La décomposition de l’Empire américain

Maître de la défaite

Région :

« Washington en est réduit à regarder d’autres puissances modifier le réel. »  Financial Times, 25 août 2008

Où que l’on porte son regard, la politique impériale des Etats-Unis subit des défaites militaires et diplomatiques de grande ampleur. Avec le soutien du Congrès Démocrate des Etats-Unis, la poursuite par une Maison-Blanche républicaine d’une approche militaire du meccano de l’Empire a conduit à un déclin d’ampleur mondiale de l’influence américaine, au réalignement d’anciens régimes-clients sur des adversaires de l’Empire (américain), à l’émergence d’hégémons concurrents et à la perte de sources vitales de matières premières stratégiques. Les défaites et les pertes n’ont (pourtant) en rien douché l’enthousiasme des stratèges, ni mis un terme à une frénésie d’édification d’un empire.

Au contraire : tant la Maison-Blanche que les membres actuels du Congrès ont adopté un durcissement des positions militaires, réitéré un style agressif de politique et une dépendance accrue vis-à-vis de l’outremer, ainsi qu’une posture belliqueuse visant à distraire le peuple américaine de la dégradation de ses conditions de vie. Tandis que le coût économique et politique d’entretien de l’Empire ne fait que s’accroître, tandis que le gouvernement fédéral alloue des centaines de milliards de dollars à un secteur financier mité par les crises et opère des coupes de plusieurs dizaines de milliards dans les taxes sur les profits des entreprises, afin d’essayer d’éviter les faillites et la récession, c’est l’ensemble du fardeau économique qui est supporté par les salariés, sous la forme d’un niveau de vie déclinant, tandis que douze millions d’ouvriers immigrés sont en butte à une sauvage répression de l’Etat.

Les échecs outre-mer et les crises à l’intérieur, toutefois, n’ont abouti à l’apparition d’aucune alternative progressiste : les bénéficiaires en sont les concurrents des Etats-Unis, outre-océan, et l’élite américaine. Dans une large mesure, là où des majorités de l’opinion publique ont exprimé un désir (voire, ont réclamé à cor et à cris) des alternatives progressistes, elles ont été rembarrées par des représentants politiques liés à des idéologues militaristes et aux élites entrepreneuriales.

Paradoxalement, les défaites et le déclin du meccano d’empire américain sous emprise militaire se sont accompagnés du reflux des mouvements anti-guerre en Amérique du Nord et en Europe occidentale, ainsi que du déclin vertigineux des partis et des régimes politiques opposés à l’impérialisme US dans les capitales de tous les pays capitalistes avancés. Autrement dit, les défaites subies par l’Empire états-unien n’ont pas été produites par la gauche occidentale, et elles n’ont par conséquent produit aucun « dividende de la paix », ni même des conditions de vie améliorées, pour les classes laborieuses ou pour les paysans. Pour autant qu’elles aient bénéficié à quelqu’un, c’est essentiellement à des pays aspirant depuis peu à l’impérialisme économique, comme la Chine, la Russie ou l’Inde, ou encore à de riches pays pétroliers du Moyen-Orient, mais surtout parmi à un vaste ensemble de pays exportateurs de ressources agro-minérales, comme le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Iran, qui se sont taillé de confortables « niches » économiques dans leurs régions respectives.

La croissance et l’expansion outre-mer des nouveaux pays bâtisseurs d’empire(s) économique(s), ainsi que leurs classes dirigeantes agro-minéralo-financières (à la possible exception du Venezuela) ont grandement bénéficié à une minuscule élite ne comprenant jamais plus d’un cinquième de leur population générale. Le déclin relatif de l’impérialisme militaire états-unien et l’ascension de nouvelles puissances impérialistes économiques ont redistribué la richesse et les parts de marché entre pays, mais non pas entre classes, au sein des puissances montantes. Si ce sont les spéculateurs militaristes-sionistes-financiers qui dirigent l’Empire américain, c’est, en revanche, les industriels nouveaux milliardaires, les spéculateurs de l’immobilier et les exportateurs de matières premières agro-minérales qui dirigent les nouveaux empires économiques en cours d’émergence.

