L’Europe dans le sillage sanglant

Dans les années 80, l’Europe fait le choix néo-libéral, y compris des gouvernements socialistes comme celui de François Mitterrand et Felipe Gonzales en Espagne. Dans un premier temps s’il s’agit d’un glissement, comme le sociologue cubain parle à propos de l’Amérique latine, d’un glissement vers le rouge en 2002, au tout début des années 90, le glissement devient dérapage et aujourd’hui c’est de la franche cavalcade. On peut dire que la classe politique européenne, les socialistes étant au pouvoir, les communistes participant au gouvernement ont commencé à faire de leur plein gré, ce que les USA avaient imposé, par coup d’Etat et tortures, massacres interposés, à l’Amérique latine. Aujourd’hui tout le monde constate les résultats d’un tel choix, mais en proie à une superstition dont nous verrons que pour la gauche européenne elle est liée à la chute de l’URSS, et pour l’Amérique latine à l’atrocité de la répression, toute une partie de la gauche n’ose pas affronter le monstre néo-libéral, et masque sa peur, son ralliement sans combat sous le thème de la Démocratie.

1. Une nouvelle flotte appareille

Ce choix, lié à l’intégration européenne se traduit au plan interne par de grandes restructurations qui touchent des pans entiers de l’industrie. Dans le même temps la France, comme l’Espagne reçoivent des fonds d’investissement destinés à favoriser la transition vers une économie de biens et de services. Mais ce remaniement interne qui est présenté comme une harmonisation de l’intégration s’accompagne d’autres mouvements. Il y en a deux d’essentiels : se mettent en place des mécanismes de protection du Nord face aux produits du sud et surtout se constituent des transnationales européennes, avec l’aide financière et légale des gouvernements européens, transnationales qui sont dirigés vers les pays du sud. Une nouvelle flotte de Christophe Colomb est lancée vers l’Amérique latine. Les transnationales d’Espagne et dans une moindre mesure la France qui reste puissance coloniale dans les Caraïbes se sont jetées sur le continent, avec un appétit et une brutalité qui ne le cèdent en rien à ceux des conquistadors de jadis, elles avancent dans le sillage sanglant des massacres et des tortures laissé par les états unis, et avec comme garde du corps le FMI.

Notons tout de suite que si cela s’est fait dans le cadre néo-libéral de la construction de l’Union Européenne, le rôle des gouvernements nationaux a été essentiel, ils ont littéralement porté à bout de bras, à coup d’investissements publics « leurs » transnationales, les restructurations internes, les budgets nationaux, tout a été mis à la disposition de la nouvelle flotte. On mesure bien que la fable, qui voit dans le néo-libéralisme la fin de l’Etat, le retrait des investissements étatiques au profit du seul « marché », est complètement battue en brèche par la réalité. Non seulement l’opération a lieu à travers la mise en place d’un espace national super-étatique, l’Union Européenne, mais les transnationales ont été créées dans un cadre légal et budgétaire des Etats-nationaux qui en adoptant la politique néo-libérale détournaient l’économie de leur propre pays, entamaient les restructurations, privatisaient et mettaient en pièce, non pas l’Etat, mais l’Etat « providence », les protections sociales, une offensive généralisée contre le travail, au profit de ces transnationales qu’il fallait renforcer pour les rendre aptes à entrer dans la mondialisation concurrentielle . L’accumulation nécessaire passait par la mobilisation des ressources nationales et supranationales en leur faveur, mais aussi par un néo-colonialisme dont une nouvelle fois la vocation est le pillage.

Ces multinationales européennes n’ont pu agir en Amérique latine comme dans le reste des pays du Sud que parce qu’elles étaient soutenues par la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International, dominées on le sait par les Etats-Unis. Il s’agit là des institutions clés, mais il faut voir que les Etats-Unis et leurs alliés-vassaux européens, n’ont pu agir qu’en prenant d’assaut la totalité des organisations internationales, l’ONU y compris. Comme d’ailleurs les Institutions nationales et supranationales ont été remodelées comme instruments du système. Donc ces multinationales européennes étaient soutenues par la banque mondiale et le FMI, les prêts du FMI aux pays du sud étaient subordonnés au respect de la doctrine néo-libérale, privatisations à outrance, pression sur l’emploi et les salaires, destruction des protections sociales, auquel il faut ajouter le poids de la dette qui pèse sur ces pays et qui les condamne à emprunter non pour investir mais pour rembourser les intérêts des intérêts, un gouffre mathématiquement impossible à combler. De telles politiques n’ont pas pu se mettre en place sans la complicité active des gouvernements en place, une frange de la population en a même bénéficié aux dépends de l’immense majorité de la population qui s’est enfoncée dans une pauvreté de plus en plus dramatique.

Car c’étaient aux conditions dictées par le FMI, que les multinationales investissaient, télécommunication, eau, énergies, dans les ressources vitales autant que dans les secteurs stratégiques. Rodrigo Rato, directeur du FMI, a d’ailleurs qualifié le FMI : « garde du corps de la communauté des investisseurs » et ce garde du corps est quasiment une annexe du trésor étasunien. Ces investissements, loin de se traduire par de nouvelles richesses, par de l’emploi, exigeaient un taux de profit usuraire, rapatrié immédiatement, avec démantèlement des emplois, mise au chômage, les services escomptés n’étaient même pas rendus et entraînaient le vieillissement et l’obsolescence des installations autant que le sous équipement en matière d’infrastructure du pays. Les années 90 ont été les années fastes pour ces prédateurs. La situation s’est dégradé à un point tel que tandis que ces transnationales accumulaient des bénéfices de plus en plus monstrueux, pour les populations cela se traduisait y compris en terme de réduction de l’espérance de vie.

On ne comprend rien à la résistance qui commence à s’organiser dans les pays du sud et singulièrement en Amérique latine si on ne l’explique pas dans le contexte de ces vingt ans de mise en coupe réglée et des conséquences d’une application dogmatique des recettes néo-libérales. La crise argentine a été un choc parce qu’elle a fait plusieurs démonstrations, c’était un pays considéré comme le plus riche d’Amérique latine, il était le meilleur élève du FMI, avec le Chili, celui où les transnationales Etasuniennes mais aussi européennes trouvaient un terrain d’exercice privilégié.(1) La crise qui l’a frappé et qui a atteint les autres pays du Mercosur, l’union commerciale qui regroupait alors l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay, a non seulement atteint les couches les plus pauvres de la population, mais à réduit en peu de temps à la misère les couches moyennes. (2) Cette expérience était celle d’un continent, et elle avait été précédée par le séisme qui avait déferlé sur le Mexique, sur toutes ces questions, nous renvoyons notre lecteur au panorama tracé dans notre livre les Etats-Unis, DE MAL EMPIRE, ces leçons de résistance qui viennent du sud. Le titre ne doit pas en effet nous masquer que si les Etats-Unis sont la pièce centrale du dispositif, l’occident et ses transnationales chassent en meute, nous consacrions d’ailleurs le dernier chapitre de ce livre à l’Europe.

