Les arabes, ces mal-aimés: Voyage au coeur de l’intolérance

«Il n’y a rien de plus grand aux yeux de Dieu qu’un homme qui a appris une science et qui l’a enseignée au peuple.» «La connaissance qui n’est pas utilisée est comme un trésor dont rien n’est dépensé. Ses propriétaires ont labouré en le rassemblant, mais ils n’en ont jamais bénéficié.» «Si Dieu te dirige vers un seul homme [qui est instruit], c’est mieux pour toi que le monde entier et ce qu’il contient.»

Ibn Khayr dans son Farasah

Un mal qui répand la terreur, l’allogène basané et de surcroit arabe, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est en train de polluer la blanche et doulce France. Nous allons dans ce qui suit, expliquer en quelques lignes que les Arabes sont un peuple comme les autres, ni meilleur ni pire et qui a transmis par l’intermédiaire de la langue une belle période civilisationnelle. Dans un second temps, nous allons rapporter le réquisitoire à son encontre et montrer qu’il ne repose pas sur des fondations étayées, mais fait l’objet de croisades dont les médias ne sont pas en reste, eux qui donnent de l’épaisseur à tous les pyromanes et intellectuels autoproclamés qui dictent aux citoyens lambdas ce qu’ils doivent penser, ce qu’ils doivent oublier.

Qui étaient les Arabes?

On dit que les Arabes sont un ancien peuple sémitique dont le barycentre fut l’actuelle Arabie Saoudite. Sans vouloir faire l’apologie de ce peuple du désert, qu’il nous suffise de rapporter pour la période anté-islamique l’une des facettes de ce peuple fier. Beaucoup d’entre nous dans leur jeunesse ont vibré aux rapsodies et autres mou’allaquate où les joutes oratoires se faisaient à Oukadh. On rapporte que Samaouel, auteur juif anté-islamique auteur de la célèbre «lamiatou Samaouel» n’a pas voulu dévoiler un secret que lui avait confié Antar Ibn Cheddad mettant en péril de ce fait, la vie de son fils.. Depuis l’expression «aoufa min Samaouel» «Plus fidèle – au serment- que Samaouel- a traversé les siècles.

Quand on se rend compte de toute l’étendue des domaines que les Arabes embrassèrent dans leurs expérimentations scientifiques, leurs pensées et leurs écrits, on voit que sans les Arabes, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l’époque comme elles l’ont fait. Les Arabes ne se contentèrent pas de transmettre simplement la pensée grecque. Ils en furent les authentiques continuateurs. La conquête arabe apportait les éléments d’un nouvel enthousiasme pour le savoir, une langue que se forge et qui s’impose comme un instrument de communication internationale; un gouvernement fortement centralisé; une religion qui exalte la connaissance. Le Coran énonce que l’encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs. Le monde occidental manifesta une réserve, voire une hostilité envers ces savoirs étrangers. Avant, à son tour, de se les approprier et de les enrichir.

S’agissant de la langue, l’illustre savant Jacques Berque explique dans Les Arabes et nous que la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple: ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.» (1)

Que sont devenus ces héritiers de Dar El Hikma, des poèmes el Mou’allaquat de Dubyani, de Antar et de tant d’autres? Les pays arabes actuels sont tombés bien bas. Ils ont du mal à enrayer l’illettrisme. «L’analphabétisme touche près de 40% des personnes âgées de plus de 15 ans» dans ces pays, soit près de 60 millions d’adultes, selon un rapport de l’Unesco, publié le 7 janvier 2009. Faut-il pour autant insulter les peuples et ne pas s’en prendre à juste titre à leurs dirigeants? Mais ceci est une autre histoire.

