Le réseau mondial des bases militaires US

Les fondements de la terreur des peuples ou les maillons d'un filet qui emprisonne l'humanité

Cet article analyse la situation des bases militaires US dans le monde en 2007

Le contrôle des activités humaines, économiques, sociales et politiques mondiales est assuré de plus en plus par les États-Unis d’Amérique (USA) dont la volonté de domination s’exprime dans une stratégie d’interventions directes et indirectes continues pour orienter la conduite des affaires mondiales en fonction de leurs propres intérêts. Le Rapport Global 2000 publié en 1980 présentait l’état du monde en faisant état des menaces qui pourraient peser sur ces intérêts. 20 ans plus tard, les Étatsuniens, pour justifier, dans le contexte de leur propre sécurité, leurs interventions sous toutes les latitudes, montent la plus grande supercherie que l’on puisse imaginer, «une guerre mondiale contre le terrorisme» ou, en d’autres mots, une guerre contre ceux ou celles qui osent ne pas vouloir être ou devenir leurs esclaves.

Les quatre éléments majeurs de la stratégie de conquête et de domination du monde par les Étatsuniens sont le contrôle de l’économie mondiale et des marchés financiers, la main mise sur toutes les ressources naturelles (matières premières et ressources énergétiques) névralgiques pour la croissance de leurs avoirs et de leur pouvoir par le biais des activités des corporations multinationales, la mise en tutelle des 191 gouvernements  membres de l’Organisation des Nations Unies et, enfin, la conquête, l’occupation et la surveillance de ces éléments grâce à un réseau de bases ou d’installations militaires qui couvrent l’ensemble de la Planète (continents, océans et espace extra-atmosphérique). Il s’agit d’un Empire dont il est bien difficile d’en déterminer la juste ampleur.

Il est cependant possible d’en décrire la configuration générale à partir des informations rendues publiques dans les rapports annuels présentés devant le Congrès étatsunien sur les dépenses militaires nationales et le réseau des bases militaires situées à l’étranger et aussi dans une série d’analyses de la configuration de cet ensemble dans plusieurs régions du monde.

Cet article a pour objectif de présenter un bref aperçu du réseau mondial des bases militaires possédées ou contrôlées par les Étatsuniens, les effectifs, les traits de la répartition spatiale de ces installations, les coûts annuels de leur déploiement, les éléments qu’elles surveillent et les projets actuels d’expansion de ce réseau. Nous examinerons, dans une seconde partie, le mouvement mondial de résistance populaire à ces projets. Nous analyserons, dans un autre article, les réseaux d’autres puissances nucléaires tels que ceux du Royaume Uni, de la France et de la Russie.

1. Les bases militaires

Les bases militaires sont les lieux d’entraînement, de préparation et de stockage des équipements de guerre des armées nationales dans le monde.  Elles sont peu connues, car les visiter est à toutes fins pratiques interdit pour le grand public. Bien qu’elles empruntent plusieurs configurations selon les fonctions spécifiques qu’elles sont appelées à assumer elles peuvent être classées en quatre grandes catégories : Les bases aériennes (Air Force) (photos 1 et 2), les bases terrestres (Army), les bases navales (Navy) et les bases de communications et de surveillance (Spy).

Photo 1. Base aérienne de Diego Garcia située dans l’océan Indien

Image:Diego Garcia (satellite).jpg

Photo 2. Diego Garcia. Vue de deux B-52 et de six Kc-135.

II. Plus de 1000 bases ou installations militaires

La plupart des sources de renseignements sur cette question (notamment C. Johnson, le Comité de Surveillance de l’OTAN, l’International Network for the Abolition of Foreign Military Bases,etc.) révèlent que les Étatsuniens possèdent ou occupent entre 700 et 800 bases militaires dans le monde.

Conçue par Hugh d’Andrade et réalisée par Bob Wing la carte 1 intitulée : «U.S. Military Troops and Bases around the World», «The Costs of «Permanent War» publiée en 2002 permet de constater la présence de militaires étatsuniens dans 156 pays, de leur présence sur des bases étatsuniennes dans 63 pays, des bases récemment construites (depuis le 11 septembre 2001) dans sept pays et un total de 255 065 effectifs militaires. Cette présence qui se traduit par un total de 845 441 installations diverses couvre, dans les faits, des terrains d’une superficie de 30 millions d’acres. Selon Gelman, en se basant sur les données officielles du Pentagone de 2005, les USA possèderaient 737 bases à l’étranger. Avec celles du territoire métropolitain et de leurs propres territoires les bases couvriraient une superficie totale de 2 202 735 hectares, ce qui ferait du Pentagone l’un des plus grands propriétaires terriens de la planète (Gelman, J., 2007).

