« La guerre au terrorisme est un mythe »

Interview de Webster Tarpley

Webster TARPLEY, historien et journaliste états-unien, travaille sur les formes modernes d’ingérence, en particulier sur l’exploitation de la menace terroriste. Il s’est spécialisé dans l’étude des false flag operations , c’est-à-dire des opérations commandos ou terroristes utilisant de fausses revendications pour provoquer un engrenage conflictuel.

« On ne peut pas comprendre la politique actuelle des États-Unis si l’on mésestime la portée réelle du 11 Septembre. Les attentats du 11 Septembre ont été un coup d’État. La guerre contre le terrorisme est basée sur un mythe et est devenue une religion d’État obligatoire depuis ces événements. La seule façon de lutter contre les néo-conservateurs est de détruire ce mythe. L’ouverture d’une commission de vérité comme celle de Russell-Sartre lors de la guerre du Vietnam pourrait contribuer à le détruire. »
Son expertise de la géopolique est incontestable et sa connaissance des rouages complexes de la politque mondiale nous ont naturellement incités à lui demander son avis sur la situation actuelle. Les questions ont été co-rédigées par ReOpen911 et le site GeoPolIntel qui réalisé une analyse extensive du bouclier ABM. 

Avant d’aborder l’interview proprement dite, M. Webster G. Tarpley, auteur entre autres de l’extraordinaire ouvrage La Terreur Fabriquée, Made in USA [1] nous a demandé de complèter son interview avec le paragraphe suivant.

« Le principal projet américano-britannique du moment est de balkaniser le Pakistan, de façon à ce qu’il ne puisse devenir un corridor énergétique pour la Chine, l’Iran, et le reste du Moyen-Orient, comme on le voit avec le port de Gwadar. La folle escalade de violence en Afghanistan, qui porte la marque d’Obama, n’a de sens que si l’on comprend que le but est de détruire le gouvernement central du Pakistan et de provoquer l’éclatement de ce pays en cinq parties selon le prolongement du plan de Bernard Lewis.

Le Pakistan est un objectif bien plus important que l’Iran. Il y a également un plan américano-britannique pour détruire la chaîne des pays prochinois le long de l’océan Indien. Mais le Sri Lanka a évacué l’armée de la terreur (soutenue par) les États-Unis et le Royaume-Uni : des terroristes ayant leurs quartiers généraux à Londres et connus sous le nom des Tigres tamouls. Comme il était grotesque de voir Kouchner et Milliband (les ministres des Affaires étrangères français et britannique) tenter désespérément de sauver les Tigres tamouls, pour que les bouchers puissent combattre encore !
Les endroits comme le Zimbabwe, le Soudan, la Thaïlande, le Cambodge, le Bengladesh et divers groupes d’îles sont aujourd’hui un champ de bataille entre (l’alliance) États-Unis/Royaume-Uni et la Chine, cette dernière faisant pression en faveur d’un commerce et d’un développement pacifique, et l’alliance États-Unis/Grande-Bretagne tentant de les saborder et de maintenir le Consensus discrédité de Washington contre l’émergence du consensus de Beijing qui rejette l’intimidation impérialiste de type FMI-Banque Mondiale-OMC. » 

ReOpen911 : La lettre d’Obama à Medvedev, demandant aux Russes de négocier l’abandon du nucléaire iranien, ne serait-elle pas le moyen diplomatique d’attiser une nouvelle guerre au Moyen-Orient?

