Le Canada appuie l’offensive à Gaza et en Ukraine

La semaine dernière, le gouvernement conservateur du Canada a appuyé fermement la guerre sanglante qu’a déclenchée Israël contre la population de Gaza et a utilisé l’écrasement d’un avion de la Malaysian Airlines en Ukraine pour renforcer son soutien à la campagne des puissances impérialistes occidentales visant à isoler, intimider et menacer la Russie.

Dans une déclaration émise jeudi, quelques heures seulement après que l’écrasement du vol MH-17 a été rapporté, le premier ministre Stephen Harper a carrément accusé la Russie d’être responsable de ces morts et affirmé que l’on n’avait pas à connaître les circonstances exactes de la tragédie pour établir que la Russie était coupable. «Bien que nous ne sachions pas qui est responsable de cette attaque, a déclaré Harper, nous condamnons toujours l’offensive militaire de la Russie en Ukraine et l’occupation illégale de ce pays. Ces actes sont la source du conflit dans la région.»

Cette position a été répétée par tous les principaux journaux canadiens. Le journal francophone le plus influent du Québec, La Presse, a publié un éditorial provocateur vendredi intitulé «Le coupable». Reconnaissant que l’«on ne peut pas exclure que l’avion de la Malaysia Airlines ait été frappé par un missile lancé par les Ukrainiens, l’éditorialiste ajoute cependant que, de toute façon, le président russe, Vladimir Poutine, est l’ultime responsable.»

Plus loin dans l’éditorial, un passage exprime les visées agressives derrière la campagne du gouvernement et des grands médias canadiens qui tente d’exploiter la tragédie de la Malaysia Airlines. L’OTAN est critiquée pour avoir une part de responsabilité dans la catastrophe. Mais pas parce que l’OTAN, avec le plein appui du Canada, n’a pas respecté les promesses qu’elle avait faites au régime Gorbatchev au moment de la réunification de l’Allemagne et pas parce qu’elle a dangereusement intensifié la pression sur la Russie en intégrant en son sein presque tous les pays de l’Europe de l’Est (y compris tous les anciens États du pacte de Varsovie) et en déployant des troupes le long des frontières de la Russie. Non, La Presse critique l’OTAN pour ne pas avoir été suffisamment agressive, pour ne pas avoir réagi «plus vigoureusement aux manoeuvres russes, non seulement en Ukraine, mais plus tôt en Géorgie et en Moldavie».

Le Globe and Mail, le porte-parole traditionnel de l’élite financière du Canada, a publié un éditorial dans la même veine intitulé «Le chaos ukrainien: une création de Moscou» («Ukraine’s chaos is “Made in Moscow”»). Le Toronto Star pro-libéral a, quant à lui déclaré que, «Peu importe qui a appuyé sur la gâchette, le président russe Vladimir Poutine a une part de responsabilité dans l’attaque à la roquette contre le vol de la Malaysia Airlines qui a tué 298 personnes provenant d’une dizaine de pays.» Félicitant la ligne dure antirusse adoptée par le gouvernement conservateur, le Star conclut son éditorial ainsi: «Et le premier ministre Stephen Harper a raison de ne pas mâcher ses mots.»

La position de Harper sur l’attaque contre le vol MH-17 est la continuation de la position agressive du Canada sur la crise ukrainienne. Cette crise a été provoquée par une campagne effrénée des États-Unis et de l’Allemagne visant à contrer l’influence de la Russie dans une région qui a une importance stratégique vitale pour elle. Le double objectif de l’Occident est de transformer l’Ukraine en une source de main-d’œuvre et de ressources à bon marché pour les grandes sociétés occidentales ainsi que d’affaiblir stratégiquement et encercler la Russie.

Le Canada a non seulement appuyé le coup d’État fasciste organisé par Washington et Berlin qui a renversé le gouvernement de Ianoukovitch, qui était proche de Moscou, mais il a aussi aidé activement à la préparation de ce coup d’État et s’est joint à Washington pour faire pression sur l’Union européenne afin qu’elle impose des sanctions plus sévères à la Russie, au risque de provoquer une guerre. Depuis des années, le gouvernement du Canada, tant sous les libéraux que les conservateurs, se sert d’organisations et d’hommes d’affaires canado-ukrainiens de droite pour organiser et financer un réseau de groupes pro-impérialistes «de la société civile» en Ukraine.

