Le président français Hollande se rend en Inde pour renforcer les liens militaires et l’investissement

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La visite de trois jours en Inde du président français François Hollande le 24 janvier afin de vendre des avions de combat Rafale à l’Inde, suivant l’ouverture par New Delhi de pourparlers sur l’hébergement éventuel de troupes américaines sur des bases indiennes, souligne l’escalade militaire qui s’empare de l’Asie du Sud.

La délégation de Hollande, y compris les ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Économie et de la Culture et des dizaines de hauts dirigeants d’entreprises, vise à stimuler le complexe militaro-industriel français et l’exploitation de la main-d’oeuvre indienne bon marché par la France. La délégation française a annoncé qu’elle va augmenter ses investissements en Inde d’un milliard pour un total annuel de 20 milliards de dollars, et ce par rapport à un investissement indien de seulement 700 millions de dollars par an en France.

Hollande s’est rendu directement à Chandigarh, la capitale de l’État de l’Haryana, dont les politiques de libre marché le rend attrayant pour la délégation française. Offrant une ligne de crédit de 2,25 milliards de dollars, la France a déjà promis d’aider à transformer Chandigarh, Nagpur et Pondichéry en «villes intelligentes» avec l’approvisionnement en eau potable, l’évacuation efficiente des eaux usées et les transports publics. Hollande et le premier ministre indien, Narendra Modi, ont participé à un sommet d’affaires entre l’Inde et la France à Chandigarh en présence de près de 30 dirigeants d’entreprises indiennes et françaises.

Au sommet, Modi a déclaré: «Nous voulons travailler en étroite collaboration avec la France… Le monde accepte l’Inde comme une bonne destination d’investissement. Le talent de l’Inde et les [compétences] manufacturières de la France peuvent réaliser beaucoup de choses.» Soucieux de garantir que les investissements français sont entre de bonnes mains, il a ajouté: «Ce gouvernement est connu pour son régime fiscal stable et prévisible.»

Les deux parties n’ont pas réussi à finaliser la transaction principale, l’achat par l’Inde de 36 avions de combat Rafale. Dassault, qui fabrique le Rafale, a déclaré la semaine dernière qu’il prenait en charge la finalisation d’un accord dans les quatre prochaines semaines. Après avoir rencontré Hollande, Modi a seulement affirmé: «Nous avons réalisé un accord intergouvernemental pour l’achat de 36 Rafales, à l’exception des aspects financiers.»

Bien que l’Inde est soucieuse de renforcer la force de ses escadrons de chasse et émerger en tant que grande puissance mondiale, les plans initiaux de New Delhi pour l’achat de 126 avions ont ensuite été réduits à 36 pour réduire les coûts.

Des accords ont été signés sur la coopération spatiale, l’économie verte, les villes intelligentes et l’infrastructure, la science et la technologie, et la rénovation des gares en Inde. Les deux parties ont également convenu de finaliser la construction de six réacteurs nucléaires en Inde par une entreprise française d’ici un an. Il y a aussi eu un accord aérospatial indéterminé entre Airbus et le groupe Mahindra.

Les deux parties ont également discuté de la coopération accrue en matière de sécurité et de renseignements. Hollande a dit: «La France et l’Inde sont deux grandes démocraties… nous sommes donc des cibles de choix pour les terroristes qui ne peuvent pas respecter la liberté, la démocratie ou la culture.»

La description de Hollande de la France et de l’Inde comme «deux grandes démocraties» qui mènent une «guerre contre le terrorisme» est de la pure hypocrisie. En fait, Modi et Hollande incarnent le caractère réactionnaire et antidémocratique des élites dirigeantes en Inde et en France.

Modi, qui en 2002 était le ministre en chef de l’État indien du Gujarat, a supervisé les pogroms anti-musulmans qui ont tué plus de 1.200 civils musulmans et ont fait fuir des dizaines de milliers de leurs maisons. Depuis que Modi est devenu premier ministre en mai 2014, les tensions communautaires et les attaques contre les minorités ont bondi.

Quant à la France, depuis l’attaque terroriste du 13 novembre dernier par l’État islamique à Paris, elle est sous l’état d’urgence. Les manifestations publiques sont interdites, il n’y a aucune garantie de la liberté de la presse ou la liberté de réunion, et aucun contrôle judiciaire des perquisitions et des saisies effectuées par la police. Hollande s’est engagé à rendre cette situation permanente et attise la haine anti-islamique. Cela a créé un climat politique dans lequel le Front national néo-fasciste peut prospérer.

