tanzanienne favorable à la scission et à l’indépendance de Zanzibar. Ce parti serait à l’origine de troubles récurrents dans les îles de Pemba et Zanzibar. L’invasion de la Tanzanie devait évidemment se faire après consultation des plus hauts responsables américains et britanniques [Preuve n°079].


Mais le 30 Janvier 1997 au cours d’une réunion tenue à Addis Abeba en présence de représentants américains et britanniques, l’option de l’attaque contre la Tanzanie est rejetée. Au regard de l’évolution de la situation de guerre prévalant au Zaïre, Américains et Britanniques recommandent vivement la prudence et préconisent la patience. [Preuve N°080].


Au Burundi qui réitérait ses craintes et son mécontentement à l’égard de la Tanzanie et sollicitait l’autorisation de conduire l’offensive contre ce pays après la guerre du Zaïre, on se contenta de donner un accord de principe doublé de conseils à se préparer en conséquence. Mais Bujumbura ne pouvait agir sans l’aval américano-britannique. Invités à cette réunion, les Banyamulenge du Zaïre ont appuyé cette décision. L’invasion armée prévue après la guerre du Zaïre était subordonnée à l’évolution de la situation dans cet immense pays. La contribution des Banyamulenge étant vivement souhaitée en cas de guerre contre la Tanzanie, il fallait attendre la victoire militaire au Zaïre et son occupation par les alliés « libérateurs » [Preuve n°081].


La Tanzanie ne s’est donc pas laissé faire. Au moyen d’une résistance discrète mais sans faille, elle aura pu déjouer tous les complots dirigés contre elle malgré la trahison dont d’importantes personnalités de ce pays ont fait preuve aux côtés des forces conspiratrices. Mais c’est surtout à Julius Nyerere que la Tanzanie doit son salut. Parfaitement informé des plans qu’il était censé soutenir, Nyerere a fait parfois faux bond à ses alliés. Enervé, Museveni ira jusqu’à préconiser l’élimination de son grand allié et père spirituel. Une telle proposition a été avancée au cours des réunions qui se sont tenues à Kigali et à Addis Abeba [Preuve n°082].

11.4 Des non-dits lourds de signification en Afrique de l’Est

Il existait donc,-et il existe toujours-, au-delà des apparences, d’importantes divergences exacerbées par des ambitions parfois contradictoires entre Museveni et les dirigeants Tanzaniens d’une part, et entre Museveni et Kagame, d’autre part. Le couple Museveni-Kagame lui-même n’échappe pas à des turbulences que l’allié britannique s’efforce régulièrement d’atténuer. Si la disparition de Nyerere avait paru calmer la situation, rien n’indique que les divergences soient complètement aplanies. En effet, l’adhésion du Rwanda et du Burundi à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) n’aura pas suffi à enrayer la méfiance régnant entre les pays membres de cette organisation. Depuis 2006, des milliers de Rwandais ont été expulsés de la Tanzanie dans des conditions douloureuses et non élucidées.

La plupart de ces rapatriés revendiquaient la nationalité tanzanienne et ne connaissaient le Rwanda que par la langue et l’histoire. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les personnes expulsées de Tanzanie seraient environ 60.000. Plusieurs analystes au Rwanda pointent du doigt le gouvernement de Kigali qui aurait exigé le retour de ces Tanzaniens rwandophones pour un motif qui reste encore à élucider, malgré les dénégations des officiels rwandais.


De son côté, le HCR se dit vivement préoccupé par ces expulsions. Dans un communiqué publié en novembre 2006, Tane Bamba, représentant du HCR à Kigali, avait déclaré que les populations expulsées n’étaient pas des réfugiés en Tanzanie. «Ils ne sont pas sous le mandat du HCR, mais nous allons intervenir simplement comme tout autre organisation humanitaire face à cette crise ».


D’un autre côté, les armées rwandaise et ougandaise se sont affrontées en RDC à plusieurs reprises et ce conflit a failli dégénérer dans une guerre ouverte entre les deux pays.

11.5 La solution originale de Julius Nyerere au conflit Hutu-Tutsi

Afin d’en finir avec le conflit Hutu-Tutsi qui ronge en permanence le Burundi et le Rwanda, Nyerere avait, au cours d’une réunion tenue à Kampala en Janvier 1993, proposé une idée plutôt originale. Il en appelait à l’annexion du Rwanda par l’Ouganda et du Burundi par la Tanzanie. Aux Tutsi des deux petits pays reviendrait le Rwanda tandis que tous les Hutu se retrouveraient au Burundi ! Le Burundi a violemment rejeté cette idée.


On peut dès lors comprendre la complexité particulière des rapports politiques et diplomatiques régissant les Etats de cette région ravagée par des conflits extrêmement violents. Il n’est pas certain qu’une intégration réalisée dans des conditions aussi obscures et marquées par de lourds soupçons et des non-dits soit la solution appropriée. Ceux qui négocient et concluent les pactes de paix d’aujourd’hui, agissent-ils réellement au nom des peuples qu’ils prétendent représenter ? Rien n’est moins sûr.


Enfin pour confirmer l’intérêt porté par les Anglo-Saxons à l’entreprise « libératrice » de l’Afrique, il convient de souligner la réunion du 26 avril 1996, tenue à Westminster au Royaume-Uni et présidée par La Baronne Lynda Chalker en personne. Cette réunion a examiné et adopté différentes phases d’évolution du projet d’intégration de l’Afrique de l’Est selon un calendrier précis d’après lequel, la fin de l’année 2000 devait marquer l’intégration totale de la région. Celle-ci devait à ce moment être devenue totalement monolingue, autrement dit anglophone. Elle devait être devenue totalement capitaliste, dotée d’une monnaie unique, d’un marché commun et d’une armée spéciale sous le nom de RRA (Red Reserve Army) composée de 2.000.000 d’hommes. [Preuve N°083].

12. L’embrasement continue de la RDC, échec d’une balkanisation annoncée ?

Dans notre lettre ouverte du 07 novembre 2007 à la Secrétaire d’Etat américaine Mme Condoleezza Rice, nous lancions un appel pressant à l’administration des Etats-Unis d’Amérique,-tout en nous interrogeant quant à la sincérité de ses intentions de paix-, afin qu’elle s’implique davantage dans la résolution des conflits tant au Rwanda que dans toute la région de l’Afrique des Grands Lacs.


Certains se sont demandés si nous avions réellement des raisons sérieuses de douter de la volonté américaine s’agissant de la pacification et de la stabilisation de la région. Or nous en avons effectivement dans la mesure où nous sommes désormais à même de mettre à jour le rôle incontestable joué par les Etats-Unis dans l’internationalisation du conflit rwandais, un conflit qui, dès le départ, était conçu pour servir de tremplin à la guerre de l’ex-Zaïre comme plusieurs documents ultra sensibles le prouvent.


La guerre lancée en ex-Zaïre par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi est un conflit longuement prémédité et soigneusement planifié qui a bénéficié d’un appui déterminant de la part des Anglo-Saxons et particulièrement les Etats-Unis dont l’armeé a monté plusieurs opérations spéciales tout au long de la période 1996-1997 dans la région de l’Afrique des Grands Lacs.


Les Etats-Unis étaient prêts à tout pour défendre à fond leurs intérêts dans la région : «Moyennant une contrepartie de l’or d’une valeur de 6.000.000$, le gouvernement américain autorise les mercenaires américains sélectionnés par le général Stein Parker de  »Hawaï military Base » à s’engager dans la guerre de libération du Zaïre. Résolutions transmises aux gouvernements ougandais et rwandais» [Preuve n°084].


Et en vue de parer à toute éventualité, les Etats-Unis iront jusqu’à proposer à Museveni, qui accepte, d’autoriser l’utilisation du territoire ougandais par le département de renseignement israélien en soutien aux forces militaires américaines et aux forces de libération du Congo de Laurent Désiré Kabila. Les généraux suivants y seront employés : Stein Parker issu de Hawaï Military Base; Rodds Marvin, l’expert israélien. Transmis sans obligation aux autres services » [Preuve n°085].


La réunion du 10 janvier 1997 à Kigali a adopté une importante résolution : « Les opérations spéciales doivent commencer dans l’Est du Congo Brazzaville en direction de l’est du Zaïre afin de renforcer les forces spéciales destinées à la guerre de libération de l’ex-Zaïre. Station Wagon : Base d’Oso River à la province du Kivu » [Preuve n°086]. Il faut en effet noter que la guerre menée au Zaïre partait de Kigali et de  Brazzaville, d’où l’intervention de l’Angola via Brazaville pour couper la route empruntée par des hommes de Lissouba.


Il faut noter que les Etats-Unis avaient déjà commencé à se préparer à l’époque de la guerre du Rwanda. Au cours de la réunion du 03 juillet 1994 au Rwanda : « Le gouvernement américain approuve le déploiement au complet à Entebbe de troupes américaines sous couvert de la mission de maintien de la paix pour y être prêtes à une guerre totale au cas où les forces françaises et belges interviendraient en faveur des Hutu. Stein Parker soumet dans ce sens des résolutions au gouvernement ougandais et à Paul Kagame » [Preuve n°087].


Les Etats-Unis entendaient protéger le régime FPR contre toute tentative de retour armé de la part des forces du régime déchu : «Retour probable du Rwanda à une situation à feu et à sang : Le général Paul Kagame met en garde contre une confrontation armée à partir du Zaïre lorsque les forces armées rwandaises se positionnent à une proportion ½ 1/4  (moitié quart). Stein Parker transmet son agenda pour y faire face auprès de la base américaine d’Hawaï dont 200 hommes de l’armée américaine déjà débarqués à l’aéroport international Grégoire Kayibanda sous couvert de la mission de maintien de la paix. Transmis à Nakasero State House» [Preuve n°088].


De leur côté, la Baronne Linda Chalker, Ministre britannique des affaires étrangères et le Président Museveni ont demandé au Gouvernement américain de contribuer à la mise en place d’un dilemme de communication. Le premier fameux engin nord-américain «1st fame North America » (un avion cargo militaire des forces aériennes) délivre l’équipement au complet à l’aéroport International d’Entebbe. Document transmis de PPU aux autres services sans obligation» [Preuve n°089].


L’embrasement continu de la RDC constitue donc l’échec d’une certaine «politique de civilisation» version anglo-saxonne. C’est l’échec d’une restructuration forcée du continent africain qui ne tient pas compte des aspirations des peuples et des préoccupations réelles des citoyens. Mais c’est surtout l’échec des politiques de mépris et d’arrogance à l’endroit de l’Afrique et des Africains qui, cette fois-ci et pour survivre et se développer, devraient davantage s’efforcer d’ «entrer dans l’histoire».

12.1 La main anglo-saxonne derrière la destruction des camps de réfugiés Hutu en RDC

D’importantes décisions ont été prises dans le cadre de la Réunion de février 1997 : « Une branche d’investigation spéciale conjointe a été constituée pour se renseigner sur tout ce que faisaient et planifiaient les Réfugiés Hutu aussi bien en Tanzanie qu’au Zaïre. Transmis » [Preuve n°090].

On procéda alors à un inventaire précis des sites abritant les camps de réfugiés Hutu : «Les sites suivants ont particulièrement retenu l’attention de la branche d’investigation spéciale conjointe : Les camps de réfugiés de l’Est du Zaïre ; les camps situés en Tanzanie; les lieux d’attraction de réfugiés situés dans les villes de Dar es Salaam, Arusha, Moshi et Morogoro. Transmis » [Preuve n°091].

«L’investigation est censée être prudente et rigoureuse mais à priori sans recours à la violence. La Tanzanie est sollicitée pour fournir des renseignements sensibles et l’invitation est purement basée sur cela. Transmis» [Preuve n°092].

«Les découvertes sont transmises à la base américaine d’Entebbe pour implémentation comparée avec les données transmises par satellites directement pointés dans les camps des réfugiés. Transmis à ISO» [Preuve n°093]. «Le réseau interconnecté de communication (ICN, Interconnections Communication Network) décidera le sort des données ainsi transmises en agissant conjointement avec les responsables Tanzaniens et ceux de l’Est du Zaïre. Transmis [Preuve n°094].

