La campagne digne de McCarthy des médias américains pour la guerre contre la Russie

La population américaine est soumise à un barrage furieux de propagande des médias et de l’establishment politique visant à ouvrir la voie à la guerre.

La campagne a été fortement intensifiée cette semaine, à commencer par la publication mercredi d’un article de une dans le New York Times. S’appuyant entièrement sur des sources non identifiées et des preuves douteuses et concoctées, il a été présenté comme preuve définitive du piratage par la Russie des courriels du Parti démocrate et du fait qu’elle mènerait une « cyberguerre » contre les États-Unis.

Ces allégations ont été suivies mercredi par une conférence de presse où le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest a déclaré que certains médias aux États-Unis, en faisant des reportages sur les courriels du Parti démocratique publiés par WikiLeaks, « sont devenu essentiellement des bras des agences de renseignement russes ».

Jeudi, Earnest a déclaré que le président élu Trump avait encouragé « la Russie à pirater son adversaire parce qu’il pensait que cela aiderait sa campagne ». Plus tard ce jour-là, le président Obama a menacé de prendre des représailles contre la Russie, déclarant à la radio publique nationale NPR : « Je pense qu’il n’y a pas de doute que lorsqu’un gouvernement étranger tente d’influer sur l’intégrité de nos élections, il nous faut agir et nous le ferons ».

Ces commentaires belliqueux de l’administration Obama ont été accompagnés d’éditoriaux dans les principaux journaux américains et internationaux qui dénoncent la position accommodante de Trump envers la Russie et réclament une réaction plus agressive à ces prétendus piratages. Les reportages, s’appuyant sur des rapports de fonctionnaires anonymes des services de renseignement, proclament avec une urgence exagérée que le président russe Vladimir Poutine a directement ordonné et supervisé le piratage.

Le Times a continué sur le thème de son article incendiaire avec un éditorial jeudi qui a pratiquement accusé le président nouvellement élu d’agir comme un agent russe. « Il ne peut y avoir de plus grand “idiot utile”, pour utiliser l’expression de Lénine, qu’un président américain qui ne sait pas qu’il est manipulé par une puissance étrangère rusée », a déclaré le Times. L’éditorial définit la Russie comme « l’un de nos adversaires étrangers les plus anciens et les plus déterminés », ajoutant que « l’ingérence du Kremlin dans les élections de 2016 » justifie des « mesures de rétorsion ».

Les déclarations du Times et d’autres médias combinent tous les éléments nocifs du maccarthysme des années cinquante, en remplaçant l’Union soviétique par la Russie capitaliste : dénonciations hystériques de la Russie « rusée », mensonges sans vergogne et attaques contre des opposants nationaux comme espions, traîtres et agents de gouvernements étrangers.

Il y a des conflits amers et violents au sein de l’État, et une faction de l’appareil militaire et de renseignement est déterminée à ce qu’il n’y ait pas de recul sur la confrontation agressive avec la Russie. C’est lié à la colère générée par la débâcle de l’opération de changement de régime conduite par la CIA en Syrie. Trump a truffé son cabinet de généraux et envisage une escalade massive de la guerre, mais il a également indiqué une préférence pour un plus grand accommodement avec la Russie.

À la base de ce conflit interne à la classe dirigeante, il y a un effort concerté pour intimider politiquement le peuple américain afin qu’il soutienne une nouvelle escalade militaire, au Moyen-Orient et contre la Russie elle-même.

La campagne de propagande alléguant l’ingérence russe aux élections américaines se fait en parallèle d’une blitzkrieg médiatique qui lui est liée, affirmant que les troupes gouvernementales syriennes, soutenues par la Russie, mènent des massacres en reprenant la ville syrienne d’Alep.