Relevons un deuxième paradoxe dans le fait que les forces politiques qui sont en train de dézinguer l’empire américain militaro-centré ne sont pas les mêmes que celles qui bénéficient de la guerre…

Si les résistances irakienne et afghane ayant imposé un coût s’élevant au minimum à trois milliards de dollars au Trésor américain et cloué au sol plus de deux millions de militaires américains en rotation dans ces contrées durant les six années écoulées, ce sont les Chinois, les Indiens, les Russes, les Européens, les classes dirigeantes et financières du pétrole du Golfe qui ont récolté les bénéfices d’énormes dépenses américaines improductives. Si les nouveaux bénéficiaires sur le plan économique sont, dans une large mesure, laïcs, impérialistes et élitistes, les forces politico-militaires qui sont en train de saper et de battre l’Empire militaire américain sont des forces religieuses (islamiques), nationalistes et fondées sur l’adhésion des masses.

Les défaites actuelles du meccano de l’Empire militaire américain ne sont pas le produit de mouvements occidentaux, laïcs, de gauche, de masse. Elles ne se traduisent pas non plus dans une société progressiste ou égalitaire.

Non : en lieu et place, nous assistons à des inégalités économiques criantes se développant à très grande vitesse, dictées par des classes dirigeantes qui font la promo de leurs propres versions « nationales » des stratégies néolibérales à base de liberté des marchés et de stratégies maximisant les profits, à travers l’exploitation économique du travail, de l’extraction jusqu’à l’épuisement des ressources naturelles et du pillage de l’environnement. Tant que les mouvements de masses, les intellectuels et les militants de l’Occident ne se départiront pas de leur passivité et de leur allégeance aveugle vis-à-vis des plus grands partis politiques existants, la défaite du militarisme US restera un fardeau coûteux, assumé par les masses du Tiers-Monde, tandis que les bénéfices afflueront vers les nouveaux impérialistes économiques nouveaux milliardaires, en pleine expansion.

Géographie des défaites et de la Berezina de l’Empire

Le Moyen-Orient : l’Irak et l’Iran

L’ascension du meccano d’Empire à direction militaire aux Etats-Unis a, une fois de plus, mis en évidence son incapacité absolue d’imposer un nouvel ordre impérial. Après six ans et demi de guerre et d’occupation en Irak, les Etats-Unis ont subi des pertes militaires effroyables et des pertes économiques s’élevant à plus d’un demi-milliard de dollars sans avoir pu, pour autant, s’assurer un quelconque gain, ni en matière politique, ni en matière militaire, ni prosaïquement en termes de ressources naturelles. Les pertes entraînées par la guerre ont généré une opposition domestique à l’intervention militaire américaine qui ne cesse de saper la capacité militaire actuelle et future de l’Empire. Il n’est pas jusqu’au chef de pacotille installé par les Etats-Unis à la tête de l’Irak, Al-Maliki qui n’ait osé exiger une date ferme pour le retrait des Etats-Unis. L’autre client des Etats-Unis, en Afghanistan, cette fois, le président Kharzai, a réclamé un droit de regard accru sur les opérations militaires américaines, qui ont tué des dizaines de non-combattants et de civils, ne faisant, de ce fait, qu’approfondir et étendre le soutien de la population afghane à la résistance nationale, qui opère désormais absolument partout en Afghanistan.

Pour ceux, aux Etats-Unis (et en particulier à « gôche ») qui arguaient erronément du fait que l’invasion de l’Irak aurait été « une guerre pour le pétrole » (et non ce qu’elle était en réalité, à savoir une guerre visant à soutenir les ambitions hégémoniques d’Israël), la signature par l’Irak d’un contrat de fourniture de pétrole, pour un montant de 3 milliards de dollars avec la China National Petroleum Corporation, fin août [1], démontre le contraire, à moins que les tenants du « Pas de sang pour du pétrole ! » soient prêts à revoir leur slogan, pour en faire : « Non à une guerre américaine pour le pétrole chinois ! »… Tout au long des six années consécutives à l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, les compagnies pétrolières américaines n’ont jusqu’ici jamais réussi à obtenir le moindre marché pétrolier qui fût digne d’être mentionné.