Webster G. Tarpley : Comme je l’ai écrit dans Obama, The Postmodern Coup [2], la politique générale de l’administration Obama est de fomenter des conflits entre l’Iran et la Russie. Ils appellent cela le jeu de la patate chaude – jouant un État ennemi contre un autre, espérant que les deux puissent être endommagés ou détruits au cours du processus. Le régime Obama voudrait pousser la Russie dans une position d’hostilité envers l’Iran, en jouant sur la crainte de la Russie par rapport à ce que pourrait finalement faire l’Iran avec des armes nucléaires s’il en possédait. Avec des gens comme Poutine et Lavrov, les Russes ne sont pas prêts de tomber dans un tel traquenard. La récente expérience des émeutes et de la mobilisation en Iran est intiguée par des gens de la CIA, une révolution colorée, ou une révolution de velours qui ne semble pas particulièrement bien réussie.
Si une marionnette anglo-américaine venait à prendre le pouvoir en Iran, l’une des premières choses qu’elle ferait serait de couper l’approvisionnement en pétrole de la Chine, car c’est là le principal intérêt des États-Unis et de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient ces temps-ci. Le discours d’Obama au Caire n’est rien de plus qu’une tentative de jouer le monde arabo-islamique du Moyen-Orient contre la Russie et la Chine.

L’Inde est aussi l’un des principaux candidats pour devenir le second couteau eurasien des États-Unis et du Royaume-Uni, mais là encore, les Indiens peuvent s’avérer trop intelligents pour tomber dans ce piège. Tout le monde sait que le Congrès américain a adopté des lois récurrentes demandant le changement de régime en Iran, avec le financement de 400 millions de dollars, et depuis cinq ans et plus Seymour Hersh a décrit dans le New Yorker le rôle actif des équipes d’espionnage et de déstabilisation US en Iran, qui essayent de fomenter des rébellions avec des Arabes, des Azéris, des Kurdes, des Baloutches, des Pachtounes, et d’autres, dans le but final de partitionner et de balkaniser l’Iran, de la même manière que la Yougoslavie et l’Irak l’ont été, et que le Soudan pourrait l’être bientôt. La couleur de la révolution en Iran est en grande partie l’oeuvre du groupe « soft power » (NdT: prônant une politique extérieure « de basse intensité ») inspiré par les écrits de Joseph Nye, et qui comprend les cercles de Brzezinski à la Rand Corporation, ainsi que l’International Crisis Group et d’autres opérateurs qui pour arriver à leurs fins utilisent la gauche comme couverture, les slogans humanitaires, et les droits de l’homme.

Si j’ai bien compris Jacques Sapir, il semble dire que les slogans sur les droits de l’homme ont été si malmenés par les impérialistes occidentaux au service de leurs propres objectifs prédateurs que ces slogans ont étés complètement discrédités en raison de l’hypocrisie et de leur effet « deux poids, deux mesures ». Si ce sont bien les propos de Sapir, ils sont justifiés. Je dirais qu’il est temps de souligner les droits économiques des pays en développement, en commençant par l’industrialisation, le plein emploi, et en mettant fin à la pauvreté, à la maladie, à l’analphabétisme, et à une situation où nous voyons un milliard de personnes souffrant de la faim ou au bord de la famine, selon les derniers rapports des Nations Unies, et probablement 2 milliards de personnes réduits à une existence misérable, disposant de moins d’un dollar par jour. Voilà les vraies questions auxquelles doit faire face l’humanité aujourd’hui.

ReOpen911 : Le plan Gates-Brzezinski prévoit une nouvelle approche avec l’Iran. Si ce plan ne fonctionne pas, les États-Unis peuvent-ils frapper l’Iran avec l’arme atomique comme le précisait Schneider JR?

Webster G. Tarpley : La base tout entière du régime Obama, dans les cercles impérialistes US, est de plus en plus consciente que les États-Unis sont bien trop faibles, bien trop détestés, bien trop en faillite pour entreprendre de nouvelles aventures au Moyen-Orient dès maintenant. C’est pourquoi ils se rétractent en refilant la responsabilité (à d’autres, NDT), en faisant la guerre par le biais de mandataires ou de marionnettes kamikazes, comme la façon dont l’Ethiopie a été jouée contre la Somalie il y a quelques années.