L’éditorial principal du Times, jeudi, « Les Destructeurs d’Alep : Assad, Poutine, l’Iran », déclare : « Après avoir appelé M. Assad à “s’écarter” en 2011, M. Obama n’a jamais été en mesure de le faire ; et il se peut qu’il n’ait jamais été à même d’y parvenir, du moins à un coût acceptable pour le peuple américain ». L’article principal de la une du Times de jeudi déplore le fait que les efforts visant à mobiliser le soutien du public pour l’intervention militaire américaine en Syrie n’ont pas eu autant « d’écho » que dans les précédentes campagnes de propagande.

La presse internationale s’est associée à cette hystérie. Un article d’opinion dans Der Spiegel allemand se plaint amèrement du fait que « Obama ait cherché une solution diplomatique, pas une solution militaire » à la crise en Syrie. Cela « l’a rendu populaire, aux États-Unis et ici [en Allemagne] », déclare l’article, mais il ajoute que cette « attitude moralisatrice est fausse ».

Il n’y a rien de nouveau dans de telles campagnes de propagande médiatiques. Sans exception, elles ont précédé toute aventure militaire sanglante : les tentatives de blâmer l’Afghanistan pour les attentats terroristes du 11 septembre à la veille de l’invasion de ce pays en 2001 ; les affirmations mensongères sur les « armes de destruction massive » avant l’invasion de l’Irak en 2003 ; et les reportages sur un massacre imminent de civils à Benghazi qui ont précédé le bombardement américain et la destruction de la Libye en 2011.

La différence maintenant, cependant, c’est que cette campagne est dirigée non contre une ancienne colonie pratiquement sans défense et appauvrie, mais contre la Russie, deuxième puissance nucléaire du monde. Aucun des personnages responsables de cette campagne ne veut expliquer comment une guerre contre la Russie devrait être menée, combien de personnes mourraient et comment une telle guerre pourrait éviter un échange nucléaire menant à la destruction de la civilisation humaine.

Derrière les manchettes et les éditoriaux vitupérants, des mesures concrètes sont prises pour préparer la guerre à une échelle sans précédent depuis 60 ans. Plus tôt cette année, le chef d’état-major de l’armée américaine, Mark A. Milley, a déclaré à l’Association de l’armée américaine que les forces armées doivent se préparer à des guerres contre de grandes puissances, qui seront « très mortelles, sans commune mesure avec les conflits que notre armée a connu depuis la Seconde Guerre mondiale. »

La campagne qui s’est développée au cours des deux dernières semaines dévoile clairement ce qu’aurait été la politique d’un gouvernement Clinton. Le Parti démocrate et les médias qui lui sont alliés ont fondé leur opposition à Trump non sur le fait qu’il ait perdu le vote populaire par près de trois millions de voix, ni sur le fait qu’il nomme un cabinet dominé par des milliardaires réactionnaires, des banquiers, des dirigeants d’entreprises de droite et des généraux, mais sur l’accusation qu’il est « accommodant » envers la Russie. C’est-à-dire que le Parti démocrate a réussi à attaquer Trump par la droite.

Quelle que soit l’issue du conflit au sein de l’État, la classe dirigeante américaine se prépare à la guerre. La dissolution de l’URSS il y a 25 ans a été saluée par des déclarations exaltées d’une ère de paix perpétuelle où un monde sous l’hégémonie incontestée des États-Unis serait libéré des guerres qui ont affligé l’humanité au XXᵉ siècle. Maintenant, après un quart de siècle de conflits régionaux sanglants, les déclarations glaçantes de la presse montrent clairement qu’une nouvelle guerre mondiale est en train de se tramer.

Chez de larges sections de travailleurs et de jeunes, il existe un scepticisme profond envers les mensonges du gouvernement et une hostilité à la guerre. Cependant, cette opposition ne peut trouver aucun écho au sein d’aucune faction de l’élite politique. La construction d’un nouveau mouvement anti-guerre fondé sur l’unité internationale de la classe ouvrière, contre le capitalisme et tous les partis politiques de la classe dirigeante est une tâche urgente.

Andre Damon

Article paru en anglais, WSWS, le 16 décembre 2016

Photo : Josh Earnest



Articles Par : Andre Damon

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