Les 4 et 5 octobre, la Shell, une des plus grandes multinationales pétrolières du monde, et OMV, une firme énergétique australienne vont parrainer une conférence, à Téhéran, sous les auspices de la National Iranian Gaz Export Company, afin de promouvoir « les opportunités d’exportations de gaz et les potentialités gazières de la République Islamique d’Iran ». Cette conférence n’est qu’un exemple de plus du rôle joué par les majors du pétrole, qui s’efforcent, par des moyens pacifiques, de bâtir leurs holdings transocéaniques (l’ « empire économique »). La plus importante opposition à cette initiative « pétrole contre la paix » de la Shell Oil est venue du principal promoteur judéo-sioniste de l’engagement américain dans les guerres moyen-orientales pour les beaux yeux d’Israël, j’ai nommé l’Anti-Defamation League, qui a fustigé « Big Oil », les « grossiums du pétrole »…

Selon ses deux principaux dirigeants, Glen Lewy et Abe Foxman, « … ces deux firmes sont en train de sponsoriser une conférence avec la compagnie d’Etat du principal pays encourageant le terrorisme et grand violateur des droits humains devant l’Eternel. Mais en sponsorisant comme elles le font une des industries stratégiques de l’Iran – le gaz naturel -, OMV et Shell portent atteinte aux efforts déployés par les Etats responsables (sic) et par de nombreuses entreprises, afin d’isoler l’Iran ».

Le conflit entre Shell/OMV et la principale organisation siono-juive américaine met en évidence le conflit fondamental opposant le meccano de l’Empire économique et celui de l’Empire militaire. Le fait que Shell et OMV aient poursuivi leur préparation de la conférence en Iran démontre que certains secteurs, tout au moins, de l’industrie pétrolière, commencent, enfin, à défier la mainmise des siono-militaristes sur la politique moyen-orientale des Etats-Unis. Après avoir perdu des dizaines de milliards de dollars en contrats pétroliers lucratifs, « grâce » aux politiques dictées par les sionistes, les compagnies pétrolières sont tout juste en train (enfin !) d’ébaucher de premiers pas en direction de la formulation d’une nouvelle politique.

En poursuivant l’agenda israélo/sino-américain de guerres séquentielles et de sanctions contre de riches pays pétroliers musulmans, Washington a perdu l’accès, le contrôle et les profits qui en découlent, à l’avantage de concurrents économiques de taille mondiale, d’une une région particulièrement stratégique.

Afrique

En Somalie, Washington a opté pour l’intervention militaire via le régime éthiopien dictatorial comparse de Meles Zenawi, afin de soutenir le régime fantoche failli et pro-américain d’Abdullah Yusuf. Après près de deux ans, l’Ethiopie et le régime fantoche ne contrôlent qu’à grand-peine que deux pâtés de maisons de la capitale Mogadishu, tandis que le reste du pays est aux mains de la résistance somalie. D’après le Financial Times [2], le régime éthiopien a « exprimé un désir de réduire, voire de cesser, son engagement militaire en Somalie ». Le vassal des Etats-Unis a été défait tant militairement que politiquement, les Etats-Unis ont échoué à garantir un soutien de l’Union Africaine à son occupation par délégation. Dans l’ensemble de l’Afrique, la Chine, l’Union européenne, le Japon, la Russie, ainsi (dans une moindre mesure) que l’Inde et le Brésil ont, tous, réalisé de grandes percées vers la certitude d’obtenir des joint ventures dans le pétrole, les matières premières, les marchés d’exportation et des investissements de grande ampleur (et de très long-terme, dans les infrastructures), tandis que les Etats-Unis soutenaient des commandos séparatistes au Soudan et finançaient le régime corrompu de Moubarak en Egypte, pour un montant annuel de plus d’un milliard de dollars. Non seulement l’empire américain a cédé le terrain, sur le plan économique, à ses concurrents mondiaux, mais il a subi une défaite militaro-diplomatique majeure en Somalie et il a très gravement affaibli son vassal éthiopien, tant politiquement que financièrement.

