Grand cri de colère

«Bush asssassin, Harper complice»: les manifestants réclament un cessez-le-feu immédiat dans le conflit libanais

Répondant à l’appel lancé par une soixantaine d’organisations, du PLC au Bloc québécois en passant par les trois grandes centrales syndicales du Québec, quelque 15 000 manifestants de toutes allégeances ont marché dans les rues du Plateau Mont-Royal hier après-midi, pour réclamer un cessez-le-feu immédiat dans le conflit qui sévit entre Israël et le Hezbollah. «Bush assassin, Harper complice», ont-ils scandé avec ferveur au moment de mettre en branle le cortège, qui avait eu la patience d’écouter certains discours qui traînaient en longueur sous un soleil cuisant.


Manifestation d’envergure, hier, dans le centre-ville de Montréal, à l’appel d’une soixantaine d’organisations. Les manifestants, dont une large proportion provenait de la communauté libanaise, ont réclamé d’Israël un cessez-le-feu immédiat et dénoncé la position pro-israélienne d’Ottawa.

Si les revendications étaient demeurées essentiellement les mêmes, le ton avaient néanmoins monté d’un cran. Tandis que Bush, Harper et Blair étaient comparés à des «rois maudits», l’ONU était à son tour taxée d’être complice de ce «massacre». Parmi des centaines de drapeaux du pays du Cèdre et des pancartes montrant des cadavres d’enfants, une femme voilée promenait en poussette une poupée ensanglantée, comme pour rappeler les horreurs vécues par les civils libanais au Proche-Orient. Les cris de protestation des manifestants n’auront jamais perdu de leur virulence au cours de cette marche de trois heures où l’exaspération à l’égard de l’enlisement du conflit — qui a fait près de 1000 victimes civiles au Liban — était palpable.

«Cette fois, c’est la bonne», a affirmé sans équivoque Hatem Hariri, ancien président du centre islamique libanais de Montréal, qui est de toutes les manifestations depuis l’éclatement des hostilités. «Toutes les manifestations sont importantes mais celle-là est spéciale : elle rassemble vraiment du monde de partout et de haut calibre», a-t-il dit, convaincu que le premier ministre ne pourra demeurer sourd aux cris de rage des Libanais et autres sympathisants. «Ça va faire sonner l’alarme. M. Harper ne peut pas oublier qu’il y a six millions de Québécois et plusieurs Canadiens qui ne partagent pas les mêmes valeurs que lui», a renchérit Ehab Lotayef, l’un des organisateurs de l’événement.

Radieuse journée pour un message de paix

Un ciel azur sans nuage et un soleil au zénith avaient accueilli la foule déjà nombreuse qui avait commencé à affluer au Parc Lafontaine vers midi. «Radieuse journée pour porter un message de paix», s’est réjouie une jeune maman, en poussant un landau orné de drapeaux libanais. Une manifestation qui n’avait rien à voir avec les 150 000 personnes qui s’étaient réunies un certain 15 février 2003 pour protester contre la guerre en Irak par 25 oC degrés sous zéro, ou encore avec celle qui en avait attiré 50 000 de plus un mois plus tard.

Mais de l’avis d’Amir Khadir, porte-parole de Québec Solidaire, nul doute que le Québec entier était au rendez-vous pour porter son message de paix. «Ça a rallié le Québec, ça c’est sûr, a-t-il déclaré. En 2003, les politiciens faisaient consensus sur le fait que cette guerre [en Irak] était inutile. Les gens qui étaient alors sortis dans la rue avaient eu raison de le faire. Aujourd’hui, on sort pour les mêmes raisons», a-t-il dit en en expliquant que le nombre de participants est moins important par le fait que c’est l’été et que les gens sont en vacances.

Cet ancien leader de l’Union des forces progressistes a insisté sur le fait que la manifestation allait se dérouler pacifiquement. «Il faut mettre fin à ce cycle de violence dans la paix, a-t-il martelé. Il n’y aura pas de paix s’il n’y a pas de solution juste pour les Palestiniens», a-t-il estimé en remettant le conflit israélo-libanais en perspective. «Le peuple israélien a besoin de paix et pour ce faire, ils ont besoin que cessent les agressions contre les Palestiniens», a-t-il poursuivi.

Un groupe de militants juifs hassidiques anti-sionistes a soulevé l’enthousiasme des manifestants. Ces hommes tout de noir vêtus ont été chaudement applaudis alors qu’ils marchaient aux côtés des Libanais et de leurs sympathisants, en tenant une banderole sur laquelle était écrit : «A jew not a zionist» (Un juif pas un sioniste). «On exprime notre solidarité pour les Libanais et les Palestiniens, a dit l’un deux en appelant à la cohabitation harmonieuse entre les peuples. Ce sont nos cousins.»

Politiciens, syndicats main dans la main

En plus des représentants des trois grandes centrales syndicales du Québec, des mouvements communautaires et étudiants, certains dirigeants de parti politique, fédéraux comme provinciaux, n’ont pas manqué de venir dénoncer le conflit au Proche-Orient et crier leur désaccord avec la position du premier ministre du Canada. Le chef du Parti québécois, André Boisclair, avait un message simple à délivrer à Stephen Harper. «Je ne me reconnais pas comme Québécois dans sa position et je crois que le peuple québécois pense la même chose», a-t-il déclaré à un petit attroupement de journalistes. M. Boisclair s’est dit très heureux de voir que de nombreuses personnes avaient pris un petit moment de leur journée pour participer à la marche. «Je suis fier d’être québécois», a-t-il dit en qualifiant le Québec de «missionnaire», dénué de «pensées de colonisateur».

Même Dan Bigras a voulu se mêler à la cohue pour dénoncer les agissements du premier ministre du Canada. «Même Bush met de l’eau dans son vin, il n’y a que Harper qui ne le fait pas. Et il se dit être au diapason de la population ! a-t-il lancé. J’ai l’impression d’être complice d’un criminel de guerre.»

La présence d’autant d’organismes, de députés et de dirigeants de partis politiques pouvait laisser croire que l’occasion était belle pour venir serrer des mains et critiquer les dirigeants au pouvoir. Une remarque que Denis Coderre, le député libéral fédéral de Bourassa, a aussitôt balayé du revers de la main. «Je ne suis pas ici pour faire de la politique, a-t-il souligné. Le PC va perdre des appuis partout, c’est sûr. Mais ce n’est pas important maintenant de savoir qui va marquer des points.» Il a également fustigé l’attitude de M. Harper qui, selon lui, a tort de faire fi des sondages qui démontrent qu’il fait cavalier seul.

M. Coderre a en outre rappelé que le Canada devrait reprendre ses traditionnelles fonctions de médiateur et exhorter à un cessez-le-feu immédiat. «Le Canada a un rôle de premier plan à jouer. Il se doit d’être acteur de l’événement», a-t-il dit.



Articles Par : Pedro Ruiz

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