Le gouvernement allemand intensifie ses opérations militaires

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Le gouvernement allemand est en train de promouvoir vigoureusement une politique étrangère impérialiste. En début d’année, il avait annoncé la fin de l’ancienne politique de la retenue militaire. Peu de temps après, il annonçait des projets pour le développement d’une nouvelle stratégie pour l’Afrique.

Mercredi dernier, cette décision a été suivie par l’annonce que la flotte allemande serait dépêchée en Méditerranée pour y remplir un « mandat robuste ». Des communiqués officiels ont révélé que la frégate allemande Augsbourg devrait aider à la destruction d’armes chimiques syriennes à bord du navire américain Cape Ray. Le recours aux forces armées n’est pas exclu lors de l’opération.

Cette décision est conforme à l’annonce faite par le président américain Barack Obama selon laquelle il se réserve le droit d’intervenir militairement en Syrie. Mardi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président français, François Hollande, à Washington Obama avait souligné qu’une option militaire en Syrie restait à l’ordre du jour.

Parallèlement, Berlin durcit son offensive en politique étrangère en Ukraine. La semaine passée, lors de sa première visite officielle à Moscou, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (Parti social-démocrate, SPD) avait mis en garde le gouvernement russe contre une escalade de la lutte pour le pouvoir en Ukraine. « Il ne devrait être de l’intérêt de personne d’allumer la mèche de cette poudrière, » avait dit Steinmeier.

En fait, c’est Berlin même qui est en train d’attiser les flammes du conflit en Ukraine. Le gouvernement allemand soutient l’opposition et collabore étroitement avec Vitali Klitschko et son parti UDAR (une abréviation signifiant « coup »). Celui-ci est résolument soutenu par la Fondation Konrad Adenauer qui est affiliée à l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Le ministère des Affaires étrangères entretient également des liens avec Oleg Tyagnibok, le président du parti antisémite d’extrême-droite, Svoboda.

L’offensive en matière de politique étrangère en faveur d’opérations plus robustes de la Bundeswehr (armée allemande) à l’étranger figure en bonne place à l’ordre du jour de la première réunion en début de semaine prochaine du comité de coalition CDU-SPD. La ministre de la Défense, Ursula von der Leyen (CDU), le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier (SPD) et le ministre de l’Aide au Développement, Gerd Müller, (Union chrétienne-sociale, CSU) se réuniront ensuite pour en discuter les détails et coordonner la procédure à suivre.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Martin Schäfer, a souligné que le futur point de mire de la nouvelle politique étrangère serait l’Afrique. Il a ajouté qu’une nouvelle stratégie pour l’Afrique était attendue de longue date et était débattue et développée au sein du ministère depuis longtemps. « L’Afrique est bien plus qu’un continent de crises. De nombreuses possibilités y existent aussi, » a dit Schäfer en ajoutant : « Plusieurs pays africains affichent des taux de croissance qui sont considérablement plus élevés que ceux de l’Union européenne. »

Schäfer a poursuivi en disant que l’Allemagne souhaitait étendre sensiblement la coopération économique avec un nombre de pays africains. Il a révélé que l’économie allemande espérait tirer profit à la fois des débouchés offerts par le marché et des ressources naturelles qui sont disponibles en Afrique. Le ministère des Affaires étrangères préfère toutefois laisser ses propres intérêts à l’arrière-plan et affirme être surtout motivé par des soucis humanitaires et sécuritaires. Schäfer a précisé que l’objectif du « soutien économique » était de stabiliser les pays africains et d’éviter de nouveaux conflits.

Immédiatement après la Conférence sur la sécurité qui s’était tenue il y a deux semaines à Munich, la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen s’était rendue au Sénégal et au Mali pour annoncer l’augmentation de 180 à 250 soldats du contingent de la mission d’entraînement de la Bundeswehr déployé au Mali.

Durant sa visite effectuée dans une caserne sur les bords du Niger où un bataillon d’avant-garde d’une centaine de soldats est déjà stationné, elle a rejeté les critiques faites à l’égard d’une extension des missions de laBundeswehr à l’étranger. « Il y a eu des époques où 11.000 soldats hommes et femmes étaient en poste à l’étranger. Actuellement il y en a 5.000 parce que les opérations en Afghanistan touchent à leur fin, » a-t-elle dit. Elle a déclaré que la Bundeswehr avait la capacité d’entreprendre des opérations supplémentaires.

Lundi dernier, Berlin avait aussi confirmé que l’on discutait la reprise d’une participation de la Bundeswehr à la mission de formation de l’Union européenne (European Union Training Mission, EUTM) en Somalie, Etat d’Afrique orientale en crise. L’Allemagne avait jusqu’à la fin de l’année dernière été impliquée dans la formation d’unités militaires somaliennes en Ouganda, et y déployait une vingtaine de soldats. Lorsque la mission a été transférée en Somalie en début d’année, la Bundeswehr avait initialement mis fin à son engagement car la situation sécuritaire y était considérée trop instable. Cette évaluation a apparemment été revue.