Asie du Sud

En Asie du Sud, le gouvernant fantoche stratégique des Etats-Unis, le dictateur pakistanais Musharraf a été contraint à la démission – et la coalition électorale, faible et divisée, qui le remplace, n’a pas été capable d’être au niveau de soutien militaire, diplomatique et informationnel qu’assurait Musharraf à la guerre américaine en Afghanistan. La frontière pakistano-afghane est virtuellement un territoire ouvert pour des attaques transfrontalières, pour le recrutement et pour la fourniture en armes des organisations résistantes afghanes. La perte de Musharraf par l’Empire américain ne fait que saper davantage les efforts des Etats-Unis visant à imposer leur avant-poste en Afghanistan.

A travers de fréquentes attaques terrestres et aériennes contre des régions pakistanaises frontalières de l’Afghanistan, la « coalition » Etats-Unis-Otan a multiplié, approfondi et rendue massive l’opposition civile, politique, et aussi l’opposition armée et ce, dans l’ensemble du pays. La soi-disant « élection » du vassal des Etats-Unis, ci-devant seigneur de la guerre et malfrat Asif Ali Zadari, au poste de président du Pakistan, ne contribuera pas, quoi qu’il en soit, à la récupération par les Etats-Unis de leur influence, au-delà d’une élite politique extrêmement restreinte et de cercles militaires extrêmement limités. La recherche et l’extension de leur impérialisme militaire de l’Afghanistan vers le Pakistan par les Etats-Unis les a conduits à une défaite politique d’autant plus sévère dans la population de la quasi-totalité de l’Asie du Sud.

Des généraux et des officiers supérieurs de l’Otan ont reconnu que les ainsi dits « Taliban » ont réorganisé et étendu leur influence dans l’ensemble de l’Afghanistan, qu’ils contrôlent désormais la plupart des voies d’accès aux grandes villes et qu’ils opèrent y compris autour et à l’intérieur de la capitale Kaboul. Des bombardements et des frappes par missiles américains répétés ont généré une opposition quasi-unanime envers le gouverneur de pacotille Karzai. Les engagements de l’un comme de l’autre candidat à la présidence américaine de renforcer considérablement les forces d’occupation en Afghanistan dès qu’il se sera installé aux manettes du pouvoir ne font que prolonger la guerre et approfondir l’affaiblissement de l’empire et économique, ainsi que ses fondations internes.

Le Caucase

La tentative de Washington d’étendre sa sphère d’influence au Caucase, au moyen d’un larcin territorial par son vassal géorgien autoritaire, le président Mikheil Saakashvili, a abouti, en lieu et place, à une profonde défaite des ambitions régionales de ce satrape régional. La sécession politique et l’intégration à la Russie de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie représentent la fin de l’expansion illimitée des Etats-Unis et de l’Union européenne dans cette région du monde – ainsi qu’un recul considérable de ce terrain contesté. L’aventurisme dément de Saakashvili et la destruction de l’économie géorgienne qui en a découlé ont  provoqué un désordre interne généralisé (en Géorgie).

Pire encore : la Géorgie, les Etats-Unis et ses clients est-européens en appellent à des « sanctions » contre la Russie, menacent de saper les pipelines stratégiques approvisionnant en énergie l’Europe de l’Ouest, et de mettre un terme à la collaboration de Moscou à la politique militaire des Etats-Unis en Afghanistan, en Iran et au Moyen-Orient. Si Washington poursuit son escalade dans ses menaces militaires et économiques contre la Russie, celle-ci pourrait fournir à l’Iran, à la Syrie et à d’autres ennemis des Etats-Unis de puissants missiles anti-aériens ultramodernes de moyenne portée. Tout aussi grave : la Russie peut très rapidement se débarrasser de 200 milliards de dollars qu’elle détient sous la forme de bons du Trésor américain, affaiblissant d’autant le dollar et initiant ainsi une débandade mondiale de cette devise.

