Le président dans le tunnel
Nouvelle, prodigieuse invention des services de sécurité Usa : un tunnel à ciel ouvert (dans la série « on la joue compliqué»). Pour protéger Georges W. Bush dans sa visite à Rome, au lieu de creuser une galerie, ils vont la faire au grand jour, en toile verte de dix mètres de long, sur la place, meurtrière, de Santa Maria in Trastevere, qui depuis des décennies sent la fumée. Pas celle des armes, non, celle de l’herbe* : on ne sait jamais, si un zéphyr de joints venait altérer l’esprit de l’auguste président. Mieux vaut tard que jamais. Mais peut-être s’agit-il d’un tunnel dans l’espace-temps, dont le locataire de la Maison Blanche est depuis des années l’infatigable – et extraterrestre – voyageur. De fait ce n’est qu’avec ce genre de tunnel espace-temps qu’il est possible d’affirmer que des bases anti-missiles en Pologne et en République Tchèque sont pointées sur l’Iran et pas sur Moscou, comme Bush l’a dit hier à Prague. A moins que le Pentagone ne soit doté de cartes géographiques où ce sont Varsovie et Prague qui sont limitrophes de l’Iran, tandis que l’Irak et la Turquie sont aux frontières de la Russie. Si autoritaire et autocrate que soit Vladimir Poutine (son amitié avec Berlusconi et son admiration pour Schwarzenegger en disent long), il y a dans l’insistance avec laquelle Bush affirme que ces rampes sont dirigées vers les « états canaille » et pas vers la Russie, une outrecuidance, une façon de se foutre impunément des gens, qui ferait perdre la raison même à un saint : s’ils veulent vraiment contenir l’Iran, pourquoi n’installent-ils pas les rampes en Turquie, fidèle alliée de l’Otan qui est à la frontière de l’Iran, ou en Irak que les Usa occupent carrément ?
A moins, justement, que la géographie dans laquelle vit Georges W. Bush ne soit différente de celle que nous étudions nous. Bush fait penser à ce garçon du Middle West à qui notre ami Sandro Portelli demandait pourquoi les jeunes américains connaissaient si peu la géographie. Réponse : « Parce que nous ne vivons pas en géographie ».
Edition de mercredi 6 juin de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
*L’auteur a fait un jeu de mots impossible à traduire en français, sur « le canne » : nella micidiale piazza di Santa Maria in Trastevere, che da decenni rigurgita di canne. Ma non di bazooka, bensì di erba: vedi mai che lo zefiro degli spinelli alteri la mente dell’augusto presidente.
J’ai remplacé les tuyaux (des bazookas et des joints) par la fumée, mais je ne sais pas si les bazookas laissent une odeur de fumée après usage…