La détention arbitraire du physicien Adlène Hicheur se poursuit

Une lettre du Professeur Jean-Pierre Lees

J’ai visité Adlène Hicheur à Fresnes vendredi 22 avril et je l’ai trouvé en petite forme et très démoralisé, probablement suite à l’interrogatoire chez le juge (voir ci dessous) mais aussi peut être à cause de la chaleur caniculaire qui rend les conditions d’incarcération encore plus pénibles. Son avocate, que j’ai eue au téléphone mardi soir après la séance chez le juge avait l’air aussi inquiète sur l’état psychologique d’Adlène qu’elle avait vu pour préparer l’audition. Elle pense que ça devient de plus en plus dur pour lui et c’est aussi mon sentiment. Il a d’autre part pas mal de problèmes de santé et, selon un rhumatologue qu’il a pu consulter, aurait besoin d’infiltrations et de soins en externe, or l’administration ignore toutes ses demandes pour de tels soins malgré les certificats médicaux produits…

Au niveau de l’instruction on peut dire pour résumer la situation que le règne de l’arbitraire et du présumé coupable se poursuit. Le juge a fait part de son intention de ne clore l’instruction qu’en septembre, et d’autre part la cour de cassation a rendu le 15 mars un verdict négatif pour une demande de remise en liberté refusée par la chambre de l’instruction en novembre.

Adlène a fini de remplir et a posté en recommandé avec accusé de réception son dossier pour la cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Interrogatoire chez le juge le 19 avril : le magistrat instructeur refuse de clore l’instruction avant septembre, juste un mois avant la date limite après extension (le renouvellement du mandat de dépôt aura lieu début juin). Comme cela laisse un mois au procureur pour les réquisitions, on peut craindre, en cas de procès, qu’Adlène ne reste bloqué en prison huit mois supplementaires en détention, comme la loi l’autorise. Le point sur lequel Adlène insiste est sa remise en liberté, puisque rien ne justifie la détention provisoire et qu’on ne voit pas en quoi sa liberté pourrait interférer avec la procédure judiciaire. Ayant parfaitement coopéré et répondu sans résultat à toutes les questions jusqu’à présent, Adlène, en accord avec son avocate et compte tenu du traitement qui lui est réservé, a désormais résolu de ne plus parler et refuse de répondre aux questions du juge, comme la procédure lui en donne le droit.

Au niveau de la procédure, on en est encore à l’exploration des dizaines de milliers de fichiers et des traces de fichiers internet, pourtant reconstitués avec la pleine coopération d’Adlène dès la garde à vue. L’abus de l’argument de l’exploitation du disque est encore utilisé au jour d’aujourd’hui pour le maintien en détention et la prolongation de l’enquête alors même qu’une expertise de haut niveau a reconstitué les fichiers voici plus d’un an. Adlène est interrogé sur le contenu de fragments de messages épars disséminés sur une période de plusieurs années et il lui est reproché de ne pas se souvenir de chaque détail. On l’interroge également sur l’effacement de certains fichiers (ce qui pour la police les rend automatiquement suspects). Selon lui, il a simplement, comme tout le monde, fait le ménage de ses fichiers de temps en temps, quand ce n’est pas simplement le ménage automatique du système. Selon Adlène, ces dizaines de milliers de fichiers, traces, etc représentent pour l’instruction des possibilités infinies de distiller l’information au compte goutte pour motiver l’allongement de la détention alors qu’on voit difficilement en quoi la liberté d’Adlène interfèrerait avec la poursuite de l’enquête et l’exploration du disque dur.

Cassation : la cour de cassation a examiné et rejeté l’appel consécutif au refus de la chambre de l’instruction pour une demande de remise en liberté datant de novembre 2010. L’arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011 est publié sur le site Légifrance.

CEDH : Adlène a déposé un dossier de plainte expédié en recommandé avec accusé de réception le 21 avril, après relecture et correction avec son avocate. La plainte porte sur la garde à vue ainsi que sur la détention provisoire arbitrairement longue et qui n’est pas motivée par des arguments précis mais seulement par des généralités (ce qui a déjà entraîné la condamnation de la France dans d’autres affaires) et par l’intitulé du délit (Association de malfaiteur en relation avec une affaire terroriste) et non par son contenu.

Auditions : La famille et les proches ont été entendus pour la première fois par la police à mi-avril, soit après 18 mois d’enquête, sur des éléments « dérisoires »selon Adlène.

Demandes de mise en liberté : Adlène continue à déposer des demandes de mise en liberté chaque mois. La chambre de l’instruction, qui ne se donne même pas la peine de convoquer Adlène pour l’auditionner, en examinera une nouvelle cette semaine.

Jean-Pierre Lees
Le 25 avril 2011.

Voir également : « Adlène Hicheur, toujours en détention sans jugement », 25 avril 2011.

Voir aussi la page du Comité international de soutien à Adlène Hicheur :
http://soutien.hicheur.pagesperso-orange.fr/



Articles Par : Jean-Pierre Lees

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