Voyage au cœur de l’intolérance

Nous allons voir dans ce qui suit que l’intolérance envers les Arabes n’est pas une spécificité de tel ou tel pays. A des degrés divers, le rejet brutal des Arabes et plus généralement de l’Islam est la haine la mieux partagée en Occident. L’amalgame est total entre les problèmes des banlieues qui sont pour une large part des problèmes sociaux avec le chômage qui touche en moyenne trois fois plus les Beurs que les Français de souche. Cela on ne l’explique pas car l’argument mis en place est l’antisémitisme mis en avant d’une façon directe ou indirecte par les «plus royalistes que le roi».

Justement et pour parler d’oecuménisme dans la haine des Arabes, un auteur anglais pense que la France est en guerre contre «ses Arabes». Nolwenn Le Blevennec a interviewé Andrew Hussey. Nous l’écoutons: The French intifada est sorti ce jeudi. C’est un livre-voyage-enquête qui se propose d’expliquer «la guerre entre la France et ses Arabes». (…) La couverture du livre, en premier lieu: la tour Eiffel, dessinée entre les portes d’une mosquée dorée et dressée dans des flammes rouges. Derrière, en fond, le vert du Coran. Pour la version américaine, c’est encore plus explicite: un bras d’homme tenant une kalachnikov sur un fond bleu clair.(2)

«Les extraits parus dans le Guardian, fin février, n’étaient pas rassurants non plus. Ils donnaient l’image d’une capitale française assiégée par ses Arabes. Voici le premier qui dépeint les émeutes de la gare du Nord du printemps 2007. C’est le début du livre: «La France, écrit-il, est le pays qui a la plus grande population musulmane d’Europe, et la gare du Nord est un point de rencontre et de tension. (..) Les émeutiers de la gare du Nord ou des banlieues se décrivent souvent comme des soldats d’une ´´guerre d’usure´´ contre la France et l’Europe.» La prose ressemble à celle de l’auteur d’extrême droite, Laurent Obertone (belle plume et apocalypse).»(2)

«Ce que j’ai vu en France, écrit Nolwenn Le Blevennec, rapportant les propos de l’auteur, n’est pas de l’ordre d’un conflit de classes, je me suis demandé d’où venait cette colère des jeunes Arabes. Les tensions ne sont pas que politiques, religieuses, raciales, il y a quelque chose qui appartient à la psychanalyse.» Sa théorie: la colonisation française de l’Afrique du Nord a laissé des traces et une envie de revanche. L’aliénation de la vie en banlieue est un autre motif de colère pour les Arabes. Une guerre a lieu, que personne ne veut voir.» (2)

«Dès la première partie (de la lecture du livre, Ndlr), c’est plus clair, la ligne est celle d’Alain Finkielkraut et d’Elisabeth Lévy. Première partie: le jeune Arabe est haineux et antisémite. L’auteur revient sur le meurtre d’Ilan Halimi. «Beaucoup de voisins ont entendu des cris de souffrance et les rires des tortionnaires, mais ils n’ont rien fait», écrit-il comme s’il avait eu accès au dossier de police. Puis il passe à l’affaire Mohammed Merah. Dans les jours qui suivent, (…) Il y a ce type, à Barbès qui n’est pas spécialement choqué par ce qu’a fait Merah. A mettre en parallèle avec les commentaires de ce vieux juif, «l’un des derniers à ne pas avoir été évincé de Barbès»: «Cet homme, ce musulman, il était juste un nazi.» (2)

«Suivent plusieurs chapitres historiques intéressants: Andrew Hussey rappelle quelle a été l’histoire de la France avec l’Algérie, le Maroc, la Tunisie. Il décrit les séquelles laissées par les processus de colonisation et décolonisation. Enfin, la dernière partie du livre se passe à la prison de Fresnes. Un gardien de prison se confie: «On peut parler avec un Basque ou un Corse. Avec les musulmans, ce n’est pas pareil, c’est comme s’ils formaient une armée secrète qui travaille contre toi. Tu ne peux jamais savoir ce qu’ils pensent, mais tu sais qu’ils te haïssent.» (2)

Etant plus explicite dans le Guardian, Andrew Hussey écrit:

