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ÉLECTIONS EN GRÈCE : Auditeur
Par Panagiotis Grigoriou
Mondialisation.ca, 10 mai 2012
10 mai 2012
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https://www.mondialisation.ca/lections-en-gr-ce-auditeur/30794

Sur un mur – Athènes 9 mai 2012
« Je vous interpelle depuis l’île de Crète, je suis un agriculteur de la région de la Canée. J’ai toujours voté à droite et je me considère comme quelqu’un de droite. J’ai voté SYRIZA à ces élections et je revoterai SYRIZA, car Samaras, sa Nouvelle Démocratie et les autres, ont trahi. Je préfère immobiliser ma voiture et me déplacer désormais sur le dos de mon âne, plutôt que de céder devant chantage et l’esclavage imposés par l’Europe », (message d’un auditeur – radio Real-Fm ce jeudi matin).

Dans les cafés de la capitale on entendra difficilement autre chose. Tous les dieux du système bruxellois, pour ne pas dire du système-monde, nous tombent sur la tête. C’est intéressant !

 

Athènes 9 mai 2012
Les dernières déclarations depuis l’euro-centre, mêlant savamment la dramatisation et le chantage peuvent ne pas produire les effets escomptés me semble-t-il, même si, « (…) la Grèce va recevoir, jeudi 10 mai, 4,2 milliards d’euros sur les 5,2 milliards que ses créanciers devaient lui verser à cette date, a annoncé mercredi le Fonds de secours de la zone euro (FESF) dans un communiqué, précisant que la Grèce n’avait pas besoin du milliard restant avant juin. (…) Si la Grèce veut rester, il n’y a pas de meilleure voie que celle que nous avons adoptée, on ne peut pas avoir l’un (le sauvetage financier) sans l’autre » (les économies et les réformes), a affirmé le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, lors d’un colloque à Bruxelles. Le ministre allemand des affaires étrangères, Guido Westerwelle, a lui aussi estimé qu’Athènes ne recevrait plus d’argent sans respect des engagements vis-à-vis de ses créanciers. Son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn, est sur la même ligne. « Nous devons dire à présent au peuple grec que la situation est sérieuse, qu’aucun pays de l’UE ne pourra débloquer ne serait-ce qu’une parcelle de ces 130 milliards d’euros que nous avons mis à la disposition des Grecs s’il n’y a pas de gouvernement en état de fonctionner, qui respecte les règles établies et gère l’argent qui est versé », a-t-il dit lors du même colloque à Bruxelles », (Le Monde, édition électronique du 10/05).

Place Koumoundourou au siège de SYRIZA – Athènes 9 mai 2012

Alexis Tsipras par la presse grecque – Athènes 9 mai 2012
Une première réponse à Wolfgang Schäuble, Guido Westerwelle, Jean Asselborn et surtout à l’onzième président de la Commission Européenne, est déjà formulée dans un café athénien ce matin : « Nous ne sommes plus dupes. Cet argent n’ira pas à la Grèce, tout ira dans la poche des voleurs internationaux. Qui a audité la dette, pour autant que je sache ? Par quel mandat du peuple les partis de la coalition, PASOK en tête, ont-ils signé le Mémorandum ? Avez-vous vu ? C’était à la télé hier, on interviewait une représentante SYRIZA depuis Bruxelles, soudainement, quel respect ! Tsipras ne se laisse pas intimider, qu’ils aillent se faire…. Eh, tiens, sais-tu comment faire avancer nos voiture à l’hydrogène, un ami prétend que nous pouvons modifier sa carburation moyennant 500 euros. Je ne sais pas si cela est vrai finalement, en tout cas, nous nous attendons à une nouvelle vie, mon souci n’est pas écologique mais économique… Ah oui, les salopards vont tout faire pour éviter les élections de juin, car SYRIZA arrivera en tête, il représentera 25% des suffrages au moins. »

Hydrogène ou pas, Alexis Tsipras, n’a pas pu former un gouvernement hier (mercredi 9 mai). Mais pour pratiquement la première fois depuis toujours, le chef d’une formation politique de gauche, est convoqué par le président de la République dans le cadre de ses prérogatives, afin de former un gouvernement. Je précise, de gauche, et non pas PASOK. Le leader de la gauche radicale, a affirmé devant son groupe parlementaire : « Nous ne pouvons pas réaliser notre rêve d’un gouvernement de gauche (…). Demain [jeudi] je vais rendre le mandat confié par le président de la République et nous allons continuer de participer aux procédures prévues par la Constitution. [Accepter] un peu de Mémorandum c’est impossible. Soit nous continuons la politique erronée, soit nous inaugurons une autre politique. (…) ». Vendredi, Alexis Tsipras sera à Paris, il rencontrera selon la presse, Jean-Luc Mélenchon.