ReOpen911 : Si les États-Unis et la Russie échouent à faire accepter à l’Iran l’arrêt de son programme nucléaire, Israël peut-il frapper l’Iran comme il a frappé l’Irak de Saddam Hussein ?

Webster G. Tarpley : Successivement, Gates, Panetta, Biden et Obama lui-même ont ordonné à Israël de laisser tomber, d’abandonner toute idée d’attaque en solo contre l’Iran, en se coupant de ses alliés. J’ai écrit à ce sujet dans « Barack H. Obama: la biographie interdite ». Je crois que les Anglais sont sur la même ligne. Le sénateur Kerry et Obama ont également dit que l’Iran a droit à un programme d’énergie nucléaire pacifique. Tout ceci renforce l’idée que les USA tentent désespérément de faire de l’Iran une marionnette kamikaze contre la Russie et/ou la chine. Ceux qui persistent à ignorer cette tendance vivent dans le monde tel qu’il était avant décembre 2007, quand les estimations officielles des services de renseignement US annonçaient qu’il n’y avait pas de programme d’armes nucléaires iraniens. Je doute que les Israéliens amorcent une telle attaque. S’ils le font, ce serait évidemment une réelle catastrophe mondiale. Nos ami du Quai d’Orsay devraient faire leur possible pour dissuader Netanyahu & co.

ReOpen911 : Étant donné que les services de renseignement US ont indiqué que l’Iran a stoppé son programme nucléaire militaire depuis 2003, doit-on accepter un Iran avec un nucléaire civil ?

Webster G. Tarpley : Bien sûr, malgré la démagogie belliciste de Sarkozy et de Kouchner sur ce point, quand ils ont essayé de monter au front. Chaque pays a un droit inhérent et inaliénable à la science, à la technologie, à l’industrie et à la production d’énergie moderne, et dans le monde d’aujourd’hui, cela ne peut que signifier l’exploitation pacifique de l’énergie nucléaire. C’était la base de la politique étrangère américaine durant la majeure partie de la guerre froide, l’initiative « Atome pour la paix » de Eisenhower.

Tous les pays du monde qui tiennent à affirmer leur souveraineté et leur droit au développement considèrent désormais sérieusement l’examen d’une application importante de l’énergie nucléaire, à commencer par la Chine, l’Inde, la Russie, la Jordanie, et beaucoup d’autres. Ils suivent en cela l’exemple français très réussi, bien plus éloquent que les discours de Sarkozy. Après les violations massives du régime de non-prolifération, scellé par l’accord USA-Inde sur le nucléaire, les États-Unis n’ont aucun scrupule quand il s’agit d’intimider et de harceler les autres sur cette question.

ReOpen911 : La colonne vertébrale de la politique étrangère américaine en Europe, c’est le Traité ABM et l’élargissement de l’OTAN. Que pensez-vous de cette provocation envers la Russie et du risque de voir s’affronter des alliés européens?

Webster G. Tarpley : L’élargissement de l’OTAN est au mieux inutile et très dangereux dans la plupart des scénarios probables. Quelle personne de bon sens voudrait s’engager à se battre et à mourir pour un individu dément comme Saakashvili, après qu’il a démontré son instabilité mentale lors de son attaque kamikaze contre la Russie en août 2008? Quelle personne de bon sens voudrait être engagée dans la dernière aventure de cette bande de kleptocrates du FMI à Kiev? Lorsque l’Allemagne de l’Est a été ré-intégrée à l’Allemagne de l’Ouest, les États-Unis ont donné des engagements spécifiques à la Russie, à savoir que les forces de l’OTAN n’entreraient pas dans l’ancienne Allemagne de l’Est. Maintenant, elles ont pénétré beaucoup plus loin. Il est temps d’inverser cette tendance. J’invite instamment la France à reconsidérer l’idée de réintégrer la structure de commandement de l’OTAN.