Carte 1. Les militaires étatsuniens dans le monde. Les coûts de la «guerre continue» et quelques données comparatives

Source : RÉCIT national de l’univers social , carte adaptée du Monde diplomatique.

Les données du Peace Pledge Information 2003 indiquent qu’entre 2001 et 2003 le réseau étatsunien comprenait 730 installations et bases dans plus de 50 pays et faisait appel à un personnel militaire américain dans des douzaines d’autres pays (carte 2). D’autres sources mentionnent que les USA possédaient en 2004 plus de 750 bases réparties dans 130 pays et ce sur tous les continents. Un grand nombre d’entre elles étaient situées sur des îles. Selon C. Johnson, l’Empire américain en possèderait ou louerait plus de 1 000 au total à l’étranger (Johnson, 2007). En bref, les bases et les troupes étasuniennes occupent et contrôlent presque la totalité des espaces terrestres et marins de la planète. Encore quelques pays semblent leur échapper comme la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, Cuba et le Venezuela, une situation qu’un Empire, on peut s’en douter, ne pourrait tolérer trop longtemps

Carte 2Les bases militaires étatsuniennes dans le monde (2001-2003)

La carte du Réseau mondial NO BASES (carte 3) révèle ce qui suit :

–           Des bases en opération qui se situent en Amérique du Nord, dans quelques pays latino-américains, en Europe de l’Ouest, au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Indonésie, aux Philippines et au Japon.

–           Des bases désaffectées

–           De nouveaux sites sélectionnés

–           Des bases d’espionnage

–           Des bases d’espionnage satellite

–           Les pays avec des bases étatsuniennes

–           Des bases dont l’acquisition est en négociation

–           Les pays sans bases américaines

Carte 3.  Les bases militaires étasuniennes


La surface terrestre est structurée en un vaste champ de bataille

Ces bases ou installations militaires de diverses natures sont réparties sur une grille de commandement divisée en cinq unités spatiales et quatre unités spéciales (Unified Combattant Commands) (Carte 4). Chaque unité est placée sous le commandement d’un général. La surface terrestre est donc considérée comme un vaste champ de bataille qui peut être patrouillé ou surveillé constamment à partir de ces bases.

Carte 4.  Le monde et les territoires sous la responsabilité d’un commandant ou structure de commandement

Map-the World With Commander' Area of Responsibility

Les territoires sous commandement sont (nous avons conservé leur appellation en anglais) le Northern Command (Peterson Air Force Base, Colorado), le Pacific Command (Honolulu, Hawaii), le Southern Command (Miami, Floride – Carte 5), le Central Command (MacDill Air Force Base, Floride), le European Command (Stuttgart-Vaihingen, Allemagne), le Joint Forces Command (Norfolk, Virginie), le Special Operations Command (MacDill Air Force Base, Floride), le Transportation Command (Scott Air Force Base, Illinois) et  le Strategic Command (Offutt Air Force Base, Nebraska).

Carte 5. Le Southern Command

L’OTAN peut compter sur 30 bases

L’OTAN, en tant qu’alliance militaire et désormais aussi politique, possède son réseau de bases, soit 30 au total qui sont principalement situées en Europe de l’Ouest : Whiteman aux U.S.A., Fairford, Lakenheath et Mildenhall au Royaume Uni, Eindhoven en Hollande, Brüggen, Geilenkirchen, Landsberg, Ramstein, Spangdahlem, Rhein-Main en Allemagne, Istres et Avord en France. Morón de la Frontera et Rota en Espagne, Brescia, Vicenza, Piacenza, Aviano, Istrana, Trapani, Ancora, Pratica di Mare, Amendola, Sigonella, Gioia dell Colle, Grazzanise et Brindisi en Italie, Tirana en Albanie, Incirlik en Turquie, Eskan Village en Arabie saoudite et Ali al Salem au Koweit,

III. Un personnel militaire sous toutes les latitudes

Selon les données de l’encyclopédie libre Wikipedia (données de février 2007), le système de défense étatsunien métropolitain (on estime à 6000 le total des installations militaires aux USA eux-mêmes) et mondial fait appel à un personnel de 1.4 million de personnes dont 1 168 195 aux États-Unis et dans leurs territoires d’outre-mer. Selon la même source ils en déploient 325 000 à l’étranger dont 800 en Afrique, 97 000 en Asie (en excluant le Moyen-Orient et l’Asie centrale), 40 258 en Corée du Sud, 40 045 au Japon, 491 sur la base de Diego Garcia dans l’océan Indien, 100 aux Philippines, 196 à Singapour, 113 en Thaïlande, 200 en Australie et 16 601 sur des navires de guerre.