En Géorgie, comme ailleurs, le meccano de l’empire économique américain accorde la priorité à des larcins faillis d’avance de territoires par un pays vassal de troisième catégorie, au détriment de relations stratégiques, économiques et militaires fructueuses avec la principale puissance énergétique mondiale, qui est aussi son collaborateur crucial dans ses opérations en cours au Moyen-Orient. Tandis que les relations économiques des Etats-Unis avec la Russie s’effritent, en conséquence de leur politique militaire agressive d’encerclement de Moscou – avec des bases militaires américaines en République tchèque, en Pologne, en Géorgie, en Bulgarie, en Roumanie – les bâtisseurs de l’Empire ouest-européen s’abstiennent de proférer des menaces militaires, s’en tenant à une rhétorique virile et au « dialogue », en vue de renforcer leurs relations énergétiques stratégiques avec la Russie…

Moyen-Orient / monde arabe

Au Moyen-Orient, le soutien inconditionnel des Etats-Unis à l’agression militaire israélienne au Liban, en Palestine et en Syrie, ainsi que le soutien américain apporté à des vassaux arabes faibles et ineptes, ont entraîné un déclin vertical de l’influence américaine. Au Liban, depuis la défaite de l’invasion israélienne de 2006, le Hezbollah gouverne littéralement la moitié Sud du pays – et il détient un véto sur le gouvernement libanais, ce qui revient à dire qu’il est en mesure de renverser le gouvernement libanais actuel, vassal des Américains.

A Gaza, les tentatives américaines et israéliennes de s’emparer du pouvoir et d’évincer le Hamas, via leur féal Abbas et leur marionnette Dahlan, ont été déjouées et elles ont fait long-feu, tandis que le mouvement indépendantiste nationaliste palestinien, sous la direction du Hamas, a renforcé son pouvoir.

La velléité de Washington de recouvrer son influence et d’améliorer son image de marque auprès des gouvernants conservateurs et modérés en assurant la « médiation » d’un accord de paix entre Israël et la ‘Palestine’, à Annapolis, en novembre 2007, a été totalement foutue en l’air par la répudiation effrontée et totale par Tel Aviv de toutes les conditions fondamentales mises en avant par l’administration Bush. Washington n’a strictement aucune influence sur l’expansion coloniale sioniste. Au contraire, la politique moyen-orientale des Etats-Unis est totalement soumise à l’Etat israélien, à travers la Configuration du Pouvoir Sioniste et son contrôle sur le Congrès, sur le choix des candidats à la présidence, sur les mass médias et sur les principaux ‘think tanks’ de la propagande.

Les sionistes ont apporté la démonstration du pouvoir qui est le leur en édictant qui pouvait, et qui ne pouvait pas, ne serait-ce que prendre la parole à la Convention Nationale Démocrate, qui a connu – cerise sur le gâteau – une censure sans aucun précédent à l’encontre du président James Carter en raison de ses critiques humanitaires contre la politique israélienne à l’encontre des Palestiniens. L’usurpation siono-israélienne de la politique moyen-orientale des Etats-Unis a entraîné la perte d’investissements, de marchés, de profits potentiels et de partenariats stratégiques pour l’ensemble de l’industrie multinationale du pétrole et du gaz. La fusion politique entre militaristes impérialistes confrontés à la Russie, au prix de relations économiques stratégiques et la poursuite par les militaristes sionistes de l’hégémonie régionale israélienne ont conduit à de multiples aventures militaires pitoyables et, ce, au prix de pertes économiques mondiales terrifiantes.

Le monde occidental

La mise en œuvre de cette stratégie militariste, ainsi que le déclin relatif de l’hégémonie économique ont conduit à des défaites stratégiques et à des échecs, dans le monde occidental. A la fin 2001, Washington défia et menaça de représailles le président vénézuélien Chavez qui refusait de se soumettre à la guerre de Bush contre « la terreur ». Chavez, à l’époque, fit savoir à un représentant particulièrement hargneux des Etats-Unis (Grossman) ceci : « Nous ne combattrons pas la terreur au moyen de la terreur ! ». Moins de six mois après, en avril 2003, Washington soutenait un coup d’Etat militaire foireux contre Chavez et, entre décembre 2002 et février 2003, un lockout économique (qui fit un flop total), à l’initiative des patrons vénézuéliens.

