La chance de naître sanglier

Il existe de nombreuses façons d’infliger aux animaux des pratiques anthropomorphiques dégradantes : qui met un gilet au caniche, qui parle de foot avec son perroquet, ou qui, comme le braconnier arrêté hier sur la route qui descend des montagnes sardes du Marganai, préfère installer le sanglier qu’il vient de capturer sur le siège du passager. Les carabiniers l’ont trouvé vivant, pattes et groin bien attachés. On ne sait pas s’il avait la ceinture, mais il est probable que l’homme au volant  était en train de lui raconter sa vie, heureux de ne pas avoir à subir les interruptions de sa femme. D’où la verbalisation pour « mauvais traitements à animaux », ainsi que « détention de faune sauvage vivante sans autorisation » (nous craignons que le fait que la faune fut « vivante » ne soit une circonstance aggravante). Après les inspections rituelles, le sanglier a été promptement réexpédié dans ses montagnes. Où, de toute évidence, les agriculteurs ne sont pas un lobby suffisamment en folie, sinon ils les auraient déjà tous tués, les sangliers. Plutôt moins photogénique que l’ourson Knut, le sanglier sarde n’a même pas couru le risque de devenir une ligne de peluches. En somme, il s’en est tiré royalement, hier. En regard des poulets (1 sur 4, selon une recherche de l’Union européenne, est affecté de salmonelle, mais il n’est pas libre d’en mourir) ou des 700 animaux séquestrés par les Eaux et Forêts en Lombardie (faucons, aigles, hermines et cerfs transformés en trophées à cornes et cadavres farcis avec une férocité taxidermique). Pour les papillons rarissimes des Iles Salomon, ça n’a pas bien tourné non plus : ils auraient pu s’envoler en toute félicité avec le tsunami et, au contraire, ils sont tous morts pendant leur voyage vers la Serbie, en bons migrants clandestins. Le trafiquant qui les attendait aura pleuré un petit peu (restent les «papillons », les traites, que Belgrade doit signer en échange d’un coin sous les combles, pour l’Europe). Sans parler des centaines de civils tués à Mogadiscio la semaine dernière : hier ils seraient à coup sûr re-morts, d’envie pour le sanglier. Aucune loi sur les droits des animaux n’aurait jamais pu les sauver, dans ce monde bestial.

Edition de mercredi 4 avril 2007 de il manifesto


Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



Articles Par : Marco Boccitto

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