En Europe, on compte encore la présence de 116 000 militaires étatsuniens dont 75 603 en Allemagne. En Asie centrale, environ 1 000 militaires sont stationnés sur la base aérienne de Ganci (Manas) au Kirghizistan et 38 se trouvent à Kritasanisi, en Géorgie, dont la mission est d’assurer l’entraînement des soldats géorgiens. Au Moyen Orient, on dénombre 6 000 militaires dont 3 432 au Qatar et 1 496 à Barhein. En Occident, en dehors des USA et de leurs territoires, on en retrouve 700 à Guantanamo, 413 au Honduras et 147 au Canada.

Les carte 3, quant à elle, présente le personnel en devoir selon un découpage en sept grands ensembles. Le nombre total du personnel de la Défense cantonné aux États-Unis eux-mêmes et dans leurs territoires est de 1 139 034.militaires. Dans les autres régions de l’hémisphère occidental on en compte 1 825, en Europe 114 660, en Afrique subsaharienne 682, en Afrique du  Nord , au Moyen Orient et en Asie du Sud 4 274 et dans l’Est asiatique, en Ex-URSS 143 et dans le Pacifique 89 846.

IV. Les coûts d’exploitation de ce réseau mondial

Les dépenses militaires des USA sont passées de 404 à 626 milliards de dollars – valeur équivalente du dollar de 2007 (données du «Center for Arms Control and Non-Proliferation» de Washington) entre 2001 et 2007 et devraient dépasser les 640 milliards en 2008 (figure 1 et http://www.armscontrolcenter.org/archives/002244.php ). Elles correspondaient en 2006 à 3,7% du PIB et à $935.64 per capita.

Figure 1. Les dépenses militaires des USA depuis 1998

At 2007 prices, 1998 military spending was $364.35bn. 2008’s is approximately $643.9bn

Selon les données de la carte 1 (The Costs of «Permanent War and By the Numbers») le budget de la Défense proposé en 2003 de 396 milliards de dollars a atteint dans les faits les 417.4 milliards et correspondait déjà à une augmentation de près de 73% par rapport à celui de 2000 qui atteignait les 289 milliards et plus de la moitié du budget total discrétionnaire des États-Unis. Depuis 2003 ces dépenses viennent s’ajouter à celles de la guerre d’occupation de l’Irak qui atteignent aujourd’hui (fin mars 2007) un total cumulé de 413 milliards de dollars selon le National Priorities Project.

Les estimations des besoins du budget de la Défense qui ont été présentées en mars 2006 dans le Livre Vert de la Défense correspondaient à la somme totale de près de 440 milliards de dollars pour l’année fiscale 2007. Le personnel demandé était de 1 332 300 militaires et autres employés, mais il est noté que ces données ne comprenaient pas les crédits nécessaires pour la guerre mondiale contre le terrorisme. Il s’agissait donc du budget régulier.

A. Goldstein du Washington Post, dans le cadre d’un article sur les faits saillants du budget national de 2007 intitulé «2007 Budget Favors Defense» écrivait à ce sujet: «Dans l’ensemble, le budget de l’année fiscale 2007 aura pour effet d’effectuer les changements que l’Administration s’était évertuée à apporter au cours des cinq dernières années, soit d’augmenter les capacités militaires et de défense contre les menaces terroristes sur le sol des États-Unis tout en restreignant les dépenses dans plusieurs secteurs d’activités comme ceux de l’éducation et du transport ferroviaire.».

