Hong Kong : Balles puantes sur le port parfumé

En chinois Hong-Kong veut dire « port parfumé ». Sans nul doute ce n’est pas pour ses fragrances que la Grande Bretagne a mis la main sur Hong-Kong en 1842 à l’issue de la première guerre de l’opium mais certainement pour s’emparer d’un site maritime exceptionnel , facile à défendre , le lieu rêvé pour planter ses griffes dans la chair de l’empire du milieu et pour organiser sur tout le territoire de l’Empire depuis cet emplacement stratégique le commerce mortifère et très rentable de la drogue importée d’Inde. En effet la magnifique rade de Hong-Kong servait de mouillage aux clippers britanniques qui constituaient, à l’abri de la curiosité de la douane chinoise, le stockage flottant de l’opium que les commissionnaires britanniques acheminaient ensuite vers Canton d’où s’organisait la distribution vers le marché chinois. Ainsi naquit la prospérité de Hong-Kong.

A la proclamation de la République populaire de Chine, le premier Octobre 1949, le peuple chinois et ses nouveaux dirigeants reprennent le contrôle de l’ensemble du territoire de la Chine nationaliste dont les dirigeants ont fui vers Taïwan. Il ne reste alors sur le territoire historique de la Chine que deux colonies européennes, très proches l’une de l’autre : la britannique Hong Kong et la portugaise Macao.

La Chine populaire annonce sans tarder que ces deux enclaves européennes devront lui revenir un jour ou l’autre. Mais la Chine populaire qui, entre guerre civile entre communistes et nationalistes et guerre contre l’envahisseur japonais, sort de plus de quarante ans de guerre ne considère pas la récupération de Hong Kong et Macao comme une urgence et n’a jamais envisagé de régler cette question par les armes. Patience et longueur de temps ….
JPEG - 76 koVue partielle de Shenzhen

De leur côté les occidentaux qui voient les progrès de la Chine populaire et les progrès d’un régime communiste qu’ils combattent mettent au point une stratégie d’encerclement économique et social. Il s’agit de favoriser à proximité de la Chine populaire la création d’une série de vitrines chatoyantes du capitalisme occidental destinées à démontrer la supériorité de ce système. Vont donc surgir dans l’économie asiatique 4 « dragons » soutenus à bout de bras par les Etats-Unis et leurs amis :Taiwan, avec ses 20 millions d’habitants, longtemps considéré par la diplomatie occidentale comme représentant international des 500 puis 900 millions de chinois du continent, la Corée du Sud, transformée en trente ans sous un régime autoritaire et même dictatorial pendant plusieurs années, en un pays industriel très avancé, Singapour Ville -Etat plus lointaine mais ville chinoise aux fonctions portuaire, financière et industrielle développées et enfin Hong-Kong .Quand, en 1984, après de longues négociations Mme Thatcher, la dame de fer, signe avec la Chine l’accord qui rend à la Chine populaire la souveraineté sur Hong-Kong , la colonie britannique avec ses 7 millions d’habitants représente à elle seule 16 % du PNB chinois. Mais la Grande-Bretagne n’a pas eu le choix. De 1949 à 1997 année de restitution officielle de Hong-Kong à la République Populaire le parti communiste chinois s’est installé dans tous les rouages de l’économie Hongkongaise, Hong Kong est dépendante de la Chine populaire pour son eau et une grande partie de son alimentation. Pas un coup de feu de tiré, la période de la colonisation européenne de la Chine est formellement close.

Mais les stratèges chinois savent très bien que l’intégration de cette économie capitaliste avancée dans une Chine en voie de transformation rapide mais à un niveau de développement moindre peut engendrer une fascination pour la grande masse du peuple chinois et en particulier pour les habitants des provinces du Sud proches de Hong Kong. Il faut éviter que les dizaines de millions de paysans de la province du Guangdong qui entoure Hong Kong et qui sortent peu à peu de la pauvreté ne croient qu’à Hong-Kong , en régime capitaliste, tout un chacun peut faire fortune, éviter l’effet de fascination de la vitrine capitaliste, éviter ce qu’on pourrait appeler l’effet « BERLIN-OUEST ». La réponse à cette question se trouve dans la politique de développement initiée par Deng Xiao Ping à partir de 1979. Cette politique est une politique d’ouverture d’une série de zones portuaires aux capitalistes étrangers. Dans ces zones dites ZES (zones économiques spéciale) les capitalistes étrangers peuvent installer des usines, bénéficier du bas coût de l’abondante main-d’œuvre chinoise, et réexporter librement leur production. Cette ouverture très maitrisée permet en quelques années de former le prolétariat chinois aux techniques les plus avancées de l’industrie du monde occidental. Le rattrapage du retard chinois est à ce prix et peut être considéré aujourd’hui comme globalement très avancé, même si dans tel ou tel secteur ou dans telle zone géographique des retards existent. Mais le pays est gouverné et ces inégalités sont reconnues et surmontées méthodiquement.

