LE PRINTEMPS ÉRABLE : Le Parti québécois retire son «carré rouge» pour rassurer l’élite dirigeante

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a retiré son carré rouge, symbole de la grève étudiante, qu’elle arborait depuis le début du conflit en soi-disant soutien aux étudiants. Parallèlement, tous les députés péquistes ont aussi abandonné leur carré rouge et le parti a retiré celui qui décorait son logo officiel sur sa page web.

«Je ne porterai plus le carré rouge. Mais on va continuer à porter la cause étudiante sans aucune réserve, a dit mercredi la chef péquiste. Le Parti québécois, un parti nationaliste indépendantiste de droite, a profité de la fête nationale du Québec pour souligner qu’il souhaite maintenant « passer à l’utilisation de la fleur de lysée, revenir à ce qui nous rassemble, à notre projet de pays et à la campagne électorale qui viendra».

Le PQ, qui cherche à se faire du capital politique en prenant une pose de sympathie envers la grève étudiante et le mouvement populaire contre la loi 78, avait hypocritement décidé de se décorer du carré rouge au début de la grève. Cette manœuvre prenait place dans le contexte d’une chute marquée de son soutien politique au sein de la population, notamment en raison des coupures massives qu’il a opérées dans les dépenses sociales à la fin des années 1990, sur la base d’un tournant à droite qui est aujourd’hui encore plus prononcé.

Or, le carré rouge a été identifié par le gouvernement Charest, les médias de masse et toute l’élite dirigeante comme un symbole de violence et de vandalisme, afin de discréditer le mouvement étudiant aux yeux de la population.

Dans leur campagne de peur contre le mouvement étudiant et toux ceux qui le soutiennent, les libéraux ont cherché à associer le PQ au carré rouge et au mouvement des « casseroles » qui s’est développé en opposition à la loi 78. En se présentant comme un parti de la loi et de l’ordre qui ne recule devant rien pour imposer des mesures impopulaires, les libéraux recherchent l’appui de la classe dirigeante dans un contexte où ils pourraient déclencher des élections provinciales dès septembre prochain.

En abandonnant son carré rouge, Marois et son parti cherchent maintenant à se dissocier du mouvement de contestation et à rassurer la bourgeoisie que le PQ représente une alternative viable au Parti libéral du Québec de Jean Charest pour imposer les mesures d’austérité réclamées par les marchés financiers.

Malgré le retrait du carré rouge du PQ, les fédérations étudiantes universitaires et collégiales du Québec, la FEUQ et la FECQ, qui ont d’étroits liens avec ce parti de droite, ont réaffirmé leur soutien au PQ, qu’ils appuient ouvertement aux prochaines élections. La présidente de la FECQ, Éliane Laberge, a dit : «Nous, on remercie le Parti québécois pour l’appui qu’ils nous ont donné au cours de cette campagne-là [dans le conflit étudiant]».

Sur un ton plus critique, le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois a pour sa part affirmé : «On ne cachera pas que c’est décevant quand même de voir un parti politique comme ça qui arborait fièrement le symbole étudiant l’enlever». Mais offrant sa confiance dans le parti de Pauline Marois, il a ajouté, «Maintenant, je crois, qu’il est toujours possible de le remettre».

Bien que la CLASSE se présente comme une organisation non-partisane, elle appuie implicitement le PQ en refusant de le condamner pour ses mesures pro-entreprises lorsqu’il était au pouvoir, et en menant aux côtés des autres associations étudiantes une campagne d’opposition uniquement dirigée contre les libéraux.

Le retrait du carré rouge par Pauline Marois démontre toute la démagogie et l’hypocrisie de son parti lorsqu’il se vante de « défendre » les étudiants. La réalité est que le PQ est un parti de la grande bourgeoisie québécoise, au même titre que les libéraux, mais qui par ses liens étroits avec la bureaucratie syndicale et ses prétentions sociale-démocrates, a souvent été l’instrument préféré de l’élite dirigeante pour imposer ses attaques sur la classe ouvrière au cours des dernières décennies.