Pour que le panorama soit complet, il faudrait y ajouter un trait de la période considérée : non seulement l’écroulement de l’Union Soviétique n’a pas arrêté la course au surarmement mais elle l’a intensifiée. On peut même caractériser la période comme l’ont fait deux stratèges chinois, par une « guerre hors limites » (3). Disons tout de suite qu’à la chute de l’URSS, les Etats-Unis perdent un des fondements de leur hégémonie reconnue par l’Europe de l’ouest, la protection militaire qu’ils offrent à celle-ci contre l’URSS et ses alliés. Nous verrons que l’on peut considérer la guerre du Golfe de 91, et aussi l’intervention en Yougoslavie comme une mise au pas de l’Europe et du Japon. L’impérialisme rime plus que jamais avec le militarisme, à cette nuance prêt que si l’investissement dans le militaire, létal ou non létal, l’état de guerre généralisée s’étend désormais à de véritables attaques économiques contre des pays, des continents entiers. Le nom du banquier Soros, véritable flibustier de la finance, reste attaché à ce type d’offensive dont les conséquences sont considérables sur les populations civiles. Là encore il n’y a pas fin de l’Etat, mais son appropriation totale, ne serait-ce que parce que le marché de l’armement a besoin de commandes étatiques.

Plus généralement en ce qui concerne l’Amérique latine, le rôle traditionnel d’intervention armée ou celui de la CIA, demeure en toile de fond pour dompter les velléités d’indépendance des gouvernements, et les mouvements sociaux. Ce rôle de protection est celui qui garantit aux transnationales leur pillage.

Face à cette situation, si l’on reprend le dialogue entre les Brésiliens et le sociologue cubain, la question est bien celle de la rupture avec l’ordre social existant, non par idéologie mais parce qu’il est impossible de continuer comme ça.

2. L’Amérique latine divisée en deux groupes :

En Amérique latine, comme nous l’analysions dans Les Etats-Unis DE MAL EMPIRE, (4) un processus de résistance est amorcé. A partir de 2004, un nombre croissant de pays du Sous continent, s’oppose aux Etats-Unis à propos de la zone de libre-échange des Amériques (l’Alca en espagnol). La plupart des élections traduisent une poussée à gauche. Dans l’OEA, qui a toujours été aux ordres des Etats-Unis, l’administration Bush n’arrive pas à imposer son candidat en 2005, elle échoue également à convaincre le sommet des Amériques de la même année de soutenir par un vote sa position sur la région, à isoler Chavez, pas plus qu’à une intervention directe dans les conflits internes de la Colombie. Les Etats-Unis ont encore quelques atouts en main. Ils réussissent à faire élire toujours en 2005, le colombien Luis Alberto Moreno comme président de la Banque interaméricaine de Développement. Celle-ci va poursuivre et appuyer les choix néo-libéraux. Il y a des gouvernements, comme celui de Vincente Fox au Mexique qui poursuivent l’action en faveur de l’intégration du continent à la politique des Etats-Unis. Faute de pouvoir faire signer l’ALCA, les Etats-Unis et leurs alliés font pression pour la signature d’accords bilatéraux à travers lesquels, les traités de libre échange (en espagnol TLC), ils espèrent bien encercler et isoler ceux qui les refusent.

Mais il existe un deuxième groupe de pays qui veulent une intégration régionale selon leurs propres conditions et ont le projet de la construction d’une communauté des nations sud-américaines, c’est à partir du MERCOSUR, du Brésil et de l’Argentine que se renforce cette tendance. Au sein de ce groupe, le Venezuela, Cuba et aujourd’hui la Bolivie impulsent une action plus radicale, mais tous s’entendent sur la défense des intérêts nationaux respectifs et un ordre international plus équitable. A ce titre, le processus latino-américain est lui-même partie de stratégies mondiales, même s’il présente l’originalité d’être impulsé par les rébellions multiformes des peuples et correspond à une élévation de la conscience politique sans grand équivalent dans le reste du monde. En toile de fond, la propagande nord-américaine, relayée comme on le verra par l’Europe, menace d’une intervention contre Cuba et le Venezuela.

Donc nous avons un double chantage, destiné à réactiver les peurs, le premier est basé sur la mésestime de soi-même, l’appel à la mentalité du colonisé : il est adressé aux pays du sud, prenant acte de leur dette, de leurs difficultés immenses, il leur dit en gros vous êtes incapables de vous développer sans notre tutelle bienveillante, nous avons les capitaux, les technologies, votre prospérité dépend de nous et de notre richesse, plus nous serons riches et plus vous avez des chances de l’être. C’est toute l’idéologie néo-libérale, on la retrouve à l’identique sous l’axiome « les profits d’aujourd’hui sont les emplois de demain » dans le nord lui-même, appliqué cette fois à ses propres populations.

Donc l’ALCA, est entièrement fondé sur cet axiome, et le groupe de pays qui en accepte la logique, comme le Mexique de Vincente Fox ou ceux qui par chantage aux prêts du FMI, acceptent de signer des traités séparés de libre échange, soit sont convaincus par domination de l’oligarchie en leur sein, soit par peur de la rupture, qu’il n’y a pas d’autres issues. Ce à quoi dès 83, dans son discours des non-alignés sur lequel nous reviendrons Fidel Castro objecte une série d’arguments : d’abord l’expérience de la dépendance coloniale, elle s’est toujours exercée aux dépends des pays du sud. Le modèle en a toujours été l’échange de verroteries contre l’or. Ensuite, le protectionnisme du nord face aux pays du sud, et le fait que le nord capitaliste est entrée dans une crise profonde et durable, que sa croissance poussive ne dépasse pas les 3%, et que les pays du sud pour se développer doivent avoir une croissance d’au moins 7%. Pour toutes ces raisons les pays du sud ne peuvent attendre leur salut que d’eux-mêmes et de leur capacité de résistance aux diktats du FMI et des « investisseurs » du nord. Mais aussi de la possibilité d’inaugurer des rapports sud-sud. Il va essayer de regrouper les pays du sud contre le chantage à la dette qui s’avère de fait le meilleur argument pour contraindre les pays à poursuivre dans cette voie, puisqu’ils sont toujours plus contraints pour rembourser les intérêts des intérêts d’une dette qu’ils ont plusieurs fois payée, de faire appel au FMI et de subordonner l’exploitation de leurs ressources aux investisseurs étrangers.

Mais il y a un deuxième chantage, basé sur la sanglante expérience des années 70, et plus généralement sur la colonisation, la menace d’intervention, soit directe, l’invasion militaire, soit indirecte, par la sous-traitance à une dictature sanglante. La politique de la canonnière qui a toujours été celle du colonialisme assortie de la spécificité sud-américaine.

Toute tentative d’échapper à la logique de la domination, est susceptible de déclencher le courroux des USA. On ne comprend rien au blocus, au terrorisme contre Cuba, si on imagine qu’il s’agit d’une rétorsion contre son appartenance au camp socialiste. On peut même dire que Cuba n’a du appartenir à ce camp que pour se protéger de l’agression multiforme du refus de la dépendance aux Etats-Unis, et dans le camp socialiste, Cuba s’est toujours considéré comme l’avocat des pays du sud, les mesures prises en leur faveur par l’URSS et le socialisme européen, l’ont été à travers son impulsion. Si seule l’appartenance au camp socialiste déterminait l’hostilité, on ne comprend pas qu’à la chute de l’URSS, loin de se relâcher l’agression se soit sans cesse aggravée. Certes il y a l’acharnement contre tout ce qui peut subsister de socialiste, le processus de décomposition de l’ancien adversaire, dont la Yougoslavie et l’ex-URSS sont la manifestation. Mais il y a plus Cuba est la preuve que l’on peut résister au chantage que le nord exerce à l’égard du sud et que même dans les pires conditions, on peut avoir des résultats meilleurs que ceux de la soumission.

En gros disent les Etats-Unis ou vous acceptez notre domination économique et ses conséquences, et nous vous laissons bénéficier d’une démocratie contrôlée de A jusqu’à Z, qui durera tant que vous ne remettrez pas en cause l’échange verroterie contre or, comme toute peuplade colonisée doit le faire, vous travaillerez pour nous comme des esclaves, ou ce sera la dictature. Celle-ci présente un double visage celui d’une expérience bien réelle, ce qui s’est passé au Chili, en Argentine, et un visage idéologique celui de la tyrannie supposée de Fidel Castro sur Cuba.

