Le mythe de l’Islande anticapitaliste et révolutionnaire : Ce qu’il se passe réellement en Islande

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Parce que je suis fatigué que vous répandiez des contre-vérités

Puisque les gens continuent de répandre les allégations douteuses que l’Islande « a dit aux créanciers et au FMI d’aller se faire voir, a nationalisé les banques, a arrêté les fraudeurs, a réalisé des allègements de dette et est maintenant en très forte croissance, merci », il m’apparaît que je dois écrire cet article.

(Cet exemple précis vient de Twitter, mais est presque identique, mot pour mot, au classique mantra « l’Islande est une utopie économique » qui se répète ad nauseam.)

Parce que, pour quelque raison, les gens ne croient pas les Islandais lorsqu’ils disent que ce qui précède n’est pas tout à fait la réalité dont la plupart des Islandais font l’expérience.

L’Islande donne une leçon de démocratie au reste du monde en affrontant le système bancaire.
L’exemple typique de message que l’on retrouve sur les réseaux, totalement démenti par l’auteur.

1. L’Islande a dit au FMI d’aller se faire voir, de partir, a quitté le programme du FMI, etc.

Non, ce n’est pas le cas. Il suffit de regarder la page de la synthèse du FMI pour l’Islande et de lire les rapports.

https://www.imf.org/external/country/ISL/

(Trop de choses à lire ? Eh bien, bouhou. Ne pas prétendez pas savoir ce qu’est la relation entre l’Islande et le FMI tant que vous n’aurez pas lu.)

Même un regard superficiel devrait vous apprendre que l’Islande n’a pas jeté le FMI hors du pays et que le FMI ne tarit pas d’éloges pour l’Islande et notre gouvernement et que l’Islande a suivi les conseils du FMI à la lettre. Il y a d’autres détails, si vous avez lu dans les archives, qui sont intéressants, comme le fait que, dans plusieurs cas, surtout quand il a été question des banques, l’Islande est en fait allée plus loin dans la logique libertarienne que ne le recommandait le FMI [ndt : libertarian, voir cette définition]

Une révolution démocratique et anticapitaliste a lieu en Islande

2. L’Islande a dit aux créanciers d’aller se faire voir.

Oui et non. L’Islande n’a pas renfloué les banques effondrées, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Si vous aviez lu le Rapport de la Commission Spéciale d’Investigation vous auriez pu y trouver que le gouvernement islandais a tenté tout ce qu’il pouvait pour sauver les banques, y compris en demandant des prêts insensés pour payer les dettes des banques.

Le rapport: http://sic.althingi.is/

La plus grande partie, et la plupart des trucs vraiment juteux à mon avis, n’est disponible qu’en islandais, malheureusement. Vous pouvez trouver la version islandaise ici: http://rna.althingi.is/

Donc, la véritable histoire c’est que l’Islande a essayé et essayé et essayé et essayé aussi fort que nous le pouvions de sauver les créanciers. La seule raison pour laquelle nous n’avons pas réussi, c’est que le gouvernement islandais, hier comme aujourd’hui, est complètement incompétent.

Choses absurdes que les officiels islandais ont fait tout en essayant d’obtenir un soutien international (mentionnées dans le rapport) :

  • Prendre une réponse évasive mais positive de la part des Russes pour un accord de prêt, fâchant les Américains et les Russes et résultant en aucun prêt de leurs parts à tous les deux.
  • Ne pas répondre à l’appel téléphonique d’Alistair Darling (à l’époque chancelier de l’Échiquier – ministre des Finances du Royaume Uni). Ils l’ont littéralement mis en attente, puis lui ont dit de rappeler plus tard et ont raccroché.
  • Annoncer à la télévision en direct que nous n’allions pas aider les créanciers, y compris les déposants, alors qu’ils étaient en pleine négociation pour le financement du sauvetage desdites banques. Puis revenir en arrière pour obtenir de l’aide de l’UE.
  • Mentir au gouverneur de la Banque d’Angleterre et au président de la Banque Centrale Européenne à propos de l’état des banques.