Marois a justifié l’abandon du carré rouge par le fait que les québécois avait déjà saisi son « message clair, sans équivoque » sur la hausse des frais de scolarité. Or, la position du PQ n’est pas celle d’une opposition à la hausse, mais plutôt celle du rejet de l’éducation en tant que droit social, qui devrait être gratuite et accessible à tous. « Le maximum que je puisse envisager, c’est l’indexation, au coût de la vie » avait dit Marois au beau milieu du conflit. Le PQ a modifié à plusieurs reprises sa position sur la hausse des frais de scolarité, et s’engage maintenant à tenir des États généraux de l’éducation où «tout serait sur la table».

Lors de l’adoption en urgence de la loi 78, qui impose des restrictions draconiennes sur le droit de manifester peu importe la cause et le lieu, le PQ s’y était opposé. Mais il a rapidement appelé la population à y obéir, accordant ainsi son plein soutien à la campagne gouvernementale pour criminaliser et écraser la grève étudiante. De plus, lorsque le député de Québec solidaire Amir Khadir a été arrêté pour avoir participé à une manifestation déclarée illégale, Marois a appuyé son arrestation.

Le PQ a d’ailleurs à son actif une longue histoire de lois spéciales adoptées pour casser des grèves et imposer des baisses salariales, depuis les décrets de 1982-83 qui rouvraient les conventions collectives des travailleurs du secteur public, jusqu’à la loi spéciale de 1999 qui forçait un retour au travail des infirmières. Celles-ci étaient sortie en grève après l’imposition de coupes massives dans l’éducation et la santé de 1996 à 1998 par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard, au nom du «déficit zéro».

Dans le but de courtiser les étudiants, Marois se vante que le PQ a gelé les frais de scolarité lorsqu’il était au pouvoir de 1994 à 2003, « même au temps du déficit zéro ». La réalité est que le PQ a maintenu le gel des frais, mais a opéré au même moment les plus importantes coupes sociales de l’histoire du Québec.

Le caractère de droite du PQ est aussi révélé par le fait que d’ardents défenseurs de la ligne dure adoptée par le gouvernement libéral dans le conflit étudiant, tels que Lucien Bouchard, Joseph Facal et le chef du nouveau parti de droite Coalition Avenir Québec, François Legault, sont d’anciens membres de premier plan du Parti québécois.

L’ancien chef du Bloc québécois – le parti frère du PQ au niveau fédéral – Gilles Duceppe, a refusé de porter le carré rouge, arborant plutôt le carré blanc pour « demander au gouvernement de mettre fin à la crise sociale » et « demander un moratoire sur la hausse des droits de scolarité ». Duceppe est un fervent opposant à la CLASSE, l’organisation étudiante la plus militante qui est à l’avant-scène de la grève étudiante.

Les bureaucrates syndicaux, qui jouissent de liens étroits et de longue date avec le Parti québécois, ont eux aussi appelé les étudiants et les travailleurs opposés à la loi 78 à cesser leur mouvement d’opposition et à se rabattre plutôt sur les prochaines élections.

Le SPQ Libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre), qui sert de porte-parole à la bureaucratie syndicale, a publié une lettre hostile à la grève étudiante et au mouvement grandissant d’opposition à la loi 78, et appelant plutôt à l’élection du PQ pour mettre un terme au conflit. Et il a été révélé que le président de la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec), Michel Arsenault, a écrit au président du CTC (Congrès du travail du Canada), Ken Georgetti, pour exiger que les syndicats à l’extérieur du Québec s’abstiennent d’offrir le moindre soutien aux étudiants en grève.

Les bureaucrates syndicaux cherchent à canaliser le mouvement de contestation populaire vers l’élection du PQ, un parti tout aussi dévoué que les libéraux à défendre les privilèges de la classe capitaliste. Ils veulent bloquer le développement d’une lutte politique indépendante de la classe ouvrière contre l’ensemble du programme d’austérité de la grande entreprise et contre tous les partis de l’establishment qui défendent et appliquent ce programme.



Articles Par : Laurent Lafrance

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