L’Europe dont nous avons vu qu’elle avançait dans le sillage sanglant des Etats-Unis sa propre flotte de prédateurs, a joué sa partie avec enthousiasme. Dès 89, le système est en place. A Malte, Gorbatchev vend à Bush père non seulement l’Allemagne de l’Est, mais aussi le Nicaragua. Les rôles sont en place, le Nicaragua a été épuisé par une terrible guérilla contre-révolutionnaire, les « contras », directement managés du Honduras voisin par l’ambassadeur Negroponte. Les Etats-Unis hurlent à la dictature communiste, Reagan a même dénoncé le danger que la petite armée du Nicaragua faisait peser sur les Etats-Unis. Une campagne parallèle est déclanchée en Europe contre un massacre imaginaire des indiens mosquitos par la dictature communiste sandiniste, Bernard Henry Levy en appelle à une intervention humanitaire pour sauver les Mosquitos. La gauche, le PS, fait pression sur les sandinistes pour qu’ils acceptent dans de telles conditions une élection, dont les conditions sont : ou vous continuez avec les sandinistes et ce sera la mort la misère, ou vous acceptez un gouvernement néo-libéral soumis aux Etats-Unis et ce sera la paix, l’emploi, le retour des investisseurs. Faites la preuve que vous n’êtes pas la dictature castriste, expliquent le PS, que vous êtes de vrais démocrates et nous vous soutenons. Le résultat est celui que l’on sait, l’analphabétisme reparti à la hausse, une minorité qui s’enrichit et la misère qui s’accroît pour les autres. Un des enjeux aujourd’hui est le retour des sandinistes au pouvoir au Nicaragua.

Ce cas de figure, sous des modalités diverses s’est reproduit partout en Amérique latine, et la fin des dictatures, « le retour de la démocratie » des années 90, non seulement s’est accompagné d’une amnistie des criminels, les a laissé en place comme au Chili, sur le thème de la réconciliation nationale, mais s’est assorti de l’application du néo-libéralisme dans sa rigueur la plus dogmatique. L’Amérique latine aux yeux de l’Europe avait recouvré la démocratie, il ne restait plus qu’un point noir : Cuba. Et vertueusement, nous verrons dans quelles conditions, l’Europe a accepté d’accompagner les agressions des Etats-Unis contre ce petit pays de bruyantes campagnes sur la violation des Droits de l’Homme à Cuba.

Le tout dans un contexte d’atonie des luttes sociales des années 80 à la fin des années 90. Et nous verrons que ce n’est pas un hasard, si dans l’inertie générale, deux mouvements parallèles éclatent, l’un en 95 en France. L’autre en 94, le jour de la signature des accords de l’ALENA entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis, accords qui sont en quelque sorte le modèle de l’ALCA (en français les Accords de la zone de libre échange des Amériques, AZLEA). Il s’agit du signal du réveil des résistances dans deux pays particulièrement allergiques à la fois à l’emprise des Etats-Unis, attachés à une certaine conception de la puissance publique, et qui ont une mémoire révolutionnaire. En Asie, la rébellion vient de la Corée du sud.

A ces révoltes, il sera répondu par une accélération des « réformes », si les peuples résistent c’est parce que leur « conservatisme » empêche la logique néo-libérale, la retombée des profits sur l’emploi et le bien être.

Mais ce qui apparaît en 2001 et dont font état le sociologue cubain et les Brésiliens, est la remontée des protestations freinées par la manière dont la gauche a été décimée dans les années 70, les syndicats attaqués par les privatisations dans leur bastion, et la mise en tutelle, l’acceptation de fait, de l’absence d’alternative au néo-libéralisme, il s’agit simplement de négocier un peu plus de retombées de l’enrichissement des transnationales, de l’oligarchie. Mais il n’est pas question de changer de modèle, puisque tout autre choix ne peut que déboucher sur des dictatures sanglantes, sur le « totalitarisme ». Mais le rapport des forces est tel que l’impérialisme triomphant ne négocie plus rien, et ne reconnaît plus que la loi du plus fort. Les peuples s’enfoncent dans la misère dans le sud, et la pression renforce l’immigration vers le nord, mais aussi une volonté de résistance. L’enjeu est de la diviser, de mettre en concurrence, et d’empêcher que se constituent des fronts unis, entre les peuples du sud et ceux du nord, entre les travailleurs autochtones et les immigrés, entre les peuples du sud eux-mêmes. Partout il faut développer les conflits, renforcer la domination d’un centre dont est censé dépendre la prospérité et qui détient effectivement capitaux, maîtrise des circuits financiers, technologie, savoir, et jouit de surcroît d’une puissance répressive désormais sans rival.

C’est dans un tel contexte que l’Amérique latine donne l’exemple d’un autre processus, sous la poussée du refus des peuples de l’ALCA, on assiste au passage à gauche des gouvernements, et de la naissance d’un front qui constitue le deuxième groupe, celui qui prétend à la maîtrise de ses ressources nationales. Ce groupe grandit, mais nous entrons dans une deuxième phase, celle où il est tenté de le diviser par des manouvres parallèles qui tendent toutes vers le même résultat. Il s’agit d’isoler « les meneurs », officiellement « les durs » Cuba, le Venezuela, et aujourd’hui la Bolivie, empêcher par tous les moyens que d’autres les rejoignent. Mais sont tout autant visés l’Argentine et le Brésil, dont il s’agit de déstabiliser par tous les moyens les dirigeants.

3. pas de quartier et « la manière douce » :

Il faudrait ajouter une autre idée qui s’est fait jour en Amérique latine, à cause de l’expérience monstrueuse subie : les USA, c’est-à-dire le Capital, ont été capable d’aller jusqu’au bout pour liquider la gauche, ils ont installés des dictatures monstrueuses, des terrorismes, la liquidation de la gauche a été physique pour pouvoir implanter le néo-libéralisme au Chili, et dans d’autres pays du cône sud. Sans cette prémisse, ou cette condition requise, ç’aurait été impossible. Quelle leçon sur la cruauté du capitalisme, qui, comme le disait Marx, est né (et continue à se reproduire) suant le sang par tous les pores… En fait, au Chili, ç’a été une confirmation que, quand la droite (jadis les nobles) prend peur, les Restaurations sont sans pitié. Donc quand un processus est lancé, il faut aller jusqu’au bout. On ne comprend rien au discours de Fidel Castro à l’université sur la fin possible du socialisme, si on ne sait pas que le peuple cubain est profondément convaincu de cela. Il n’a aucune pitié à attendre, il sera anéanti.

Quand un gouvernement comme celui de Chavez, ou celui maintenant d’Evo Morales choisit réellement de résister à l’ordre néo-libéral, il calcule le temps qui lui reste avant que ne se déclanche la déstabilisation. Les Cubains ont déclaré Evo ne bénéficiera pas du même temps d’attente que Fidel en 59, ni même celui de Chavez, ce sera tout de suite et les événements semblent leur donner raison. Quand Chavez à la fin mai 2006, est venu visiter Evo Morales, en Bolivie, il a jeté à la garde d’honneur de l’armée bolivienne qui accompagnait son départ : « Ne vous soulevez jamais contre votre président ». Si l’on ne comprend pas ce contexte, on ne comprend rien à l’Amérique latine. Mais ce ne sont pas seulement « les durs » qui sont menacés, mais tous ceux qui s’entendent sur le principe d’une communauté régionale, et du respect des souverainetés nationales. Et c’est là qu’il y a un léger décalage avec la présentation médiatique européenne.