Et bien plus encore. Tout est dans le rapport spécial. Lisez-le si vous vous souciez de ce qui s’est passé en Islande. La version courte est qu’ils ont essayé de sauver les banques, de sauver les créanciers et ont complètement foiré.

Autres morceaux choisis de ce rapport : les parlementaires islandais ont reçu de la part des banques beaucoup d’argent gratuit sans obligation liée, et les acteurs clés de la bulle bancaire et de l’effondrement en suivant ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été reconnus coupables de fraude ou de délit d’initié.

À l’exception de deux :

  • Le chef de cabinet d’un ministère (également mon homonyme) qui a vendu la totalité de ses actions, peu après avoir assisté à une réunion sur l’état des banques a été condamné pour délit d’initié. Baldur Sakfelldur. La seule raison pour laquelle il a été condamné est qu’il était trop stupide pour même essayer de brouiller les pistes.
  • Et Lárus Welding, que certains considèrent comme un acteur clé et est mentionné à plusieurs reprises dans le rapport, a été condamné hier et sera emprisonné pendant six mois, plus trois mois de probation. Il conserve tout l’argent qu’il a fait et compte faire appel. Compte tenu de la pente libertaire de la haute cour, sa condamnation n’est pas encore une certitude. La peine de prison qu’il vient d’obtenir devant les tribunaux d’instance inférieure est beaucoup beaucoup plus réduit que le procureur l’espérait, ce qui n’augure rien de bon pour les affaires ultérieures.

(Une histoire plus récente sur sa condamnation. Cela devrait fonctionner correctement dans Google translate et vous pouvez hocher la tête tout le long de la vidéo, en faisant semblant de comprendre.)

Le Premier ministre a été reconnu coupable de négligence dans son travail, mais reste complètement impuni. Pas de peine de prison, aucune amende, rien. Je dirais de lui qu’il était un bouc émissaire s’il ne s’en était pas sorti indemne.

The Guardian : L’ex-Premier Ministre islandais Geir Haarde blanchi de négligence bancaire [Iceland ex-PM Geir Haarde cleared of bank negligence]. L’article de The Guardian était initialement intitulé « l’ex-Premier Ministre islandais Geir Haarde reconnu coupable du krach bancaire » [Iceland ex-PM Geir Haarde found guilty of banking crash failure], titre qui a été diffusé sur Twitter, ce qui bien sûr est le contraire absolu de la vérité.

Icenews : L’Ancien Premier ministre islandais Geir H. Haarde déclaré non coupable [
Former Icelandic Prime Minister Geir H. Haarde found not guilty]

Tous les autres qui ont été condamnés à ce jour sont à la bulle bancaire islandaise ce que Bernie Madoff est à Goldman Sachs : des fraudeurs qui ont profité du climat, mais n’étaient pas des acteurs clés dans la bulle ou l’effondrement.

C’est un peu comme arrêter un lieutenant nazi quand Hitler et Goebbels courent toujours. Que dois-je en dire ? Bien joué ? C’est du menu fretin mais je suppose que c’est un début ? Les tapoter sur la tête et dire meilleure chance la prochaine fois ?

Bah, fumisterie.

(Je suppose que ce qui précède répond également à 3. L’Islande a arrêté les fraudeurs, ce qui montre que ce n’est manifestement pas le cas. L’Islande a arrêté quelques fraudeurs : les pions, du menu fretin, et les laquais.)

4. L’Islande a nationalisé les banques.

C’est bien vrai. Puis l’Islande les a de nouveau privatisées en un temps record. Deux des trois grandes banques effondrées en Islande sont désormais détenues par les créanciers. (« Mais je croyais que l’Islande emmerdait les créanciers ? » Hah ! Ouais, elle est bonne celle là.) La troisième banque, Landsbanki, est encore nationalisée mais c’est uniquement à cause des affaires judiciaires en cours impliquant Icesave (plus sur ça plus tard).