Compte tenu de l’engagement américain dans les régimes instables et agressifs à la porte de Russie, la France court le risque d’être entrainée dans une guerre catastrophique dans le sillage anglo-américain. Ce n’est pas l’avenir d’une grande nation comme la France. Nous pouvons aussi voir qu’une deuxième série de pays provocateurs composée de la Lettonie, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Pologne, de l’Ukraine, et de quelques autres peuvent être jetés dans la lutte contre la Russie pour des questions telles que l’arrêt des livraisons de gaz naturel en Europe de l’Ouest à peu près chaque hiver.

ReOpen911 : À propos du traité ABM, que pensez vous de l’implantation du bouclier anti-missiles dans des pays de l’Europe de l’Est comme la République Tchèque, sans aucun accord du parlement européen? Voir http://fr.rian.ru/world/20081110/118227844.html

Webster G. Tarpley : J’ai à maintes reprises sollicité Obama en public pour qu’il prenne des engagements précis, s’il veut prouver qu’il est vraiment l’ange de la paix qu’il prétend être. Le premier est d’annoncer qu’il n’y aura pas de déploiement de systèmes ABM en Pologne, car ils peuvent être facilement mis en œuvre lors d’une première frappe nucléaire préventive stratégique contre la Russie, jetant ainsi à nouveau le monde dans le contexte explosif de l’ancienne guerre froide. Obama pourrait simplement annoncer : « La crise des missiles polonais ne se produira pas ». L’autre engagement qu’Obama pourrait prendre serait de retirer tout soutien des États-Unis à l’élargissement de l’OTAN. C’est ce que tout Européen sensé exigerait qu’il fasse. Au lieu de cela, nous avions 200 000 fans allemands dupés par Obama à la porte de Brandebourg l’été dernier.

ReOpen911 : Dans ce contexte actuel, comment voyez-vous l’intégration de la France dans l’OTAN, et de sa participation à la guerre contre le terrorisme ?

Webster G. Tarpley : Je recommanderais à la France de ne pas se soumettre au commandement de l’OTAN. Le Président de Gaulle avait absolument raison d’expulser de Versailles les quartiers généraux de l’OTAN et de retirer la France de la structure de commandement de l’OTAN. Cela n’a pas terni les relations amicales franco-américaines, mais a empêché les éléments anarchiques au sein de la structure de l’OTAN de provoquer de sérieux problèmes en France.
Je pense en particulier au général Lyman Lemnitzer qui est monté au créneau avec l’idée de l’opération Northwood lorsqu’il était au Pentagone et qu’il allait devenir le Commandeur de l’OTAN, faisant tout pour installer Gladio en Italie et dans la plupart des pays de l’OTAN. Pour résumer, De Gaulle avait raison, l’Ouest a besoin que la France préserve son indépendance intellectuelle et son aptitude à développer une critique responsable et réaliste sur les excès des Anglo-Américains. C’est ce qu’a fait de Gaulle, et c’est ce que l’on attend des leaders français dans le futur.

ReOpen911 : À propos du 11 septembre 2001, pensez-vous qu’une enquête indépendante puisse voir le jour ? Si oui, serait-elle issue d’une décision de justice américaine ou d’une action internationale comme les « Politics for 9/11 Truth » (Dirigeants politiques pour la vérité sur le 11/9, NDT) ?