Et il n’y a pas que le supposé front des « durs ». En fait est visé le groupe qui veut une intégration régionale selon ses propres conditions et ont le projet d’une communauté latino-américaine, ce qui fait que le Mercosur est en première ligne parce qu’il constitue le pôle de rassemblement concurrent de l’ALCA.

Une déstabilisation des dirigeants est en train d’être mise en ouvre sous différentes formes. Au Brésil, il s’agit d’isoler Lula de sa base populaire, et de le faire prendre en otage par un entourage acquis au FMI. Cela a débuté par une campagne contre le Parti des Travailleurs. Lula continue à prendre des initiatives, il dénoue le conflit que certains s’emploient à faire monter entre la Bolivie et le Brésil à propos de la nationalisation des hydrocarbures. Il entre dans une pratique de discussion directe et passe par-dessus ceux qui veulent organiser le conflit y compris dans son administration, comme Kichener.

Plus inquiétant encore ce qui se passe en Argentine. Il ne faut jamais oublier qu’ici il y a 30 ans, il y a eu une terrible dictature militaire, suivie d’une amnistie qui n’a jamais été acceptée par la gauche martyrisée, par tous ceux dont les amis, parents, ont été tués, des disparus dont on ne sait ce qu’ils sont devenus, des enfants enlevés à leurs parents. Kichner, à l’inverse des gouvernements précédents, non seulement a voulu soulever le couvercle et sanctionner les bourreaux, mais il a mené une politique de clarification du rôle réel des transnationales, il a re-nationalisé les eaux, mis en jugement un certain nombre de prévaricateurs et, il a approuvé la nationalisation des hydrocarbures par Evo Morales. Notons que ces choix s’accompagnent d’une fermeté à l’égard des transnationales des Etats-Unis, une volonté de sortir de l’emprise du FMI, mais également à l’égard de l’Europe. Les transnationales française ont été particulièrement abominables, EDF et surtout Suez, non seulement en obtenant des conditions d’exploitation par prévarication, absence de soumission à un marché public, achats de responsables, mais cela s’est accompagné de pratiques scandaleuses en matière d’équipement, en particulier des quartiers pauvres, aujourd’hui ceux de la capitale, Buenos Aires sont dans un état dramatiques, les excréments flottent dans les rues, tandis que les habitations sont rongées par l’humidité. Kichner a re-nationalisé la compagnie des eaux. Et quand au printemps 2006, le président Chirac a fait une tournée de promotion de ses transnationales, il a été contraint d’éviter l’Argentine.

Le 30 mai, le Président Kichner devant les forces armées, au collège militaire de El Palomar, a prononcé un discours d’une extrême dureté, un discours dur et court, moins de 15 minutes : « Je fais référence à la participation des membres de ces forces armées à une cérémonie publique dans laquelle on a non seulement agressé des journalistes mais où sont survenus des conduites, des actions, et des paroles qu’il ne serait pas téméraire de qualifier de voisines de l’apologie du délit en revendiquant le terrorisme d’Etat, comme cela est survenu le 24 mai dernier, Place san martin (.) l’inclusion, l’équité et l’égalité que l’Argentine nécessite requiert des Forces armées engagées envers l’origine de la nation et subordonnées au pouvoir populaire ». Le 24 mai en effet, il y avait eu une manifestation d’officiers en faveur des victimes de « la subversion ».

Par rapport à ce que tente Kichner, éradiquer la dictature qui a sévi il y a 30 ans et dont les criminels avaient été couverts par l’amnistie, cette manifestation est un véritable défi.

Mais elle n’intervient pas seulement dans une situation interne, mais aussi dans celle de l’approbation de la nationalisation des hydrocarbures boliviens. Kichner sait comme Evo Morales, comme Chavez, comme Lula, qu’en manifestant cette solidarité, il peut s’attendre au pire. A la fin de son discours, il a élevé la voix et s’est adressé directement aux officiers : « je veux qu’il soit clair que comme président, je n’ai pas peur. et je n’ai pas peur de vous ». Le chef de l’armée Roberto Bendini avait lui aussi lancé un discours dans le même sens, avant celui du Président Kichner.

Donc on voit que les USA, loin de regarder les événements d’une manière impuissante sont entrés en action. Il y a la manière douce, assorti de prêts, faire signer des accords séparés et isoler ceux qui les refusent. A laquelle correspond également sur le plan politique puisqu’il est difficile de bloquer le passage à gauche, tout faire pour que gagnent des candidats « démocrates » opposés aux « populistes », une gauche « raisonnable », face à un « dictateur potentiel » contre lequel on lance les grandes orgues de la propagande. Quitte à faire jouer en sa faveur les réseaux d’extrême droite et maffieux. Ainsi Ollanta Humala prépare « un coup d’Etat à visage démocratique » a déclaré le Président du Congrès Péruvien Marcial Avaipoma. « Préserver la démocratie ou devenir une dictature » ainsi a défini l’enjeu de l’élection Mario Vargas Lllosa qui est certes le plus grand écrivain péruvien, mais on sait vu ses nombreuses contributions dans Le Monde à quel point il a le cour a droite. On l’accuse pêle mêle de noires intentions, limiter la liberté de la presse bien sûr, autoriser la culture de la coca, de dissoudre le Congrès, de gouverner avec l’armée dont il est issu.. De vouloir vendre le Pérou au Venezuela.. ET. DE NE PAS RATIFIER LE TRAITE DE LIBRE ECHANGE. DE S’OPPOSER AUX Etats-Unis. Ce sera donc une dictature, il n’y a aucun doute a averti l’ancien ministre des Affaires étrangères Fernando Rospigliosi.

Car ce qui est tenté en fait à travers ces proclamations c’est ce à quoi s’est heurté Chavez, derrière ce recours à la gauche traditionnelle, c’est faire jouer non seulement le nationalisme, mais mobiliser toutes les couches moyennes y compris salariés, mais blancs, tous ceux qui jouissent de la moindre stabilité, contre les très pauvres, souvent indiens, noirs ou métis suivant le pays, une masse considérée comme menaçante, et une des principales industries du pays est l’industrie sécuritaire. Déjà le réflexe avait permis l’élection de Fujimori, comme il vient récemment de permettre l’élection d’Uribe. Il ne s’agit pas seulement d’un réflexe, mais bien d’une imbrication maffieuse entre oligarchie avec paramilitaire, trafiquants de drogue, armée nationale et conseillers nord-américains. La lutte contre la guérilla sert de prétexte aux exactions contre les paysans les plus pauvres, souvent indiens, en Colombie, comme dans le cas de Fujimori.

Pour l’Europe, on ajoutera qu’il est d’extrême droite parce qu’il a fait un coup d’Etat contre Fujimori,quand on connaît le personnage en question dont nous faisons plus avant un rapide portrait, c’est une tentation qui viendrait à bien des gens de gauche. Toujours au titre de son extrémisme raciste, il y a le fait que son père de famille blanche et aisée s’est engagé avec passion dans le combat pour les indiens, dont il a épousé une femme, ce qui n’est pas non plus a priori une caractéristique d’extrême-droite dans le monde andin, dont un des marxistes les plus célèbres, un péruvien, Martingas a tenté de faire passer au prisme de la situation indienne, l’analyse marxiste. On l’accuse d’avoir violé les droits de l’homme comme commandant de l’armée péruvienne, il le nie, et défie ses adversaires d’en apporter la preuve. Il manifeste une grande sympathie pour l’Alba et pour Chavez. Cela dit pas plus que Chavez, et Morales, à l’inverse de Fidel, on ne peut dire qu’ils sont issus des rangs communistes, même si le Parti Communiste unifié du Pérou soutient sa candidature, ni même ceux de la gauche traditionnelle. Le socialisme pour eux se limite au refus de l’injustice, à la volonté de tous ceux qui empêchent l’exercice du droit politique pour les peuples à maîtriser leurs ressources pour résoudre les problèmes des plus pauvres.