La plupart des créanciers ont effectivement vendu leurs participations à des fonds étrangers, des fonds vautours, etc. Encore une fois, traduisez le sur Google si vous vous souciez réellement des faits.

Ainsi, non seulement l’Islande a re-privatisé le système bancaire, mais nous l’avons vendu à l’étranger.


Ajouté après édition : quelques détails supplémentaires sur la nationalisation

Comme souligné, le gouvernement n’a techniquement jamais nationalisé les banques, il a juste pris le contrôle en utilisant une loi d’urgence après qu’elles ont fait faillite. Alors qu’il semble raisonnable d’appeler nationalisation le contrôle et la gestion par le gouvernement des banques, et même si l’on appelle cela familièrement une nationalisation, à proprement parler le terme ne s’applique pas ici. Ce qui fait tout simplement du mantra « L’Islande a nationalisé ses banques » encore plus un mensonge.

Le gouvernement a confié le contrôle des banques aux créanciers à peu près quinze mois plus tard.

Ou, techniquement, ils ont remis le contrôle des banques aux receveurs [?], gérant les anciennes banques du secteur, qui à leur tour les gèrent pour les créanciers, plusieurs d’entre-eux n’ayant pas été identifiés.

Établir l’identité des créanciers et leur nationalité a pris beaucoup de temps et est encore relativement incertain.

La nationalité des créanciers est importante parce que les banques ont repris plusieurs entreprises dont la propriété est réglementée par la loi en Islande. Les entreprises de pêche doivent être détenues uniquement par des Islandais ou des entreprises de propriété islandaise, par exemple. Il y a également des limites sur la nationalité des propriétaires d’entreprises dans les secteurs de l’énergie et d’autres industries réglementées.

Ainsi, les receveurs n’ont pas encore remis le contrôle direct des banques aux créanciers. Il y a de bonnes chances qu’ils ne le feront pas tant que les banques se sont pas départies de la propriété d’entreprises dont la nationalité des propriétaires est réglementée.

Certaines des banques en faillite ne restèrent sous contrôle du gouvernement que quelques semaines. SPRON, par exemple, a fusionné avec la Banque Arion qui à son tour a été donnée à ses créanciers quelques semaines plus tard. Les clients de SPRON, comme moi, furent essentiellement un cadeau gracieux pour les créanciers étrangers de Kaupthing.

Pourquoi est-ce un timing record ?

Parce que la bulle bancaire et le crash étaient une affaire très compliquée. Nous ne savons toujours pas exactement ce qui s’est passé, où est passé l’argent, qui possédait quoi et qui a réellement pris les décisions. Les banques islandaises ont utilisé des droits de propriété complexes et des structures d’entreprise pour se cacher et masquer les détails. Ces structures étaient si compliquées et tortueuses qu’elles font du montage Enron un jouet à peu près aussi complexe qu’un Fisher-Price. Trier parmi les décombres et faire en sorte que le gouvernement sache réellement ce que les banques étaient, reconstruire un système bancaire, réformer les organismes de régulation, et autres, prend plus de quinze mois et, dès lors que le gouvernement a abandonné le contrôle il a rendu à peu près impossible l’adoption des réformes dont il y avait besoin.

(Bon nombre des réformes qui résoudraient la crise de la dette des ménages en Islande, par exemple, ne sont possibles qu’avec la coopération des banques.)

En outre, les banques sont sous le coup d’enquêtes pour fraude, évasion fiscale, manipulation du marché et délit d’initié. Dès que les créanciers ont repris les banques, les banques elles-mêmes (en particulier les filiales à l’étranger, mais détenues entièrement [sous propriété islandaise ? ndt]) sont devenues beaucoup moins coopératives et ont commencé à se protéger à nouveau derrière le secret bancaire.

