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Le port du niqab et de la burka : un projet de loi contradictoire
Par Josée Simard
Mondialisation.ca, 08 avril 2010
Presse toi à gauche 8 avril 2010
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/le-port-du-niqab-et-de-la-burka-un-projet-de-loi-contradictoire/18551

Le projet de loi 94, du gouvernement libéral, prévoit exclure le port de la burqa et du niqab dans les rapports entre les citoyenNEs et les employéEs des services publics. Ils et elles pourraient quand même porter d’autres signes religieux, comme la croix ou le hidjab.

Québec veut baliser les demandes d’accommodement dans l’administration gouvernementale et certains établissements, comme les écoles, les garderies et les hôpitaux. Le projet de loi mentionne que tout accommodement doit respecter deux principes : concernant l’égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse de l’État.

Le principe d’égalité

Se cachant derrière le principe d’égalité, le gouvernement Charest tente ainsi de justifier son projet de loi. Donc, les femmes et les hommes seraient à même égalité au sein de la société québécoise. Est-il en train d’envoyer un message au mouvement des femmes en général, soit que la lutte n’a plus sa raison d’être ? Qu’il n’y a plus de raison de protester, de marcher, de dénoncer ?

Mais que fait-il du fait qu’encore aujourd’hui, les femmes vivent certaines problématiques seulement parce qu’elles sont des femmes ? N’en déplaise à tous ceux qui aimeraient se faire accroire que l’égalité est atteinte afin de se déculpabiliser, le fait est qu’il reste du travail à faire. Alors, pourquoi choisir de travailler seulement la question du port de certains signes religieux ? Pourquoi ne pas s’attaquer également à la pauvreté ou à la violence, problématiques vécues majoritairement par les femmes ?

Être sexy à outrance

L’argument principal chez la population est que les femmes qui portent le voile ne choisissent pas de le faire ; elles y sont obligées. Partons de ce principe et comparons avec ces femmes qu’on dit libérées, celles qui portent des jupes de plus en plus courtes, des talons hauts de plus en plus hauts, etc. Mais où est l’oppression ? Chez les femmes musulmanes ou chez les femmes qui se dévoilent de plus en plus physiquement ? Est-ce qu’une femme choisit vraiment de porter un vêtement qui lui dévoilera les seins ou les jambes ? N’est-ce pas là une réponse aux pressions qu’elle reçoit de la part de la société, de son milieu de travail ou encore de la publicité ? Est-ce que les hommes ont ce genre de pressions ? Le gouvernement devrait-il alors faire un projet de loi pour interdire le port de tout vêtement qui va à l’encontre du principe de l’égalité femmes/hommes ?

Une religion qui dérange

Pour se positionner dans ce débat, faut-il être d’accord avec le voile ou pas ? Mais pourquoi ce signe religieux en particulier dérange-t-il autant ? La religion principale au Québec est le catholicisme. Est-ce que cette religion respecte les principes de l’égalité femmes/hommes ? La réponse est non, connaissant tous les privilèges auxquels ont droit les hommes. D’autre part, certaines congrégations de sœurs catholiques sont encore aujourd’hui facilement reconnaissables, entre autre parce qu’elles portent un foulard sur la tête, sorte de voile. Mais qui s’insurge de voir ce port de signes religieux ? Et du fait que c’est parce qu’elles sont des sœurs et donc des femmes qu’elles les portent ?

L’autonomie des femmes : une question d’indépendance économique.

Un tel projet de loi est complètement irresponsable quant aux conséquences possibles pour les femmes qui seront touchées par cette loi. En effet, il n’est pas exagéré de présumer que ces femmes se retireront de la vie publique pour rester à la maison. Elles n’iront plus à l’école, ni au travail, ne participeront plus aux réunions d’école de leurs enfants, ne recevront plus de soins de santé, etc. N’est-ce pas là une contradiction avec leur argument d’égalité entre les femmes et les hommes ? N’y a-t-il pas plus de risques que des femmes restent dans des situations de violence conjugale ? Pour qu’elles soient indépendantes, les femmes doivent avoir un revenu bien à elles. Et pour cela, il faut d’abord qu’elles travaillent.

Le projet de loi 94 prétend qu’il ne faut pas mélanger religion et services publics. Pourtant, pendant ce temps, le gouvernement continue de financer des garderies à vocation religieuse … Ou des écoles juives …

Josée Simard est une intervenante sociale qui travaille dans la région de Québec.

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