« A vendre » – Athènes 9 mai 2012

En permission, Place de la Constitution – Athènes 9 mai 2012
Evangélos Vénizélos, le dirigeant du parti socialiste (Pasok), est désormais chargé par le chef de l’État, Carolos Papoulias, de former un gouvernement de coalition. « Je vais recevoir le mandat [pour former un gouvernement] et poursuivre l’effort national », a indiqué le chef du PASOK, et aussitôt tous les perroquets du système médiatique se sont lancés dès hier soir, dans la « préparation » de l’opinion à, accepter la « seule perspective logique » d’un « gouvernement d’union nationale composé de l’ensemble des forces favorables au maintien de la Grèce dans l’Europe et dans la zone euro » . Le parti de la Gauche Démocratique de Kouvelis (6%), va peut-être accepter, qui sait ? Je note que Fotis Kouvelis est un… croyant de la zone euro et du « destin européen du pays », selon ses propres déclarations. Mais dans ce cas, il risque de connaître sa mise à mort politique rapide, comme le LAOS de Karatzaferis. Je crois que la Nouvelle Démocratie et le PASOK, sont également de formations condamnées à disparaître dans pas longtemps.

Dans l’air du mauvais temps également, ce communiqué qui vient de tomber, depuis la direction du parti de la Gauche Démocratique (jeudi 14h), où on apprend que « la direction de SYRIZA, par sa gestion globale de la situation, risque de conduire le pays vers de nouvelles élections. Leurs conséquences probables peuvent être : la renaissance du bipartisme et un virage conservateur. Les déclarations contradictoires des dirigeants de SYRIZA sur l’orientation économique du pays, ainsi que l’insistance sur l’abrogation de la convention entre la Grèce et ses créanciers, rendent tout accord politique encore plus difficile, étant donné que cette insistance équivaut simultanement, au défaut total du pays, et à la rupture, vis à vis de la zone euro. L’expression de telles positions maximalistes, empêche ainsi toute solution. La politique de la direction de SYRIZA, a comme seul horizon, la prochaine campagne électorale. À la Gauche Démocratique par contre, nous insistons sans tergiverser sur la nécessite d’une désolidarisation progressive du Mémorandum, en négociant âprement avec nos créanciers, mais nous insistons de façon égale, sur la nécessité de préserver la place du pays au sein de la zone euro » (source : in.gr). 
 

Derrière l’affichage municipal, une banque – Athènes 9 mai 2012

Athènes 9 mai 2012

Indépendamment de la décision de la « Gauche » Démocratique, ce soir ou demain ; sur le moyen terme en tout cas, un nouveau parti systémique serait en gestation. Anna Diamantopoulou et Christos Papoutsis, anciens ministres PASOK et anciens membres de la Commission Européenne, n’ont pas réussi leur réélection. Vont-ils rester au sein du PASOK ? D’autres par contre à la Nouvelle Démocratie, tout autant fervents défenseurs également de l’ancien monde, connaissent le succès. Mon ami Georges, a téléphoné ce matin depuis son île, Chios, pour exprimer sa tristesse : « Le député élu ici sous étiquette de la Nouvelle Démocratie, ancien cadre de la Commission de Bruxelles, a fait distribuer à domicile dans les villages, de nombreux bulletins de vote « préparés », ciblant surtout les personnes âgées. Chacune de ces enveloppes destinées à nos vieux, contenait… un billet de cinquante euros, mais ces pratiques ne sauveront plus le système car à Athènes, les gens se sont réveillés. »

Terrasse de café – Athènes 10  mai 2012
Malheureusement, je ne peux pas confirmer les affirmations de mon ami Georges, habitant de Chios. J’ose espérer qu’il ne s’agit que de rumeurs, néanmoins, si une telle affaire intéresse encore les journalistes, il me semble qu’il y a toujours six vols quotidiens entre l’aéroport d’Athènes et celui de Chios, le vol dure seulement 45 minutes. C’est une île d’armateurs où on y cultive le lentisque Pistacia lentiscus, arbuste méditerranéen à l’origine du mastic.

Mais à Athènes, on est loin du mastic et de l’île (presque) paisible. Un chauffeur de taxi hier soir, sur une place athénienne, en attente d’un hypothétique client, a préféré « partager » ses hypothèses politiques : « Cryssi Avghi » se renforcera, je l’espère en tout cas, car ces gens ont un vrai programme et ils n’ont peur de rien. Aux prochaines élections, cette formation fera déjà du 12%, c’est très probable. Mais élections ou pas, le jour où ils seront au pouvoir, ces politiciens voleurs seront pendus et tout le pays, sera nettoyé… ». Heureusement que sur la Place Syntagma, les marcheurs venus de France, d’Espagne, d’Italie et d’ailleurs, nous rappellent d’autres valeurs. Ils ont aussi apporté un message pour Dimitri… sous son arbre. Dans le quartier où se trouve le siège du parti SYRIZA, des commerces appartenant à des Chinois ont aussi fait faillite. Rue d’Athéna, derrière l’affichage municipal renseignant les citoyens de l’emplacement exact des bureaux de vote, se trouve une banque. Signes des temps.

Hier (9 mai), un enseignant – conférencier invité par l’Université d’Athènes, venu exprès nous faire partager son savoir et sa sagesse depuis son lointain pays, l’Inde, a été arrêté par la police grecque. Le professeur Shailendra Kumar Rai, se rendant sur les lieux du colloque, n’avait pas ses papiers sur lui, à l’Indian Council for Cultural Relations on va sans doute apprécier l’hospitalité grecque.

Après les taxis de la Marne, voilà les taxis du fleuve Achéron… en plein mythe de l’Europe.


« Ils ont aussi apporté un message pour Dimitri… » – Athènes 9 mai 2012

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