Les Américains se sont par ailleurs discrètement intéressés au sort réservé aux réfugiés rapatriés. Ainsi au terme d’une enquête menée pour vérifier les informations selon lesquelles la moitié des Hutu rapatriés étaient portés disparus, les militaires américains et officiels de l’aide aux réfugiés annoncent secrètement la vérité des faits en ces termes : «Parmi les 600.000 Hutu qui étaient dans les camps et qui ont été rapatriés au Rwanda par force, plus de la moitié d’entre eux, soit 300.000 Hutu sont portés disparus. Transmis » [Preuve n°095].


La situation autour de la ville de Bukavu semble particulièrement préoccupante. Un document en notre possession précise : « Les informations supplémentaires montrent que : Beaucoup de Hutu sont entrain d’être organisés et envoyés dans différents camps d’entraînement autour de Bukavu. Transmis » [Preuve n°096]. Aussi les services de renseignement redoublent de vigilance : « La branche spéciale doit établir les faits sur les disparitions des leaders locaux orchestrés par Col. Byanyima du FPR. Et les résultats de l’enquête sont attendus par l’Ouganda et les officiels américains dans un délai de 14 jours de cette notification. Transmis »[Preuve n°097].


Le Col Byanyima propose alors «une confrontation directe avec les Mayi-Mayi dans l’Est du Zaïre» puisque, selon ses informations, «ces Mayi-Mayi recrutent des militants Hutu et autres Bantous émanant des tribus Hunde, Nande, Nyanga et Tembo». La proposition du Col Byanyima est «vigoureusement rejetée». On affirme n’avoir besoin d’aucune confrontation directe, estimant que l’on pouvait prendre toutes les mesures nécessaires et obtenir tous les résultats sans recourir aux armes. La décision de retirer le Col. Byanyima des opérations tombe sur base des résultats du rapport (Transmis par ESO à l’Ouganda et aux officiels américains. [Preuve n°098].


Mais entre temps, les informations selon lesquelles les réfugiés Hutu se mélangent avec les Mayi-Mayi se sont avérées crédibles d’après une mission (réf : 624/8964/22110658). La personne désignée comme organisateur de cette opération de « mixage » entre Hutu et Mayi-Mayi s’appelle Pierre Mulele. Il sera expulsé plus tard par les Rwandais et tombera entre les mains du FPR [Preuve n°099]. Il sera constaté que « la décision du Rwanda d’attaquer les Mayi-Mayi a poussé certains d’entre eux à s’unir davantage aux Hutu pour le meilleur et pour le pire tandis que d’autres restent éparpillés dans différents endroits, difficiles à repérer pour les neutraliser» [Preuve n°0100].


La situation va se détériorer à tel point que des officiels américains décideront d’utiliser des mines antipersonnelles pour anéantir tous les deux groupes:«Des avions à réaction transportant des combattants nocturnes américains (AMERICAN NIGHT FIGHTERS JETS) doivent être dépêchés dans les environs de Bukavu.

Ces engins proviennent d’une force spéciale qui doit en sus être équipée de canons 105mm, de rockettes, de machines guns et des éjecteurs de mines antipersonnelles» [Preuve n°0101]. Mais la décision américaine est vigoureusement rejetée par le président Museveni et la britannique Lynda Chalker Preuve n°0102]. C’est dans ce climat que les forces spéciales américaines déployées de la base militaire de Fort Bragg en Caroline du Nord opèrent près des camps de réfugiés de Bukavu. Raison de leurs opérations : il est dit que les survivants Hutu et les camps de réfugiés d’Oso River sont lourdement armés [Preuve n°0103].


Paradoxalement, une mission militaire nocturne doit se focaliser sous les tentes abritant les réfugiés pour déterminer les meilleurs moyens de leur fournir une assistance humanitaire [Preuve n°0104].

La méfiance américaine est à son comble au point que leurs forces à l’époque stationnées à Bukavu se verront autoriser à éliminer toute personne même blanche jugée trop curieuse qui se trouverait dans les parages. Ces gens sont en fait suspects de machination et, une fois dénoncés, ils sont exécutés sans autre forme de procès [Preuve n°0105].


Au-delà de la problématique des réfugiés, les Américains entendent avant tout armer suffisamment leurs alliés et au besoin par des voies détournées car discrétion oblige. Il en va ainsi de cette stratégie de faire passer des munitions pour des médicaments : «L’agenda d’approvisionnement des forces alliées en munitions attire l’attention. Car des agents d’investigation belges et français sont arrivés et sont aux aguets au port de Mombassa au Kenya. Le gouvernement américain demande dès lors que les containers des munitions soient retournés aux USA et qu’ils soient déchargés pour dissimuler les munitions dans des boîtes aux apparences trompeuses de provisions médicales. L’accord de RPA, NRA, Y.K Museveni et Bataingana est donné» [Preuve n°0106].


Dans cette perspective, les Américains peuvent compter sur l’aide du Kenya : «L’accord du gouvernement kenyan a été donné pour réduire les tarifs sur les cargos américains qui arrivent au port de Mombassa à destination des forces alliées de libération du Zaïre, leur dédouanement et leur évacuation immédiats. Dans ce cadre, 4 bateaux militaires en provenance des USA sont arrivés et sécurisés sur le quai spécial réservé à cet effet par le gouvernement kenyan. Transmis de l’ESO aux services concernés » [Preuve n°0107].

12.2 Kigali et Dar es Salaam coopèrent pour résoudre la question des réfugiés Hutu 

Si l’on en croit le compte rendu de réunion codé (MEET CRITICAL CODE 560/JL REF: 567/JL/TZ/RW), il aura été relativement facile de rapatrier les réfugiés Hutu rwandais regroupés en Tanzanie en 1994 : «Une réunion critique. Le gouvernement tanzanien a accepté de rapatrier tous les soi-disant réfugiés de Karagwe et de quelques régions avoisinantes estimés à 350.000. Le programme sera mis en œuvre avant la fin de décembre 1996. Dans un programme spécial, le gouvernement de Kigali s’est vu demander de prévoir une cérémonie officielle à cette occasion pour attirer l’attention internationale. Dans une lettre émanant de Kigali, Paul Kagame a ordonné le président Pasteur Bizimungu à être présent à la frontière dans le but d’être flashé lors de leur accueil. Tous les arrangements ont été confirmés, voir les annexes fournies aujourd’hui aux participants de la présente réunion. Copie pour information à Nakasero state house, Entebbe state house » [Preuve n°0108].

Il faut reconnaître cependant que la question liée à la présence en Tanzanie de réfugiés Hutu a fait l’objet d’importantes tractations diplomatiques dans lesquelles Kampala et ses alliés anglo-saxons auront joué un rôle décisif. Ainsi en témoigne le document codé (ARUSHA TANZANIA FEB 30/96 REF:34562/RW/TZ/908) : «Le gouvernement du Rwanda via le gouvernement de l’Ouganda a avancé à plusieurs occasions d’importantes inquiétudes concernant les réfugiés rwandais en Tanzanie et au Zaïre.  Le gouvernement tanzanien doit contribuer à la sécurité sur le territoire rwandais en refusant aux réfugiés toute chance de s’établir durablement en Tanzanie. Car ils peuvent à leur tour procéder aux attaques sans précédent sur le territoire rwandais, ce qui pourrait en retour avoir de graves conséquences sur les relations entre les deux pays. Les services du ministère de l’intérieur à Dar es Salaam ont transmis à la commission conjointe de la Tanzanie, de l’Ouganda et du Rwanda toutes les listes des réfugiés rwandais résidant sur le territoire tanzanien. Pour l’implémentation, on va débattre de ce sujet avec les trois présidents. Soutien matériel : Le gouvernement ougandais fournira des hélicoptères pour superviser l’opération. Le gouvernement  tanzanien fournira les troupes pour l’opération et le gouvernement rwandais fera de même mais les conditions d’entrée sur le territoire tanzanien feront l’objet d’une discussion détaillée à Karagwe en présence de Mzee Julius Nyerere. Toutes les parties concernées semblent n’avoir aucune objection à ceci. Code EAC/7869 respecté. Copie pour information aux ambassades respectives de toutes parties concernées. RS/TY/60000/9087/GHJ/RW/UG/TZ» [Preuve n°0109].

Il n’aura pas été aisé de persuader le gouvernement tanzanien de passer outre les règles internationales en matière de réfugiés et l’on va parfois frôler le conflit ouvert entre Kigali et Dar es Salaam comme l’indique le document codé (CRISIS MEET REF 670/52/TZ) : «La présence de beaucoup de réfugiés d’origine rwandaise a atteint son terme sur l’agenda spécialement convenu entre le gouvernement tanzanien et le gouvernement rwandais. La Tanzanie est ici pour fournir un rapport spécial émanant des services du ministère de l’intérieur. Le camp de réfugiés de Kibeho est au haut point sur l’agenda. Nous avons des rapports spéciaux de l’intelligence que les Hutu dans les camps de réfugiés sont en train de mener des activités qui pourraient affecter les relations de la Tanzanie et du Rwanda. Ceci a fait l’objet d’une discussion entre les présidents Museveni et Mkapa. REF 78/TZ/UG.

La Tanzanie a finalement accepté d’autoriser les officiels du Renseignement rwandais à pénétrer dans les camps de réfugiés et de procéder aux rafles des réfugiés en se faisant passer pour des officiels tanzaniens. L’opération sera secrète et mise en œuvre seulement pendant la nuit. Les présents ordres émanent de l’ambassade tanzanienne à Kampala et le ministère de l’intérieur a autorisé la mission à se poursuivre. Copie pour information à l’ambassade du Rwanda, Nakasero State House» [Preuve n°0110].

12.3 Le droit international foulé aux pieds

Le conflit armé qui a dévasté le Rwanda de 1990 à 1994 a provoqué le départ de 1,25 million de réfugiés vers le Zaïre, la Tanzanie et, dans une moindre mesure, le Burundi.  En août 1996, des rapatriements forcés et massifs de réfugiés rwandais se trouvant dans les pays voisins ont été organisés. Au Burundi, une intervention de l’armée a entraîné un nouvel exode de réfugiés dont certains sont retournés au Rwanda alors que les autres ont fui vers la Tanzanie. En juillet et août 1996, d’autres interventions directes de l’armée contre des camps de réfugiés au Burundi ont entraîné le retour forcé de quelque 15.000 réfugiés, en violation du principe de non refoulement. La fermeture des derniers camps de réfugiés en août 1996 a provoqué le rapatriement forcé de la plupart des 60.000 réfugiés rwandais qui se trouvaient encore dans ce pays.

En octobre 1996, le conflit armé qui a opposé les forces gouvernementales zaïroises épaulées par les anciennes forces gouvernementales rwandaises (ex-FAR) et des milices zaïroises aux forces gouvernementales rwandaises (APR) soutenant la rébellion congolaise (AFDL) a plongé dans la violence les régions d’Uvira, Bukavu et Goma où se trouvaient la plupart des réfugiés rwandais. Certains camps de réfugiés ont été la cible d’attaques; quasiment tous les camps ont été démantelés et les populations réfugiées se sont dispersées. De nombreux réfugiés ainsi que des Zaïrois vivant dans ces régions sont morts dans les combats, pris dans des échanges de feu ou bien ont été délibérément visés par les forces qui s’affrontaient.

Au cours de la troisième semaine de novembre 1996, entre 500.000 et 600.000 réfugiés sont retournés au Rwanda. Entre 300.000 et 600.000 réfugiés rwandais ont fui vers l’intérieur du Zaïre et des statistiques du HCR montrent que 85.000 réfugiés supplémentaires ont été rapatriés du Zaïre à la fin de l’année 1996 et 150.000 autres au cours de l’année 1997. Selon des informations publiées par des observateurs des droits de l’homme et des journalistes, d’innombrables réfugiés ont été tués au cours de très nombreux massacres. Le gouvernement de la RDC et ses alliés rwandais de l’époque ont entravé les efforts des Nations unies visant à envoyer sur place une mission pour enquêter sur ces crimes.