V. Des bases pour le contrôle des ressources énergétiques fossiles

Les USA ont entrepris, après les événements du 11 septembre 2001, une guerre globale contre le terrorisme, d’abord en Afghanistan et ensuite en Irak et s’acharnent contre les pays qui n’obéissent pas fidèlement à l’ordre qu’ils veulent imposer à l’ensemble de l’humanité et, notamment, l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie et le Venezuela. Ils surveillent de près les gouvernements qui ne sont pas nécessairement favorables à l’expansion de leur emprise sur les ressources de leurs territoires. Ils sont particulièrement préoccupés par les mouvements de résistance à leurs interventions en Amérique du Sud, ce qui a amené le Président Bush à effectuer récemment une tournée éclair dans plusieurs pays tels que le Brésil, l’Uruguay, la Colombie, le Guatemala et le Mexique «pour promouvoir la démocratie et le commerce», mais surtout pour essayer de neutraliser ces mouvements et de bâtir un contrepoids suffisant pour en freiner l’expansion

Il en est ainsi en Asie centrale. Selon Iraklis Tsavdaridis, Secrétaire du Conseil mondial de la Paix (WPC), la présence des bases militaires des U.S.A. ne doit pas être perçue comme servant un objectif purement militaire. Les bases sont là pour promouvoir les intérêts économiques et politiques du capitalisme des États-Unis. Par exemple, les entreprises et le gouvernement étatsuniens ont déjà manifesté un vif intérêt pour construire un corridor sécuritaire pour le pétrole et le gaz naturel du bassin de la mer Caspienne en Asie centrale en passant par l’Afghanistan, le Pakistan et la mer d’Arabie (carte 6). Cette région ne contiendrait que 6% des réserves de pétrole connues et 40% des réserves de gaz. La guerre d’occupation de l’Afghanistan et la construction de bases militaires des U.S.A. en Asie centrale sont considérées comme une occasion propice pour faire de ce pipeline une réalité».

Les USA sont en guerre en Afghanistan et en Irak pour cette raison fondamentale et ils veulent poursuivre ces opérations jusqu’à l’atteinte de leurs objectifs.  Selon les données de l’Encyclopédie libre Wikipédia, les troupes étatsuniennes déployées dans ces pays totalisent près de 190 000 militaires. L’Opération «Enduring Freedom», en Irak seulement est menée avec près de 200 000 effectifs en incluant les 26 000 soldats des autres pays qui participent à la «mission». Une vingtaine de milles pourraient se joindre aux autres contingents dans les prochains mois. En Afghanistan, on dénombre la présence de 25 000 militaires au total (cartes 6 et 7).

Carte 6.  Le pétrole et les guerres au Moyen Orient

Carte 7. Les bases américaines situées en Asie centrale

Carte 8. Les gisements de pétrole en Amérique latine

VI. Des bases militaires pour le contrôle des ressources renouvelables stratégiques

Selon la liste dressée par l’encyclopédie libre Wikipédia, les bases militaires étatsuneinnes à l’étranger, héritage de la Guerre froide, étaient situées principalement en Europe de l’Ouest dont 26 en Allemagne, huit en Grande Bretagne et huit en Italie. À ces bases on pouvait ajouter neuf installations au Japon.

Au cours des dernières années et ce, dans le contexte de la guerre contre «la terreur» les USA ont initié la construction de 14 nouvelles bases autour du Golfe persique  un plan de construction ou de renforcement de 20 bases (106 installations au total) en Irak pour des dépenses totales de 1 100 milliards de dollars dans ce seul pays (Varea, 2007) et l’utilisation d’une dizaine de bases en Asie centrale. Ils ont aussi entrepris ou poursuivi des négociations avec plusieurs pays pour installer, acquérir, agrandir ou louer d’autres bases et, notamment, avec le Maroc, l’Algérie, la République du Mali, le Ghana (Ghana WEB. 2006), le Brésil, l’Australie (Nicholson, B., 2007), la Pologne, la République tchèque (Traynor, I., 2007), l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan, l’Italie (Jucca, L., 2007) et la France avec un accord pour s’installer à Djibouti (Manfredi, E., 2007). Toutes ces démarches s’inscrivent dans la perspective de mettre en place une série de bases dans un corridor est/ouest entre la Colombie, le Maghreb, le Proche Orient, l’Asie centrale jusqu’aux Philippines que les Étatsuniens ont appelé «arc d’«instabilité» (Johnson, C., 2004) ainsi que de d’assurer un accès facile et permanent aux ressources hydriques et biologiques de grande valeur comme celles du bassin amazonien (Delgado Jara, D., 2006 et cartes 9 et 10).

