Le Canada participe à l’escalade militaire de l’OTAN contre la Russie

Le premier ministre Stephen Harper a annoncé jeudi dernier que le Canada envoyait six avions de combat CF-18 en Europe de l’Est, en appui aux menaces belliqueuses proférées contre la Russie par les États-Unis, l’Allemagne et l’OTAN.

Harper a aussi affirmé que le Canada et les Forces armées canadiennes (FAC) allaient renforcer leur présence dans le commandement de l’OTAN et envoyer des dizaines d’officiers des FAC de plus aux quartiers généraux de l’OTAN à Mons en Belgique.

Il a laissé entendre que d’autres déploiements des FAC pourraient être annoncés bientôt et que le Canada pourraient imposer, conjointement avec les États-Unis et l’Union européenne, des sanctions supplémentaires aux entreprises et officiels russes.

Depuis des semaines, Harper et les conservateurs font des déclarations belliqueuses anti-russes avec l’appui enthousiaste des partis de l’opposition et des grands médias canadiens.

Présentant une image inversée de la réalité, ils qualifient de «révolution démocratique» le coup d’État instigué par les États-Unis et l’Allemagne et mené par des bandes fascistes qui a renversé le président élu de l’Ukraine. Ils accusent la Russie d’«agression» et d’«impérialisme», alors que ce sont les puissances occidentales elles-mêmes qui sont intervenues agressivement en Ukraine pour mettre en place un régime fantoche pro-occidental, en sachant très bien que la subordination de l’Ukraine à l’impérialisme américain et allemand pose une menace mortelle à la Russie.

Les soldats, les pilotes et le personnel des FAC seront basés à Lask en Pologne. Ils seront intégrés aux patrouilles de l’OTAN dans la mer Baltique et en Europe de l’Est. Le renforcement de ces patrouilles est un élément central dans le déploiement accru de l’OTAN en Europe de l’Est, un plan qui a été annoncé mercredi dernier par le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen.

Présenté comme un «plan de sécurisation» pour les États voisins de la Russie qui ont été intégrés à l’OTAN au cours des deux dernières décennies, le déploiement de l’OTAN en Europe de l’Est est un acte d’agression qui vise à défendre le gouvernement d’extrême droite installé à Kiev et préparer le terrain à une guerre contre la Russie.

Flanqué du chef d’État-major des FAC, le général Tom Lawson, Harper a dit que le déploiement est pour une durée indéterminée et que ce n’est que la première étape d’un virage important dans l’attitude militaire et stratégique du Canada.

L’«expansionnisme» et le «militarisme» de la Russie constituent, selon Harper, «une grave menace à la paix et la sécurité mondiales».

Des reportages ont indiqué que le gouvernement Harper envisageait de renverser la décision prise par ses prédécesseurs libéraux en 2005 de ne pas participer au bouclier antimissile des États-Unis. Bien qu’il soit présenté comme une mesure défensive, le programme de bouclier antimissile américain a pour objectif de permettre à Washington de mener une guerre nucléaire «qui peut être gagnée».

Le gouvernement canadien pourrait aussi donner son accord à un déploiement accru de l’OTAN en Arctique.

Au sein du G7 et de l’OTAN, le gouvernement conservateur ajoute sa voix à celle des États-Unis en faisant pression sur les puissances européennes pour qu’elles adoptent une attitude encore plus agressive envers la Russie.

Le 14 avril, Harper était aux côtés des ambassadeurs du Canada pour l’Ukraine, la Pologne, la Lettonie, l’Estonie, la Géorgie et la République tchèque afin de colporter les plus récents mensonges sur les événements en Ukraine. Il a affirmé que le mouvement qui s’est développé dans les régions à majorité russophone de l’est de l’Ukraine qui s’oppose au gouvernement ultra-nationaliste de Kiev est «l’œuvre de provocateurs russes envoyés par le régime Poutine».

Il a ensuite invoqué cyniquement et de manière hypocrite le droit international. «Nous devrions tous être gravement préoccupés, a dit Harper, par les actes si clairement agressifs, militaristes et impérialistes d’une grande puissance.»

On parle ici d’un premier ministre qui a exhorté le Canada à participer à l’invasion illégale de l’Irak par les États-Unis sur la base de mensonges concernant des armes de destruction massive; qui s’est vanté que le Canada est le plus fidèle allié d’Israël et qu’il ferait tout pour soutenir l’État sioniste; qui a déployé les FAC en appui aux guerres d’agression américaines en Afghanistan et en Libye; et qui a vigoureusement défendu le rôle de premier plan joué par le Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC) dans les opérations d’espionnage mondial de la NSA américaine.

