La Turquie, botte secrète des USA en remplacement de l’Arabie saoudite et d’Israël.

 

Un petit tour des médias d’information continue au lendemain du 15 Septembre – jour de la dite « Conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak » [1] à Paris – nous a laissés entendre quelques interrogations sans réponses, voire des critiques acerbes, quant à la non participation de la Turquie aux opérations militaires contre l’État islamique [EI] ; critiques apparemment très injustes, puisqu’elle a témoigné de son immense générosité en déclarant avoir mandaté plus de 100 camions d’aide humanitaire et avoir déjà dressé un camp de réfugiés près de Dahuk, dans le nord de l’Irak [2].

Les camps de réfugiés, la Turquie sait faire mieux que tout autre pays ! Ne l’a-t-elle pas prouvé pour les réfugiés syriens dont elle s’est préoccupée avant même que leur pays n’entre dans la « crise » qu’elle a su, comme par miracle, prévoir avant tous les autres ? Ne se sent-elle pas menacée plus que tous les autres au point d’envisager établir une zone-tampon le long de sa frontière avec la Syrie et l’Irak [3] ? Ne rend-elle pas service à d’autres pays du voisinage lorsqu’avec son allié, le Qatar, elle vole discrètement au secours du Liban pour intercéder auprès de l’EI et de Jabhat al-Nosra afin qu’ils libèrent les militaires libanais enlevés et éviter qu’ils ne subissent le sort de deux d’entre eux, tout aussi décapités que les trois malheureux occidentaux, sans que cela ne touche, ne révolte, ni ne terrorise le monde entier ? Et enfin, n’a-t-elle pas fait, quatre jours auparavant, le sacrifice de sa réputation de puissance régionale en ne signant pas le communiqué final de la Conférence de Jeddah [4][5] où, mis à part les USA en la personne de M. John Kerry [6] et en l’absence de l’Irak et de la Syrie, elle était le seul pays non arabe de la région admis à aider M. Obama dans sa guerre contre le terrorisme de l’EI ; ceci pour une raison strictement humanitaire, resservie à Paris, consistant à ne pas mettre en danger ses propres otages détenus à Mossoul ?

Que doit penser M. Obama qui compte sur tous ses alliés pour que sa  guerre contre « l’État Islamique en Irak et au Levant » [l’EIIL devenu l’EI] profite pleinement à l’Irak sans jamais profiter à la Syrie ?

Mais pardon ! M. Laurent Fabius, nous demande de ne plus dire État islamique [EI]. Pour des raisons tactiques, certaines étant fortement louables, il faut dire « DAECH » [7] ! Nous dirons donc Daech en sachant que cet acronyme signifie pratiquement la même chose en arabe et, a priori, exclut l’organisation Jabhat al-Nosra qui devrait continuer à faire «un bon boulot»[8], puisqu’elle est candidate au titre « d’opposition syrienne terroriste modérée » sur laquelle comptent MM. Obama et Hollande pour renverser le Président syrien, son gouvernement et tout le reste. [NdT].

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Par la rédaction d’Al-Binaa [Liban]

Désormais, la question que se posent certains analystes politiques est comment Washington va-il gérer ses relations avec Israël et l’Arabie saoudite, maintenant que ces deux alliés ont perdu leurs justifications stratégiques et que les USA se retrouvent obligés d’assurer leur protection et leur sécurité ?

En effet, depuis sa dernière guerre contre Gaza, Israël est un état paralysé et inapte aux guerres malgré toutes ses allégations. Quant à l’Arabie Saoudite, elle est aujourd’hui menacée par le cyclone « Daech » et n’est plus la force capable de diriger la région, de mener des négociations ou de proposer des compromis, malgré la satisfaction des USA de la voir accepter d’entreprendre des réformes radicales pour faire face au danger né de sa propre idéologie whahhabite !

Seule la Turquie tient encore sur la dernière ligne de la politique US. Sinon, comment l’AKP [Parti pour la justice et le développement] pourrait-il rester au pouvoir grâce à une croissance économique dont les clés sont entre les mains de Washington ?

Et comment expliquer que la Turquie, seul état membre de l’OTAN se situant aux frontières de l’Irak et de la Syrie à la fois, se retrouve en dehors de la coalition guerrière menée par Washington contre Daech ?

N’est-ce pas parce qu’en réalité, cette coalition guerrière ne cherche pas à liquider Daech ? D’autant plus que l’armée turque est la plus à même de mener la besogne. Mais dans ce cas, où iraient les dits « djihadistes » arrivés en Syrie de tout l’Occident si leur rêve prenait fin ?