«L’histoire amère de la relation de la France avec ses ex-colonies se joue dans la capitale française est racontée plus explicitement dans le Guardian. Il y a un véritable conflit dans la France contemporaine entre les principes opposés de la laïcité et du communautarisme qui est joué dans les émeutes. Le terme laïcité est difficile à traduire; mettre tout simplement, cela signifie que le droit français, il est illégal de distinguer des individus en raison de leur religion. (…) Encore une fois, le modèle anglo-américain lâche, où la «différence» – qu’il s’agisse de la sexualité, la religion ou le handicap – est toléré ou même prisé, ne s’applique pas en France où la «différence» est considérée comme une forme de sectarisme et une menace pour la République. Le problème le plus aigu pour les dernières générations d’immigrés musulmans en France est que l’universalisme proclamé des valeurs républicaines, et en particulier la laïcité, peut très rapidement ressembler à la «mission civilisatrice» du colonialisme. En d’autres termes, si les musulmans veulent être «français», ils doivent apprendre à être des citoyens de la République, premier et deuxième musulmans; pour beaucoup, c’est une tâche impossible, d’où les inquiétudes quant à savoir si les musulmans en France sont musulmans de France ou musulmans en France». (3)

Les lanceurs d’alerte de l’apocalypse contre les allogènes mélanodermes

En France on le sait, les « formateurs » au sens de l’internet  de la pensée du citoyen lambda sont connus. On ne peut pas, à titre d’exemple, ne pas citer l’un des premiers pyromanes en la personne d’Eric Zemmour, un paléo-berbère dont les parents sont venus sur le tard en France et qui en rajoute en parlant de «mélancolie française» et d’invasion par les mélanodermes qui soient arabes ou noirs. Ecoutons la description qu’en fait Chloé Leprince à propos de la délinquance consubstantielle de l’ethnie: «Oui, comme l’affirment Eric Zemmour et Jean-Pierre Chevènement, les personnes noires et maghrébines sont surreprésentées dans les statistiques de la délinquance. Ce qu’ils omettent de dire, c’est que ce phénomène est essentiellement dû à des facteurs sociaux et de discrimination. (…) Les propos d’Eric Zemmour peuvent être considérés comme racistes dans la mesure où ils seraient essentialistes (Mamadou serait trafiquant parce que Mamadou s’appelle Mamadou). Dans sa diatribe, Eric Zemmour ne parle pas de condamnations effectives, après enquête, mais de «trafiquants.» Même si les statistiques du Canonge restent à prendre avec des pincettes, il indique qu’Arabes et Noirs sont «surreprésentés» (comprendre: plus nombreux en proportion que dans la population totale). Les sociologues de la délinquance retiennent davantage le critère du niveau de vie que le critère ethnique pour expliquer les différences de comportement transgressif: pour ces derniers, qu’il y ait davantage de Noirs et d’Arabes parmi les jeunes délinquants n’est pas vraiment un scoop. Mais avant tout, le corollaire d’un phénomène socio-économique. (4)

Un nouveau business :  les auteurs à thèses racistes contre les Arabes

Il ne faut pas croire que les Alain Finkielkraut, Elisabeth Levy et autres Pascal Bruckner sont les seuls à gloser sur les Arabes. De nouvelles pousses se font les dents sur ces scories de l’histoire installées en Occident.