Prenant acte de l’accord de la communauté internationale pour un rapatriement forcé de réfugiés se trouvant au Burundi et au Zaïre, les autorités tanzaniennes ont donné l’ordre, le 6 décembre 1996, à tous les réfugiés rwandais de rentrer dans leur pays avant la fin de l’année. Entre le 16 et le 24 décembre 1996, 475.000 des 540.000 réfugiés rwandais ont été renvoyés de force. Au cours de ces rapatriements, des cas de violations graves des droits humains commis par les forces de sécurité tanzaniennes ont été signalés tels que la confiscation de biens, les mauvais traitements et les viols. La plupart des 65.000 réfugiés restant se sont dispersés et beaucoup d’entre eux ont ensuite réussi à se réinstaller dans les camps de réfugiés en se faisant passer pour des Burundais.

Au cours de ces opérations, les droits fondamentaux des centaines de milliers de réfugiés ont été violés. Les gouvernements des pays d’accueil et le gouvernement rwandais n’ont pas respecté les traités internationaux les liant et qui garantissent le droit à la protection contre le refoulement. Rien ne peut dispenser ces Etats de leurs obligations légalement contraignantes de protéger les réfugiés, ni l’ampleur du problème auquel ils devaient faire face (l’énorme nombre de réfugiés et leur exode rapide de leur pays d’origine), ni les problèmes de sécurité posés par la présence des anciennes autorités gouvernementales, des milices et des ex-soldats rwandais qui s’étaient mêlés à la population des réfugiés. La communauté internationale n’a pas fourni d’alternative au démantèlement forcé des camps de réfugiés. De plus, elle n’a pas condamné les gouvernements qui ont eu recours à leurs forces de sécurité et, dans le cas du Rwanda, à des groupes politiques armés soutenus par le gouvernement pour harceler les réfugiés dans leurs camps, attaquer ou fermer ces camps en commettant des exactions sur les réfugiés qui étaient en train de rentrer au Rwanda. Il est évident que l’absence de réaction face à ce qui était arrivé au Burundi a ouvert la voie aux événements qui se sont produits au Zaïre, de même que ce qui est arrivé à la fois au Burundi et au Zaïre a conduit le gouvernement tanzanien à mener des opérations similaires dans son pays. De manière étonnante, les gouvernements étrangers et les organisations intergouvernementales, notamment le HCR, se sont déclarés relativement satisfaits de ces opérations de rapatriement.

12.4 La traque des réfugiés Hutu au Zaïre, justification d’une guerre programmée

S’agissant des Hutu rwandais réfugiés en ex-Zaïre, Kigali, Kampala et leurs alliés n’avaient qu’à actionner des plans déjà préparés de longue date. En effet, parmi ces réfugiés, certains s’étaient repliés en plus ou moins « bon ordre » dont l’administration, l’armée et les milices.

Le compte rendu de réunion codé (CRISIS 67 REF560/RW/ZR) semble suggérer qu’on entend les faire périr par tous les moyens : «Réunion de crise. Il y aura un vote d’une résolution de l’ONU vendredi prochain pour autoriser l’envoi de la nourriture, des médicaments à destination des Hutu du Zaïre. Nous allons à tout prix faire en sorte que cette résolution ne passe pas parce que ceci impliquerait la présence de la Communauté internationale sur le terrain qui empêche nos opérations. Nous n’avons pas encore confirmé notre position à l’ambassade américaine à Kampala. On attend que tout le monde assiste à la prochaine réunion à 2h00. L’hôte du jour sera Amama Mbabazi. Code 767/JL» [Preuve n°0111].

Mais en fin de compte, l’invasion de l’ex-Zaïre par Kigali et Kampala n’était pas motivée par la fuite et la présence des Hutu sur le territoire zaïrois. Elle avait été programmée avant même l’invasion du Rwanda. Les Hutu rwandais réfugiés constituaient en fait un fallacieux prétexte et une opportunité de poursuivre impunément un génocide contre leur communauté tout en présentant ce génocide tantôt comme une sorte de vengeance tantôt comme une guerre menée par le Rwanda contre l’ex-Zaïre comme ce document l’indique : « Zaïre push-on: Rwanda size too small if all Nationals are to be fitted. Rwandese in Zaire are too unsafe although their cause to be discussed after seizure of main land.  Eastern Zaire needs total liberation. There is no resettlement needed other than direct help. Scheduled meet: Texas state University: Mwalimu J.K. Nyerere, Rwandese officers outside Rwanda, Ugandan Representatives, US Council Members. Discussion ahead ».

Il faut cependant reconnaître que parmi ces réfugiés, certains s’étaient repliés en plus ou moins « bon ordre » avec armes et bagages et étaient parvenus à organiser les camps en les dotant d’une administration, d’une armée et de milices.


Aussi l’Administration américaine suit-elle de près la situation selon le document codé (CRISIS 68 REF 560/RW/ZR) : «Réunion de crise. La réunion est d’accord pour exprimer le changement dans la politique de nos amis américains, voire plus tard ces instructions émanant du Pentagone : Ken Bacon veut un siège à feu et à sang à Goma. Des consultations sont prévues très bientôt entre parties présentes dans une réunion prévue à 8.00 PM à SPEAK HOTEL, voir détails dans une brochure distribuée. Pas de détails supplémentaires. Code 675/JL» [Preuve n°0112] et n’hésite pas à recourir à des opérations secrètes codées (OPERATIONS SEC REF: 568/RW/JL) : «Les amis américains ont accepté d’envoyer des troupes de la base militaire de VINCENZA en Italie. Nous sommes censés préparer le terrain pour leur faciliter l’atterrissement sans courir aucun risque. Le haut commandement de DMI a donné des instructions pour procéder à tous les préparatifs nécessaires. Kayihura, avec son contingent de la police militaire sans uniforme opérera avec 250 officiels en charge de cette préparation. P. Akunda sera chargé de chapeauter les opérations financières. Copie pour information à DMI, ISO, ESO, 4TH BT TOP COM » [Preuve n°0113].


Avec le soutien ougandais et anglo-saxon, le nouveau régime rwandais encore fragile entendait, par tous les moyens, prévenir toute attaque contre le pays selon un rapport de crise codé(Crisis report Ref/560 /JL/Z/RW) : «Rapport de crise. Les Hutu du Zaïre sont en train de planifier de s’engager dans une guerre grave par invasion tantôt du Burundi, tantôt du Rwanda. Un  programme soutenu de recrutement est en cours en ce moment et un nombre massif des interahamwe émanant de la Tanzanie à destination de Zaïre. Les bataillons de reconnaissance (investigation) sont envoyés à la fois au Rwanda et au Zaïre pour préparer les opérations de nettoyage. Le président Museveni rencontre aujourd’hui une délégation d’officiels de renseignements rwandais pour avoir plus d’information sur cette situation. On attend plus de procédés sur ce sujet demain à 4.00 PM après le rapport du Bureau de la présidence ougandaise. Copie pour information à PPU Nakasero, Rwanda Embassy-Kampala» [Preuve n°0114].


Il s’agissait en fait de piégér les réfugiés sans faire la moindre distinction entre les hommes en armes et les civils : «Crisis 46 ref 567/RW/REF. Crise. La réunion a convenu de discuter du problème des Hutu réfugiés au Zaïre. Une confrontation immédiate doit être utilisée afin d’éviter tout établissement de point d’ancrages par les miliciens Interahamwe. Le plan implique : La capture de Goma qui, pour la communauté internationale, servait de base d’approvisionnement en aliments pour les Hutu. Si nous sabotons le programme de fourniture des aliments, de médicaments, de l’eau potable, les Hutu vont fuir vers les forêts où nous nous sommes établis et ils vont avoir le feu. En outre, ceci va les forcer à retourner au Rwanda et de cette façon un examen minutieux de ceux qui sont recherchés sera mis en œuvre en toute vitesse. Code 567/JL. Copie pour information à l’ambassade du Rwanda à Kampala, PPU, DMI, ESO » [Preuve n°0115].

12.5 Traquer et liquider les réfugiés Hutu, une drôle de mission humanitaire!

La volonté américaine de «liquider» et d’ «éliminer» les réfugiés Hutu globalement  traités d’interahamwe ne date pas d’aujourd’hui selon un rapport de crise codé(CRISIS 80/L REF 78/RW.DOC) : «Il y a un besoin de liquider les Hutu Interahamwe à l’Est du Zaïre. Nous avons pénétré les camps de réfugiés de Katale et Kahindo. Nous allons aider le Rwanda à exécuter l’opération afin de forcer l’ONU à fermer les deux camps. Opération : 30 soldats d’APR vont déchaîner une attaque sur les autochtones zaïrois en se faisant passer pour Interahamwe. On procèdera à la destruction de leurs propriétés. Une attaque similaire avec les armes à feu sera mise en œuvre aux heures de nuit au Rwanda. Le gouvernement du Rwanda devra alors se plaindre auprès de l’ONU. Si l’ONU est lente à réagir, une opération sans annonce préalable se poursuivra alors et anéantira toutes les milices hutu se trouvant dans ces camps. L’opération d’anéantissement est approuvée sans aucune objection. Copie pour information à l’Ambassade du Rwanda à Kampala, à UPDF, Amama Mbabazi » [Preuve n°0116].


Craignant une possible jonction entre rebelles Hutu rwandais et Burundais en territoire tanzanien, Kigali et Dar es Salaam vont agir de concert : « MEET TZ REF450/TH/RW. Les rapports ont maintenant confirmé que les réfugiés burundais dans la région de KIGOMA sont en train d’être recrutés par les Hutu du Rwanda pour aller combattre au Rwanda. L’entraînement s’effectue dans les camps et les forêts du Zaïre. Le gouvernement tanzanien a accepté d’autoriser les soldats rwandais de se faire passer pour les réfugiés à Kigoma pour une période de 30 jours. 52 officiels de renseignement voyageront ainsi à Dar es Salaam pour avoir accès aux activités des dissidents rwandais qui sont sur place : L’opération sera mise en œuvre en accord avec les officiels de l’immigration tanzanienne qui accepte de confiner les réfugiés dans un seul lieu en vue de faciliter l’opération d’identification. Les officiels du HCR de Dar es Salaam ne seront pas informés parce que les rafles prendront place même dans leurs locaux. Copie pour information à l’ambassade tanzanienne, l’ambassade rwandaise en Tanzanie, à la maison blanche de Nakasero » [Preuve n°0117].


Le régime du FPR n’a jamais tenté de cacher sa volonté de rapatrier les réfugiés de force. Un document codé (MEET REF RW/78/ZR) le dit sans détour : « Les hauts officiels de renseignement rwandais ont rencontré les officiels de l’ONU au Zaïre au sujet du futur rapatriement forcé. George Habimana a ainsi rencontré MICHELE QUINTAGLIE à l’Est du Zaïre afin de donner des commentaires encourageant les réfugiés au rapatriement. VOIR AUSSI REF RW/78/ZR01. En conclusion, nous sommes satisfaits des préparatifs en cours pour retourner les assassins Hutu. Copie pour information à L’AMBASSADE DU RWANDA A KAMPALA, PPU, RPA TOP COMM » [Preuve n°0118].


En même temps qu’ils poursuivaient la traque des réfugiés Hutu, Kigali et ses alliés tenaient à tester les capacités de réaction des autorités de l’ex-Zaïre en cas de violation grave de son territoire. Une note codée (MEET 67 REF UG/GOV/ZR/06) l’atteste : « La réunion a convenu en présence du Ministre ougandais de la Défense que l’armée ougandaise(UPDF) mettrait en œuvre l’attaque sur la ville zaïroise de Kasindi. L’intention majeure n’étant pas un siège direct mais de tester la réaction zaïroise à cette attaque. Tactiques : Le 4ème bataillon dirigera l’opération avec 100 hommes bien armés. Les investigations à l’intérieur du Congo-Kinshassa révèlent que Kasindi manque de présence militaire. Le Ministre de la Défense Amama Mbabazi,  est en train de compiler un rapport fort pour soutenir l’invasion. Copie pour UPDF 4TH DIV COMMAND, COL KAZINI. J, NAKASERO STE HOUSE » [Preuve n°0120].