C’est mon avis qu’en redonnant aux banques [le contrôle ? ndt] si tôt, le gouvernement a détruit le peu de chance que l’Islande avait pour la réforme bancaire et a saboté les enquêtes criminelles en cours.


5. L’Islande a procédé à un allègement de la dette.

La réponse à cette question est oui, mais pas vraiment. La clé pour comprendre ce qui s’est passé, c’est de faire de votre mieux pour ne pas être un imbécile numériquement analphabète qui refuse de lire les sources originales. Je sais. C’est dur. Pourtant, vous devriez essayer. Cela rendrait votre mère heureuse.

Il y a eu beaucoup d’allègements de dette par ici. Le 1% le plus riche a vu la quasi-totalité de ses dettes annulée, par exemple. N’était-ce pas gentil de la part des banques ?

Pour le reste d’entre nous, la situation est beaucoup plus compliquée.

L’endettement des ménages en Islande est réparti sous deux formes :

  1. Prêts liés à un indice de devises.
  2. Prêts liés à l’indice des prix à la consommation.

Les prêts de type A ont plus que doublé au cours de l’effondrement. Ceux qui devaient un million ont fini par devoir deux millions, etc. Il y a eu un peu de réduction de la dette pour les prêts devises parce qu’ils étaient manifestement illégaux.

  1. Un Islandais en quasi-faillite attaque la banque en justice parce que le prêt était illégal. (2011) (2012)
  2. Le tribunal oblige la banque à reprendre le prêt.
  3. Le gouvernement soutient que la décision du tribunal ne constitue pas un précédent et définit une loi qui limite l’étendue de l’allègement de la dette. Exemple.
  4. Un Islandais en quasi-faillite attaque la banque en justice parce que le prêt était illégal, et parce que la législation gouvernementale qui en découle était illégale, gagnant le procès. Par exemple.

Ce tourne en rond encore et encore. Le gouvernement islandais a combattu bec et ongles l’allègement de la dette, avec toutes les ressources et outils à sa disposition. De quelque manière que l’on regarde, ils ont été les copains du système bancaire.

Les prêts de type B sont un peu plus compliqués et nécessitent plus d’explications.

Normalement, lorsque les prêts sont liés à l’indice des prix à la consommation (une chose rare en soi dans d’autres pays), les remboursements augmentent en ligne avec l’inflation.

Le système islandais est différent. Si vous empruntez 100 000 couronnes par an et que l’inflation passe à 10% (pas rare à l’époque post-effondrement, l’inflation a varié entre 4% et 20%), alors à la fin de l’année, vous devez 110 000 couronnes, même si vous avez payé des intérêts. Cela signifie que si votre prêt hypothécaire est de ce type B, vous ne parviendrez jamais à le rembourser, parce que l’Islande depuis qu’elle a sa propre monnaie n’a jamais réussi à avoir une faible inflation.

La couronne islandaise a été introduite en 1922 à parité avec la couronne danoise et a depuis lors perdu 95,95% de sa valeur. L’inflation est endémique et permanente en Islande.

La plupart des prêts en Islande sont de type B, des crédits indexés sur les prix.

Il y a eu un programme d’allègement appelé la règle de 110%, qui a réduit toute hypothèque qui était de plus de 110% de la valeur de la propriété à 110% de la valeur de la propriété. Ceux qui étaient sous l’eau sont restés sous l’eau et cela ne les a guère aidé, car quelques mois plus tard, ils sont de retour là où ils en étaient.

Dans l’ensemble, l’allègement de la dette des ménages s’élève à 196,3 milliards d’ISK [couronnes islandaises, ndt] tandis que les prêts indexés ont augmenté de 360 milliards d’ISK depuis septembre 2008 en raison de cette indexation. Source.