Webster G. Tarpley : L’importance du mouvement pour la vérité sur le 11/9 qui a débuté dans la société américaine fin 2006 et en 2007, s’est largement fragmentée jusqu’à devenir impuissante. Tandis que la campagne des élections primaires commençait à rassembler des énergies en 2007, de nombreux anciens activistes du 11/9 ont fait la grave erreur de sacrifier leur propre activité à des politiciens professionnels promettant de faire quelque chose pour enquêter sur le sujet. Dennis Kucinich, candidat de gauche au parti libéral démocratique, a promis publiquement qu’il enquêterait sur le 11/9 tout comme sur l’affaire du B-52 « voyou » survenue en août-septembre 2007, juste après qu’un groupe d’activistes dont je faisais partie ait émis l’avertissement de Kennebunkport, mettant l’accent sur le fait que Cheney était en train de faire une dernière tentative pour amorcer la guerre contre l’Iran. C’était au moment où les Israéliens lançaient leur raid aérien sur la Syrie. Mais Kucinich n’a pas tenu sa promesse. Une section plus grande encore du 9/11 Truth Movement a été engloutie par Ron Paul, le député du Texas et candidat libertaire républicain. Ron Paul n’a pas avancé de telles promesses publiques comme Kucinich l’avait fait, mais il assura en privé les activistes du 11/9 Truth Movement qu’il partageait leurs points de vue et qu’il le dirait publiquement le moment venu. Sur ces certitudes, de nombreux activistes ont donné de leur temps, de leur argent et leur soutien à la campagne présidentielle de Ron Paul. Mais, lorsque, dans un débat national sur la télévision câblée auquel assistait toute la presse nationale, l’on interrogea Ron Paul, il affirma avec véhémence qu’il considérait que les idées du 9/11 Truth Movement étaient absurdes et l’embarrassaient, ajoutant que les activistes devraient abandonner leurs efforts. Il affirma aussi que son scepticisme à l’égard du rapport de la Commission du 11/9 était égal à son scepticisme à l’égard des documents du gouvernement, ni plus, ni moins. Finalement, lorsqu’il fut clair qu’Obama avait une réelle chance de devenir Président, le reste des libéraux de gauche renonça pour rejoindre la quête messianique et utopique présentée par Obama.

Comme une conséquence, le mouvement pour la Paix, le mouvement pour la destitution (et le procès de Bush, NdT) et le Mouvement pour la vérité sur le 11/9 ont littéralement été balayés. Ceci illustre le rôle important tenu par Obama dans la suppression des protestations et la protection de l’Establishment (l’élite, NdT) de Wall Street contre l’agitation populaire. Maintenant, il faudrait l’implication décisive d’un ou de plusieurs leaders mondiaux hors des États-Unis pour réaliser l’indispensable enquête internationale indépendante de la commission pour la vérité sur le 11/9.

ReOpen911 : Beaucoup de citoyens ont découvert la géopolitique et les coulisses des conflits en tentant d’en apprendre plus sur le 11 septembre 2001. Que diriez-vous à tous ces gens qui découvrent, souvent horrifiés, que bon nombre de guerres et d’attentats sont fabriqués par des États et/ou des groupes d’intérêt contre les intérêts des peuples ?

Webster G. Tarpley : À ce propos, le problème de la politique étrangère US ne se situe pas essentiellement au sein du gouvernement fédéral, mais résulte du fait que la politique étrangère US est largement fabriquée par les intérêts bancaires de la très puissante Wall Street qui opère à travers des organismes tels que le Conseil des Relations étrangères, la Commission Trilatérale, le groupe Bilderberg, et la très insidieuse Société du Mont-Pèlerin qui s’occupe d’économie. Obama, Biden, Holbrook et bien d’autres sont les valets de ces banquiers de Wall Street. Ces forces ne suivent pas une politique américaine nationale qui dicterait par exemple les bonnes relations entre les États-Unis et la Russie, comme elles étaient maintenues durant la Révolution Américaine lors de la Guerre Civile américaine et durant l’administration de F.D. Roosevelt.
 
Plutôt qu’une politique nationale américaine, nous avons une politique favorable aux financiers et aux impérialistes. C’est également la mentalité de la City de Londres et d’une partie de la Commission Européenne et de la Banque Centrale. Nous vivons un âge de prépondérance oligarchique à travers le globe. La seule façon d’y remédier est d’augmenter la politisation et l’activisme d’une partie de la société moderne qui tend généralement à être réduite à une stupeur passive, à de l’apathie, à une aliénation via la culture populaire.