Afin d’assurer la surveillance des camps de réfugiés, Kigali et ses alliés ont fait recours aux stratégies d’infiltration les plus éprouvées. Selon la note(CRISIS 70 REF RW/ZR780) : «Le camp de réfugiés de MUGUNGA au Zaïre devrait être surveillé avec une attention particulière. Les milices Hutu opèrent en présence du HCR. Dans une lettre adressée aux officiels de l’ONU, le mois dernier, les officiels nient en avoir connaissance. Nous dépêchons 150 soldats qui se font passer pour réfugiés pour investiguer sur les activités en cours à Mugunga et s’unir aux milices comme prévu ». Voir aussi REF 45467MG CODE 67/KL : «Le gouvernement rwandais considère cette opération comme risquée et demande aux gouvernements ougandais et tanzanien de l’assister dans le processus. Copie pour information à l’ambassade tanzanienne à Kampala, Ministère de la défense ougandaise, PPU/NK. Code à respecter 67/KL » [Preuve n°0121].


Le droit international et les règles protégeant les réfugiés ont souvent été superbement ignorés et le HCR se faisait manipuler quant il ne coopérait pas en sans trop de scrupules : «CRISIS MEET REF 670/JL/RW/ZR. Les hauts officiels ont rencontré le porte-parole du HCR, FERNANDO DEL MUNDO. Il nous a expliqué certaines choses au sujet des mouvements proposés aux Hutu pour leur retour au Rwanda. Nous sommes satisfaits mais nous attendons le rapport en provenance du terrain. Les Interahamwe se déplacent activement vers les forêts et personne n’agit. Dans un rapport à soumettre au HCR, nous avons besoin de toute information émanant des statistiques du HCR au sujet du nombre de réfugiés qui manquent pour qu’on puisse entamer des efforts destinés à stopper ces mouvements. Copie pour information à Nakasero state house, Ambassade du Rwanda, UPDF 4TH DIV. Code 567/JL » [Preuve n°0122].


Décidés à maîtriser ce processus du rapatriement forcé des réfugiés, les Américains n’entendent pas lésiner sur les moyens. Sur le plan de l’engagement des ressources humaines par exemple. Le document codé (OR OP REF/UG/RW/67) précise : «Nous sommes ici pour rencontrer un contingent de 40 officiels militaires américains qui sont venus nous écouter exprimer notre position sur les opérations en cours au Zaïre. Dans peu de jours, ce contingent quittera ici à destination de  Kigali. Leur mission majeure est la préparation de l’envoi des troupes militaires par les USA pour s’assurer que le terrain est en sécurité pour éviter d’avoir des ratés. Ils poseront directement des questions à un maximum d’officiels. Ils espèrent dès lors votre attention et votre collaboration. Code 567/JL. Attendu » [Preuve n°0123].


Sur le plan des moyens militaires les plus perfectionnés, le document codé(REPORT 678 REF 567/JL/RW/UG) est formel : «Il a été conclu que les forces aériennes américaines enverront 3 P-3 ORION PROPELLER PLANES à Entebbe. Ils opéreront pendant la journée d’Entebbe au Zaïre à la recherche des Hutu qui se cachent dans les forêts. Les avions seront équipés de trois équipements pour traquer les mouvements des gens sur terrain. Confirmé. CODE 679/JL RESPECTE » [Preuve n°0124].


La vigilance reste de mise pour contrer un appui éventuel de la France à ses alliés Hutu. Une note codée (MEET 60 REF 56/RW/INT FR) indique : «La France tente d’envoyer des troupes au Zaïre en invoquant des raisons humanitaires. Ceci devrait leur être refusé. La dernière réunion avec des officiels anglais et américains s’oppose à ce déploiement de troupes françaises. Le ministre français des affaires étrangères M. Hervé de Charette, est attendu pour annoncer le plan d’ici le 15 novembre 1996 si l’on en croit les informations internes au gouvernement français. La France a des plans pour aider les Hutu en les entraînant et en les armant. Ceci nous est très dangereux. Copie pour information à PPU, UPDF, BR HIGH COMM. Code FR/70» [Preuve n°0125].


Des responsables zaïrois tentés de s’opposer aux plans de Kigali et ses alliés étaient menacés et risquaient de se faire assassiner. Un document codé (CRISIS REP REF 56/JL/ZR) le précise : « Nous devons éliminer le ministre de l’information zaïrois, BOGUO MAKELI. Il s’est toujours montré hostile à nos efforts. Il fait des propositions inamicales à l’égard de notre politique. Ceci est une situation qui doit être suivie de près. Le groupe spécial de l’APR pénétrera dans Kinshasa et tentera de l’éliminer très bientôt. Code 45/JL. Respecté » [Preuve n°0126].


Concoctés par Paul Kagame, les plans d’attaque et de démantèlement des camps de réfugiés Hutu en ex-Zaïre sont présentés aux Américains pour approbation. Selon une note codée(PLAN 67 REF67/JL/RW/ZR), « Les plans pour attaquer les Hutu dans l’Est du Zaïre ont été finalisés. Octobre et Novembre 1996 sont les meilleurs mois pour l’opération. L’ONU sera  dans le processus de délivrer les prochaines livraisons de nourritures et nous saboterons ce processus. Les plans de Kagame  sont très pratiques et l’APR mettra en œuvre l’opération mais recevra le soutien des forces ougandaises (UPDF) si besoin est. Très important REFS64/JL/RW/ZR. Copie pour information A L’AMBASSADE DU RWANDA A KAMPALA, NAKASERO STATE HOUSE, 4TH DIV HQ » [Preuve n°0127].


Bien que le Canada soit impliqué dans le processus au nom notamment de la solidarité anglo-saxonne, certains canadiens sont loin d’inspirer confiance à un Paul Kagame hanté par la France et qui tient à le faire savoir. On ne sait jamais, le Canada reste quand même bilingue! Ainsi cette note codée(CRISIS MEET40 REF RW/CD/JL67) : « A ce qu’on dit, le Canada planifie d’envoyer des troupes au nom de l’aide au Zaïre. Un contingent de 26 soldats sera dépêché à l’Est du Zaïre.  La commission trouve cela inacceptable parce que nous n’avons aucune confiance dans les Canadiens. Ceci peut être une chance pour autoriser ou préparer le terrain aux soldats français qui soutiendront les Hutu. Voir le rapport de PAUL KAGAME de la semaine dernière REF 567/KL. Copie pour information à KIGALI, PPU, NAKASERO STATE HOUSE. Code INT/90/L » [Preuve n°0128].


Et de fait la France est déclarée indésirable dans la région. Un document codé (MEET CRISIS REF: 89/FR) tranche : « Sur l’agenda, les français atterrissant à GOMA ne sont pas bien accueillis. On n’a pas confiance en eux. L’attaché militaire américain met en garde contre une possible riposte et Washington va envoyer une délégation spéciale ici pour discuter davantage de la chose. NOTE : seuls les hauts officiels sont attendus à cette réunion. Rapports à 20 H00. Code 67/JL. Respecté» [Preuve n°0129].


Mais ces opérations de rapatriement forcé ne se font pas sans risque mais seuls les risques susceptibles d’affecter les Tutsi semblent être pris en compte. Une note codée (MEET CRISIS REF 78/ZR/005) affirme que «Les rapports des renseignements livrent des informations inquiétantes. Les Hutu en fuite pourraient massacrer nos frères aux Zaïre. L’ambassade américaine en a été informée. L’attaché militaire américain a exprimé son inquiétude » [preuve n°0130].


C’est ce qui explique l’alerte maximale des armées concernées. Selon une note codée (REF 5674000. CODE 670/JL. CODE 45/JKL), «Les forces RPA, UPDF et JKT sont en alerte totale si l’on a besoin d’une combinaison pour la protection. Copie pour information à RPA TOP, US EMBASSY, TZ EMB, NKSR Ste HSE » [preuve n°0131].

13. Vers l’édification d’un grand empire nilotique en Afrique

Loin d’être le fruit d’une imagination délirante, l’édification d’un grand empire nilotique en Afrique constitue le projet politique le plus ambitieux et le plus important aux yeux du duo Museveni-Kagame et leurs parrains anglo-saxons. Ayant rencontré les intérêts de ces derniers, ce projet bénéficie logiquement d’immenses soutiens qui ne paraissent toutefois pas en mesure d’en garantir le succès comme le révèle la correspondance suivante.


Datée du 30 Juin 1997 et rédigée à Nyagatare par le Major-Docteur Emmanuel Ndahiro (actuel patron des services extérieurs de renseignement rwandais), la note était rédigée à l’intention des membres de TIP (Tutsi International Power), un Lobby d’influence internationale Tutsi dans la région des Grands Lacs.


Il est question, sous la plume de Ndahiro, de « mesures urgentes et appropriées à la sauvegarde de notre projet » : «Lorsque nous nous sommes réunis à Kisoro (Ouganda) du 03 au 05 juin 1997 juste après notre victoire qui a conduit à la chute du dictateur Mobutu, nous avons souligné la nécessité de renforcer notre promesse  en affectant nos meilleures ressources humaines dans les services qui s’occupent de la sécurité, de l’économie, des finances et de l’administration, particulièrement dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu qui sont une partie intégrante de notre patrie. Cette stratégie est censée faciliter notre contrôle de la République démocratique du Congo et consolider davantage notre influence dans la région des Grands Lacs ».

L’officier du FPR poursuit  : « En fait, le Zaïre était le lien qui nous manquait pour nous assurer que nous parvenions au contrôle total du pouvoir dans le bassin indien, à l’exception du Kenya et de la Tanzanie où le pouvoir  reste toujours aux mains de nos ennemis. Cependant, le Kenya ne pourra pas résister pendant longtemps, étant donné les pressions internes exercées par nos frères ougandais, éthiopiens et érythréens qui sont déterminés à continuer jusqu’à ce qu’ils obtiennent la victoire! »


Mais il n’y pas que le Zaïre dans le collimateur des libérateurs régionaux : « En ce qui concerne la Tanzanie, nos frères Masaïs n’ont pas encore engrangé assez d’influence politique et militaire pour commencer la guerre de libération comme nos amis du Kenya l’ont fait. Nous devons examiner ensemble ce qui devrait être fait pour empêcher Mwalimu Nyerere qui a clairement l’intention de saboter nos plans hégémoniques et qui cherche activement à détrôner notre frère burundais, Major Buyoya ».

Puis Ndahiro se fait plus précis et nettement plus accusatif : «Et, en outre, le gouvernement tanzanien soutient ouvertement Nyangoma et les INTERAHAMWE du Général Bizimungu qui sont respectivement responsables du génocide du Burundi et du Rwanda. Pendant que nous attendons vos propositions concrètes à soumettre pour approbation à la réunion qui se tiendra à Mbarara, Uganda, du 17 au 19 juillet 1997, nous devons appeler l’ensemble de nos leaders dans la République démocratique du Congo à rester vigilants jour et nuit parce que Kabila est un Lumumbiste».

Lucide et prévoyante, la note poursuit sous forme d’avertissement : «Vous savez très bien que les Lumumbistes sont des nationalistes. Ils pourraient un jour se rebeller contre nous et nous chasser du Congo. Les Congolais sont comme des Hutu Ils sont ingrats. C’est pourquoi nous demandons fortement au  gouverneur du Nord-Kivu, Kanyamuhanga Gafundi et à nos frères Ngezayo Albert et Rwakabuba Shinga, respectivement président et vice-président de TIP (L’équipe de leaders dans la République démocratique du Congo) de travailler étroitement et de soutenir les soldats de RPA et de NRA affectés en RDC afin d’assurer la protection de nos représentants (Douglas Bugera et Bizima Karaha) au sein du gouvernement ».


La note insiste particulièrement sur la menace représentée par les interahamwe : «Nos soldats doivent, par tous les moyens, neutraliser les MAYI-MAYI et les INTERAHAMWE qui sont devenus une épine dans la sécurité de nos fermiers dans la région de Masisi. Dans son dernier rapport, le gouverneur du Nord-Kivu, Kanyamuhanga Gafundi,  a exprimé ces mêmes craintes ».


Et en guise de conclusion : «Enfin, nous voudrions vous informer que certains de nos amis ont commencé à nous tourner le dos et à nous discréditer. Ils nous traitent de ‘marchands de guerre’ voire de ‘génocidaires’. Ils menacent de nous retirer leur soutien. Nous devons instamment trouver des stratégies pour traiter adéquatement cette situation».