Car au Pérou, on retrouve une situation comparable à la Bolivie, après des années de marasme, voir de croissance négative, s’il y a eu en 2005 une croissance positive dans toute l’Amérique latine liée à la montée des prix des matières premières. Mais partout cette croissance a surtout profité au transnationales et à la minorité blanche. Celle-ci dans des pays comme le Brésil ou le Chili constitue une importante minorité, celle qui traditionnellement est intégrée à la vie politique, qui en forme les cadres, et plus on approche des lieux de décision, plus la formation a été faite dans les grandes écoles nord-américaines. Il s’est créé une idéologie, des amitiés, sans parler des intérêts, avec les décideurs de la Banque mondiale, ceux surtout du FMI. Et on ne comprend rien à la situation de Lula, si on ne voit pas qu’il est entouré de tout un personnel de ce type, et que de surcroît il a choisi de se libérer du FMI par remboursement de la dette, que pour cela il est obligé de faire appel aux grands exportateurs, agricoles ou industriels, et de surcroît sur une population d’environ 200 millions d’habitants, il y en 50.millions qui vivent comme en Europe, et font pression sur lui, tandis que les 150 millions sont dans les favelas en train de survivre y compris de délinquance et de violence. La situation du Chili et de l’Argentine était assez semblable. Non seulement avaient été décimées par torture et assassinat toutes les forces de gauche, mais le néo-libéralisme, mais toute une population blanche aisée en avait profité, alors que les autres s’enfonçaient dans la misère. La spécificité de la crise argentine était qu’elle avait atteint massivement ces couches moyennes. La crise y compris au Brésil, au Chili, a commencé à éroder également le pouvoir d’achat des couches moyennes blanches, le chômage comme partout dans le monde frappe en priorité la jeunesse, celle qui fait des études est atteinte, quant à celle sans diplôme des couches populaires, le plus souvent métissées ou indiennes c’est une catastrophe totale, donc une situation assez comparable à celle que nous connaissons en France. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que surgisse de ces pays, la même chose que nous connaissons en France en matière de gauche. Une social démocratie, qui ne renonce pas aux choix néo-libéraux, et à donc à des liens privilégiés avec les Etats-Unis, l’extraordinaire est plutôt l’apparition sur le devant de la scène d’un homme comme Chavez, alors que le Venezuela appartient au même type de pays que le Brésil, le chili, l’Argentine.

A côté de ces pays, il y a les pays andins, ou ceux d’Amérique centrale, au Pérou la population vit avec moins de 1, 25 dollars par jour. Le désespoir, le désaveu des politiques est profond, comme dans l’équateur ou la Bolivie : un récent sondage de l’Université de Lima montre que 92,2% de la population ne fait pas confiance aux partis politiques, 83, 1% ne fait pas confiance à la justice. Mais cela n’a pas débouché comme en Bolivie sur le front insurrectionnel que nous décrivons en Bolivie, ni sur le renvoi sans perspective des Equatoriens de leur président au cri de « Qu’ils s’en aillent tous ! ». Le contexte andin de ce fait est non seulement celui de l’élection triomphale de Morales en Bolivie, celui de l’échec de Ollanta Humala, mais celui de la pression des peuples comme en témoigne cette dépêche de l’AFP.

AFP : Édition du mercredi 17 mai 2006

Quito — L’annulation du contrat d’exploitation de la société pétrolière américaine OXY en Équateur représente un nouveau revers pour les multinationales du pétrole en Amérique du Sud après la nationalisation le 1er mai du gaz bolivien.

Donc l’Equateur, qui partage beaucoup de traits avec la Bolivie et le Pérou, non seulement n’est pas repoussé par la signature de l’ALBA et la nationalisation, mais emboîte le pas. Mieux le 30 mai 2006, Chavez vient visiter ce pays, et approuve la décision du Président Alefredo Palacio de nationaliser mais apporte son aide comme il vient de le faire pour la Bolivie en matière de raffinage des hydrocarbures. Il assortit son aide d’une déclaration ; « Il n’y a pas de liberté politique sans contrôle des ressources naturelles. »

En revanche, comme en Europe, dans les médias est répandue l’idée que les dirigeants populistes ne sont pas à gauche, qu’ils font n’importe quoi et que la vraie gauche c’est celle « raisonnable » dont le type est Alan Garcia. D’ailleurs les médias d’Amérique latine ne sont pas indépendants de ceux d’Europe et comme El Païs appartient à un conglomérat avec les médias vénézuéliens qui mènent une opposition sans relâche contre Hugo Chavez.

On voit que ceux qui sont partisans du regroupement régional doivent chacun jouer avec des situations différentes, si Chavez a réussi à écraser une opposition qui tentait de regrouper ces couches moyennes autour de la dénonciation d’un gouvernement populiste et les incitait à maintenir l’alliance avec les Etats-Unis, s’il a pu vaincre un coup d’Etat, c’est à cause du soutien des couches populaires et de la partie de l’armée qui est restée loyaliste. L’aide cubaine a été déterminante, non seulement pour que les pauvres voient réellement changer leur vie, mais y compris dans la stratégie devant le coup d’Etat. Mais Lula et Kichner sont dans une autre situation.

Derrière cette campagne, dans laquelle l’Europe joue sa partition, il s’agit d’organiser la rupture entre une gauche présentable, la chilienne et « les durs » populistes qui divisent l’Amérique latine. Le parti socialiste français, européen en général a, sans surprise, déjà choisi son camp. L’enjeu n’est pas seulement de diffuser des nouvelles en Europe, mais bien vu qu’à eux deux Etats-Unis Europe couvrent la quasi-totalité de la communisation planétaire d’étendre le contrôle sur l’opinion publique, et déjà de justifier toute forme de déstabilisation, y compris l’intervention militaire, le coup d’Etat, ou l’assassinat.