ReOpen911 : Internet joue un rôle très important dans la mise à disposition d’informations et donc à ce qu’on pourrait appeler une « éducation des masses » ; selon vous, une action concertée débouchant sur une censure sur ce réseau est-elle à l’ordre du jour ?

Webster G. Tarpley : L’un des aspects positifs du système US a été la forte protection de la liberté d’expression incarnée par le Premier Amendement de la Constitution américaine. Vous pouvez la comparer avec la terrible situation d’un pays tel que la Grande-Bretagne. Les libéraux totalitaires du régime Obama sont clairement très hostiles à la poursuite de cette tradition de libre expression. Ils aimeraient réduire le domaine de la liberté d’expression en utilisant le prétexte de la législation du crime destinée à déclarer illégal non pas des actes criminels, mais plutôt les opinions entretenues par ceux qui commettent de tels actes criminels – déclarer illégales des opinions est une idée très étrange en jurisprudence.
Le Parti Démocrate semble également vouloir réduire au silence ou intimider l’aile droite ou les commentateurs radio réactionnaires très en vue dans ce pays, et qui représentent l’une des forces principales critiquant le régime Obama. Ceci est tenté sous le prétexte d’obliger les diffuseurs se servant des ondes publiques à offrir une large variété d’opinions politiques, ou à représenter des groupes de communautés locales. Il aurait mieux valu interdire à une corporation la détention totale des mass media dans une ville donnée et ainsi laisser le discours évoluer.

ReOpen911 : Vous qui êtes souvent pessimiste quant à l’avenir (cf. votre dernier livre où vous expliquez votre peu d’espoir en Obama) avez-vous des espoirs pour un avenir plus pacifié ?

Webster G. Tarpley : Ne pas croire à la démagogie des marionnettes de Wall Street tels qu’Obama ne fait pas de moi un pessimiste, simplement un réaliste. Obama a passé son apogée; il est maintenant sur la pente descendante, bien que le danger de nouvelles opérations sous fausse bannière visant la Russie, la Chine, le Soudan, le Pakistan ou d’autres nouvelles cibles augmente certainement maintenant. Ayant étudié Platon, Leibniz et Machiavel, je suis optimiste en ce qui concerne les perspectives d’actions dans ce monde. Je suis avec Leibniz et contre Voltaire sur ces points. J’approuverais également ce que dit Dante sur le point essentiel de sa Divine Comédie dans le Canto de Marco Lombardo où l’accent est mis sur le fait que l’état du monde ne tient pas de la responsabilité de Dieu, de la prédestinée ou d’un mauvais sort, mais qu’il s’agit plutôt d’une tâche déléguée aux êtres humains qui doivent exercer leur libre arbitre.
Les gens doivent comprendre que l’action historique mondiale est plus réalisable dans l’instant présent qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire; il est temps de tirer avantage de ces possibilités avant que la porte des opportunités ne se ferme, ce qui peut survenir n’importe quand.

ReOpen911 : Pour terminer, vous qui connaissez si bien les rouages des Machiavels de notre temps, qu’est-ce que nos lecteurs et les citoyens peuvent faire pour aider le monde à être meilleur et plus en paix ?

Webster G. Tarpley : Il n’y aucune raison de subir une dépression économique mondiale, ni une prochaine guerre mondiale qui pourrait suivre la même séquence d’événements que nous avons connus dans les années 1930.

Avant tout, les lois de l’économie ne sont absolument pas mystérieuses. Je les expose dans mon nouveau livre, Surviving the Cataclysm (Survivre au cataclysme). Pour sortir d’une dépression, on a d’abord besoin de faire ce qu’il faut pour réduire le fardeau du capital fictif et des revenus spéculatifs de l’économie mondiale.