Nolwenn Le Blevennec décrit l’ouvrage de Laurent Obertone La France Orange mécanique, qui se vend bien. Le thème de l’ouvrage est «l’ensauvagement d’une nation», formule chargée de sous-entendus de l’essayiste et criminologue Xavier Raufer qui préface le livre. (…) Une formule devenue le slogan du moment de Marine Le Pen qui fait au livre une promo acharnée (…) «Ses thèmes de prédilection en vrac: le péril immigré qui mènera notre civilisation à sa perte, les Noirs qui ont une ´´intelligence limitée´´, les homosexuels qui se ´´comportent eux aussi comme des animaux´´, les logements sociaux et ´´l’invasion de cloportes qui vont avec´´, ainsi que l’égalité homme-femme.» « La France Orange mécanique »  poursuit Nolwenn Le Blevennec, est un livre à thèse, où les statistiques viennent étayer ou illustrer un discours qui fait beaucoup penser à celui du journaliste Eric Zemmour ou de Marine Le Pen. En gros, la France serait gangrénée par l’ultraviolence. Et si les tueurs de sang-froid (psychopathes) ou de sang chaud (à la Bertrand Cantat) peuvent être blancs, les acteurs de l’ultraviolence, violeurs et agresseurs, seraient le plus souvent des hommes jeunes d’origine étrangère. (…) Parmi ces hommes d’origine étrangère, «quelques cultures» seraient surreprésentées, «les Sahéliens et les Maghrébins par exemple». Comme Zemmour, il s’appuie sur les travaux d’Hugues Lagrange. «Je ne pense pas qu’on puisse tout expliquer par des causes sociales. L’ethnie ne peut pas être ignorée. Je ne suis pas sûr que notre société soit compatible avec toutes les cultures.» (5)

Contrôles au faciès: démonétisation de l’allogène

Justement, à propos des statistiques, Chloé Leprince de Rue 89 rapporte une enquête sur l’inutilité dans les faits du contrôle au faciès. Elle écrit:

«Deux chercheurs du Cnrs publient une enquête statistique alarmante sur le contrôle au faciès: un Arabe est sept à huit fois plus contrôlé qu’un Blanc par la police française. Pour un Noir, c’est six fois plus probable. Ces chiffres publiés le 30 juin 2009 sont édifiants. Mais ils se doublent d’un autre enjeu: celui de l’inefficacité de ces moeurs policières. Alors que la Préfecture de Paris a manifesté son «intérêt» pour l’enquête, on sait que le contrôle au faciès, non seulement discrimine, mais qu’en plus, il ne marche pas. (…) Cette étude de portée européenne montre que dans la plupart des pays européens, le profilage ethnique s’est imposé. Ainsi, en Grande-Bretagne, les Britanniques d’origine asiatique ont été cinq fois plus contrôlés à partir des attentats dans le métro de Londres, à l’été 2005. Or, les mêmes auteurs, déjà formels, écrivaient qu’il n’existe «aucune preuve que le profilage ethnique puisse prévenir les actes criminels ou les actes de terrorisme.» (6)

On sait aussi que «des consignes sont données oralement qui relèvent bien du contrôle sur la couleur de la peau ou l’apparence ethnique «Si vous êtes à Calais et que vous devez faire du chiffre, qu’est-ce qui ressemble plus à un Afghan ou à un Irakien qu’un Afghan ou un Irakien?» On le voit, les Arabes et autres mélanodermes ont du souci à se faire. La tâche pour une intégration sereine et apaisée et qui ne repose que sur le désir de vivre ensemble ne sera pas tâche facile avec tous les pyromanes pour qui l’intégration apaisée à l’ombre des lois de la République est un danger mortel pour leur fonds de commerce de la division et de l’intolérance. Ainsi va le Monde.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1. Jacques Berque: http://www.islam-fraternet.com/maj-0598/berq.htm

2. Nolwenn Le Blevennec     http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/08/auteur-anglais-pense-france-est-guerre-contre-arabes-250205

3. http://www.theguardian.com/world/2014/ feb /23/french-intifada-arab-banlieues-fighting-french-state-extract

4. Chloé Leprince      http://rue89.nouvelobs. com/2010/03/19/noirs-arabes-et-delinquance-retour-sur-zemmmour-143594

5.   http://rue89.nouvelobs.com/2013/03/01/rencontre-avec-lauteur-zemmourien-de-la-france-orange-mecanique-240132

6. Chloé Leprince   http://rue89.nouvelobs. com/2009/06/30/controles-au-facies-scandaleux-mais-aussi-inefficaces

 

 

 



Articles Par : Chems Eddine Chitour

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