Avec cet art de renverser la réalité, au Pérou, le candidat Garcia, ex-président social-démocrate fait toute sa campagne contre Chavez, au point d’avoir pour slogan de campagne : « Pour le Pérou, contre Chavez ». Il identifiera un Président par deux fois élu d’un pays voisin, Chavez et Ollanta Humala, ce sont, selon lui, deux ex-officiers putschistes et deux soit métis d’indien, d’européen et d’Africain pour Chavez, et d’indien pour Ollanta. Mais en Europe, cela deviendra Chavez qui intervient au Pérou, il est vrai que celui-ci ne cache pas ses sympathies. Dans son dernier meeting, Alan Garcia a opposé « changement responsable » et « pain et liberté pour tous » à « à la haine et la violence » attribuée à son adversaire Ollanta Humala, accusé de vouloir faire du Pérou « une colonie du Venezuela » et être financé par les pétrodollars d’Hugo Chavez. Mais on relevait la présence du Chilien Luis Avala secrétaire général de l’Internationale socialiste, et Trinidad Jimenez, secétaire aux Relations internationales du Parti socialiste ouvrier espagnol de Zapatero. Ce qui bien sûr ne saurait être considéré comme une intervention dans la campagne. Ce peut être considéré comme une saine atmosphère démocratique, dans une élection démocratique dont le candidat de droite a été éliminé au premier tour. Mais là où l’affaire est plus obscure, c’est de savoir pourquoi Fujimori, l’ancien chef d’Etat péruvien, une franche canaille qui avec son chef des renseignements Vladimiro Montesinos, ont non seulement pratiqué une politique néo-libérale, mais sous couvert de lutte contre la guérilla maoïste du sentier Lumineux, torturé, massacré des milliers d’opposants. Ils ont corrompu l’armée, en l’intégrant au trafic de drogue qu’elle était censée éradiquer, et celle-ci a eu tout les droits au dépends de villages entiers. Accusé de corruption et destitué en 2000, il s’enfuit au Japon dont il est originaire. Fait un retour en 2005, par le Chili, où il a quelques amis, il est arrêté et loin d’être remis à son pays, il est libéré et arrive en pleine campagne électorale pour y soutenir en sous main Alan Garcia. On peut toujours imaginer que le gouvernement du Chili, l’Internationale du socialiste, a décidé de fournir un appui supplémentaire à son poulain. Mais Fujimori, l’armée qui travaillait main dans la main avec les services anti-drogue étasuniens, eux-mêmes soupçonnés d’être mouillés dans le trafic, la CIA, tout ce beau monde aux liens étroits et anciens, en cas d’élection d’ Ollanta Humala peut très bien mettre en place un coup d’Etat et l’hypothèque reste entière en cas de mouvements sociaux, face ç la politique d’Alan Garcia.

On remarquera que pour nos médias c’est Chavez qui intervient dans la campagne électorale péruvienne, qui divise la gauche de l’Amérique latine. Les petits saints ou les idiots de l’internationale socialiste n’y seront strictement pour rien en cas de coup d’Etat sanglant.

Si comme on le voit l’intervention extérieure ne provient pas de celui que l’on désigne. On a retourné contre Chavez le projet bolivarien d’unité du contient. Et tandis que se tente de se mettre en place, un front Colombie, Pérou, tout à fait fascisant, on l’accuse du crime que d’autres commettent. On comprend sa colère et sa menace si Alan Garcia était élu de rompre les relations diplomatiques. Les Cubains ont traversé pas mal d’expériences, le Che l’a payé de sa vie. Ils en mesuré les limites en Afrique et en ont tiré la leçon. On doit apporter une aide désintéressée pour soulager la misère des populations, mais tout doit arriver à maturité de manière autochtone, et ce choix gouverne les relations internationales, autant que les relations entre les pays du sud eux-mêmes et leurs gouvernements. Fidel Castro a pesé de tout son poids, comme nous l’avons vu dans DE MAL EMPIRE, pour résoudre par la paix le conflit entre Uribe et Chavez, alors même qu’Uribe s’avère être la tête de pont de toutes les interventions militaires des Etats-Unis et celui qui ne cesse de provoquer des tentatives de déstabilisation permanente du Venezuela. C’est également la critique qu’il retire de l’expérience soviétique. On peut aussi concevoir le discours de Fidel Castro du 17 novembre à l’Université, comme la conscience à la fois des possibles du processus, et de la contre-attaque de l’Empire. Face à l’offensive qui se prépare, la seule arme est la conscience des peuples, et pour Cuba, quelle que soit la situation l’élévation de la conscience du peuple cubain. Elle mûrit au sein d’un peuple, et celui-ci doit tirer de ses expériences, ses choix. Mais nous y reviendrons.

En revanche, cette conscience n’est jamais un renoncement ni pour lui-même, ni pour Cuba, ni pour les peuples du sud, et surtout ni pour Nuestra America, l’Amérique métissée opposée à l’Amérique anglo-saxonne qui veut la soumettre. Mais sa grande réponse est que l’impérialisme apprendra qu’il est difficile de prétendre à gouverner le monde, et qu’il faut rechercher l’unité des pays d’Amérique latine et des pays du sud quel que soit les dirigeants qu’ils se donnent. Il faut profiter de la poussée des peuples pour mettre chacun devant ses responsabilités. Eclairer non par l’insulte, mais par un argument qui dénonce non seulement les Etats-Unis mais l’Europe. Car non seulement elle développe l’idéologie des droits de l’homme, pour couvrir l’intervention nord-américaine, mais elle l’utilise pour diviser les peuples.

C’est toute la méthode cubaine, tirée de son expérience propre autant de l’échec de l’URSS et du socialisme européen, elle est fondée sur l’idée que seule la résistance des peuples est la garantie d’une victoire sur ce qui les opprime, quelle que soit la dissymétrie apparente des forces et que celle-ci est une création autochtone. Mais pour reprendre l’expression de Marx, le capitalisme est son propre fossoyeur. Cela dit il faut sans cesse lutter contre les germes de division qu’il développe et utilise, c’est là encore le sens de son discours à l’Université.

Et tandis que, tant en Amérique latine, qu’en Europe, une gauche convaincue qu’il n’y a pas d’autres issues que la soumission à l’ordre néo-libéral fait campagne au cour du processus pour cette logique que soutient très logiquement la gauche européenne, au nom des menaces sur la démocratie, monte en France comme au Chili, la contestation de la rue, presque sur les mêmes thèmes. Ce sont les pauvres des pauvres, les indiens mapuches qui se révoltent contre l’ordre colonial dans leur propre pays, c’est une formidable vague de contestation étudiante qui s’amplifie.

Alors que le gouvernement social démocrate Chilien réprime les Indiens Mapuche qui résistent, alors qu’il intervient avec succès dans les élections péruviennes, il doit faire face à une vague de contestation étudiante. 600.000 jeunes sont mobilisés soit la moitié des établissements. Malgré l’appel à ne pas sortir des lycées , les jeunes ont manifesté dans les rues, Ils ont subi la répression avec gaz et lances à incendies, il y a eu 14 blessés dont des journalistes de presse et 509 personnes arrêtées. Les étudiants réclament l’abrogation de la loi d’éducation promulguée par Pinochet, qui institue des collèges pour les pauvres et des collèges pour les riches, avec des attributions importantes au privé aux dépends du public et ce sans contrôle. Ils réclament la gratuité du transport scolaire, et des épreuves de sélection à l’Université.

L’affrontement avec les transnationales et l’oligarchie :

S’attaquer en priorité aux problèmes du pays, ce qui d’ailleurs n’empêchera pas l’oligarchie de l’accuser d’être soumis à l’étranger, Cuba et le Venezuela, telle est la conclusion que tire Morales du premier coup de semonce des attentats du 23 mars. On ne peut pas différer car la rapidité est garante de la réussite, nous allons le voir à propos du rapatriement des fonds de capitalisation des retraites, mais aussi de la mise en ouvre immédiate de la réforme agraire. Un plan de réforme agraire qui attribue 24.800 kilomètres carrés de terre de l’Etat et sur 5 ans 200.000 (deux fois le Portugal), suit presque immédiatement une nationalisation des hydrocarbures qui accorde six mois aux compagnies pour renégocier les contrats. Samedi 3 juin 2006, juste après l’échec des négociations entre le Président et les dirigeants des secteurs agricoles, il décide la distribution de terres dont la plus grande partie est en jachère. Dans les plaines de l’est, où 90% des terres cultivées le sont par 50.000 familles alors que les Indiens des plateaux de l’ouest crèvent de misère, sans terre. Cette proposition soulève un tollé chez les cultivateurs prospères rassemblés en syndicats. Ceux-ci diffusent un communiqué : « les perspectives d’un futur meilleur sont gâchés par des actions par des actions basées sur l’idéologie, la politique et l’influence étrangère ». Les conservateurs battus aux élections dénoncent ses liens avec Cuba et le Venezuela. On note le parallélisme avec le contexte de l’élection péruvienne. Ce à quoi Evo Morales répond par une cérémonie sur les lieux mêmes de la contestation, de l’oligarchie, de remise de terre aux Indiens et traite de « Traîtres » ceux qui emploient de tels arguments. Nul doute que l’oligarchie va tenter de répondre par des attaques des paysans, par des assassinats, grâce aux paramilitaires.

