Le Canada s’aligne à l’offensive incendiaire des États-Unis contre la Russie

Seulement quelques heures après la parution il y a deux semaines de reportages non confirmés d’attaques chimiques en Syrie, le gouvernement libéral du Canada a publié une déclaration provocatrice accusant le régime d’Assad et son allié russe de «crimes de guerre». Venant peu après l’expulsion de quatre diplomates russes par Ottawa suite à l’accusation d’empoisonnement de l’ex-agent double Sergei Skripal, et l’affirmation d’Ottawa que la Russie s’était «mêlée» de la «démocratie» canadienne, la réponse du gouvernement Trudeau indique qu’il joue un rôle de premier plan dans le mouvement vers la guerre que mènent les États-Unis.

Dans la déclaration d’Ottawa sur les attaques chimiques, qui arborent les traits caractéristiques d’une opération orchestrée par la CIA, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a dénoncé le régime Assad comme étant «moralement répugnant». Elle a ajouté que «le Canada condamne le régime Assad et ses alliés – la Russie et l’Iran – pour ses multiples atteintes aux droits de l’Homme et le fait qu’il cible délibérément des civils.»

En réalité, aucune explication plausible, ni de preuve quelconque, ont été fournies pour expliquer la décision d’Assad de lancer une attaque d’armes chimiques alors que ses forces sont sur le point de repousser les derniers rebelles islamistes qui demeurent dans les environs de Damas. S’il y a bien eu une attaque chimique, il est beaucoup plus probable qu’elle ait été orchestrée par les islamistes qu’appuient les États-Unis afin de fournir un prétexte pour l’escalade massive des opérations militaires illégales de Washington en Syrie. Une telle escalade pourrait rapidement déclencher une guerre régionale avec l’Iran ou une confrontation militaire avec la Russie qui possède l’arme nucléaire.

La déclaration de Freeland est conforme aux menaces militaires sanguinaires faites par le président américain Donald Trump, qui promettait lundi d’arriver à une décision d’ici là sur la réponse militaire appropriée. «Les attaques chimiques sont un crime de guerre», a déclaré Freeland. «Le Canada, aux côtés de ses partenaires internationaux, devra assurer par tous les moyens disponibles que les responsables rendent des comptes de ces atrocités.»

La mention des «droits de l’Homme» par Freeland et les plaintes concernant «les victimes civiles» puent l’hypocrisie et le cynisme. Le Canada a participé à presque toutes les agressions de guerre menées par les États-Unis au cours du dernier quart de siècle, incluant le bombardement de la Libye en 2011 – un changement de régime présenté comme une croisade pour les «droits de l’homme», qui a causé la mort de dizaines de milliers de civils innocents et le ravage de ce pays d’Afrique du Nord.

Les forces canadiennes jouent également un rôle majeur dans le conflit en Syrie et en Irak, découlant de la série désastreuse de guerres agressives menées par Washington au Moyen-Orient depuis 1991.

Les Forces spéciales canadiennes ont joué on rôle de premier plan en appuyant l’assaut brutal mené par les États-Unis dans le nord de l’Irak à Mossoul, et des avions de guerre continuent à appuyer les bombardements de la «coalition» américaine en Irak et en Syrie. Mossoul, la deuxième ville d’Irak, a été décimée par les bombardements dans une opération pour la reprendre des mains de Daesh, ce qui a entraîné la mort de milliers de civils.

Le gouvernement canadien, qui promet une augmentation de plus de 70% du budget militaire pour la décennie à venir, se prépare maintenant à participer à une guerre bien plus importante qui viendrait éclipser ces conflits sanglants. Existe-t-il une autre interprétation possible des remarques de Freeland, dans un contexte où les États-Unis et ses alliés impérialistes français et britanniques sont prêts à attaquer la Syrie en l’espace de quelques heures, selon lesquelles le Canada, «aux côtés de ses partenaires internationaux,» devra assurer «par tous les moyens disponibles» que les «responsables rendent des comptes»? [Après la parution de cet article, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont en effet déclenché les premiers bombardements contre la Syrie. Note du traducteur]

Depuis le coup d’État mené par des fascistes et organisé par Washington et Berlin en Ukraine en 2014 pour renverser le président élu pro-Russie, Viktor Yanoukovitch, le Canada joue un rôle dirigeant dans la campagne agressive contre la Russie menée par les États-Unis et ses alliés de l’OTAN. Le Canada est l’un des quatre membres de l’OTAN qui fournissent des commandants et des troupes pour les bataillons avancés sur les frontières de la Russie dans les États baltes et en Pologne afin d’encercler et de menacer la Russie.

Les travailleurs canadiens doivent considérer les remarques de Freeland sur la Russie comme un sérieux avertissement du danger imminent de guerre. Elles surviennent près d’une semaine après l’expulsion par Ottawa de quatre diplomates russes et le refus de permettre à trois autres diplomates d’entrer au pays après le présumé empoisonnement de Skripal à Salisbury en Angleterre.

Dans une déclaration annonçant cette action, qui coïncidait avec l’expulsion de plus de 60 diplomates russes par les États-Unis et plusieurs dizaines de diplomates d’Europe occidentale, le gouvernement libéral a affirmé que ceux qu’il visait avaient «utilisé leur statut diplomatique pour miner la sécurité du Canada ou s’ingérer dans notre démocratie».