Le contenu de cette note est confirmé par plusieurs documents ultrasecrets en notre possession qui décrivent en détails notamment l’incitation par Kagame, Museveni et leurs parrains à une guerre inter ethnique au Kenya entre les Kalanjine (tribu du Président Moi) et les autres tribus notamment les Kikuyu. On pourrait citer à ce sujet les réunions de février et décembre 1992 tenues à Entebbe State House entre Museveni, Nyerere, la Baronne Lynda Chalker qui représentait les intérêts britanniques, un représentant du groupe LONRHO, une délégation de la SPLA (présidée par le Colonel John Garang), des Officiers du FPR, le Colonel J.J. Odong (Kenya). [Preuve N°0132].

13. 1 L’Ouganda, puissance régionale montante sur le continent africain 

Le gouvernement britannique avait profité de toutes ces rencontres pour informer les membres présents de la haute confiance qu’il avait placée en la personne du Président Museveni. Celui-ci a en effet reçu les pleins pouvoirs pour représenter l’Afrique de l’Est et Centrale!!! L’Ouganda de Museveni se taillait ainsi la part du lion tant sur le plan de l’aide financière que sur celui de l’appui politique et diplomatique de la part du Royaume-Uni.

Il faut donc se rendre à l’évidence. La guerre du Rwanda n’était pas une fin en soi et il n’était pas question de se contenter d’une solution politique négociée dans la mesure où le Rwanda devait servir de tremplin à la poursuite de « la guerre de libération » en passant évidemment par l’extermination des Hutu réfugiés en ex-Zaïre. La victoire militaire et totale du FPR s’avérait par conséquent indispensable dans les plans des Américains et surtout ceux des Britanniques dont le rôle très discret n’en sera pas moins décisif. Il s’agit en réalité d’une guerre internationale aux desseins inavouables, une guerre planifiée et menée sous le fallacieux prétexte de la traque aux « génocidaires rwandais » et autres « forces négatives » qui opèrent dans l’Est de la RDC.

13.2 Militarisation à outrance et sur fond de méfiance en Afrique des Grands Lacs

Qu’on se souvienne de la révolte des Banyamulenge. Pour agresser impunément le Rwanda, l’Ouganda s’était servi de la question des réfugiés Tutsi rwandais. C’est ce qui va advenir en ex-Zaïre où l’on va monter de toutes pièces la fameuse révolte des Banyamulenge en vue de couvrir une guerre qui allait chasser le dictateur Mobutu du pouvoir et introniser Laurent Désiré Kabila, le père du président congolais actuel.


Le plan d’attaque contre le Zaïre visait en premier lieu la chasse aux réfugiés Hutu qu’il fallait exterminer après avoir réduit considérablement les Hutu qui étaient restés au Rwanda malgré la victoire du FPR. La guerre du Zaïre a été planifiée en Ouganda avec la bénédiction d’importantes puissances, Etats-Unis d’Amérique et Royaume-Uni en tête.


C’est ce qui se passa dans la réunion tenue à Rwagitura, Mbarara le 14 décembre 1996 et présidée par le président Museveni. Participaient à cette réunion des délégations en provenance de la Tanzanie, du Burundi mais aussi des délégués de Laurent Désiré Kabila. Mme Bunyenyezi, premier secrétaire consulaire de l’Uganda à Dar es Salaam était la secrétaire de la réunion.

Au terme de cette rencontre, il fut décidé que le Rwanda et le Burundi fourniraient des troupes en vue de renforcer un contingent composé de Tutsis du Zaïre. Le soutien de l’Ouganda consisterait à expulser du Zaïre les dissidents ougandais dirigés par Juma Oris. Le soutien britannique quant à lui était de pallier aux faiblesses opérationnelles du FPR sur le terrain alors que celui de l’Angola se basait surtout sur son propre intérêt à se joindre aux puissances régionales émergentes.

Américains et Britanniques devaient en outre prendre en charge l’entraînement militaire des Tutsi du Zaïre. C’est dans ce cadre que les « Banyamulenge » recrutés par des officiers américains et britanniques furent entraînés en Uganda, en Angola et au Rwanda. Les Anglais et les Américains continuaient cependant de redouter une possible intervention des Français et des Belges au Rwanda comme cela avait été le cas lors de la guerre dite d’octobre (1990). Les Américains entraînent donc rapidement une force de l’air formée de « Banyamulenge » et avertissent l’Ouganda de la réduction de leurs effectifs stationnés dans ce pays. Tandis qu’ils procédaient à l’entraînement des Banyamulenge, les Américains avaient beaucoup de mal à percer les intentions réelles des Français à l’égard du Rwanda. Pour les Américains, il était probable que Français et Belges planifient une guerre de grande envergure dans la région en vue de déjouer les plans en cours dans la région. [Preuve no°0133].

Afin de se prémunir contre toute surprise, les Américains avaient tenu à déployer d’importantes forces de l’air à Entebbe en Ouganda. Après la victoire militaire du FPR, ils pensaient à l’utilisation de la force pour « libérer » totalement le Burundi. Entre temps, les « Banyamulenge » avaient déjà pris contact avec un groupe de Zaïrois mécontents du pouvoir de Kinshasa et s’étaient entendu pour arranger une guerre de grande échelle avec l’aide du Burundi, du Royaume-Uni de l’Ouganda. Mais Kampala et Londres suggéraient plutôt que la « libération » complète du Burundi puisse intervenir immédiatement après la prise de Kinshasa par les Banyamulenge, ce qui constituait une divergence avec la vision des Américains qui voulaient d’abord s’assurer des changements palpables dans les deux petits pays et qui s’étaient déjà concertés avec le Rwanda au sujet d’une aide à apporter au Burundi.

Depuis 1995, tout le soutien accordé aux Banyamulenge provenait du Royaume-Uni, de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi. Le soutien américain pouvait être coupé ou maintenu selon l’évolution des accords continus. A partir du mois de décembre 1996, les rebelles Zaïrois autres que Tutsis commencent à subir un entraînement intensif au camp militaire de Mwenge à Dar es Salaam. Des provisions aux fins d’entraînement militaire de l’air sont à la charge du gouvernement tanzanien tandis que des moyens financiers sont confiés à Mme Bunyenyezi, Chef du Consulat ougandais à Dar es Salaam et à M. Habimana, Premier Secrétaire à l’Ambassade du Rwanda en Tanzanie et fils d’un député bien connu au Rwanda du nom de Rwakagabo originaire de Rwamagana [Preuve n°0134].

Les parrains anglo-saxons ont alors mis en place une équipe mobile chargée d’entraîner les troupes « amies » aux techniques modernes de combat. Cet entraînement se fera en Ouganda et au Rwanda sous le sceau de la rigueur et du secret comme l’indiquent ces documents ultraconfidentiels rédigés en anglais : «Mobile training Team :

– SPLA wing : this is a wing to be based in nothern Uganda for facilitating of training programme in GULU Military barracks for SPLA ;

– Mobile Training Kigali : to be based in Kigali and to be a non-resident team since security in Kigali is not at its maximum. Expected to report to Entebbe-Airport late evening everyday ;

– Mobile Training Team-Uganda: to be based at Cyaba Beaach-Kampala and LUZIRA lake Victoria shores to conduct special techniques for water intelligence and water fighting to selected Ugandan army officials ;

– Mobile Training Team-Uganda(substations): to be based at Kasese western Uganda, KABAMBA, NKOZI and SSINGO battalion headquarters».

«MTT Obligations :

1) To train fully experienced military men from coalition governments with USA ;

2) Provide self defence for each nation without dependency on other ;

3) Allow mobilized USA programmes into Great lakes Region ;

4) Station permanent USA bases for and against Arab penetration southwards ;

5) Allow open participation of USA Army into poor Armies for technical assistance and know how ;

6) Training grounds for USA Army to get used to tropical Africa ;

7) Enable good information be presented in accurate and unbiased techniques due to high technology to be employed ;

8) Avoid contradicting intelligence reviews from all ends ;

9) Allow mobilized Units to face challenges in order to gain experience».

En janvier 1996 au Centre de conférence international d’Arusha, Julius Nyerere réclame un contingent de conseillers spéciaux. Deux comités sont alors constitués à savoir un comité zaïrois et un comité formé de leaders régionaux, le premier dépendant directement du second. Le comité zaïrois se voit octroyer le droit d’avancer des propositions à débattre à tout moment selon les besoins qui surgissent. Mais ledit comité n’a aucun pouvoir de mettre en action les décisions prises.

Monsieur BRAXTON COX, conseiller spécial de LONRHO GROUP OF COMPANIES présente au Comité Zaïrois une copie des recommandations du Gouvernement britannique. Les documents britanniques assurent les alliés de tout le soutien financier nécessaire uniquement au cas où leur mission serait accomplie. Les contreparties zaïroises sont d’accord et affirment que le soutien sera ouvert une fois que le comité international ayant les affaires zaïroises dans ses attributions aurait assuré un maximum de coopération [Preuve n°0135].

13.3 Libérateurs régionaux et leurs alliés au cache-cache avec l’opinion publique

Par contre, le gouvernement des Etats-Unis par sa lettre du 20/12/1996 repousse la proposition de Mwalimu Julius Nyerere à propos de la tenue d’une conférence de paix sur la région. C’est beaucoup plus tard que les parties régionales sembleront donner raison à cette proposition mais uniquement dans l’intention de retarder la suite des événements sur Kinshasa. A ce sujet une réunion se tiendra à Kampala du 23 au 26 juin 1997 pour examiner toutes les stratégies qui s’imposaient. La réunion s’est tenue au Mess des officiers de Kampala (Kampala officers’ Mess) en présence d’importantes figures comme le Président Museveni, le Col Kahinda Ottafire, le Lt. Col. Kiiza Besigye, Mr William Pike, Mr Patrick Qarcoo (co-propriétaire de la radio Capitale FM/capital Radio FM), le Colonel Rugarama Justus du Burundi, le Commandant de l’armée tanzanienne, des officiers chargés du recrutement et de l’entraînement militaire en Tanzanie, des officiers de l’armée rwandaise, les délégations du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda pays hôte. La conférence était co-sponsorisée par Nile Breweries de Madhvani group of compagnies [Preuve N°0136].

Au menu du jour, il y avait le problème lié à la pression continue de la communauté internationale sur les «libérateurs» et leurs parrains anglo-saxons. Il fallait calmer l’opinion et s’attirer la sympathie de la communauté internationale à travers des conférences de paix présentées comme «neutres» et positives. Les participants à cette conférence comptaient exploiter l’immense aura de Nelson Mandela en utilisant celui-ci comme une force intermédiaire de la partie rivale avec laquelle les autorités de Kinshasa étaient supposées diverger et donc donner raison aux «libérateurs», forçant ainsi Mandela à se rallier à leur cause.

Il y avait en outre la question du retrait des soldats zaïrois (comment distinguer les Zaïrois des Banyamulenge?) du front au fur et à mesure que la résistance s’accroissait. Une réserve de l’armée patriotique rwandaise (APR) suite aux menaces des infiltrations armées opérées par des réfugiés Hutus censés être envoyés du Zaïre.

Les résolutions de paix devaient donc être proposées afin de gagner du temps et de tromper la vigilance de la communauté internationale pendant que les combats se dérouleraient plus ou moins dans la discrétion.

Il convient de préciser qu’au départ Nelson Mandela était plus que réticent au sujet du Zaïre tandis que son ami Nyerere était totalement persuadé du bien fondé de la guerre. Nyerere sera mis à contribution pour influencer Mandela et le convaincre de la nécessité de renverser le pouvoir de Mobutu. [Preuve N°0137].

13.4 Que dire de l’attitude britannique dans la guerre du Zaïre?

La Baronne Linda Chalker s’inquiète à propos de la vaste étendue du Zaïre et selon elle le gouvernement britannique ne pourrait pas vaquer à la guerre du fait des événements sérieux et importants qu’il avait à gérer sur le front politique à Londres. La britannique rassure néanmoins ses protégés en leur promettant une aide spéciale de son gouvernement et les appelle à ne pas paniquer car l’aide américaine était garantie.

