« La Grèce ne doit pas plier pour démontrer qu’une autre voie est possible »

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« La Grèce est à un tournant », réagit Damien Millet, enseignant, porte-parole France du CADTM, à l’heure où les médias alertent sur un probable « défaut de paiement », faute d’accord avec les créanciers à quelques jours de l’échéance fatidique du 30 juin pour le remboursement de 1,6 milliard d’euros au FMI.

«On ne sait pas sur quoi cela va déboucher, mais une chose est sûre, le FMI et l’UE veulent à tout prix faire comme ils ont fait avant avec d’autres pays: tout bonnement contraindre la Grèce à plier devant leurs exigences, alors même que le gouvernement Tsipras a déjà beaucoup trop concédé. » Si accord il y a, il devra ensuite être ratifié par les Parlements. Ces tout derniers jours sont donc décisifs. Dès lors, il n’est pas surprenant que chacune des parties se livre jusqu’au bout « à un jeu de dupes, tente de faire prévaloir ses capacités de nuisance».

« Le FMI va à coup sûr intensifier la pression, voire rajouter des exigences. La Grèce va continuer à agiter le risque de défaut de paiement avec toutes les conséquences. » Cela étant, la balle est sans doute désormais dans son camp, mais non pas pour céder un peu plus aux pressions, comme l’aurait voulu Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. « Le FMI ne rompt jamais en réalité. C’est pourquoi la Grèce ne doit pas plier pour démontrer qu’une autre voie est possible en s’appuyant notamment sur les conclusions du rapport préliminaire d’audit de la dette qui tombe à point, le 18 juin, pour révéler le caractère illégitime de celle-ci », souhaite D. Millet.

Mais encore faut-il l’expression d’un soutien dans les autres pays d’Europe. L’alliance s’impose « de toutes les forces en opposition aux pratiques du FMI, de la Banque mondiale et de l’UE, affirme-t-il, car la situation de la Grèce met l’opinion européenne devant une alternative : l’espoir d’une rupture avec les politiques d’austérité ou le recul aux lourdes conséquences devant des cas similaires, demain en Espagne, par exemple, ou ailleurs ».

DES MÉDIAS À LA POINTE DE L’INTOX. La presse se déchaîne. Comme à son habitude, les chiens de garde du libéralisme et de l’ordre établi reprennent en chœur: « L’Europe ne doit pas céder. » Le « Grexit », même pas peur pour « le Figaro »: « La Grèce a déjà suffisamment roulé les Européens dans la farine pour qu’on ne lui délivre pas de nouveaux passe-droits. Ruinée du seul fait de son incurie et sauvée au prix d’un effort sans précédent de toute l’Europe, la voilà qui exige tour à tour un effacement de ses dettes. » Le journal belge « De Tijd » avance: « Tsipras doit faire un choix: être l’homme d’État qui sauve son pays, ou un quasi-communiste qui reste fidèle à ses principes mais qui plonge son pays un peu plus dans la misère ? » C’est vrai qu’en matière de misère les Grecs s’y connaissent. Ils peuvent témoigner des avancées sociales que la BCE, la Commission européenne et le FMI leur ont apportées: une production de richesse amputée d’un quart depuis 2010, 27 % de sa population active au chômage, 9 chômeurs sur 10 sans allocation, 2,5 millions de Grecs sous le seuil de pauvreté. Mais les Grecs devraient tout accepter.

Car « partout en Europe la patience » manquerait et « il y a le sentiment croissant que ça suffit! », estime le « Hessische Allgemeine Zeitung». Et pour les Grecs, les Espagnols, les Portugais, les Irlandais ? Leur « Ça suffit » qui rassemble des millions de gens dans la rue et dans les urnes contre les mesures imposées par les dirigeants européens est-il davantage entendu ? La palme revient au quotidien « Die Welt». Dans une formidable réécriture de l’histoire, il accuse la Grèce d’avoir déjà détruit l’ordre européen en 1830! Comment ? En obtenant son indépendance après quatre siècles de domination ottomane, ce qui a déclenché des soulèvements en France, en Italie et en Pologne. Faire tomber l’absolutisme, cet ordre honni par les peuples qui a duré jusqu’en 1848, quelle horreur. L’auteur va jusqu’à remettre en cause la présence de la Grèce dans l’Europe par sa composition ethnique.

Damien Millet 


Damien millet, enseignant, porte-parole france du cadtm (1).



Articles Par : Damien Millet

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