Durant cette conférence de presse, Harper a annoncé que le ministre des Affaires étrangères John Baird allait se rendre en République tchèque, en Slovaquie, en Pologne, en Lettonie et en Estonie cette semaine. À Varsovie, Baird et les officiels polonais devraient faire l’annonce de nouvelles mesures pour appuyer le gouvernement pro-occidental en Ukraine. Le Canada appuie fortement la mise en œuvre d’un programme de restructuration du FMI qui viendrait appauvrir davantage la population ukrainienne, liquider de grands pans des secteurs manufacturiers et de l’industrie lourde orientés vers la Russie et ouvrir la voie à l’Allemagne et à ses partenaires européens pour qu’ils puissent exploiter les vastes ressources naturelles et l’importante main-d’ œuvre bon marché du pays.

Le 15 avril, Ottawa a annoncé qu’il allait boycotter la réunion du Conseil de l’Arctique à Moscou. Ce geste n’était pas que symbolique. Le Canada et la Russie veulent chacun mettre la main sur les fonds marins riches en ressources de l’Arctique et Harper revendique agressivement une partie de ce territoire. L’an dernier, il s’est opposé à un plan de revendication territoriale dans l’Arctique qui avait été rédigé par des diplomates et des scientifiques canadiens dans le but de le présenter à l’ONU, disant qu’il était trop modeste et qu’il devait être refait.

Les médias canadiens tentent d’expliquer la vive intervention du gouvernement Harper dans la crise en Ukraine en mentionnant l’importante population de Canadiens d’origine ukrainienne. C’est une fraude.

Pour sûr, les gouvernements canadiens des deux dernières décennies, tant sous les libéraux que les conservateurs, ont tenté de tirer profit du Congrès ukrainien canadien et de son vaste réseau d’organisations ultra-nationalistes (dont beaucoup d’entre elles font l’éloge du collaborateur nazi Stepan Bandera et de son Organisation des nationalistes ukrainiens). Le Canada finance considérablement les ONG ukrainiennes pro-occidentales dans le but de soustraire ce pays à l’influence économique et géopolitique de la Russie – un objectif stratégique qui figure depuis longtemps au cœur des plans de l’impérialisme américain.

Ce qui motive l’intervention d’Ottawa en Ukraine et son attitude agressive anti-russe sont les intérêts impérialistes de l’élite dirigeante du Canada.

Craignant son déclin économique relatif (la part du Canada dans le commerce mondial a chuté à environ 2,5 pour cent) ainsi que celui de son voisin au sud, un partenaire crucial de longue date, la bourgeoisie canadienne évalue que la meilleure façon de défendre ses intérêts mondiaux est de solidifier son partenariat avec Washington et Wall Street. Ce qui signifie, entre autres, l’appui de l’impérialisme canadien pour les États-Unis et leurs tentatives d’utiliser leur puissance militaire pour contrer leur déclin économique.

Depuis 1999, lorsque le Canada a joué un rôle important dans la guerre de l’OTAN menée par les États-Unis contre la Yougoslavie, les FAC ont participé à une série de guerres et d’opérations de changement de régime dirigées par les États-Unis. Il y a eu l’invasion et la mission de contre-insurrection en Afghanistan d’une durée de 12 ans (où 40.000 soldats canadiens ont été déployés), l’expulsion en 2004 du président élu d’Haïti et la guerre contre la Libye en 2011.

Au début de la présente décennie, les dépenses militaires du Canada en dollars réels étaient plus importantes qu’à n’importe quel moment depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Plus tôt ce mois-ci, le journal Ottawa Citizen rapportait que l’armée canadienne a développé plusieurs scénarios d’opérations militaires en Syrie.

Le Canada a aussi indiqué qu’il appuyait pleinement le «pivot vers l’Asie» des États-Unis: la campagne de Washington visant à encercler militairement la Chine. Comme l’intervention des États-Unis et de l’Allemagne en Ukraine, ce «pivot vers l’Asie» est une campagne d’agression hautement déstabilisatrice qui pourrait déclencher un grave conflit militaire aux conséquences incalculables pour l’humanité.

Keith Jones

Article original, WSWS, paru le 19 avril 2014



Articles Par : Keith Jones

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