Le voyage de Hollande a coïncidé avec la célébration par l’Inde de son indépendance de la Grande-Bretagne avec la fête du Jour de la République le 26 janvier. Conformément à la tradition d’inviter des dirigeants de premier plan des pays occidentaux pour le Jour de la République, le gouvernement Modi a fait de Hollande l’invité d’honneur. Il suivait le président américain, Barack Obama, l’année dernière et le premier ministre japonais, Shinzo Abe, l’année précédente.

Un contingent militaire français a participé au défilé du Jour de la République, la première fois depuis l’indépendance que les forces étrangères avaient rejoint la parade, ce qui souligne l’asservissement du gouvernement BJP aux puissances impérialistes.

Les articles de la presse indienne ont salué cette mesure comme une preuve de liens militaires croissants de l’Inde vers les puissances occidentales. C. Raja Mohan a loué Modi dans l’Indian Express pour avoir tenté d’exorciser les fantômes de «l’isolationnisme indien». Il a ajouté: «Le défilé du contingent français sur le Rajpath suggère que l’effort a commencé à porter ses fruits.»

Prétendant en quelque sorte que les relations de New Delhi avec Hollande ont un caractère anti-impérialiste, les médias indiens ont mis en évidence le fait qu’à la fin du 18e siècle, les troupes françaises se sont jointes au seigneur féodal indien Tipu Sultan contre les Britanniques, qui gouvernaient alors la majeure partie du pays.

La comparaison des troupes françaises luttant contre la monarchie britannique pendant la guerre d’indépendance américaine, la Révolution française et les guerres napoléoniennes est une fraude réactionnaire. Ces guerres ont émergé à partir d’un élan révolutionnaire des masses de l’Europe et de l’Amérique contre les monarchies absolues. Aujourd’hui, la France mène des guerres sanglantes pour défendre l’ordre impérialiste à travers l’Afrique et le Moyen-Orient, tout en imposant des mesures d’État policier chez elle.

Pour la première fois, l’implication de la CIA dans la visite d’un président français en Inde a été signalée. Le 23 janvier, la CIA a demandé à la police de l’État de l’Haryana de présenter un rapport sur l’état de la criminalité et des données sur toutes les activités criminelles signalées dans le Gurgaon et les districts environnants. Modi et Hollande ont visité Gurgaon le 25 janvier et cette initiative visait officiellement à assurer une sécurité adéquate.

Les demandes de renseignements de la CIA ont également porté sur l’exploitation minière illégale et d’autres activités dans la chaîne de montagnes Aravalli, ainsi que dans la région de Mewat, où plusieurs terroristes présumés ont été arrêtés au cours des trois dernières années, y compris un suspect d’Al-Qaïda.

Bien que le rôle de la CIA ait été présenté comme le reflet des relations amicales de la France avec les États-Unis, la politique étrangère française et américaine en Asie ne coïncide pas. En fait, bien qu’ils collaborent avec Washington sur la politique militaire, l’Inde et la France ont des réserves importantes concernant la politique étrangère américaine en Asie.

De manière significative, Modi et Hollande ont été silencieux lors de la visite sur le «pivot vers l’Asie» américain visant à isoler la Chine. Il y a seulement trois mois, Hollande a visité la Chine pour approfondir les relations financières avec ce pays. New Delhi et Paris sont devenus membres de «la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures» chinoise qui vaut 50 milliards de dollars, malgré les appels de Washington à la boycotter.

Des mesures de sécurité maximum ont été imposées à Gurgaon et Faridabad. Des commandos SWAT (Special Weapons and Tactics) ont pris position dans un rayon de deux kilomètres autour de l’endroit où se trouvaient Hollande et Modi, et l’article 144 a été imposé. Cela permet aux autorités d’interdire un rassemblement de plus de 10 personnes et d’imposer des amendes et un emprisonnement de trois ans à ceux qui transgresseraient les ordres de la police. L’article 144 était en vigueur dans les centres commerciaux de premier plan, aux endroits stratégiques et aux endroits bondés entre le 24 et le 26 janvier.

Des mesures de sécurité généralisées ont été imposées à la fête du Jour de la République. «Le centre-ville de Delhi a été essentiellement transformé en forteresse», a commenté NDTV. Cinquante-mille membres de la police et des forces de sécurité de Delhi ont été mobilisés et NDTV a noté: «Des commandos à mitrailleuses légères ont été déployés à 10 endroits stratégiques et des canons antiaériens sont restés positionnés à deux points d’observation dans la capitale.» Plusieurs anneaux de sécurité ont été déployés autour de Hollande et Modi.

Sarath Kumara

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 3 février 2016



Articles Par : Sarath Kumara

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