Plus tôt ce mois-ci, Ottawa a annoncé l’envoi de six chasseurs CF-18 qui allaient rejoindre les patrouilles aériennes au-dessus des États baltes de l’Estonie, Lettonie et Lituanie, dans le cadre de la campagne de l’OTAN contre la Russie. Durant ces patrouilles, qui devraient commencer en septembre, les avions de combat canadiens feront des sorties armées. Les chasseurs du Canada font des exercices d’entraînement avec l’OTAN en Roumanie depuis mai, mais ceux-ci se font sans armes.

D’autres actions du Canada sont dirigées contre la Russie: une série de sanctions économiques et d’interdictions de voyager; l’envoi du navire de guerre HMCS Regina qui ira rejoindre les forces maritimes de l’OTAN patrouillant le long de la côte de l’Ukraine; et l’envoi d’une vingtaine d’officiers d’état-major pour renforcer la présence du Canada au quartier général de l’OTAN à Bruxelles.

En ce qui a trait à l’autre grande crise internationale des plus récents jours (le brutal assaut terrestre déclenché par Israël contre la population opprimée et sans défense dans la bande de Gaza), le gouvernement du Canada a donné tout son appui aux actes criminels de l’État sioniste.

Dans une déclaration publiée le 13 juillet, Harper a répété les mensonges et la propagande du gouvernement israélien, blâmant les «terroristes» du Hamas – le gouvernement élu à Gaza – pour la mort des civils palestiniens. «Il est évident, a déclaré le premier ministre du Canada, que le Hamas utilise sciemment des boucliers humains pour multiplier ses actes terroristes dans la région.» Complètement indifférent devant les centaines de victimes civiles de la machine militaire israélienne, hautement sophistiquée, créée et financée par les États-Unis, Harper a déclaré: «Le Canada demande à tous ses alliés et partenaires de reconnaître que… le meilleur moyen de stopper le conflit est d’être en solidarité avec Israël.»

Le soutien inconditionnel du Canada envers Israël a l’appui des partis de l’opposition. Le chef libéral Justin Trudeau a émis une déclaration faisant l’éloge, dans un langage typiquement orwellien, du «dévouement» d’Israël «à la paix», reconnaissant le droit de l’État sioniste «de se défendre, lui et son peuple» et accusant le Hamas d’être une organisation terroriste qui «doit cesser ses attaques de roquettes immédiatement».

Le NPD social-démocrate, qui forme l’opposition officielle, a adopté un ton similaire. «Nous répétons que les attaques de roquettes incessantes du Hamas sont inacceptables», a écrit le porte-parole du NPD en matière d’affaires étrangères Paul Dewar. Dans sa déclaration, Dewar a pris bien soin de ne pas condamner spécifiquement le meurtre de civils par Israël, y compris celui de femmes et d’enfants, et a masqué le fait que l’assaut contre Gaza est un acte d’agression par Israël qui a été planifié longtemps d’avance. Le meurtre des trois jeunes Israéliens le mois dernier – le Hamas prétend n’être aucunement lié à cet acte – n’a servi que de prétexte commode.

Le soutien de partis de l’opposition et des grands médias pour Harper et son appui indéfectible à l’offensive israélienne sur Gaza et aux machinations de l’impérialisme occidental en Ukraine souligne de nouveau le tournant opéré dans la politique étrangère canadienne.

Au cours des deux dernières décennies, l’élite dirigeante du Canada a systématiquement abandonné son discours précédent – aussi hypocrite et intéressé fut-il – de «médiateur» et de «gardien de la paix» dans les affaires mondiales sous les auspices de l’ONU. Le Canada a joué un rôle important dans plusieurs guerres menées par les États-Unis, y compris en Yougoslavie, en Afghanistan et en Libye. Il raffermit son alliance militaire et stratégique avec l’impérialisme américain au moment où Washington tente de contrer le déclin historique de la position économique des États-Unis en menant une campagne guerrière aux quatre coins du globe.

Sous les gouvernements libéraux de Chrétien et Martin, et encore plus directement sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, le Canada a démontré qu’il veut réclamer «sa» part dans la redivision impérialiste du monde en intensifiant – en collaboration avec Washington – ses propres politiques de militarisme et d’agression. Cette campagne est profondément liée à l’assaut de l’élite capitaliste du Canada contre les emplois, les services publics et les droits démocratiques au pays.

Richard Dufour

Article original, WSWS, paru le 21 juillet 2014



Articles Par : Richard Dufour

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