Le gouvernement britannique propose alors de couper l’Est du reste du territoire de l’ex-Zaïre pour autant que l’extension vers l’ouest pourrait faire perdre du temps aux rebelles zaïrois et les leaders régionaux. John Major estimait « alarmant » d’étendre la guerre vers l’ouest car, selon lui, personne n’était au courant des plans de Mobutu après un long silence en réalité imposé par son état de santé qui s’était considérablement détérioré. Par ailleurs, les anciennes forces rwandaises ayant pénétré à l’intérieur du géant Zaïre, le silence continu des Français après leur échec quant à l’installation de zones neutres était porteur d’incertitudes. Les visites continues de Mobutu en Europe à des fins médicales étaient également jugées dangereuses et le groupe LONRHO propose alors de « louer » l’escadron spécial des noirs américains pour l’assassiner. Le Royaume-Uni émet quelques doutes au sujet des « conseillers politiques spéciaux » pour Kabila, se demandant qui seraient les meilleurs conseillers dotés de l’expérience régionale nécessaire par rapport aux faiblesses continuelles supposées de L. D. Kabila [Preuve N°0138].

Et le Royaume-Uni de recommander de laisser à l’APR et au staff de l’ONU le soin de rapatrier les réfugiés rwandais pour que ceux qui sont accusés de génocide soient vite repérés. Ce qui était, selon les Britanniques, susceptible de garantir un rapatriement rapide et sécurisé de la population rwandaise réfugiée.

Kabila n’arrive pas à s’entendre avec le Royaume-Uni. Il souhaitait en effet une coopération directe entre ses forces et les Rwandais dans la guerre et il a fini par obtenir satisfaction. Le Rwanda ayant accepté la proposition de Kabila, le rapatriement était censé être mis en application à la fois par Kabila et les soldats rwandais. Le Royaume-Uni accepte d’accorder un soutien financier et moral à la cause zaïroise non sans manifester quelques réserves. Le 2 mars 1997, Stephen Kavuma, conseiller  politique spécial de Museveni, rencontre Kabila et ses conseillers politiques à Kasese en Ouganda.

De leur côté, les Américains se penchent particulièrement sur les aspects économiques du dossier zaïrois. Un groupe américain spécialisé en Affaires zaïroises ont exposé leurs vues sur les décisions américaines relatives au Zaïre, à travers les messages américains de fin d’année adressés aux parties concernées via les Ambassadeurs des Etats-Unis.

Les Etats-Unis n’entendent prendre aucune décision effective sur le front politique mais s’efforcent d’influencer les évolutions économiques en raison de la banqueroute continue du Zaïre. L’exposé des experts américains tente donc d’expliquer qu’une éventuelle interférence de leur pays dans la politique zaïroise serait uniquement dictée par leur volonté d’assurer la sécurité sur le front économique. Plus expérimenté en matière régionale, le Royaume-Uni semble donc en position de dominer le front politique dans le dossier zaïrois. Le comité spécial américain du Sénat présidé par Mme Stéphane présente aux rebelles zaïrois un soutien financier spécial approuvé. Les Etats-Unis veulent former un comité de réhabilitation économique sur le Zaïre une fois la guerre terminée. Les contrats d’exploitation minière devraient être signés avec CO-AMERICAN’S Companies pour assurer une exploitation modernisée. Les Etats-Unis veulent aussi investir non seulement en privé mais aussi au sein de l’économie étatique comme c’est déjà le cas au Rwanda et en Ouganda suite à la pression accrue de la Banque mondiale et du FMI qui menacent de couper les aides destinées au Zaïre. Enfin les Etats-Unis insistent sur l’impératif de la sécurité qui commande le développement économique et pourrait réduire l’exclusion du Zaïre dans la région.

Pour l’Ouganda, l’impératif sécuritaire serait l’unique préoccupation. D’après les rapports émanant du gouvernement de la NRM présentés au Comité de Kabila le 02 mars 1997 à Mweya Safari Lodge, Kasese, en Ouganda par des conseillers politiques spéciaux de la NRM dont Stephen Kavuma et d’autres comme Amama Mbabazi, Br Sheif Ali, Maj. Kwizera et Col Kahinda Ottaffire, l’intention ougandaise serait purement de résoudre les conflits régionaux. Kampala voulait s’assurer que les rebelles ougandais ne constitueraient plus une menace contre un gouvernement élu par le peuple. La libération du Zaïre signifiait donc pour l’Ouganda, une zone plus sécurisante dans la région, pour autant que personne ne puisse capitaliser sur la aste étendue du Zaïre pour attaquer l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda. Est-ce à ce niveau que seraient intervenus les fameux accords secrets dits de Lemera

14. Quelques pistes de solution  

Pour résoudre la crise jusqu’ici devenue endémique au Rwanda et dans la région de l’Afrique des Grands Lacs, il faudrait d’abord identifier et éradiquer les faits générateurs et les processus qui, de près ou de loin, l’alimentent et l’entretiennent. Il conviendrait par ailleurs d’admettre qu’il n’existe pas qu’une seule cause, mais des causes multiples et souvent enchevêtrées, internes et externes tant pour le Rwanda que pour la RAGL.

A défaut d’oser prendre rapidement en considération et de manière cohérente et coordonnée les dynamiques locale, régionale et internationale très souvent en contradiction qui sont à l’œuvre dans cette partie du monde, les efforts multiformes consentis pour tirer la RAGL de la crise n’en resteront qu’au stade de vœux pieux car les résultats seront sans lendemain. L’histoire se répétera si les Africains ne s’efforcent pas davantage d’y entrer comme le faisait remarquer le Président Sarkozy à Dakar, minimisant délibérément le rôle souvent déterminant joué par des nations « civilisées » qui espèrent s’enrichir du dénuement et de la misère des peuples d’Afrique dont le malheur est supposé faire le bonheur des pays riches.

Les invitant solennellement à entrer dans l’histoire, Sarkozy semble dire aux Africains que, s’ils ne veulent plus subir les injonctions des nations « civilisées », ils doivent tirer les leçons du passé et réécrire leur propre histoire à partir de faits probants et objectifs et non plus en se contentant de la version voulue et souvent montée de toute pièces par des experts ressortissant de ces nations réputées libres et civilisées qui, trop souvent, préfèrent « coopérer » avec les dictateurs plutôt qu’avec leurs peuples.

Pour rétablir la justice en réconciliant les peuples avec leur histoire, asseoir la paix en renouant un dialogue franc et sincère entre toutes les couches de la société, susciter la confiance des citoyens à l’égard de leurs représentants, il paraît donc urgent et nécessaire de faire correspondre la réalité juridique des institutions morales aux besoins réels des personnes et des communautés qui sont en principe supposées en être les bénéficiaires. Admettre que ces institutions ont toujours l’aspect du droit, c’est reconnaître que seuls les représentants investis des pouvoirs pour les représenter répondent de leurs actes qui seraient contraires à la raison d’être de ces institutions morales, et de leurs manquements graves aux diligences normales et au respect de leur personnalité juridique. Force est cependant de reconnaître que cela n’est pas encore le cas dans plusieurs pays africains.

Au Rwanda par exemple on a tendance à faire l’impasse sur la dimension régionale et internationale de la guerre et du génocide des années 90 en abusant délibérément du caractère interethnique d’un conflit pourtant fondamentalement politique. Cette grave omission de certains faits déterminants dans le conflit supranational qui endeuille la région se révèle plus que patente. Jusqu’à ce jour le génocide des seuls Tutsi ne se limite plus qu’à un acte positif consommé, posé par des Hutu. Toutefois, cet acte positif posé par ces derniers ne signifie pas forcément l’existence d’un acte de préméditation et de planification par eux-mêmes, encore moins l’existence d’un seul et unique mobile. Tout était écrit d’avance par Museveni. LesHutu n’auront fait en effet que mordre à l’hameçon.  Le génocide des seuls Tutsi ne se base que sur le seul fait de notoriété publique, avéré et prouvé, à savoir celui de l’exécution au grand jour et sans le moindre souci de dissimuler les massacres ignobles et en masse contre les Tutsi et les Hutu dits « modérés » accusés alors de collaborer avec l’ennemi d’un Etat souverain déjà à l’époque soupçonné de l’avoir décapité. Ce mobile à caractère spontané et soudain ne suffit pourtant pas à lui seul pour établir l’existence d’un génocide des seuls Tutsi. Encore faudrait-il réunir des preuves matérielles et des éléments constitutifs du génocide des seuls Tutsi. L’exécution des massacres en masse ne dispense pas le Procureur du TPIR d’apporter la preuve d’un plan génocidaire dont les éléments constitutifs sont la préméditation, la planification, l’exécution et le mobile. Or, il se trouve que les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir du 01 octobre 1990 au 31 décembre 1994 ne réunissent pas tous ces quatre éléments constitutifs d’un génocide des seuls Tutsi, excepté le FPR actuellement au pouvoir qui est lui-même une émanation de la NRA.

La première piste de solution à explorer serait, dès lors, de rechercher en Ouganda les preuves d’un génocide des Tutsi et des Hutu exterminés en réalité pour leur appartenance à l’opposition démocratique, car qualifiée d’obstacle aux seuls motifs de maintien du pouvoir ou d’accès à celui-ci par les deux belligérants. Cette preuve ne repose jusqu’aujourd’hui que sur des présomptions réfutables qui ne sont ni concordantes ni absolues. Il y a eu incitation manifeste à l’exécution d’un génocide prémédité et planifié par Museveni pour un mobile parfaitement identifié qui est in fine celui d’une extermination systématique des Hutu qualifiés d’ennemis régionaux et d’obstacles majeurs à la poursuite de la guerre de libération régionale. Cette libération dut passer par un plan transitoire impliquant l’extirpation à la racine de toute opposition démocratique tant hutu que tutsi car jugée défavorable au monopole absolu sur l’Etat rwandais tel que voulu par le chef du FPR solidement soutenu par son mentor Museveni et ses parrains américains et britanniques.

La stratégie d’une pierre deux coups choisie par Museveni aura consisté à éliminer par la main d’autrui une communauté ciblée et rattachée à une identité ethnique. Il s’agissait, pour Museveni et Kagame, de réaliser leurs objectifs à court, moyen et long terme tout en se prémunissant contre les conséquences du plan génocidaire qu’ils avaient pourtant approuvé depuis 1989 et qui n’a jamais été modifié. C’est celui lié à l’élimination du Président rwandais qui, selon les plans de ses assassins, devait agir comme détonateur de l’effondrement de l’ordre public. Cet effondrement était vivement recherché car considéré comme la condition nécessaire et suffisante au déclenchement de la guerre totale et définitive comme nous l’avons déjà démontré.

Cet acte, prémédité et planifié, puis positivement posé par Museveni et son allié Kagame au nom de la cause tutsi, devrait être distingué de l’acte tout aussi positif, posé par les héritiers du régime Habyarimana au nom de la cause hutu et qui résulte en réalité des effets escomptés par le planificateur dont l’acte est antérieur (car décidé en 1989) à l’acte postérieur des Hutu (car exécuté en 1994).

Jusqu’aujourd’hui le TPIR ne remplit pas encore toutes les qualités d’une institution morale qui se fonde sur le droit. En effet, le TPIR n’est pas basé sur la légalité et l’équité, mais sur une religion dont ni les prêtres ni les shamans ne veulent pas agir en vertu de leurs réelles motivations. Il s’agit d’une institution politique qui recherche des boucs émissaires ; une institution corrompue et mort née à l’instar de la démocratie rwandaise qui fut étouffée dans l’œuf par une guerre aux visées diaboliques.

Non seulement, les Hutu sont condamnés avant le procès, mais surtout ils sont jugés pour un crime qui n’est pas encore avéré dans tous ses aspects et donc pour lequel le lien entre la faute et le préjudice causé à autrui n’est pas prouvé par une institution au-delà de tout soupçon. Une institution à savoir le TPIR dont juges et procureurs sont aux ordres des Etats et des personnes directement impliqués dans le génocide rwandais qu’on voudrait restreindre aux seuls Tutsi pour des raisons purement politiques.

