La révolte contre Blair s’élargit
Plus de 100 députés travaillistes ont signé une pétition appelant à un cessez-le-feu immédiat au Liban, allant ainsi à l’encontre de la position pro-israélienne que le Premier ministre Tony Blair partage avec Bush. Blair a ainsi perdu, sur cette question, le soutien de près d’un tiers du groupe travailliste au Parlement. En plus, la plupart des députés Démocrates libéraux ont déclaré qu’ils signeraient eux-aussi la pétition, tout comme une dizaine des députés conservateurs.
Les ministres ont, quand à eux, reçu l’ordre de ne pas signer des pétitions afin d’éviter de rendre publics les désaccords existants au sein du gouvernement. « Nous les avons contactés tous, » a déclaré Brendan Cox, directeur du groupe « Crisis action » qui a organisé cette pétition, « mais aucun n’a déclaré soutenir la position de M. Blair. »
Entre-temps, un autre diplomate important de l’ère Thatcher/Major a lancé une attaque virulente contre la politique étrangère de Blair. Sir Broderick Braithwaite, qui a été ambassadeur du Royaume Uni à Moscou entre 1988-1992, puis conseiller politique du Premier ministre John Major et enfin président du Joint Intelligence Commitee (Comité conjoint des renseignements), a écrit un éditorial dans le Financial Times, du 3 août, intitulé « M. Blair, il est temps de reconnaître vos erreurs et de partir ».
« Un fantôme traque la télévision britannique, tel un zombie de cire effrayé qui sort directement de chez Madame Tussaud. De façon inhabituelle, cependant, celui-ci semble vivre et respirer. Peut-être sort-il de la boîte à astuces de la CIA, programmé pour parler le langage de la Maison Blanche avec un accent artificiel anglais (…). Quelque soit la sympathie que nous pouvons éprouver pour le dilemme israélien, la responsabilité principale de M. Blair est de défendre les intérêts de son propre pays, ce qu’il a souvent failli de faire. Rigide dans ses opinions, souvent dans le tort, il a manipulé l’opinion publique, envoyé des soldats dans des terres lointaines pour des objectifs mal conçus, il a mal utilisé les services de renseignements pour servir ses objectifs et réduit le Foreign Office à une entité démoralisée car elle lui rappelle toujours des faits gênants…
« M. Blair a provoqué plus des dommages aux intérêts britanniques au Moyen Orient qu’Anthony Eden, qui avait conduit le Royaume Uni dans le désastre de Suez il y a cinquante ans. Dans les cent dernières années – pour ne prendre que les moments les plus marquants -nous avons bombardé et occupé l’Egypte et l’Irak, maté la révolte arabe en Palestine et renversé les gouvernements d’Iran, d’Iraq et du Golfe. Nous ne pouvons plus faire tout cela nous mêmes, alors nous le faisons avec les Américains. L’identification totale de Blair avec la Maison Blanche a détruit son influence à Washington, en Europe et au Moyen Orient même : qui veut parler au singe si ont peut aller directement à celui qui joue l’orgue de barbarie ? M. Blair a sérieusement mis à mal les politiques intérieures du Royaume Uni aussi. Il a rendu plus difficile ce qui doit être l’objectif de la politique pour tout gouvernement britannique : construire une société multi-ethnique au sein des nos îles (…). Pour l’heure il ne devraient plus être sur le départ, mais partir. Tout de suite ».
Lié aussi à ces questions, un nouveau parti politique vient d’être lancé par les familles de soldats britanniques tués en Irak. Nommé « Spectre », ce parti compte participer à chaque élection partielle et présenter 70 candidats aux prochaines élections générales. Reg Keys, qui l’a rejoint et dont le fils, Thomas, a été tué avec cinq autre soldats en Iraq en 2003, a déclaré : « Nous sentons tous qu’on nous a menti, qu’on nous a ignoré et franchement, insulté. Mais maintenant c’est différent ; nous allons faire payer les ministres avec leurs sièges ».
Le 4 août, Tony Woodley, dirigeant d’un syndicat des transports (Transport and General Workers Union), a donné un avant goût des critiques que Blair essuiera le mois prochain à la convention annuelle du Parti travailliste. Dans des lettres séparées adressées à Blair et à tous les députés travaillistes, Woodly a demandé au Premier ministre de « cesser d’être, et d’être perçu comme la voix européenne de l’administration Bush ». Il l’a mis en garde sur le fait que son incapacité à demander un cessez-le-feu immédiat « mine sérieusement l’autorité morale de la Grande Bretagne à travers le globe ».