Fondamentalement, les ménages sont moins bien lotis qu’ils ne l’étaient, pas mieux lotis, et les programmes de réduction de la dette n’étaient rien de plus que des manœuvres politiques pour gagner des voix, pas d’amnistie de la dette à proprement parler comme celle pour laquelle le mouvement Occupy avait fait campagne.
Plus sur les prêts islandais indexés : 1 2

Le petit détail avec le système de prêt en Islande, c’est que seuls les idiots ont contracté des prêts qui indexés à une monnaie étrangère. Quiconque sait compter et s’assit devant les chiffres pouvait voir que les prêts en devises étrangères étaient un risque incroyablement stupide à prendre ; ainsi tous les gens sensés, toutes les personnes qui ont bénéficié de peu ou pas d’allègement de la dette, avaient contracté des prêts indexés sur les prix. Les idiots et les irresponsables prirent les prêts indexés aux devises et ont été récompensés par une part disproportionnée du peu d’allègement de la dette qu’il y a eu.

Encore et toujours, en Islande les fiscalement sensés et judicieux sont punis.

6. L’Islande est désormais en très forte croissance

Sauf si vous êtes le genre de personne qui regarde un enfant atteint de leucémie et dit : « regarde-moi ce petit Charlie chauve, comme il devient fort en grandissant », alors je dois dire non à cette question. Survivre n’est pas croître fortement.

L’inflation pour 2012 est de l’ordre de 4%, en 2011 elle était de l’ordre de 5%.

La croissance est estimée à 2,7% pour 2012 et était de 2,6% en 2011. (Sources : http://www.hagstofa.is/ l’estimation.)

Pour les innumérés parmi vous, les chiffres ci-dessus montrent que l’économie islandaise tourne pour rester sur place. Ce n’est pas de la forte croissance ou de la bonne santé. C’est prendre son temps [« This is ambling about » ?, ndt], ne pas mourir, à peine. Surtout quand on regarde les chiffres de http://www.hagstofa.is/ et http://www.sedlabanki.is/ qui montrent que la plus grande partie de cette croissance provient de la croissance d’une bulle immobilière en Islande. Les entreprises ne récupèrent pas.

Salaires avant impôt en IslandeLa nouvelle bulle immobilière en Islande.

Aussi, gardez à l’esprit que la croissance est mesurée en couronne islandaise qui a une valeur d’environ 20-50% de ce qu’elle était en 2008, ce qui signifie que ces chiffres de croissance ne sont rien de plus que des erreurs d’arrondi dans l’effondrement de l’Islande en termes de devises étrangères.


Ajouté après édition : Plus de détails sur le problème de la croissance

Je ne pense pas que les gens ont compris ce que je voulais dire avec la section sur le PIB. C’est de ma faute. J’aurais dû l’expliquer. Ce que je n’ai pas fait, ce qui était stupide de ma part.

Le revenu a baissé pour les ménages islandais. Leur dette est indexée. La croissance est en grande partie due à une résurgence de la bulle immobilière et au retour à la croissance pour les banques en raison des prêts indexés s’envolant vers des sommets ; c’est à dire que les ménages n’en bénéficient pas beaucoup, voire pas du tout. Ils ne peuvent pas puiser dans le marché immobilier en plein essor parce qu’ils sont déjà surendettés, les lois islandaises sur la faillite empêchent les gens d’échapper à leur prêt hypothécaire (vous ne pouvez même  pas y échapper en mourant, si vous décédez, vos enfants devront le payer) et le marché immobilier est largement dominé par de l’argent captif, du capital étranger qui ne peut s’échapper à cause des restrictions de change.

C’est pourquoi j’ai mentionné le chiffre de l’inflation. Lorsque votre prêt hypothécaire est indexé et votre salaire est statique ou en baisse, une inflation élevée détruit complètement tout avantage économique que votre ménage peourrait obtenir de la croissance économique. La prévalence des prêts indexés signifie que l’inflation a un effet négatif disproportionné sur les ménages, en particulier par rapport à d’autres pays où vous pouvez obtenir des prêts non indexé.