Des personnalités rwandaises du FPR, américaines, britanniques et ougandaises comptent parmi les présumés coupables sinon du génocide rwandais, du moins d’entente et de complicité en vue de simuler un traité de paix (crime de paix) et de commettre un génocide. Ils sont aussi présumés coupables certains membres du Conseil de sécurité de l’ONU qui, après avoir collaboré à la perpétration du génocide rwandais, l’ont délibérément restreint aux seuls Tutsi dans l’intention manifeste d’éviter de devoir se justifier. Le TPIR a été mis en place par ce même Conseil des Nations Unies dont au moins trois membres sur les cinq permanents sont impliqués dans le génocide du Rwanda. Mis en place pour apporter la preuve d’un plan génocidaire, le TPIR a échoué dans sa mission de rendre justice et s’est révélé impuissant à prouver le mobile, la préméditation et la planification  du génocide des seuls Tutsi. Il doit, dès lors, cesser de mentir par omission en s’appuyant sur une décision politique d’un organe politique que constitue le Conseil de sécurité de l’ONU, cette institution politique qui a pris des décisions politiques qui ne devraient pas lier une institution judiciaire et indépendante comme prétend l’être le TPIR.

En théorie, le TPIR a été créé pour rendre justice et non pour avaliser les décisions politiques du Conseil de sécurité. Celui-ci, au nom du principe sacré de la séparation des pouvoirs, devrait en tant qu’exécutif de l’ONU, respecter l’exercice du pouvoir judiciaire que le TPIR est normalement censé représenter. En se contentant de confirmer les faits de notoriété publique établis par l’organe politique sans plus ni moins, le TPIR s’est engagé dans la politique au lieu de rendre justice comme on serait en droit de l’attendre d’une véritable institution judiciaire indépendante de tout pouvoir exécutif quel qu’il soit. Tous les génocidaires devraient, en principe, être jugés pour des crimes clairement avérés et non pour un génocide de notoriété publique dont on continue de cacher certaines facettes moins reluisantes.

En janvier 2007, deux avocats au TPIR, l’Américain Peter Erlinder et le Canadien André Tremblay, ont demandé à cette juridiction d’ouvrir une procédure d’inculpation à l’encontre des dirigeants du FPR qu’ils les tiennent pour principaux responsables du génocide de 1994.

Egalement professeurs de droit dans leur pays, les deux avocats demandaient déjà de «suspendre les procédures du TPIR en cours et de réviser toutes les affaires terminées, en tenant compte des crimes commis par l’ex- rébellion actuellement au pouvoir». «A la lumière de nouveaux éléments de preuve, tous les accusés du TPIR se sont vus reprocher à tort des crimes dont la responsabilité incombe entièrement ou partiellement aux dirigeants du FPR», ont-ils soutenu dans une pétition adressée au TPIR et au Conseil de sécurité des nations Unies.

Si l’on tient effectivement au respect des normes universelles en matière de justice, le TPIR devrait être réformé de fond en comble. Tous les procès antérieurs devraient être annulés ou requalifiés en d’autres crimes contre l’humanité aussi longtemps que le procureur du TPIR n’aura pas apporté la preuve d’un plan génocidaire. Faut-il rappeler que si tout génocide est un crime contre l’humanité, l’inverse n’est pas toujours vrai ? Le seul génocide des Tutsi pour lequel les seuls Hutus sont jugés ne repose jusqu’ici que sur une décision politique incompatible avec un processus normal de décision judiciaire. Un seul et unique élément constitutif de ce génocide, l’exécution, se révèle contradictoire et donc opposable. On assiste à l’exécution d’un plan génocidaire inexistant ou inavouable et donc d’un crime sans nom dans la mesure où la préméditation, la planification et le mobile de ce crime restent mystérieux. Alors que le génocide des Tutsi par les Hutu s’intègre parfaitement dans une stratégie globale, celle d’un dessein incontestablement génocidaire tel que conçu et appliqué par Museveni et Kagame qui sont les véritables cerveaux du génocide rwandais.

Yoweri Museveni et son allié Paul Kagame sont parvenus à éliminer leurs adversaires,-en l’occurrence le régime Habyarimana et l’opposition démocratique tutsi et hutu jugée potentiellement dangereuse-, tantôt en procédant froidement à des assassinats ciblés tantôt en incitant les deux ennemis l’un contre l’autre. Plus particulièrement l’assassinat du Président Habyarimana au lendemain de la signature des accords de paix a rendu non seulement le peuple rwandais en quelque sorte « orphelin », mais cet acte absolument indissociable de la tragédie qu’il a déclenchée aura accru l’ampleur du tragique « fratricide » dans lequel le peuple rwandais se trouve toujours enfermé. Croyant venger un Président hutu assassiné par une rébellion réputée tutsi en exterminant les Tutsi du Rwanda, le gouvernement intérimaire du tandem Sindikubwabo/Kambanda est tombé dans le piège et s’est retrouvé isolé, face à face avec plusieurs adversaires, alliés et puissamment armés et agissant dans le cadre des pactes secrets relatifs à l’annexion et à la réunification des pays préalablement identifiés et dans le but précis d’une nouvelle recolonisation de l’Afrique.

Voila pourquoi, manifestement, on cherche à simplifier le conflit rwandais en le réduisant à un duel mortel qui mettrait aux prises les «méchants» Hutu et les «bons» Tutsi ! Il s’agit là d’une manière on ne peut plus simpliste, abusive et irresponsable, de figer les positions des uns et des autres et de fermer, consciemment ou non, les horizons d’une réconciliation pourtant incontournable pour la survie du Rwanda en tant que peuple et en tant que nation.

Il semble, dès lors, impératif de faire éclater toute la vérité sur la tragédie rwandaise afin de libérer les possibilités et d’accroître les chances d’une véritable réconciliation dans ce pays martyr. Le Rwanda constitue un «cas de conscience» comme l’a si bien décrit M. Bernard Kouchner, Ministre français des affaires étrangères et européennes. Les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la France et la Belgique seraient-ils enfin prêts à assumer chacun ses responsabilités dans le drame rwandais? Car c’est uniquement à ce prix qu’une Commission internationale sur la vérité, la justice et la réconciliation sur le Rwanda pourrait rapidement voir le jour et serait susceptible de donner des résultats concluants.

De leur côté, les Présidents Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Kaguta Museveni de l’Ouganda, seraient-ils disposés à jouer les cartes de la vérité et de la transparence dans un dossier où ils ont des responsabilités écrasantes? Les Nations-Unies sont-elles prêtes à reconnaître l’absolue nécessité d’une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais? Le Conseil de sécurité de l’ONU serait-il en mesure de contraindre, en cas de besoin, les dirigeants rwandais à un indispensable Dialogue inter rwandais (DIR), seul cadre susceptible de réconcilier durablement toutes les composantes de la nation, contribuant ainsi à désamorcer le conflit qui ravage le Nord-Kivu en RDC, un conflit dont l’épicentre se trouve indiscutablement à Kigali?

Toujours est-il que l’on ne pourra indéfiniment contourner la problématique rwandaise dans les interminables tentatives de pacification et de stabilisation de la RAGL. La paix dans l’Est de la RDC passe absolument par une solution appropriée au problème des milliers de rebelles rwandais encore disséminés sur le territoire de cet immense pays. Or, il serait illusoire de s’attendre, de la part de ces rebelles, à un retour pacifique sans que le régime du FPR ne se résolve à d’importantes concessions politiques en matière d’ouverture démocratique, d’administration de la justice et du respect des droits de l’homme en général. 

Des pressions diplomatiques accrues combinées avec des menaces sérieuses de couper l’assistance financière au régime de Kigali en vue d’obtenir l’ouverture rapide d’un Dialogue inter rwandais hautement inclusif et la mise en place d’une Commission internationale sur la vérité, la justice et la réconciliation au Rwanda, paraissent donc constituer l’une des pistes de solution possibles dans le règlement du conflit rwandais. Parallèlement à de tels efforts et à la lumière du présent Mémorandum, les Nations-Unies, l’Union Africaine et l’Union Européenne devraient reconnaître le bien fondé de procéder à des enquêtes complémentaires plus fouillées en vue de dégager des constats judiciaires inattaquables sur le drame rwandais et de rendre enfin une justice digne de ce nom au peuple rwandais et aux peuples voisins de la RDC et du Burundi qui, ensemble, demandent justice.

Les chances de promouvoir la paix et la réconciliation à travers le dialogue et des systèmes politiques plus démocratiques, la possibilité d’assurer la stabilité et d’ouvrir la voie à un développement intégré et durable aussi bien au Rwanda que dans toute la Région de l’Afrique des Grands Lacs sont immenses, tout comme les risques et les défis qui en résultent.

15. Conclusion

Dans le cadre de sa déposition devant la Mission française d’information sur le Rwanda organisée en décembre 1998, Mme Alison Des Forges de l’organisation américaine HRW a estimé que « les massacres avaient été déclenchés par un groupe très restreint qui avait décapité le Gouvernement légitime pour pouvoir prendre le pouvoir« . La responsable de HRW évoquait là sans doute l’attentat terroriste du 6 avril 1994 qui, en coûtant la vie au Président Juvénal Habyarimana, à son homologue burundais Cyprien Ntaryamira ainsi qu’à tous ceux qui les accompagnaient à bord du falcon 50, a indiscutablement déclenché le génocide rwandais. Est-il normal d’enquêter sur ce génocide en faisant l’impasse sur cet attentat?

Les incohérences de la Communauté internationale à propos du Rwanda sont absolument déconcertantes. L’ONU, les Etats-Unis d’Amérique et la Belgique ont déjà présenté leurs excuses au régime FPR pour leur passivité supposée durant le génocide de 1994. On aura trop longtemps en leur passivité alors que c’est de leur implication directe dans le génocide rwandais et non d’un simple fait excusable qu’il faut aujourd’hui parler. Quant au Royaume-Uni dont le rôle est au moins égal à celui des Etats-Unis dans la tragédie rwandaise, il n’aura même pas jugé nécessaire de se faire pardonner dans la mesure où il tente jusqu’à ce jour de se présenter comme totalement étranger à cette affaire. La seule puissance occidentale dont la «complicité» dans le génocide rwandais est constamment martelée reste finalement la France qui, de son côté et avec obstination, continue de rejeter toute idée de s’excuser comme l’auraient tant souhaité le général Paul Kagame et son gouvernement.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni se sont fortement mobilisés pour imposer la reconnaissance rapide du génocide des Tutsi par les Nations Unies. Ils se sont investis pour hâter la mise en place d’un tribunal ad hoc chargé de juger ce génocide et c’est dans ce cadre que le TPIR a vu le jour. Or, en 13 ans d’activité et malgré un budget lourd de plus d’un milliard de dollars, ce tribunal peine toujours à produire les preuves d’un plan de génocide contre les Tutsi. La polémique s’amplifie à propos de cette tragédie aux contours opaques et complexes caractérisée notamment par la confusion entretenue entre «génocide tutsi» et «génocide rwandais».

Pour notre part, nous estimons apporter, dans le cadre du présent Mémorandum, des informations précieuses et déterminantes en faveur d’une relecture indispensable et d’une réécriture incontournable des événements tragiques du Rwanda et de la RAGL. En démasquant le rôle moteur joué par les Anglo-Saxons dans la guerre du Rwanda et dans celle de la RDC qui se poursuit, nous démontrons, preuves à l’appui, qu’il s’agit en priorité de redessiner les contours du continent africain que, puissamment armés et financés par leurs parrains, les seigneurs de guerre tels Museveni et Kagame entendent remodeler par leur fameuse «guerre de libération régionale».

Seul le manque de volonté politique empêche réellement de faire la lumière sur la préméditation, la planification, l’exécution et le mobile du génocide rwandais. Si Museveni et Kagame ne sont pas les exécuteurs directs du génocide des Tutsi, force est de reconnaître désormais qu’ils l’ont conçu, planifié à travers notamment la stratégie de la tension qu’ils ont froidement mise en oeuvre en incitant les extrémistes Hutu à l’exécuter et en sachant en tirer tous les bénéfices. Nous aurons ainsi contribué à prouver que de nombreux crimes perpétrés par des Hutu manipulés ont de fait été planifiés in extremis en vue d’effacer des crimes contre l’humanité et de génocide commis par le tandem Museveni/Kagame à la tête des forces APR/NRA créées à cet effet.

A propos du mobile profond à la base du génocide rwandais et de l’immense conflagration régionale qui s’en est suivie, on peut donc retenir la volonté anglo-saxonne de recoloniser l’Afrique par l’intermédiaire de leurs pions africains, d’ériger sur le continent noir un grand empire nilotique qui, en réalité, servirait de couvert à un méga empire anglo-saxon autrement inavouable, d’exporter le conflit israélo-arabe en passant par l’édification d’un nouvel «Israël» au coeur de l’Afrique et d’assurer l’hégémonie géostratégique américaine en affaiblissant l’Union Européenne et en barrant la route aux puissances émergentes que sont notamment la Chine et l’Inde.

