Le rapprochement entre les États-Unis et Cuba : une réalisation du Président Barack Obama

« Au début de 1959, des entreprises américaines possédaient environ 40 pourcent des terres à sucre cubaines—presque tous les ranchs—90 pourcent des mines et des concessions minières—80 pourcent des services publics—pratiquement toute l’industrie pétrolière et contrôlaient les deux tiers des importations cubaines. »

Le sénateur John F. Kennedy (1917-1963), (discours lors d’un dîner du parti démocrate, à Cincinnati, en Ohio, le 6 Octobre 1960, au cours de la campagne présidentielle de 1960).

 

« Je crois qu’il n’y a aucun autre pays dans le monde, y compris tous les pays sous domination coloniale, où la colonisation économique, l’humiliation et l’exploitation ont été pires qu’à Cuba, en partie à cause des politiques de mon pays pendant le régime Batista.

—J’ai approuvé la proclamation qu’a faite Fidel Castro dans la Sierra Maestra, quand, à juste titre, il a demandé justice et surtout souhaité voir Cuba être débarrassé de la corruption. Je vais même aller plus loin : dans une certaine mesure, c’est comme si [le dictateur] Batista était l’incarnation même d’un certain nombre de fautes de la part des États-Unis. Maintenant, je crains que nous ayons à payer pour ces fautes.

-—Concernant le régime Batista, je suis d’accord avec les premiers révolutionnaires cubains. Ceci doit être parfaitement clair. »

Le président John F. Kennedy, le 24 Octobre 1963, (entretien avec le journaliste Jean Daniel, publié dans le magazine américain ‘The New Republic’, le 14 Décembre 1963, pp. 15-20).

 

« Il est clair que la lutte contre le terrorisme est devenue la stratégie préférée du gouvernement de Batista. On évalue à pas moins de 20 000 civils tués au cours de cette campagne. »

Rapport à la Commission nationale sur les causes et la prévention de la violence Volume 2, U.S. Office Printing, 1969, p. 582.

 

En décembre 2014, lors d’une rencontre entre le président américain Barack Obama et le président cubain Raul Castro, les deux présidents se mirent d’accord pour mettre en marche un processus historique de rapprochement entre les États-Unis et Cuba. On rapporte qu’une telle initiative se fit à la suggestion du Pape François. Samedi dernier, le 11 avril, le président américain et le président cubain se sont de nouveau rencontrés, cette fois-ci à Panama, et ils en profitèrent pour concrétiser davantage la nouvelle réalité et faire en sorte de « tourner la page et développer une nouvelle relation entre nos deux pays », dans les termes mêmes de M. Obama.

Un tel développement pourrait donc mettre un terme au boycottage scandaleux de la petite île de Cuba par les politiciens américains, pendant plus d’un demi-siècle, transformant cette île des Caraïbes en un pion de la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS. Aux États-Unis, cela s’est fait aussi et surtout pour des motifs intérieurs purement électoraux, à savoir s’attirer les votes et l’argent des exilés Cubains de Miami, le tout en violation des principes moraux les plus élémentaires.

Ceci met fin à un chapitre peu glorieux de la politique étrangère américaine au 20ème siècle, surtout lorsque l’on sait que le gouvernement américain a depuis longtemps normalisé ses relations diplomatique avec des pays tels la Chine et le Viet Nam. Ceci est d’autant plus vrai aussi quand on sait que le pays voisin, le Canada, a reconnu le gouvernement cubain et normalisé ses relations commerciales avec Cuba dès 1960.

En effet, au cours des années qui suivirent la révolution cubaine de 1959, laquelle renversa le gouvernement corrompu du dictateur Fulgencio Batista (1952-1959), —un gouvernement sous l’influence directe de certains éléments de la mafia américaine qui contrôlaient les industries de la drogue, du jeu, de la prostitution, des courses et du jeu à Cuba, des gouvernements américains successifs imposèrent à Cuba une panoplie de sanctions économiques et politiques très sévères, lesquelles eurent pour effet de désemparer la petite économie cubaine et de faire chuter le niveau et la qualité de vie de ses habitants.

Ce furent deux générations de Cubains qui furent les victimes de cette cruelle politique. Que le président Obama ait décidé de rétablir les liens diplomatiques avec le gouvernement cubain, des liens qui furent rompues unilatéralement par Washington en 1961, est tout à son honneur. Un bravo aussi au Pape François, un Argentin, qui usa de son influence pour mettre fin à cette politique insensée où on vit un grand pays écraser un petit pays voisin, insensible à la souffrance humaine qui en a résulté.