Plus l’inflation est élevée, peu importe combien la croissance est forte, il y a toutes les chances que le résultat final sera dévastateur pour les ménages islandais. Ainsi, même si l’Islande atteint une croissance miraculeuse de 5%, si l’inflation sous-jacente est de 10%, alors le résultat sera un désastre économique national dû au fait que la majorité des prêts islandais et des prêts hypothécaires sont liés à la variation déformée et excentrique, toute islandaise, de l’indice des prix à la consommation.

Et pour la même raison, si l’Islande avait atteint une croissance de 2,6% par rapport à une inflation de 2% (au lieu de 4%), les effets économiques sur le fardeau de la dette des ménages aurait été différents et nous ne serions pas confrontés à une crise aussi imminente que celle vers laquelle nous faisons face, alors que nous entrons en 2013.

L’inflation compte vraiment en Islande.

Je reconnais que je n’avais pas traité ce point correctement. J’ai juste supposé que les gens comprendraient ce que je voulais essayer de faire après avoir lu la section sur les prêts indexés en Islande. Comme je l’ai dit, l’inflation augmente directement le fardeau de la dette des ménages en Islande tandis que la rémunération n’a pas bougé (en fait elle a baissé un peu si vous étudiez les derniers chiffres). C’est pourquoi vous ne pouvez pas parler de croissance en Islande sans introduire le taux d’inflation en contexte. Dans les économies normales, une inflation sous-jacente de 4% avec une croissance de 2,6% n’entraîne pas l’augmentation du principal du prêt de tout le monde de 4% sur l’année. Mais c’est exactement ce qui se passe en Islande. Donc, il faut considérer l’inflation dans tout débat sur la croissance en Islande.

J’avais supposé qu’après avoir discuté de l’indexation, juste mentionner l’inflation dans un contexte de croissance serait suffisant pour que les gens comprennent ce que je voulais dire. Ce qui était manifestement stupide, car il n’y avait aucun moyen que cela se produise sauf aux lecteurs à pouvoir lire dans les pensées.


7. Icesave

C’est la racine de toutes ces absurdités. La version courte de l’histoire est que Landsbanki, gérée par le fraudeur reconnu coupable Björgólfur Guðmundsson (ce qui en soi aurait dû être un avertissement pour vous les gens), lança un programme douteux de compte d’épargne qui promettait des rendements surréalistes aux Royaume-Uni, Pays-Bas, et ailleurs, collecta de l’argent à partir d’une bande d’idiots cupides, fit faillite et l’argent disparut dieu sait où.

Vous pouvez trouver un aperçu plus ou moins raisonnable sur le différend Icesave sur Wikipedia :http://en.wikipedia.org/wiki/Icesave_dispute [fr]

Björgúlfur et son fils, nota bene, n’ont pas été poursuivis pour quoi que ce soit, en dépit d’avoir été des acteurs clés dans la bulle bancaire et son effondrement consécutif.

Le Royaume-Uni et d’autres gouvernements couvrirent promptement tous les dépôts en totalité, ne se limitant pas à la quantité garantie par la loi, puis se retournèrent et demandèrent que l’Islande les rembourse, avec des taux d’intérêt exorbitants.

L’Islande dit oui. Le gouvernement islandais dit oui, mais ajouta quelques clauses raisonnables concernant les taux des versements et ce genre de choses et renvoya le tout aux Britanniques et aux autres.

Les Britanniques dirent non. Payez-nous tout, avec des taux d’intérêt de requin, ou alors.

Donc, l’Islande dit oui à nouveau. Le gouvernement et le parlement acceptèrent les termes fous malgré les protestations massives des citoyens islandais. Le président refusa de signer, forçant un référendum sur le projet de loi. Les Islandais rejetèrent massivement l’accord de prêt.