Au regard de toutes les preuves apportées dans le cadre de nos investigations, il ne subsiste aucun doute quant au mobile de l’extermination impitoyable subie par la région des Grands Lacs, les peuples rwandais et congolais de façon particulière. Les Anglo-Saxons ont su habilement exploiter les ambitions démesurées de Museveni et Kagame dans leur dessein inavouable de transformer l’Afrique en une entité néo-libérale et hyper capitaliste, dotée d’une monnaie unique, d’un marché commun et d’une armée spéciale sous le nom de «Red Reserve Army»(RRA) forte de 2.000.000 d’hommes [preuve n°0139].

Dans cette guerre de remodelage de l’Afrique, les Anglo-Saxons entendent absolument gagner la bataille des langues non seulement contre la France, mais également contre l’Afrique elle-même dont les langues sont reléguées au rang de «langues bizarres».

Afin d’assurer leur domination économique et culturelle en Afrique, les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni bénéficient non seulement de l’appui d’«élites» africaines mais aussi de celui d’autres «élites» en provenance de pays développés qui colonisèrent autrefois le continent. L’appel de la Baronne Lynda Chalker en faveur d’un monolinguisme présenté comme un atout dans le développement de l’Afrique est incompatible avec la revendication d’un monde multipolaire qui suppose qu’on récuse toute langue unique pour encourager le multilinguisme. Pour Bernard Cassen, «Le droit de créer et travailler dans sa langue est un des attributs de la souveraineté populaire, notion qui hérisse les dirigeants des transnationales, des institutions financières, ainsi que leurs porte-parole et porte-plumes locaux. La bataille des langues, c’est d’abord la bataille pour toutes les langues, y compris évidemment l’anglais».

Le caractère prémédité du génocide rwandais et de l’embrasement de toute la région se trouve confirmé par des pactes secrets conclus entre Museveni et ses parrains anglo-saxons à propos de l’édification d’un grand empire nilotique en Afrique. Cet empire, loin d’être un leurre, constitue plutôt le projet politique le plus ambitieux aux yeux de Museveni et Kagame eux-mêmes instrumentalisés par leurs puissants protecteurs. Nos investigations ont mis en lumière le fond idéologique sur lequel fonctionnent Museveni et son allié Kagame. Il s’agit visiblement d’une idéologie de type racial selon laquelle la supériorité des Nilotiques sur les Bantous serait incontestable. Alors que Yoweri Kaguta Museveni entend concrétiser cette théorie en fédérant une dizaine de pays sous son autorité, Paul Kagame est déterminé à édifier un nouveau Rwanda en supprimant toute référence à la révolution sociale de 1959 coupable de l’avoir condamné à l’exil. C’est ce qui explique la profonde conviction des deux hommes selon laquelle les Hutu sont les «ennemis» de la région à «libérer». D’où la volonté et l’acharnement à les exterminer sans états d’âme.

Le caractère prémédité de la tragédie rwandaise est par ailleurs attesté par plusieurs réunions corroborées par des traces écrites faisant état de techniques d’exécution et de camouflage de cadavres, l’entente et la complicité dans les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes contre la paix si l’on se réfère à la Convention de Genève.

Le caractère planifié du génocide rwandais et de la conflagration régionale est mis en évidence par les différentes étapes de la guerre dite de libération qui, pour brouiller les pistes, change souvent d’acteurs, notamment par la multiplication volontaire de rébellions dans la région. On peut aussi noter l’asymétrie d’informations collectées et exploitées au service des protagonistes des conflits dont les parties animées de mauvaise foi bénéficient manifestement de soutiens considérables de la part de groupes de pression internes et externes; le recours abusif de la contrainte militaire sur un/ou plusieurs Etats et/ou sur leurs représentants légitimes en vue d’imposer des négociations qui, le plus souvent, aboutissent à des accords de paix jamais mis en application. C’est ce qui s’est passé au Rwanda avec les accords de paix d’Arusha et c’est ce qui se passe actuellement en RDC où la guerre se poursuit malgré la multitude d’accords déjà signés entre les parties.

En assassinant le Président Juvénal Habyarimana dans la soirée du 6 avril 1994, le FPR et ses alliés torpillaient de façon préméditée l’Accord de paix d’Arusha signé le 4 août 1993. Mais ils s’assuraient, grâce à ce crime contre la paix, la certitude d’un coup doublement réussi à savoir pour le FPR installer un chaos total dans le pays en y provoquant l’effondrement de l’ordre public pour se présenter ensuite comme l’unique recours au rétablissement de la sécurité. Ainsi l’agression de l’Ouganda contre le Rwanda remplissait sa mission en se soldant par la victoire militaire du FPR au prix d’un génocide rwandais et non plus seulement tutsi, qui faisait du pays le fer de lance de la guerre de l’ex-Zaïre déjà planifiée.

C’est dans de telles conditions que le génocide rwandais fut exécuté. C’est pourquoi il nous semblait indispensable et urgent de remonter aux causes réelles du génocide rwandais au lieu de se contenter d’interpréter les effets d’une guerre dont toutes les phases ont été programmées, imposées et soigneusement contrôlées par le vainqueur en l’occurrence le FPR. Porté à bout de bras par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, celui-ci continue désespérément de se présenter à son peuple comme le «héros» d’une tragédie dans laquelle sa responsabilité est pourtant écrasante. La guerre dite provisoire était certes parvenue à imposer la signature des accords de paix d’Arusha. Mais dans l’entendement du FPR et de ses parrains anglo-saxons, la guerre dite définitive avait pour mission de parachever le processus faisant du Rwanda le tremplin idéal de la «libération régionale» qui devait se poursuivre. Alors comment les planificateurs de cette guerre «définitive» pourraient-ils logiquement prétendre être innocents de ses terribles conséquences?

On ne peut plus ignorer le fait que la guerre qui ravage actuellement le Nord-Kivu et le Sud-Kivu en RDC est le prolongement logique du génocide rwandais. Nous avons mis en lumière l’insupportable chasse aux réfugiés rwandais considérés globalement comme des génocidaires accusés de déstabiliser l’Est de la RDC et de menacer le Rwanda. La peur des réfugiés rwandais de rentrer dans leur pays se trouve amplement justifiée par les pratiques inacceptables du régime dictatorial du général Paul Kagame. Il semble bien que les parrains anglo-saxons de ce dernier soient bien décidés à le protéger contre la démocratie.

Les chances de promouvoir la paix et la réconciliation à travers le dialogue et des systèmes politiques plus démocratiques, la possibilité d’assurer la stabilité et d’ouvrir la voie à un développement intégré et durable aussi bien au Rwanda que dans toute la Région de l’Afrique des Grands Lacs sont immenses, tout comme les risques et les défis qui en résultent.


Les efforts multiformes consentis pour tirer la RAGL de la crise sont certes louables. Mais leurs résultats seraient sans lendemain si l’on ne prenait pas rapidement en considération et de manière cohérente et bien coordonnée, les dynamiques locale, régionale et internationale parfois en contradiction qui sont à l’œuvre dans cette partie du monde. 


Ainsi doit-on cesser, au Rwanda, de faire l’impasse sur la dimension régionale et internationale de la guerre et du génocide des années 90 et de se concentrer sur le caractère ethnique d’un conflit pourtant fondamentalement politique, pour enfin examiner les interférences extérieures dans ce conflit qui perdure.


Il semble dès lors impératif de faire éclater toute la vérité sur la tragédie rwandaise afin de libérer les possibilités et d’accroître les chances d’une véritable réconciliation dans ce pays martyr. Le Rwanda constitue un «cas de conscience» comme l’a si bien décrit M. Bernard Kouchner, Ministre français des affaires étrangères et européennes. Les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la France et la Belgique seraient-ils enfin prêts à assumer chacun ses responsabilités dans le drame rwandais? Car c’est à ce prix uniquement qu’une authentique Commission internationale sur la vérité, la justice et la réconciliation sur le Rwanda pourrait rapidement voir le jour et serait susceptible de donner des résultats concluants.


De leur côté, les Présidents Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Kaguta Museveni de l’Ouganda, seraient-ils disposés à jouer les cartes de la vérité et de la transparence dans un dossier où ils ont des responsabilités écrasantes? Les Nations-Unies sont-elles prêtes à reconnaître l’absolue nécessité d’une enquête globale, objective et impartiale sur le génocide rwandais? Le Conseil de sécurité de l’ONU serait-il en mesure de contraindre, en cas de besoin, les dirigeants rwandais à un indispensable Dialogue inter rwandais (DIR), seul cadre susceptible de réconcilier durablement toutes les composantes de la nation, contribuant ainsi à désamorcer le conflit qui ravage le Nord-Kivu en RDC, un conflit dont l’épicentre se trouve indiscutablement à Kigali?


Toujours est-il que l’on ne pourra indéfiniment contourner la problématique rwandaise dans les interminables tentatives de pacification et de stabilisation de la RAGL. La paix dans l’Est de la RDC passe absolument par une solution appropriée au problème des milliers de rebelles rwandais encore disséminés sur le territoire de cet immense pays. Or, il serait illusoire de s’attendre, de la part de ces rebelles, à un retour pacifique sans que le régime du FPR ne se résolve à d’importantes concessions politiques en matière d’ouverture démocratique, d’administration de la justice et du respect des droits de l’homme en général.     

Des pressions diplomatiques accrues combinées avec des menaces sérieuses de couper l’assistance financière au régime de Kigali en vue d’obtenir l’ouverture rapide d’un Dialogue inter rwandais hautement inclusif et la mise en place d’une Commission internationale sur la vérité, la justice et la réconciliation au Rwanda, paraissent donc constituer l’une des pistes de solution possibles dans le règlement du conflit rwandais. Parallèlement à de tels efforts et à la lumière du présent Mémorandum, les Nations-Unies, l’Union Africaine et l’Union Européenne devraient reconnaître le bien fondé de procéder à des enquêtes complémentaires plus fouillées en vue de dégager des constats judiciaires inattaquables sur le drame rwandais et de rendre enfin une justice digne de ce nom au peuple rwandais et aux peuples voisins congolais et burundais qui, ensemble, demandent justice.

Le Secrétaire général de l’ONU M. Ban Ki-moon vient de déclarer à Kigali que le génocide de 1994 au Rwanda «va hanter les Nations unies et la communauté internationale pendant des générations», ajoutant au cours d’une visite au mémorial du génocide sis à Gisozi que «Les Nations unies ont tiré une leçon profonde du génocide».

Jusqu’à preuve du contraire, nous ne saurions partager une telle analyse car, si l’abandon du peuple rwandais en 1994 était condamnable, celui d’après qui aura consisté en la signature d’un chèque en blanc pour un criminel de guerre et un génocidaire présumé nous semble encore plus cynique.

Cela dit, notre démarche n’entend nullement innocenter aucun criminel quel qu’il soit. Nous voulons plutôt contribuer à rétablir les faits dans toute leur objectivité en vue d’ouvrir des perspectives favorables à une véritable réconciliation dans notre pays et dans toute la région de l’Afrique des Grands Lacs. Il s’agit, dans ce contexte, d’en appeler à la vigilance de l’opinion internationale en général et africaine en particulier, pour que le monde réputé libre et civilisé rompe définitivement les ponts avec des criminels de guerre et des génocidaires patentés en renonçant publiquement aux desseins macabres désormais démasqués de démembrement et de remodelage de l’Afrique.

Annexes

Les différentes preuves mentionnées dans le Mémorandum.

Pour nous contacter :

Général Emmanuel HABYARIMANA

Président

Téléphone : +41 786 522 183

E-mail : [email protected]

Déogratias MUSHAYIDI

Secrétaire général et Porte-parole

Téléphone : +32 485 438 177

E-mail : [email protected]

Gérard KARANGWA SEMUSHI

Cellule de la Documentation et Sécurité

Téléphone : +31 630 897 180

E-mail : [email protected]

Noël NDANYUZWE

Cellule de la Documentation et Sécurité

Téléphone : +32 498 772 054

E-mail : [email protected]

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