Est-ce que nous allons voir surgir la même tentative d’isolement, de division, qu’au Pérou et même en Argentine, au brésil, c’est probable si l’on en croît la « ligne » tracée par Paranagua dans le Monde. Ligne soutenue par les transnationales, qui veulent négocier dans les meilleures conditions.

La décision d’Evo Morales de nationaliser les hydrocarbures de son pays touche autant sinon plus les intérêts européens que nord-américains.

A la tentative de déstabilisation inaugurée dès le 23 mars 2006 par des attentats, il répond par une accélération du processus, la nationalisation des hydrocarbures touche l’Europe et le Brésil. En effet, Quelque 26 multinationales dont Total, Repsol (Madrid : REP.MC – actualité) -YPF (Espagne), Exxon (Etats-Unis), British Gas (GB),Petrobras (Brésil), sont visées par le décret de nationalisation qui leur impose de remettre la propriété des gisements et l’exploitation à la compagnie publique bolivienne YPFB. Les groupes ont 180 jours pour revoir les conditions de commercialisation du gaz. La Bolivie détient après le Venezuela les deuxièmes réserves de gaz d’Amérique du Sud, estimées à environ 1.550 milliards de mètres cubes. La production de Total dans ce pays s’élève à 21.000 barils équivalant pétrole (bep) par jour, soit 1,2% de la production mondiale du groupe.

En 1997, le gouvernement bolivien, le Président Sanchez de Losada, pur produit des grandes écoles nord-américaine, ultra-libéral, privatise la société nationale des pétroles boliviens YPFB (Yacimentos Petroleros y Fiscales De Bolivia en vendant 51% de ses actions à diverses multinationales étrangères. Mais nous aurions pu prendre l’exemple de l’eau et les méfaits de Suez, ici comme en Argentine, le bras de fer entre cette compagnie et le peuple bolivien, le refus d’équiper les quartiers pauvres de La Paz. Comme nous l’avons analysé dans DE MAL EMPIRE, une véritable démocratie insurrectionnelle s’oppose à ce vol des ressources nationales. « Ainsi les Indiens Ayamira qui vivent dans la ville d’El Alto sont devenus une force expérimentée capable en quelques heures de fermer la capitale La Paz pour empêcher l’entrée et la sortie des véhicules, des marchandises et des personnes. »p.51. En 2003, autour du refus de la privatisation du gaz, ce mouvement qui a bloqué 20 villes fait fuir Sanchez de Losada à Miami. La privatisation s’est accompagnée d’un paiement de royalties parmi les plus faibles du contient 18%. Le mouvement va s’amplifier pour exiger selon la proposition d’Evo Morales qu’il soit porté à 50% et le président Mesa doit s’enfuir à son tour en 2005. L’unité que l’on considérait comme impossible entre les syndicats, les indiens refusant toute participation au jeu politique des « blancs » et le mouvement d’Evo Morales (le Mas) lui-même divisé aboutit à l’élection triomphale dès le premier tour d’Evo Morales. Ce score d’Evo Morales est d’autant plus impressionnant que de nombreux indiens sont encore exclus du jeu politique, comme ils le sont d’ailleurs de la direction des administrations, et du corps des officiers dans l’armée. C’est une des premières choses que s’emploie à changer Morales dès son arrivée. Il est le résultat de la démocratie insurrectionnelle andine contre l’appropriation des ressources. Evo Morales tout en revendiquant son appartenance à la communauté indienne, non seulement culturellement mais dans l’état de misère et de sous développement où elle a été réduite, affirme hautement : « Le problème est de comment répondre au peuple. Non seulement nous sommes Boliviens mais latino-américains ! »

Sanchez de Losada, comme Evo Morales, sont issus d’élections, mais Morales l’est à partir de cette démocratie insurrectionnelle qui a débouché sur une unité, autour de revendications, et son engagement est d’y répondre. Parce que l’insurrection est le droit légitime d’un peuple face à une tyrannie qui viole ses droits à la survie. Spinoza reconnaîtrait parfaitement sa définition de la Démocratie, mais les Indiens des Andes n’ont pas besoin de connaître Spinoza pour aboutir à ce haut niveau de conscience politique, ils sont partis de leur propre situation.

Renégocier le contrat est donc une exigence démocratique. Mieux l’affaire BONOSOL, témoignent de la nature de la réappropriation. Le gouvernement bolivien et les transnationales, face à l’émotion de la privatisation avaient créé un « Fonds de capitalisation collective » (FOC) en y versant les 49% des actions qui n’avaient pas été cédées et avec les dividendes desquels chaque Bolivien avait droit à percevoir à partir de 65 ans un bon de retraite. (1) (BONOSOL) Cela dit, selon les statistiques du CEPAL, l’espérance de vie en Bolivie est de 54 ans, parmi ceux qui survivent à l’hécatombe enfantine, un quart des hommes décède avant 63 ans. La logique veut que les couches les plus pauvres n’accèdent jamais à ce fond de solidarité. Autre spécificité de cette « retraite », comme il s’agit d’un fond de capitalisation, il n’est pas géré par la Bolivie mais par deux banques européennes, l’une espagnole, la BBVA, (Banco Bilbao Vizcaya argentaria) l’autre suisse,ZFS (Zurich Financial Services) avec deux gestionnaires de fond également espagnol et suisse : Prevision Bolivia et ZFS Futuro . Les fonds sont constitués pour 18 millions de dollars d’actions d’Andina (filiale de la société espagnole Respol), Chaco (filiale du groupe BP), Transferedes (filiale d’Eron et de Shell).

Donc quand le premier mai 2006, Evo Morales nationalise YPBF, le gouvernement bolivien se trouve détenir de droit 48% du capital d’Andina et chaco et 34% de Transredes. Il négocie avec les dites sociétés pour acquérir de quoi être majoritaire.

Le gouvernement bolivien demande à BBVA et à ZFS le transfert immédiat de ces actions sur ses comptes. Non seulement le ministre de l’Economie espagnole n’est pas content, mais la presse espagnole dont le journal de référence El Païs, commence à dénoncer la brutalité de Morales, le danger que cette brutalité fait peser sur « le processus démocratique » en cours en Amérique latine, en appelle au Brésil lui aussi « spolié », c’est dans un tel contexte qu’il faut analyser l’article de l’inénarable Paranagua, le spécialiste de l’Amérique latine dans le chapitre suivant sur l’illusions médiatique.

Le gouvernement Bolivien tient bon et les banques opèrent le transfert de 670 milliards de dollars, il y a eu malheureusement par suite de « difficultés boursières » une évaporation de 66 millions de dollars depuis 97. L’opération a été faite rapidement avant que ne se déclanche les mécanismes habituels de blocages des comptes d’un gouvernement décidé « dictatorial » par les vertueux occidentaux. On voit que si les Etats-Unis agissent de plus en plus vite, ne laissant pas le moindre temps de latence aux gouvernements pourtant démocratiquement élus. Puisque dès le 23 mars, les artificiers de l’Empire lançaient une vague d’attentat sur LA PAZ qui faisait 2 morts civils et ce en réponse à la déclaration des trois ministres de l’éducation nationale, le cubain, le vénézuelien, le 20 mars de lancer un programme d’alphabétisation d’un million de Boliviens, non seulement en espagnol mais en langues indiennes. Cette méthode Yo si puedo est cubaine, mais elle a déjà fait ses preuves au Venezuela qui est désormais après Cuba, le deuxième pays du continent à être alphabétisé. Donc ces attentats, pour lesquels un nord-américain a déjà été arrêté sont pour tout un continent le signe que le processus de déstabilisation est commencé. Evo Morales en a appelé à la mobilisation de la population, et opéré la nationalisation en y associant une armée dont l’instabilité est traditionnelle.