Le Président d’Islande explique pourquoi son pays s’est remis si rapidement de la récession : « Le gouvernement a renfloué les gens et emprisonné les banksters – l’opposé de ce que l’Amérique et le reste de l’Europe a fait. »

Va et vient deux ou trois fois, les électeurs islandais refusant de payer à chaque fois. À la fin les Britanniques et les autres abandonnèrent et sont poursuivent maintenant le gouvernement islandais dans divers tribunaux pour essayer d’obtenir les taux d’intérêt qu’ils veulent.

Quelques petites choses à noter ici:

  • Les gouvernements islandais ont toujours accepté les termes des Néerlandais et des Britanniques. Ils sont d’accord avec eux que nous devrions payer.
  • Les électeurs ne sont pas d’accord et n’ont leur mot à dire que parce que le président tient à ce que tout le monde oublie qu’il est un collaborateur bankster qui se trouvait dans la poche des banques jusqu’au crash.
  • Icesave est payé, peu importe ce que les électeurs islandais disent. Le litige porte uniquement sur l’importance des taux d’intérêt. (Bretar fá greitt.) L’Islande n’a pas refusé de payer Icesave, la majorité en est déjà réglé et le gouvernement envisage de payer le reste. Le conflit et les référendums ont été entièrement pour savoir si nous devons payer des taux d’intérêt d’usurier ou non.

Il y a plus

Je pourrais continuer sur la façon dont le service de la dette des ménages prend une part de plus en plus importante du budget de chaque Islandais, comment les niveaux de revenus se sont effondrés, comment les compressions budgétaires ont donné lieu à des chutes importantes dans la qualité du service, à la fois dans les services de santé et dans le système éducatif. Je pourrais parler de la façon que le gouvernement islandais a eu de croire en tout le mythe de l’austérité. Je pourrais parler de comment le système de protection sociale de l’Islande, de style nordique, est en cours de démantèlement. Je pourrais parler de la façon dont les personnes âgées meurent de faim ou de la façon dont les pauvres se voient refuser de l’aide. Je pourrais parler de la fuite des cerveaux alors que les spécialistes fuient le pays. Je pourrais parler de la façon dont la sélection des produits dans les épiceries s’est effondrée. Je pourrais parler de la crise politique où aucun des partis politiques n’ose prendre position contre les banques. Je pourrais parler de la façon dont les banques sont à nouveau en expansion en jouant exactement le même jeu que dans la bulle. Je pourrais continuer encore et encore, mais si vous n’avez pas écouté jusqu’à présent, rien de ce que j’ai à dire ne saurait vous convaincre.

Bien sûr, cela signifie que vous êtes un idiot qui refuse de reconnaître les faits, mais, heureusement, être un crétin est votre fardeau, pas le mien.

Finalement, qu’est-ce qui se passe ?

Pourquoi ces mythes sont répandus sur l’Islande ? Pourquoi les gens pensent-ils que l’Islande est un paradis progressiste alors qu’en réalité c’est un rêve humide thatchérien ? Pourquoi l’Islande est-elle exhibée par le mouvement Occupy comme un exemple de la façon dont les choses devraient se faire ?

Je ne sais pas. Ma théorie, appuyée sur les noms de ceux qui semblent être les sources des plus grands mythes, c’est qu’il y a un groupe d’Islandais manifestement en train de mentir aux étrangers.

Peut-être qu’ils font cela pour soigner leur orgueil nationaliste blessé, qu’ils se sont convaincus que c’est vrai et que l’Islande est vraiment formidable et unique. Peut-être est-ce parce qu’ils retirent profit de mentir aux étrangers crédules. Cela était un sport national au cours de la bulle bancaire et a été une tactique classique de l’Islande à travers les âges, mais je ne peux pas écarter le rôle du nationalisme idiot dans tout ce non-sens.