Fin janvier, la chaîne d’information télévisée n-tv avait fait un reportage sur ce qui se cachait derrière les arguments humanitaires qui servent actuellement à propager la nouvelle stratégie pour l’Afrique.

Son reportage avait examiné sous le titre « Uranium, or, diamants et minéraux : l’Allemagne découvre l’Afrique, » les intérêts commerciaux du pays. Le compte rendu avait débuté par une citation de Wolfgang Ischinger qui dirige la conférence de Munich sur la sécurité. Ischinger a dit que l’Allemagne avait un retard considérable à rattraper et que l’« Afrique ne devrait pas être laissée à la Chine. »

L’émission télévisée avait prévenu que par rapport à la Chine, l’Allemagne était à la traîne. Depuis le début des années 1990, la Chine se livrait à une « véritable frénésie d’achats », acquérait des ressources stratégiques et gagnait de plus en plus d’influence dans de nombreux pays africains. Le secret de la politique chinoise à l’égard de l’Afrique était perçu comme résidant dans le fait qu’en échange de l’approvisionnement de matières premières, Beijing construisait « des écoles, des hôpitaux et des stades pour le commun du peuple. »

Le rapport de la chaîne n-tv mettait en garde qu’une nouvelle stratégie allemande concernant l’Afrique ne devait pas être perçue comme une aventure néocoloniale. Il a cependant suggéré que « si l’Allemagne s’engageait avec la France, en Centrafrique par exemple, l’on pourrait parler d’une politique européenne des matières premières au lieu d’une politique allemande. »

Le reportage a ensuite proposé que la République centrafricaine (RCA) pourrait constituer un terrain d’essai pour ce genre de coopération. Bien que ce pays africain enclavé situé au nord du Congo fasse près de deux fois la taille de l’Allemagne, il ne dispose pratiquement d’aucune infrastructure. Quelque 60 pour cent de la population sont analphabètes et très pauvres. L’ancienne colonie française possède toutefois d’énormes avantages économiques : elle est riche en or, en diamants, en uranium, en bois, en café et en une quantité d’autres produits.

Il fut de plus spéculé sur le fait que d’autres ressources minérales existaient probablement dans le pays comme le cuivre, le graphite, le minerai de fer, le kaolin, le calcaire, le manganèse, le quartz, le sel et l’étain. « Et l’on ne peut en aucun cas dire que la République centrafricaine a jusque-là été pleinement exploitée, » s’est enthousiasmé l’émission de n-tv.

La « nouvelle stratégie pour l’Afrique » n’a rien à voir avec la préservation de l’aide humanitaire, comme l’affirment Steinmeier et von der Leyen. Elle rappelle bien plutôt la « ruée sur l’Afrique » qui avait eu lieu à l’apogée de l’impérialisme à la veille de la Première Guerre mondiale – lorsque l’Allemagne a colonisé ce qui est de nos jours la Namibie, la Tanzanie, le Cameroun et le Togo. L’actuel déploiement de troupes de combat au Mali sert les intérêts impérialistes de l’économie allemande. Des intérêts géostratégiques, comme ceux poursuivis par le Corps expéditionnaire d’Afrique (Deutsche Afrika Korps, DAK) durant la Seconde Guerre mondiale, font également partie de cette stratégie.

La totalité des partis parlementaires allemands est en train d’appuyer cette politique belligérante. En ce qui concerne les questions de guerre, le SPD a pris les devants au gouvernement et bénéficie du soutien des Verts et du parti Die Linke.

L’automne dernier, le parlementaire de Die Linke, Stefan Liebich, avait rédigé et approuvé conjointement un document de stratégie, autorisé par l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik, SWP) et intitulé « Nouveau pouvoir, nouvelle responsabilité ». A la mi-janvier, il avait produit, en collaboration avec la politicienne du parti des Verts, Agnieszka Brugger, un document stratégique soutenant les missions militaires de la Bundeswehr à l’étranger tant qu’elles étaient couvertes par un mandat des Nations unies et qu’elles servaient à « renforcer les droits de l’Homme ».

En tant que représentant de Die Linke dans la commission des Affaires étrangères au Bundestag (parlement allemand), il avait expliqué la semaine passée qu’il y avait de nombreux arguments très convaincants en faveur du déploiement de l’armée allemande en Méditerranée. Il a ajouté : « Bien entendu, nous sommes heureux de constater que les armes chimiques syriennes sont en train d’être détruites. »

Christine Buchholz la porte-parole du groupe parlementaire de Die Linke pour les questions de Défense a également déclaré : « Nous saluons le fait que le gaz toxique est détruit. »

Die Linke est impliquée au plus haut niveau dans le changement de la politique étrangère allemande et dans la relance de l’impérialisme et du militarisme allemands. Elle joue un rôle clé en soutenant la propagande de guerre par une phraséologie humanitaire.

Ulrich Rippert

Article original, WSWS, paru le 17 février 2014



Articles Par : Ulrich Rippert

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