L’échec de la stratégie militariste américaine a dévasté l’armée et les clients de Washington au sein de la classe dirigeante vénézuélienne, et il n’a fait que radicaliser davantage le gouvernement Chavez. En conséquence, le dirigeant du Venezuela a nationalisé le pétrole et le gaz, et il a développé des relations stratégiques avec des pays en compétition, voire totalement opposés à l’Empire américain, tels que Cuba, l’Iran, la Chine et la Russie. En Amérique latine, le Venezuela a conclu des accords économiques stratégiques avec l’Argentine, la Bolivie, l’Equateur, Cuba et le Nicaragua. Tandis que Washington déversait plus de 6 milliards de dollars d’aide militaire sur la Colombie, le Venezuela signait des investissements pétroliers et gaziers, ainsi que des accords commerciaux, avec la plupart des pays d’Amérique centrale et de la Caraïbe, remettant sérieusement en question l’influence de Washington dans ces régions du monde.

Des prix des matières premières exorbitants, des marchés asiatiques en plein boom, des taxes et des subventions américaines inacceptables ont conduit à une relative indépendance des régimes « capitalistes nationaux » de l’Amérique latine, qui ont adopté le « néolibéralisme » sans les contraintes du FMI et sans les diktats de Washington. Dans ces circonstances, les Etats-Unis ont perdu le plus gros de leur influence – mis à part les menaces militaires du régime colombien – dont ils auraient besoin pour inciter l’Amérique latine à isoler Chavez – voire même Cuba. C’est la stratégie militaire adoptée par Washington qui est la cause de son propre auto-isolement.

Les conséquences, outre-mer, de stratégies militaires condamnées à l’échec

L’isolement américain en Amérique latine ne saurait être solutionné, car la poursuite de l’Empire par Washington, via son agression militaire incessante – dans le reste du monde, et en particulier en Amérique latine – ne saurait rivaliser avec les profits, la richesse, les opportunités d’investir et de faire du commerce offerts aux classes dirigeantes d’Amérique latine par les nouveaux marchés en Russie, au Moyen-Orient, en Asie, ainsi que par le Venezuela, un pays riche, grâce à son pétrole.

La stratégie impériale militariste de Washington apparaît très clairement dans sa politique duplice : mise en priorité de la dépense de 6 milliards de dollars en aide à la répression colombienne, tout en sacrifiant pour plus de 10 milliards de dollars en échanges commerciaux, en investissements et profits avec le riche pays pétrolier qu’est le Venezuela. Washington a gaspillé plus de 500 milliards de dollars dans ses agressions contre l’Afghanistan et l’Irak ; des milliards de dollars sont consacrés aux préparatifs d’agression contre l’Iran ; plus de 3 milliards de dollars sont gaspillés annuellement au profit de la soldatesque israélienne ; le tout, sans cesser un seul instant de perdre des centaines de milliards de dollars de commerce et d’investissements croisés avec l’Amérique latine.

L’aspect le plus frappant de cette contradiction historique réside dans le fait que les dépenses militaires inhérentes à un meccano d’empire centré sur l’armée ont échoué, y compris dans leur objectif minimaliste d’acquisition de contrôle politique, d’avant-postes militaires et de matières premières stratégiques du point de vue militaire. Par contraste, les concurrents des Etats-Unis sur le marché globalisé se sont assurés de l’accès à (suivi du contrôle sur) les ressources naturelles stratégiques, et ils ont signés de lucratifs accords de coopération politique sans aucun engagement militaire coûteux…