Carte 9. Les richesses biologiques de l’Amérique latine

Carte 10. Les ressources en eau douce en Amérique latine

VII. Les mouvements de résistance

À l’instar de l’opposition traditionnelle organisée et conduite par les organisations pacifistes et anti-guerre dans le monde au cours des 40 dernières années la redéfinition du réseau des bases militaires étatsuniennes commandées par un redéploiement des forces armées en fonction de la localisation des ressources stratégiques traditionnelles et des ressources renouvelables de grande valeur suscite de nombreuses manifestations d’opposition et de résistance. On a pu l’observer récemment en Espagne, en Équateur, en Italie, au Paraguay, en Ousbékistan, en Bulgarie et dans plusieurs autres pays. Ces manifestations se sont ajoutées aux mouvements de résistance de longue date développés en Corée du Sud, à Puerto Rico, à Guam, aux Philippines, à Cuba, en Europe, au Japon et ailleurs.

Un mouvement mondial de résistance à la présence de bases militaires à l’étranger a pris naissance et s’est développé au cours des dernières années. Il s’agit de NO BASES ou du Réseau international pour l’abolition des bases militaires étrangères

Ce réseau a pour objectif de poursuivre le processus de désarmement et de démilitarisation de la planète et principalement celui du démantèlement des bases militaires étrangères. Il regroupe les organisations qui font la promotion de la paix établie par la démocratie participative et la justice sociale. Le Réseau No Bases organise des campagnes d’éducation et de sensibilisation du public en mobilisant, en ce sens, les forces vives de la société civile. Il travaille aussi aux travaux de réhabilitation des sites militaires abandonnés comme c’est le cas, notamment, en Europe de l’Ouest.

Jusqu’en 2004, ces campagnes ont eu avant tout une portée locale et nationale. Le Réseau permettra désormais de s’étendre à l’échelle du Globe, car comme le souligne le Réseau lui-même «il est très important de développer des liens plus forts et  plus étroits entre les campagnes ayant un impact local et celles qui mobilisent un pays tout entier ou celles qui peuvent  avoir une portée mondiale. Les groupes locaux à travers le monde peuvent s’inspirer et tirer des bénéfices en partageant de l’information, des expériences et des stratégies».

Le Réseau ajoute : «Le fait de prendre conscience qu’on n’est pas seul dans la lutte contre les bases étrangères est un facteur qui renforce et motive les acteurs. Les activités et campagnes dont la coordination est mondiale permettent de faire connaître davantage la portée et l’importance de la résistance à la présence militaire étrangère à travers le monde. Dans la conjoncture actuelle où l’on assiste à un processus plus intense de militarisation et de recours à la force dans le monde on éprouve un besoin urgent et pressant d’établir et de renforcer le réseau international des militants, des organisations et des mouvements qui portent une attention particulière à la présence militaire étrangère et qui travaillent à l’établissement d’un système de justice et de paix».

Pour le Réseau, les guerres en Afghanistan et en Irak et la militarisation et la surveillance accrue des gouvernements et des activités de la société civile par les États-Unis constituent un momentum favorable au renforcement des mouvements de résistance: «Lors d’une rencontre internationale anti-guerre tenue à Jakarta en mai 2003, quelques semaines après le début de l’invasion de l’Irak, une campagne globale contre les bases militaires a été proposée comme une action à prioriser pour les mouvements globaux anti-guerre, de justice et de solidarité».

Depuis lors, cette campagne a pris de l’ampleur. Une liste d’adresses courriels a été établie ([email protected]  et [email protected]) qui permet la diffusion des expériences des membres du mouvement et des échanges d’informations et de discussions. Cette liste est formée maintenant de 300 personnes et  d’organisations en provenance de 48 pays.

Un site Internet permet aussi d’informer adéquatement l’ensemble des membres du Réseau. De nombreuses rubriques fournissent une information précieuse sur les activités qui se déroulent un peu partout dans le monde.

Le Réseau est de plus en plus actif et participe, ainsi, aux Forums sociaux continentaux ou mondiaux et organise des conférences et colloques. Il a participé au Forum social européen à Paris en 2003, et à Londres en 2004, au Forum social des Amériques en Équateur en 2004 et à celui de la Méditerranée en Espagne en 2005. L’un des rassemblements majeurs fut celui qui s’est tenu à Mumbai, en Inde, en 2004 dans les cadres du Forum social mondial. Plus de 125 participants en provenance de 34 pays ont posé les fondements d’une campagne globale coordonnée. Des priorités d’action ont été établies comme celle de fixer un jour donné pour une Action globale visant à souligner les enjeux entourant la présence des bases militaires à l’étranger. Enfin, il importe de mentionner que le Réseau a tenu quatre séances de discussions au Forum social de Porto Alegre en 2005 dont l’une a porté sur le financement des activités du Réseau.