Le « Daechstan » est ce rêve attrayant fabriqué pour le rester, pour des générations et des générations. Certains de ses ressortissants terroristes se retrouveront inévitablement en Occident ? Qu’à cela ne tienne, il n’y aura qu’à continuer à absorber leur colère et leurs velléités guerrières en les expédiant au loin, à condition qu’ils ne dépassent pas les limites autorisées par le créateur.

Car, sans Daech, comment empêcher la Syrie de récupérer son lien géographique avec l’Iran, via la Résistance et l’Irak, afin de s’assurer qu’Israël ne sera pas menacé dans quelques années ? Comment garantir la sécurité de l’Arabie saoudite ? Comment garantir que, suite au retrait US d’Afghanistan, la Chine et la Russie ne s’imaginent pas pouvoir s’ouvrir sur la mer Méditerranée ? En même temps, comment empêcher Daech, elle-même, de s’étendre jusqu’aux rivages de la Méditerranée ?

Autant d’objectifs stratégiques US confiés à Daech sous le parrainage de la Turquie ! Mission dont elle s’est acquittée et qu’elle continue à exécuter point par point. Ainsi malgré les offres généreuses de l’Arabie saoudite et la résolution onusienne N°2170, la Turquie n’a toujours pas décrété d’embargo sur le pétrole volé par Daech en Irak et en Syrie. Elle s’est juste employée à en plafonner les quantités aux niveaux dictés par Washington, pour que Daech puisse respirer sans pour autant déborder les lignes rouges préalablement dessinées.

Par conséquent, la Turquie est le véritable allié chargé de circonscrire Daech pendant que Washington travaille à l’encercler par le feu de ses frappes aériennes. Et quoiqu’elle ne fasse pas partie de l’alliance pour la protection de l’Arabie saoudite, sa mission ne s’arrête pas là.

Ainsi, dans les négociations en cours pour la libération des soldats libanais, [9] la Turquie cherche à acheminer les forces de Daech de Ersal [Liban] vers les territoires actuellement occupés en Syrie et en Irak par le dit état ou émirat de Daech, pendant que le Qatar cherche à acheminer les combattants de Jabhat al-Nosra vers le Golan, et plus précisément vers Quneitra, en vue d’un nouvelle attaque de Damas par le Sud [10]… À suivre.

Par le Rédacteur politique

16/ 09/2014

 

Source : Al-Binaa

http://al-binaa.com/albinaa/?article=15165

Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

 

Notes :

[1] Conclusions de la Conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak  – Paris 15 septembre 2014

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/evenements-3710/article/irak-conference-internationale

[2] Qui participe à la coalition contre l’Etat islamique ?

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/09/15/etat-des-lieux-des-participants-a-la-coalition-contre-l-etat-islamique_4487310_3218.html

[3] La Turquie envisage d’établir une zone-tampon le long de sa frontière avec la Syrie et l’Irak pour faire face au danger daechien

http://topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php?sms_id=80614

[4] Jeddah Communique; September 11, 2014 – GCC, Iraq, Jordan, Lebanon, Egypt, U.S. Issue Joint Communique on ISIL

 http://www.uskowioniran.com/2014/09/gcc-iraq-jordan-lebanon-egypt-us-issue.html

[5] La Turquie s’abstient de signer le communiqué final 

http://www.islamist-movements.com/3404

[6] Les Etats-Unis rallient 10 pays arabes contre les jihadistes

http://www.liberation.fr/monde/2014/09/11/ei-les-etats-unis-mobilisent-au-moyen-orient-pour-detruire-les-jihadistes_1098080

[7] Irak : ne dites plus « Etat islamique », dites « Daech »

http://www.metronews.fr/info/irak-et-syrie-ne-dites-plus-etat-islamique-dites-daech/mnio!U1u1LnHQJYy2k/

[8] Pression militaire et succès diplomatique pour les rebelles syriens

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/12/13/syrie-pression-militaire-et-succes-diplomatique-pour-les-rebelles_1805889_3218.html

Extrait :

« En revanche, la décision des Etats-Unis de placer Jabhat Al-Nosra, un groupe djihadiste combattant aux côtés des rebelles, sur leur liste des organisations terroristes, a été vivement critiquée par des soutiens de l’opposition. M. Fabius a ainsi estimé, mercredi, que « tous les Arabes étaient vent debout » contre la position américaine, « parce que, sur le terrain, ils font un bon boulot ». « C’était très net, et le président de la Coalition était aussi sur cette ligne », a ajouté le ministre. »

[9]Militaires libanais enlevés : l’EI aurait exécuté un soldat qui « avait tenté de fuir »

http://www.lorientlejour.com/article/884698/militaires-libanais-enleves-lei-aurait-execute-un-soldat-qui-avait-tente-de-fuir.html

[10] Le nouveau plan de « Regime Change » : attaquer Damas par le sud

http://www.legrandsoir.info/le-nouveau-plan-de-regime-change-attaquer-damas-par-le-sud.html



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