Les conséquences intérieures d’un meccano d’empire à dominante militaire

Le coût du meccano d’empire sous la houlette siono-militaire, pour l’économie américaine, a été dévastateur : la compétitivité a décliné, l’inflation ronge le niveau de vie, l’emploi en contrepartie de salaires stables et décents est en train de disparaître, le chômage et les licenciements suivent une courbe asymptotique, le système financier est totalement déconnecté de l’économie réelle, et il est sur le point de s’effondrer, les saisies de maisons atteignent des niveaux catastrophiques et les contribuables sont saignés à blanc afin de combler la dette des spéculateurs gagée sur les prêts immobiliers, qui atteint le millier de milliards de dollars. Le malaise politique est général. Au milieu d’une crise d’ampleur mondiale, un Etat policier a étendu son emprise : des milliers de travailleurs migrants, légaux et sans papiers ont été arrêtés sur leurs chantiers et dans leurs usines et détenus dans des camps militaires, loin de leurs enfants. Des associations musulmanes et des associations arabes font l’objet de perquisitions violentes ; elles sont poursuivies en justice sur le témoignage d’informateurs stipendiés, dont des « témoins » israéliens dûment cagoulés.

La police fédérale (étatique, sur l’ensemble des Etats-Unis) et la police locale (particulière à chaque Etat) pratiquent la « détention préventive » de militants et de journalistes avant les conventions en vue du choix des candidats à l’élection présidentielle, arrêtant des protestataires avant qu’ils aient pu exercer leurs droits constitutionnels et détruisant systématiquement les caméras, les appareils photo et les films réalisés par des citoyens essayant d’enregistrer les passages à tabac. L’impérialisme militaire failli amène lentement mais sûrement un Etat policier pléthorique – soutenu tant par les démocrates que par les républicains – afin de tenter de faire face à des crises économiques qui menacent les fondations politiques et sociales d’un empire aux pieds d’argile.

Conclusion

La crise économique, à quelques semaines des élections américaines, n’a pas abouti à l’émergence d’un candidat alternatif progressiste qui fût susceptible de s’appuyer sur les masses. Les compétiteurs, tant démocrate que républicain, promettent de prolonger et d’étendre les guerres impérialistes, et ils se soumettent à un dictat militaire israélo-sioniste sans aucun précédent, en ce qui concerne le contentieux avec l’Iran.

Les crises gigognes et les multiples défaites militaires n’ont entraîné aucune reprise en considération des engagements globaux des Etats-Unis, tant économiques que militaires. En lieu et place, nous assistons à une radicalisation de la droite américaine, qui cherche à aggraver les confrontations avec la Chine, avec la Russie et avec l’Iran. Les Etats-Unis entraînent derrière eux les régimes qui leur sont liges en Europe orientale, au Caucase et dans les pays baltes afin de contrer l’accent mis par l’Europe occidentale sur la dominante « économique » de son propre meccano d’empire.

La réalité, qui est celle d’un monde économique multipolaire, toutefois, sape les efforts américains visant à imposer une confrontation militaire bipolaire. La Chine détient 1,2 milliers de milliards de dollars de la dette extérieure américaine. L’Europe occidentale, de manière générale, dépend de la Russie pour plus d’un tiers de son énergie, pour ses foyers, ses bureaux et ses usines. L’Allemagne en dépend pour près de 60 % en matière de gaz naturel. Les économies asiatiques : Japon, Inde, Chine, Vietnam et Corée du Sud dépendent, toutes, du pétrole du Moyen-Orient et en aucun cas elles ne dépendent des projets guerriers des militaristes israélo-américains au Moyen-Orient… Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, le Venezuela et l’Iran sont des pays absolument essentiels  pour le fonctionnement de l’économie mondiale. Au moins autant que l’axe Etats-Unis-Israël-Royaume-Uni est tout-à-fait incapable de maintenir son empire sur les bases de stratégies militaires foireuses à l’extérieur et d’un désastre économique accompagné d’un état policier chez eux.

Lire l’article original en anglais, Masters of Defeat: Retreating Empire and Bellicose Bluster, publié le 11 septembre 2008.

Traduction et notes: Marcel Charbonnier.

[1] Financial Times, 28 août 2008.

[2] 28 août.2008.



Articles Par : Prof. James Petras

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