Cela signifie faire des choses comme interdire la bulle des dérivés de 1,5 million de milliards de dollars ($1,5 quadrillion), ou taxer les dérivés jusqu’à disparition, interdire les prêts hypothécaires à taux ajustables, déclarer illégaux les « fonds de couverture » hautement spéculatifs (hedge funds), arrêter la saisie des maisons, des fermes et des commerces, taxer les spéculateurs par la taxe Tobin de 1%, réguler de nouveau les marchés pétroliers, saisir et fermer les banques zombies en banqueroute qui dominent Wall Street et la City de Londres.

Nous devons saisir la Réserve Fédérale américaine, la Banque Centrale Européenne et les banques centrales contrôlées par le privé et les nationaliser. Elles devraient commencer par faire des prêts à 0% pour les activités productives, par lesquelles j’entends la création de biens physiques tangibles sous forme d’industrie, d’agriculture, de construction, de transports, du bâtiment, des mines, de la recherche scientifique, des équipements de santé et autres préalables nécessaires à l’existence humaine.
 
Ceci est particulièrement aigu ici aux États-Unis, car toute l’économie approche le point d’un effondrement physique ou thermodynamique. Dans ce pays, nous devrions construire un millier d’hôpitaux, construire cent réacteurs nucléaires haute température de quatrième génération à lit de boulets, construire 170 000 km de rails Maglev (NDT, pour train à sustentation magnétique), reconstruire le système autoroutier inter-États, et reconstruire toutes les installations d’eau et d’épuration. Il nous faut un programme percutant en physique de haute énergie pour résoudre les problèmes actuels de la fusion de l’énergie thermonucléaire. Il nous faut un programme percutant en recherche biomédicale pour trouver les remèdes aux maladies terribles qui affectent l’humanité. Ce sont des efforts, qui par définition devraient être internationaux. 

Bien sûr, nous devons totalement financer et restaurer le réseau de sécurité sociale qui sera important pour les victimes de la dépression dans les deux ou trois ans à venir. Pour couronner le tout, on aura besoin d’une nouvelle conférence monétaire mondiale pour créer un système monétaire mondial viable pour redémarrer le commerce mondial et promouvoir le développement économique et technologique de l’Afrique, de l’Asie du Sud, la plupart des pays d’ Amérique Latine, l’Europe de l’Est et d’autres zones dont le développement économique a été empêché.

Il faut s’intéresser aux grands projets d’infrastructure mondiale comme le Maglev de Dakar à Djibouti, le Maglev du Cap au Caire, des ponts et des tunnels le long de la Méditerranée à Gibraltar et entre la Sicile et la Tunisie, un système Maglev Eurasien, un pont tunnel pour le détroit de Béring, un nouveau Canal Thaï (NDT: l’isthme de Kra en Malaisie), une « Tennessee Valley Authority » pour le Gange, le Brahmapoutre, le Mekong, l’Amazone et d’autres systèmes fluviaux dans le monde (NDT, Tennessee Valley Authority : entreprise américaine chargée de la navigation, du contrôle des crues, de la production d’électricité et du développement économique de la vallée du Tennessee), et le développement du transport fluvial en Afrique avec un système d’écluses et de canaux entre le haut Nil et le haut Congo.

Nous devrions faire ceci avec la pleine conscience que si nous ne réalisons pas ces étapes progressives nécessaires de notre vivant, la civilisation mondiale pourrait sombrer dans une période de chaos, des horreurs qu’il est difficile de concevoir pour le moment, mais qui devraient être suffisamment claires. Ma litanie favorite reste celle d’un mineur espagnol de la région au nord de l’Espagne, les Asturies, qui me disait que son credo personnel était : « Ton choix dans le monde moderne est clair. Soit actif avant de devenir radioactif. Alors, choisis. » Cette alternative n’a pas autant changé qu’on le croit. Mon espoir est que de plus en plus de gens choisissent d’être actifs.



Articles Par : Webster Tarpley

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