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La montagne de dettes de la Chine
Par John Chan
Mondialisation.ca, 18 juillet 2011
wsws.org 18 juillet 2011
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Depuis près de trois ans, la Chine avec ses taux de croissance rapide semble éviter la pire crise économique mondiale depuis les années 1930.Mais les moyens mêmes utilisés par Beijing pour conjurer la récession, à savoir le crédit à bon marché et de gigantesques plans de relance, ont généré des créances à risques qui menacent de créer une nouvelle instabilité financière et économique en Chine et internationalement..

Cette dette se concentre dans les collectivités locales qui ont lourdement emprunté pour investir dans l’immobilier et l’infrastructure. Les toutes premières statistiques sur la dette des collectivités locales publiées par le Bureau national de l’audit (NAO) à la fin du mois de juin à révélé des dettes stupéfiantes de 10,7 mille milliards de yuan (1,65 mille milliards de dollars américains), soit l’équivalent de près de 27 pour cent du PIB du pays en 2010.

L’agence de notation internationale Moody’s a évalué la totalité de la dette à quelque 540 milliards de dollars de plus que le chiffre fourni par le NAO, avec des créances à risques estimées entre 8 à 12 pour cent du total. Moody’s a averti qu’en l’absence d’un plan pour maîtriser la dette des collectivités locales, la notation des banques chinoises par l’agence pourrait devenir négative.

Victor Shih, expert sur la dette des collectivités locales chinoises, basé aux Etats-Unis, affirme que la somme totale pourrait même être plus élevée, entre 15,4 à 20,1 mille milliards de yuan, soit 40 à 50 pour cent du PIB chinois de 2010. De plus, comme il l’a dit au New York Times: « La plupart des entités gouvernementales qui empruntent ne sont même pas en mesure de rembourser les intérêts sur les emprunts. »

Les dépenses massives des collectivités locales ont contribué à attiser la spéculation sur la propriété ce qui a provoqué l’escalade des prix immobiliers et un immense surplus de logements invendus. Durant la décennie précédente, le prix de l’immobilier dans le centre de croissance qu’est Shangaï, a quasiment été multiplié par quatre. A Canton, il a été multiplié par trois. Dans un rapport publié cette année, la banque d’investissement Crédit Suisse a identifié Wuhan comme l’une des « 10 principales villes à éviter »expliquant qu’il faudrait huit ans pour vendre le stock de logements invendus.

La crise de la dette des collectivités locales est la conséquence directe de la réponse de Beijing à la tourmente financière mondiale qui a éclaté en 2008. Le ralentissement brutal des principaux marchés d’exportation de la Chine ( Etats-Unis, Europe et Japon) a conduit à la suppression rapide de 23 millions d’emplois. Craignant des soulèvements sociaux, le régime chinois a présenté les grandes lignes d’un programme de relance de 4 mille milliards de yuan pour maintenir la croissance économique, mais n’a fourni que 1,2 mille milliards de yuan, laissant le reste du financement aux collectivités locales et aux entreprises publiques.

Il en a résulté une orgie d’emprunts. N’ayant pas le droit d’émettre directement des obligations, les collectivités locales ont crée des entreprises d’investissements pour emprunter aux banques publiques. L’argent n’a pas été investi dans des hôpitaux et des écoles, malgré l’urgence criante, mais dans des projets immobiliers et d’infrastructure. Beijing a encouragé ces excès en promouvant des bureaucrates sur la base de statistiques de croissance économique locale.

Les chiffres de la dette des collectivités locales altèrent considérablement l’image des finances publiques chinoises. La dette du gouvernement central s’élève à moins de 20 pour cent du PIB, soit bien moins que le niveau de la dette publique des Etats-Unis et de l’Europe. Mais comme l’a fait remarquer un chercheur américain Minxin Pei dans un récent article intitulé «la bombe à retardement de la dette chinoise », une fois que l’on prend en compte la dette des collectivités locales et autres dettes, la totalité de la dette chinoise s’élève à 70 à 80 pour cent du PIB. 

Beijing a pris des mesures pour resserrer le crédit, ce qui rendra plus difficile pour les collectivités locales de simplement refinancer les emprunts, dont la moitié devront être remboursés dans les deux prochaines années. Un récent rapport de la banque d’investissement USB a prédit que les entreprises d’investissement des collectivités locales pourraient générer jusque 460 milliards de dollars de prêts non remboursés dans les années à venir. Si le gouvernement central est forcé de renflouer les collectivités locales et les banques, la croissance économique qui ralentit déjà, chutera davantage encore.

Par le passé, les finances des collectivités locales chinoises auraient à peine été mentionnées dans la presse financière internationale. Le fait que le niveau de la dette chinoise provoque des inquiétudes de ramifications pour l’économie mondiale est signe que le capitalisme mondial dépend de la croissance économique de la Chine.

Durant les deux précédentes décennies, de hauts niveaux de croissance ont catapulté la Chine du dixième au second rang de plus grande économie mondiale. Selon un rapport du mois d’avril de l’Académie chinoise de science sociale, la Chine a contribué l’année dernière de plus de 30 pour cent à la croissance économique mondiale. Avec la stagnation des Etats-Unis, du Japon et de l’Europe, tout ralentissement de l’économie chinoise ne fera qu’aggraver la crise économique mondiale en cours. Les principaux producteurs de marchandises tels l’Australie et le Brésil seront parmi les premiers touchés.

A l’intérieur de la Chine, le coût de tout renflouement des collectivités locales et des banques sera inévitablement imposé, d’une manière ou d’une autre, sur les travailleurs ce qui attisera encore davantage les tensions sociales. Après la crise financière asiatique de 1997-98, Beijing avait été obligée de consolider le système bancaire en prenant le contrôle de 335 milliards de dollars de dettes à risques des mains des principales banques publiques. Pour financer le renflouement, le régime avait dû privatiser des entreprises publiques, détruisant plus de 20 millions d’emplois, avait supprimé des logements financés par l’Etat et institué le système de «l’usager paie » en matière de santé et d’éducation, ce qui avait considérablement alourdi le fardeau de la classe ouvrière. 

La crise actuelle de la dette en Chine est à une bien plus grande échelle. Tout ralentissement économique provoquera rapidement une hausse du chômage. Il existe déjà un mécontentement social considérable au sujet de la hausse des prix, avec l’augmentation de 6,4 pour cent de l’indice des prix à la consommation d’année en année, soit le taux le plus élevé en trois ans. Le prix des denrées alimentaires a augmenté de 14 pour cent et le prix du porc de 57 pour cent. Un fardeau économique supplémentaire a le potentiel de déclencher ce que le régime a toujours craint: l’éruption de la résistance et de l’opposition de la classe ouvrière qui compte à présent 400 millions de personnes.

Une croissance forte et continue en Chine durant les trois dernières années a conduit certains commentateurs à se demander si la Chine ne serait pas en train de proposer un modèle de développement économique entièrement nouveau. En réalité, la Chine est empêtrée dans les contradictions mondiales du capitalisme qui sont celles-là mêmes qui ont provoqué la crise économique internationale. Loin de fournir une nouvelle source de force au capitalisme mondial, la Chine se révèle être un colosse économique aux pieds d’argile.

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