Aucune preuve n’a été fournie pour appuyer cette affirmation incendiaire. Elle s’appuie sur le discours de «l’interférence» russe lors des élections américaines de 2016 qui provient des agences de renseignement américaines et des démocrates qui l’avancent depuis un an et demi pour faire pression sur l’administration Trump, afin qu’elle adopte une ligne encore plus intransigeante face à Moscou.

En réponse à des questions de journalistes qui tentaient d’attiser l’atmosphère anti-russe en demandant des renseignements plus précis sur ce qu’avaient fait les diplomates pour «interférer», Trudeau a surtout mis l’accent sur le rôle de ces diplomates dans la révélation l’an dernier que le grand-père de Freeland, Mikhail Chomiak, était un collaborateur nazi. «On se souvient tous, a dit Trudeau, efforts de la part de propagandistes russes pour discréditer notre ministre des Affaires étrangères de différentes manières à travers les médias sociaux et en partageant de fausses informations à son sujet».

En fait, les supposées «fausses informations» russes étaient vraies. Suite à la nomination de Freeland en tant que ministre des Affaires étrangères en janvier 2017, des preuves sont remontées à la surface confirmant que Chomiak était rédacteur en chef de Krakivs’ki Visti, l’un des plus importants journaux ukrainiens sous l’occupation nazie. Après avoir récupéré l’équipement saisi par les nazis d’une publication juive, Krakivs’ki Visti a publié de la propagande nazie, incluant des diatribes antisémites.

Comme l’avait expliqué le World Socialist Web Site quand le rôle de Chomiak a été mis au jour, si le gouvernement libéral, avec le plein appui des médias et des partis de l’opposition insistait autant pour rejeter la révélation de ses liens avec les nazis, s’était parce que le Canada avait une longue histoire de collaboration étroite avec les nationalistes ukrainiens de l’extrême droite au Canada et en Ukraine, incluant pendant et depuis le coup d’État de 2014. Nombreux sont ceux parmi ces nationalistes d’extrême droite qui célèbrent Stepan Bandera et son organisation de nationalistes ukrainiens, qui a collaboré avec les nazis dans l’occupation de la Pologne, et y compris dans le massacre de juifs.

La décision de Trudeau de désigner Freeland en tant que ministre des Affaires étrangères en janvier 2017 faisait partie d’une provocation visant la Russie. Un faucon anti-russe ayant des liens étroits les nationalistes ukrainiens de droite, Freeland est sur une liste noire russe adoptée en réaction aux sanctions de l’Occident contre la Russie pour son annexion de la Crimée.

En plus de préparer une confrontation militaire avec la Russie, les affirmations hystériques sur la menace posée à la «démocratie» canadienne et les élections seront utilisées pour réduire les droits démocratiques et augmenter la censure politique avant les élections fédérales de l’an prochain. Fin février, Janis Sarts, le dirigeant du Centre d’excellence de communications stratégiques de l’OTAN, affirmait dans une entrevue avec la presse canadienne sans offrir la moindre preuve qu’Ottawa devrait présumer que la Russie interviendrait lors des élections fédérales de 2019.

D’après un porte-parole du gouvernement, le gouvernement Trudeau a demandé à la ministre des Institutions démocratiques Karina Gould qu’elle suive «de près comment nos alliés confrontent ces défis dans leurs pays». Ceci était une référence évidente à l’appui par le gouvernement libéral à la campagne contre la Russie et les supposées «fausses nouvelles» fabriquée par les agences de renseignement américaines avec le plein appui des démocrates et du New York Times. Cette campagne est utilisée pour justifier la censure par Google et d’autres géants de l’Internet, afin de discréditer l’opposition croissante de la classe ouvrière en tant que simple produit «d’interférence» russe» et attiser le chauvinisme proguerre.

Toutes les institutions politiques et médiatiques au Canada acceptent cette campagne anti-russe. L’opposition des conservateurs et néo-démocrates ne témoigne d’aucune différence avec les libéraux sur la ligne pure et dure contre la Russie, comme ce fut démontré en octobre dernier quand les trois partis se sont unis pour le passage d’une loi modelée d’après l’acte Magnitsky américain qui impose des sanctions aux hommes d’affaires russes.

Les dénonciations envers la Russie sont à présent tellement routinières que les médias les plus importants n’ont même pas rapporté ces déclarations de Freeland sur la Syrie, équivalentes d’une promesse que le Canada participera à une expansion de la guerre au Moyen-Orient.

La réaction des médias de la grande entreprise aux expulsions de diplomates a été de faire pression sur le gouvernement pour aller encore plus loin. Dans un article intitulé «Pourquoi ne sommes-nous pas davantage troublés par les Russes?» Susan Delacourt, écrivant pour le site iPolitics suite aux expulsions des diplomates russes, se plaint amèrement que le gouvernement n’en fait pas davantage et le public semble insouciant. Le «silence» du gouvernement et des citoyens, écrivait Delacourt, était «plutôt étonnant». Et elle exige ensuite que le gouvernement prenne des mesures répressives plus importantes pour combattre «l’ingérence» russe au sein de la «démocratie» canadienne.

Roger Jordan

 

 

Article paru en anglais, WSWS, le 11 avril 2018



Articles Par : Roger Jordan

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