Il convient de rappeler que le Réseau s’inscrit nettement dans le mouvement pacifiste global. Il a permis de faire comprendre davantage à ce mouvement l’importance de la problématique de la présence des bases militaires à l’étranger et qu’il importe que les organismes de justice et de paix lui portent une plus grande attention.

La pertinence du débat entourant la présence des bases militaires à l’étranger n’est plus à démontrer. Les fonctions attribuées à la base de Guantanamo qui échappent au contrôle du droit international, les enjeux autour des projets d’expansion de la puissance militaire des USA au Moyen Orient et en Asie centrale, la vive opposition populaire aux visées étatsuniennes dans la région andine en Amérique du Sud (carte 11) de même que celle que l’on observe au Japon autour des bases de Henoko et d’Okinawa, etc. nous interpellent et exigent une action globale concertée contre cette occupation inscrite dans le concept de la «Permanent War».

Carte 11. Mouvements sociaux de résistance en Amérique latine

La conférence internationale de Quito et de Manta, Équateur, mars 2007

Une conférence mondiale du réseau pour l’abolition des bases militaires étrangères a eu lieu à Quito et à Manta, Équateur, du 5 au 9 mars 2007.  La conférence a eu pour objectif de souligner les impacts politiques, sociaux, environnementaux et économiques des bases militaires étrangères et de faire connaître les principes des mouvements anti-bases, et construire formellement le réseau, ses stratégies, structure et plans d’action.

Les objectifs principaux de la conférence furent:

– Analyser le rôle des bases militaires étrangères et d’autres formes de présence militaire dans la stratégie de domination globale et ses impacts sur la population et l’environnement;

– Partager des expériences, de solidarité avec les luttes de résistance contre les bases militaires étrangères dans le monde;

– Atteindre un consensus sur des mécanismes d’objectifs, de plans d’action, de coordination, de communication et de prise de décision pour un réseau global pour l’abolition de toutes les bases militaires étrangères et d’autres formes de présence militaire;

– Établir des luttes et des plans d’action globaux qui renforcent les luttes de gens du pays et assurent leur coordination à l’échelle internationale.

Conclusion

Cet article a permis de constater combien l’emprise de la puissance militaire des États-Unis dans le monde est considérable et ne cesse d’augmenter. Les Étatsuniens considèrent la surface terrestre comme un terrain à conquérir, à occuper et à exploiter. La division du monde en unités de combat et de commandement illustre fort bien cette réalité. Dans ce contexte, il nous semble que l’humanité se trouve ainsi contrôlée voire attachée à des chaînes dont les maillons constituent les bases militaires.

Le processus de redéploiement des installations militaires en cours doit être analysé de façon minutieuse si l’on veut comprendre les stratégies d’intervention de Washington dans toutes les régions du monde. Ce processus est conduit sous la gouverne de la force, de la violence armée, de l’intervention à travers des accords de «coopération» dont les velléités de conquête sont sans cesse réaffirmées dans le design des pratiques du commerce et des échanges. Le développement économique est assuré par la militarisation ou le contrôle des gouvernements et des sociétés et des ressources immenses sont sacrifiées pour permettre ce contrôle dans la plupart des régions dotées de richesses stratégiques pour consolider les bases de l’Empire.

La mise sur pied du Réseau international pour l’abolition des bases militaires étrangères s’avère un moyen extraordinaire pour lutter contre le processus de militarisation de la Planète. Ce réseau est indispensable et son développement ne pourra se faire sans une adhésion ou un engagement de tous les peuples du monde. Ce sera extrêmement difficile de les mobiliser, mais les liens créés par ce réseau seront favorables à des luttes concertées à l’échelle mondiale.

En terminant, il convient de revoir les termes de la Déclaration finale de la 2ième Conférence internationale contre les bases militaires étrangères qui s’est tenue à La Havane en novembre 2005, déclaration formulée par les délégués de 22 pays ). Celle-ci cerne les enjeux majeurs entourant l’avenir de l’humanité et constitue un Appel à la solidarité internationale pour le désarmement et la paix.

 Jules Dufour

Le 9 avril 2007

Jules Dufour, Ph.D., est Président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, membre du Cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre du Conseil national de Développement & Paix.

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Articles Par : Prof. Jules Dufour

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Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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