Chacun doit apprendre, selon la méthode cubaine à réagir très vite, à occuper le terrain, ce qui revient à la méthode de Zu TZU, le stratège chinois : l’art de la guerre est de la gagner sans avoir à combattre, surtout quand la dissymétrie fait désormais partie des données incontournables de l’affrontement.

Mais il s’agit également non seulement d’aller vite, mais de s’intégrer dans l’unité à d’autres stratégies en fonction d’un ennemi commun, celle de l’endiguement. Y compris s’il le faut avec le diable, à savoir Uribe, le président de la Colombie qui est la tête de pont des Etats-Unis en Amérique du Sud, comme Vincente Fox, l’est en Amérique centrale, en nettement plus capable de recourir à la force armée contre ses voisins. Donc on assiste à des espèces de ballets, des alliances temporaires, des traductions immédiates de pression US, qu’il est difficile de décrypter. Cependant on peut dire sans crainte de se tromper que partout la déstabilisation est entamée.

Au vu ce ces pressions on mesure que l’émergence du socialisme comme alternative de rupture à l’ordre social existant se réalise en Amérique latine non dans l’abstrait mais parce que la volonté de souveraineté y est interdite même pour ceux qui acceptent plus ou moins la logique néo-libérale, tentent dans ce cadre contraignant des réformes visant à l’appropriation de leurs ressources.

Ceux qui tendent vers l’option socialiste ne prétendent pas pour autant imposer aux autres leur propre chemin. Ce n’est pas simplement un choix tactique, mais comme le dit Fidel dans son discours, on ne peut pas donner de conseil, chacun sait jusqu’où il peut aller, c’est lui qui risque sa vie dans ce combat. Cette conscience désormais dépasse l’Amérique latine, elle crée l’union avec des peuples que hier tout aurait pu séparer mais qui ont le même savoir sur ce que peut faire l’ennemi, par exemple les Iraniens, et d’autres peuples du Moyen Orient. La cohésion du groupe qui cherche une intégration autonome repose sur ce respect mutuel des choix nationaux au niveau des gouvernements. Chavez intègre le MERCOSUR sur les bases de cette organisation et dans le même temps signe l’ALBA avec Cuba et la Bolivie. Mais il faut bien mesurer que ces stratégies à géométrie variable correspondent à une politisation accélérée des peuples latino-américains. Comme les rébellions contre les politiques néo-libérales, le refus de l’ALCA a précédé le passage des gouvernements à gauche, aujourd’hui toute l’Amérique latine discute des mesures à prendre. Un donné que l’on a également tendance à occulter est que la plupart des gouvernements, en particulier celui de Lula au Brésil, ont besoin du soutien de Chavez, de Castro, face à des couches populaires déçues par l’absence de résultats concrets et qui ont tendance à se radicaliser. L’affrontement avec les USA nécessite ce soutien populaire. Et Cuba, soumis au blocus, doit plus que tout autre affronter la contradiction, refuserl’ordre impérial,c’est l’asphyxie économique, voir le massacre des populations, donc tabler sur le désespoir, le découragement, le sauve qui peut individualiste dans la survie au jour le jour.

Pour que le panorama soit complet, il faut encore noter brièvement que dans le reste du monde, dominent soit des stratégies étatiques en vue d’opposer un monde multipolaire à celui unipolaire de « l’Empire », comme dans le cas de la Chine, et même de l’Inde, voir de la Russie, soit des résistances héroïques mais sans grandes perspectives politiques comme au Moyen-orient. Encore que avec le cas de l’Iran, est en train de surgir à la croisée de la lutte des peuples et des stratégies multipolaires, une nouvelle forme de résistance. Le cas de l’Europe et de l’agglomérat non unifié de nations qui la composent doit être analysé dans ce contexte géostratégique.

Nous sommes dans une période caractérisée à la fois par la domination sans rivale des Etats-Unis, la vassalisation de ses alliés en particulier les européens à travers le néo-libéralisme, et la tendance au déclin, la perte d’influence réelle du système sur la planète. Et pourtant ce qui surgit se retrouve dans un monde disloqué, asphyxié par des décades de destruction, avec un impérialisme encore plus impitoyable qu’il ne l’a jamais été.

Il faut donc démêler l’écheveau complexe de cette phase de l’impérialisme dans laquelle émerge à nouveau le socialisme comme une alternative, une lueur fragile, montée des résistances multiformes, poussée des Etats vers un monde multipolaire, l’Empire est au fait de sa puissance et pourtant se décompose, s’effondre sur lui-même. A la parousie néo-libérale des années quatre-vingt, à la toute puissance des Etats-Unis, succède le constat de l’impossibilité de poursuivre dans cette voie mortifère. Il ne s’agit pas d’une idéologie, mais d’une situation bien réelle à laquelle se trouvent confrontés les peuples, c’est le sort de l’humanité et de la planète qui se joue. Les peuples du sud ne sont pas seuls à ressentir l’onde de choc du néo-libéralisme, le sud est à l’intérieur du nord, physiquement si l’on considère les vagues d’immigration qui déferlent, mais aussi en tant que processus engendrant une dégradation du salariat, chômage, remise en cause des protections sociales, aggravation des inégalités, la situation de la jeunesse à qui est demandé l’ajustement à ces nouvelles conditions, témoignant particulièrement de l’ampleur de la crise interne du monde développé.

Notes

(1) il faut également considérer la politique monétaire, l’alignement de la monnaie nationale sur le dollar, voir la dollarisation pure et simple de l’économie.

(2) En France nous n’avons rien su ou si peu de la manière dont des multinationales françaises comme Suez, ou même EDF ont été convaincues de véritables prévarications, allant jusqu’à faire payer des services qu’elles ne rendaient pas, achetant des hommes politiques, etc. Résultat quand le Président français en mai 2006 va faire une tournée en Amérique latine, comme un véritable VRP des multinationales, il évite l’Argentine. Suez a été nationalisée par le gouvernement argentin, les quartiers populaires de Buenos Aires baignent littéralement dans les eaux usées et les excréments, les habitations sont rongées par l’humidité, faute d’avoir été équipés comme cela était inscrit dans le cahier des charges et financé. Suez a porté plainte, elle exige des indemnités et mobilise ses avocats pour pressurer un peu plus le pays.

(3) Qiao Liang. Wang Xiangsui. La guerre hors limite. 1999 édition chinoise. 2003 édition française Payot.Rivage

(4) Danielle Bleitrach. Viktor Dedaj, Maxime Vivas. Les Etats-Unis DE MAL EMPIRE. Ces leçons de résistance qui viennent du sud. Aden éditeur. 2005

(5) Nous remercions Bernard Genet (COMAGUER) qui à travers l’énorme travail accompli dans l’élaboration de son bulletin sur internet , autant que dans ses émissions sur radio Galère (Marseille) non seulement apporte des informations qui n’apparaissent jamais dans les médias, mais les assortit d’une analyse qui éclaire les enjeux.



Articles Par : Global Research

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