L’administration Bush se sert de la liste noire des « interdits de vol » pour harceler et punir ses opposants.

Plus de 100 000 citoyens états-uniens sont de facto interdits de voyage car ils figurent sur la liste des personnes « watch » (à surveiller) et « no fly » (interdit de vol). Cette liste, qui incluait au départ des personnes soupçonnées d’être en contact avec des organisations terroristes ou bien posant un risque de sécurité pour les autres passagers aériens (par exemple parce qu’ils ont été ivres et violents à bord), a été détournée par l’équipe de la Maison Blanche pour harceler des opposants politiques.

Des citoyens innocents, dont le seul crime est d’avoir émis une critique envers le président des Etats-unis sont interdits de vol, harcelés dans les aéroports, fouillés intégralement, bousculés, intimidés voire jetés en prison. C’est du moins ce qu’affirme la célèbre auteure et militante Naomi Wolf dans son nouveau livre, « The End of America. »

« C’est une méthode classique des régimes totalitaires », explique Wolf. « Les dissidents et opposants sont bloqués dans leurs déplacements et interdits de sortie du pays. » Wolf a commencé à enquêter sur la « liste noire » en 2002. « Je m’étais rendu compte que chaque fois que je prenais l’avion, même pour des petits vols intérieurs, j’étais identifiée et ciblée par les agents de TSA (Transportation Security Administration) et à chaque fois on me demandait de les suivre dans un local pour y être fouillée intégralement. Les autres passagers n’avaient pas droit à de telles attentions. »

C’est au cours d’une ces fouilles qu’un agent TSA lui a dit « C’est pas de notre faute, vous êtes sur la liste. Pas celle des terroristes, l’autre liste. » L’autre liste, c’est celle qui recense les journalistes, enseignants, militants, et politiques « qui ont critiqué la Maison Blanche. »

Parfois ce ciblage politique fait scandale, comme quand le Sénateur démocrate Edward Kennedy a été arrêté et fouillé cinq fois de suite dans différents aéroports de la Côte Est, en Mars 2004. Mais le scandale a vite été étouffé et le message envoyé par TSA était clair : peu importe ton statut social, si tu te mets en travers de notre route, tu vas souffrir. C’est ce qu’à appris à ses dépens le député John Lewis de Géorgie. Quand il a voulu protester, un agent TSA l’a violemment bousculé et il s’est retrouvé plaqué au sol et menotté par plusieurs policiers hargneux – qui affirmèrent ensuite avoir été agressés par Lewis.

Même quand les interpellations ne sont pas violentes, le « facteur humiliant » est suffisant pour intimider des dissidents éventuels. Robert Johnson, un simple citoyen, membre d’un groupe religieux contre la guerre, le décrit ainsi : « On m’a ordonné d’enlever mes chaussures. Puis on m’a ordonné d’enlever mon pantalon, puis mes chaussettes. L’agent m’a menacé de me fouiller l’anus. On m’a traité comme si j’étais un criminel. ». . .

Il semblerait que les opposants à la guerre soient des cibles favorites du régime Bush-Cheney… et si en plus ils sont féministes, alors le blocage est quasiment certain. Ainsi Jan Adams et Rebecca Gordon ont été interpellés plus de 18 fois à l’aéroport de San Francisco. « Maintenant nous nous présentons au guichet près de 6 heures avant le vol, sinon nous sommes sûres de le rater ». Même les leaders politiques ne sont pas épargnés. Nancy Oden, du parti Vert n’a pas pu prendre l’avion entre Maine et Chicago. King Downing et David Fathi, dirigieants de l’influente American Civil Liberties Union ont été détenus et interrogés pendant quatre heures à Newark. Le professeur Walter F. Murphy, de l’université de Princeton, juriste constitutionaliste qui avait osé mettre en question la légalité de certaines décisions de la Maison Blanche a été bloqué plusieurs fois dans des aéroports. En 2004, après un interrogatoire de deux heures, on lui a rendu sa valise fouillée et saccagée « Elle contenait un certain nombre de notes personnelles qui avaient disparues. Quand j’ai voulu m’en plaindre auprès de TSA, on m’a dit d’aller me faire voir (« piss off ») ou alors on me jetterait en prison pour de bon. J’ai préféré ne pas insister, j’étais trop choqué que cela arrive dans mon pays ».

Pour Naomi Wolf la liste « des personnes à surveiller » a été compilée et étendue à partir de 2003 suite à une directive du Président Bush adressée aux agences de renseignement. Cette directive ordonne aux agences d’identifier et surveiller « les personnes dont on peut craindre qu’elles aient des intentions ou des contacts terroristes ». La CIA/NSA et le FBI compilèrent une liste de noms qui fut remise à toutes les agences aériennes. La chaîne de télévision CBS avait réussi, en 2004, à se procurer un exemplaire de cette liste. Elle faisait 540 pages et contenait les noms de 75 000 personnes à fouiller avec beaucoup d’attention et éventuellement à ne pas laisser monter à bord d’un avion.

Sur le même sujet voir également:
Canada: Interdits de vols. La constitution d’une liste officielle de « bons » et de « méchants »



Articles Par : Grégoire Seither

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