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L’Italie coupable de la mort de 63 personnes alors que l’OTAN bombardait ce jour là la Libye
Par Cinzia Gubbini
Mondialisation.ca, 04 avril 2012
4 avril 2012
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Rome

Coupables. Coupables de la mort de 63 personnes, dont deux enfants et vingt femmes. Morts de faim et de soif. Morts parce que tout le monde a préféré « regarder ailleurs ». En particulier l’Italie (et la France, ndt). Et l’OTAN, engagée ces jours-là dans le bombardement de la Libye. Ecrit en toutes lettres par le Conseil de l’Europe, qui a présenté hier à Bruxelles le rapport de la Commission Migrations à propos d’une embarcation qui a dérivé en Méditerranée à la fin de mars 2011. Il manifesto aussi s’était occupé de cette affaire, en interviewant un des neufs survivants. Récit tragique, désespéré : ils étaient partis le 25 mars de Tripoli, avaient dérivé pendant 15 jours. De cette embarcation était parti un appel téléphonique à Don Mussei Zerai, président de l’Agence Habeshia pour la coopération au développement, qui avait essayé de donner l’alarme de toutes les façons possibles. Alarme qui était arrivée à qui de droit, mais sans aucune conséquence. Le rapport du Conseil de l’Europe, par les soins de sa rédactrice, Tineke Strink, reprend tous les éléments de cet épisode. Le message à Zerai est relancé et recueilli par le Centre italien de coordination du sauvetage en mer qui pendant au moins dix jours le met en onde, avisant les navires et avions qui sont en train de scruter cette zone maritime, prise à ce moment-là dans la mission Unified protector, sous commandement OTAN. «Bien que la zone se trouvât sous haute surveillance militaire, rien n’a été fait », a dénoncé Strink. «L’hypothèse la plus probable est que tout le monde savait et que tout le monde a regardé ailleurs pour ne pas avoir à se coltiner la responsabilité de donner refuge aux migrants ». A coup sûr –c’est la thèse du Conseil de l’Europe- l’OTAN savait, de même que le navire italien Borsini qui se trouvait à 37 miles de la barque et le navire espagnol Mendez Nunez qui était encore plus proche, à 11 miles seulement. Tous deux pourvus d’hélicoptère. Comme savait aussi l’hélicoptère français  qui avait le premier approché les malheureux en leur lançant quelques vivres et de l’eau, avec la promesse jamais tenue qu’il allait revenir.

Un film d’horreur. Le rapport sera discuté en Assemblée générale du Conseil de l’Europe le prochain 24 avril. Mais l’Organisme, qui rassemble 47 pays européens, veut la justice et a demandé à l’Otan de diligenter auparavant une enquête interne (interrogée par il manifesto, l’OTAN avait annoncé la présentation d’une dénonciation contre l’armée française).

 Et en Italie ? Pas de réactions éclatantes, bien que l’accusation soit si grave et inédite qu’elle devrait agiter les plus hautes sphères. Au lieu du gouvernement, c’est le ministre de la Coopération seulement qui a pris la parole pour dire que « l’Italie prendra ses responsabilités ». Ce qu’a dit aussi le président du Sénat Renato Schifani qui était aujourd’hui (30 mars 2012) présent à Bruxelles. Laura Boldrini, porte-parole de l’Agence onusienne pour les réfugiés, a souligné combien la dénonciation du Conseil était fondamentale parce qu’elle rétablit « le principe du sauvetage en mer ». Qui semblait inviolable jusqu’à il y a quelques années. Et qui est par contre aujourd’hui ignoré même par les armées.

Edition de 30 mars 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120330/manip2pg/07/manip2pz/320398/  

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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