Je ne sais pas. La seule chose que je sais, c’est que l’on vous ment et que les Islandais sont très bons pour se mentir à eux-mêmes. S’ils ne l’étaient pas, nous ne serions pas dans ce pétrin.


Ajouté après édition : Ce n’est pas un article de blog sur l’économie. Diriger les gens vers le rapport public, [dire] quelle législation a été effectivement adoptée ou laquelle ne l’a pas été, quels procès ont été gagnés ou perdus, qui a été poursuivi ou pas, quelles mesures le gouvernement a pris ou non, ce n’est pas de l’économie et ça n’est pas sujet à interprétation. Vous pouvez débattre sur les effets à long terme de la législation qui a été adoptée (et il y a un débat à avoir là), mais ce qui a été fait et ce qui ne l’a pas été n’est pas soumis à discussion.

La seule chose discutable dans [cet article de] blog est de savoir si vous pensez que les chiffres de croissance sont positifs ou non. (Si vous pensez que les chiffres de croissance sont prometteurs, cela ne fait que me montrer que vous ne comprenez pas la crise du système de retraite en Islande, l’effondrement imminent de la caisse nationale du logement, ou la bulle immobilière en plein essor, mais je vais reconnaître que vous pouvez débattre de ces questions. Le reste, non, ça n’est pas sujet à débat. Il y a des choses que le gouvernement islandais a fait et il y a des choses qu’il n’a pas faites. Ses actions sont enregistrées.)

Ajouté après édition 2 : J’ai ajouté ce qui suit dans les commentaires, cela mérite une mention ici.

Une autre chose à mentionner est que même si Lárus Welding perd son appel et que la peine de prison de six mois + trois mois sous libération conditionnelle est confirmée, cela ne signifie pas qu’il va effectivement être en prison pour six mois.Telle que fonctionne l’incarcération en Islande, il est susceptible d’être dans une maison de transition avec un traceur GPS sur sa cheville dans deux mois, et complètement libre dans trois, accomplissant les six autres en libération conditionnelle. Et il conserve tout l’argent qu’il s’est fait. Ce qui représente de grandes quantités.

Baldur Guðlaugsson, l’autre grand coupable mentionné, n’a effectué que six mois sur 24 en prison.

Baldur Bjarnason (@fakebaldur)

Le 29 décembre 2012

L’auteur ajoute également dans les commentaires, concernant la révolution constitutionnelle en Islande :

La révolution des pots et casseroles est morte depuis longtemps. Le peu qu’il en reste est mort quand le processus de réforme constitutionnelle a déraillé.

En bref : le projet de proposition par le conseil est en cours de réécriture par les politiciens et les commentaires des spécialistes de la Constitution ont été ignorés. Le Parti de l’Indépendance, le probable vainqueur de l’élection du printemps prochain a déclaré qu’il ne se considère pas comme lié par le référendum sur la constitution, ce qu’ils peuvent dire vu que le référendum n’était pas contraignant. Les manifestations ont cessé depuis bien longtemps. Nous voyons même quelques manifestations anti-réforme organisés par des pouvoirs politiques comme les barons de la pêche. Les nouveaux mouvements politiques se sont scindés en petits fragments qui sont peu susceptibles d’entrer au parlement. La situation ne semble pas bonne.

Ce qui rejoint l’analyse de cet article.

À noter aussi cet article qui s’appuie sur la traduction et donne des recoupements d’informations, qui concordent avec les propos de Baldur Bjarnason.

Traduction de l’article en anglais de  (@fakebaldur) sur la situation réelle de l’économie, de la justice et des institutions en Islande depuis le crash bancaire de 2008, confrontée aux mythes répandus sur lesréseaux sociaux. 29 décembre 2012.

Source de la traduction :

http://sans-commentaire.info/2013/01/20/le-mythe-de-lislande-anticapitaliste-et-revolutionnaire-les-faits-rien-que-les-faits/



Articles Par : Baldur Bjarnason

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