Comme les deux citations ci haut du président John F. Kennedy l’indiquent bien, il y avait quand même des politiciens américains qui estimaient que les Cubains avaient raison de se débarrasser de la mafia et de leurs collaborateurs locaux corrompus qui contrôlaient ce qu’il y avait de plus important à Cuba, sous la dictature de Batista. Comment une nation comme les États-Unis qui se libéra du joug du roi britannique George III n’a pas pu comprendre cela ?

Une question bien sur mérite d’être soulevée : Dans quelle mesure les déclarations et les intentions du Président Kennedy à l’endroit de Cuba jouèrent un rôle dans son assassinat, le 23 Octobre 1963 ?

Il y a au moins trois groupes qui avaient des raisons sérieuses de s’opposer catégoriquement aux appuis que le président Kennedy apportait à la révolution cubaine et à son intention avouée de rétablir les relations politiques et économiques de son pays avec Cuba.

Premièrement, les éléments de la mafia américaine qui furent expulsés de Cuba et qui durent abandonner leurs rackets lucratifs dans ce pays insulaire des Caraïbes.

En deuxième lieu, on retrouve les partisans du dictateur cubain Batista déchu, lesquels durent s’exiler en Floride, laissant derrière propriétés et d’autres biens, sans beaucoup d’espoir de retourner un jour dans leur pays advenant le cas où le gouvernement américain rétablissait des relations normales avec le gouvernement cubain de Fidel Castro.

Un troisième groupe est formé de certains éléments de la Central Intelligence Agency (CIA) du gouvernement américain qui, sous l’autorité du directeur de la CIA Allen Dulles (1953-1961), avaient piloté l’invasion militaire de l’Ile de Cuba qui eut lieu en avril 1961 à la Baie des Cochons, et qui se solda par un échec lamentable. Ce plan, dont l’objectif premier était le renversement du gouvernement cubain de Fidel Castro, avait été conçu sous l’administration Eisenhower précédente (1953-1961). (N. B. : le directeur de la CIA, Allen Dulles, était le frère, du secrétaire d’État dans le gouvernement de Dwight D. Eisenhower, John Foster Dulles.)

Après son élection, le président John F. Kennedy fut informé du plan d’invasion de la CIA d’envahir Cuba avec des paras militaires cubains et il lui avait initialement donné son aval. Mais quand le plan fut mis à exécution, il refusa d’y engager les forces armées américaines. La CIA avait donc de sérieuses raisons d’en vouloir au président Kennedy et de le blâmer d’autant plus que l’invasion du Guatemala en 1954 avait réussi, mais seulement après que des troupes américaines y participèrent activement. Plus tard, le président Kennedy congédia le directeur de la CIA Allen Dulles et le remplaça par John McCone (1961-1965).

Cui Bono? (Qui en profite?) Chacun de ces groupes avait des motifs particuliers de blâmer le président John F. Kennedy pour leurs malheurs à Cuba. Et tous les trois avaient des raisons sérieuses de s’opposer violemment aux intentions du président Kennedy de normaliser les relations politiques et économiques des Etats-Unis avec Cuba.

Le Rapport fort controversé de la Commission Warren, laquelle enquêta sur l’assassinat du Président John F. Kennedy (avec Allen Dulles comme l’un de ses sept membres), ne mentionna aucun lien entre ces groupes qui avaient des raisons objectives d’en vouloir au Président, et son assassinat, estimant plutôt que Lee Harvey Oswald avait agi seul dans l’assassinat de novembre 1963. Et ce, même après qu’il fut découvert que le meurtrier Oswald avait été placé sous surveillance par le FBI, dirigé alors par J. Edgar Hoover, et par la CIA d’Allen Dulles, au cours des mois qui précédèrent l’assassinat.

Il est vrai que ce ne sont pas tous les éléments de preuve entourant l’assassinat du Président Kennedy qui ont été rendus publics. Certains d’entre eux ont été classés, et gardés secrets. Toutefois, ces documents doivent être publiés d’ici deux ans, soit en 2017.

Bien malin celui qui pourrait prédire si de nouvelles informations sur les circonstances qui ont conduit à l’assassinat du président Kennedy en 1963 jetteront davantage de lumière sur le meurtre du siècle aux États-Unis.

Rodrigue Tremblay

thenewamericanempire.com

 

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Rodrigue Tremblay est professeur émérite d’économie à l’Université de Montréal et on peut le contacter à l’adresse suivante : [email protected]

Il est l’auteur du livre du livre « Le nouvel empire américain » et du livre « Le Code pour une éthique globale ».

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