Cette politique a une dimension géostratégique essentielle dans le cas de Hong-Kong. La ZES qui va connaitre la plus formidable croissance est directement adossée à ce qui va rester jusqu’au premier Juillet 1997 la frontière entre la colonie britannique et la République populaire, il s’agit de la ZES de SHENZHEN.

Ce nom aujourd’hui assez connu en dehors de la Chine ne pouvait pas l’être en 1979 puisqu’il ne s’agissait que du nom d’un village de pécheurs. Ce village a beaucoup grandi : l’agglomération de Shenzhen compte aujourd’hui 10 millions d’habitants, résultat d’une croissance économique qui s’est faite à un rythme supérieur à 20% par an. En même temps l’industrie de la zone de Shenzhen est passée progressivement d’une industrie de main-d’œuvre fabriquant des produits simples à une industrie technologiquement plus avancée. Résultat : aujourd’hui Shenzhen pèse aussi lourd économiquement que Hong Kong et une étape symbolique a été franchie en 2013 : le port de commerce de SHENZHEN inexistant en 1979 a dépassé celui de HONG-KONG avec un trafic de plus de 23 millions de conteneurs. Si on ajoute à ces deux ports celui de Guangzhou (Canton) un peu plus au Nord, on trouve là la plus forte concentration portuaire mondiale avec un trafic global d’environ 70 millions de conteneurs. De débouché indispensable de l’industrie du Sud de la Chine qu’il était encore au moment de son rattachement à la République populaire en 1997, Hong-Kong est aujourd’hui un grand port parmi d’autres grands ports. Le nombre de conteneurs embarqués dans un port peu paraitre au lecteur comme un outil bien sommaire de mesure de l’activité industrielle de son arrière pays. Pourtant il s’agit d’un instrument très pertinent. Aucune compagnie maritime et parmi les plus puissantes du monde ne se risquerait à envoyer des navires, aujourd’hui géants – les derniers nés peuvent transporter 17000 conteneurs – pour embarquer des boites vides dont aucun client ne paierait le transport. Sur les 10 premiers ports à conteneurs du monde on compte aujourd’hui 8 ports chinois. La puissance exportatrice du pays tient là son unité de mesure la plus claire.

Sur le plan boursier la bourse de Shenzhen créée en 1990 est aujourd’hui la seconde place financière chinoise après Shanghai et fait jeu égal avec celle de Hong-Kong.

La conséquence politique est évidente : les habitants de Hong-Kong, chinois de culture et de langue qui peuvent, moyennant un simple contrôle de leur passeport hongkongais, se rendre régulièrement à Shenzhen, y faire leur marché, ne peuvent plus être convaincus par les sirènes occidentales de l’infériorité du socialisme de marché à la chinoise même si aujourd’hui le PIB par tête est plus élevé pour les 7 millions d’habitants de Hong-Kong qu’en moyenne sur toute la Chine. Les capitalistes hongkongais ne sont plus en mesure de peser sur la politique chinoise quand la Région Administrative spéciale de Hong-Kong avec sa bourse, ses banques, son port, ses activités industrielles et tertiaires ne représente plus que 3% du PIB chinois contre 16% en 1997.

En 2047 la phase transitoire commencée en 1997 prendra fin et Hong-Kong trouvera sa place dans la République populaire comme une grande ville chinoise parmi beaucoup d’autres sans plus de régime administratif spécial. La page sera définitivement tournée deux siècles après les guerres de l’opium. La longue partie de Go s’achèvera avec la prise du dernier pion de l’adversaire.

L’actuel énervement impérialiste qui fabrique et finance des troubles sociaux chaque fois qu’il le peut chez tous les pays qui refusent sa domination s’en prend à la Chine à travers Hong-Kong. Les faits sont attestés par l’implication reconnue du néoconservateur Wolfowitz et de la NED dans la programmation des manifestations de Hong-Kong cette attaque politico-médiatico-spectaculaire de la République populaire chinoise se fait par le biais du régime politique transitoire de Hong-Kong qui court de 1997 à 2047 feignant d’oublier que la population de Hong-Kong a subi pendant prés de 150 ans -avec un bref intermède fasciste japonais – la rude tutelle coloniale d’un gouverneur britannique qui ne lui a guère laissé la possibilité de s’exprimer, feignant d’ignorer que, conformément au traité de 1984, la République populaire de Chine est souveraine à Hong-Kong et ne comprenant pas que le pluripartisme politique présenté comme le fin du fin de la démocratie est un programme qui a perdu tout pouvoir de séduction là où il est appliqué puisque les changements d’équipe dirigeantes dans les grands Etats occidentaux dominants ne débouchent que sur des politiques identiques qui assurent la domination de plus en plus brutale des forces du Capital sur les sociétés de leur pays et répandent la violence – militaire ou économique par les embargos, les sanctions et le racket de la dette – dans ou contre les pays qu’ils veulent dominer.

 

 



Articles Par : Comaguer

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