Les Etats-Unis intensifient les interventions militaires au Moyen-Orient

Des frappes de missiles au Yémen et des armes pour la Syrie

Au cours du week-end, des attaques de drone et des frappes aériennes américaines ont tué une quarantaine de personnes dans le Yémen du sud. Ce carnage a coïncidé avec des reportages de presse disant que le gouvernement Obama s’apprêtait à expédier des armes sophistiquées à des groupes « rebelles » luttant contre le gouvernement Assad en Syrie.

Washington est en train de mener une campagne ininterrompue de dénigrement politique et médiatique de la Russie au sujet de sa prétendue intervention en Ukraine, où une poignée de gens sont morts, alors même qu’ils intensifient leur intervention militaire qui dure depuis des décennies au Moyen-Orient où les guerres américaines et les guerres civiles instiguées par les Etats-Unis ont tué des millions de personnes.

Le nombre de morts est bien connu: plus d’un million en Irak (1990-1991, 2003-2011); près de 200.000 en Syrie (2011-2014) ; bien plus de 100.000 en Afghanistan (2001-2014) ; plus de 50.000 en Libye (2011) ; des milliers au Pakistan, au Yémen, en Somalie, au Niger, au Mali et dans d’autres pays touchés par des frappes de drones. Ces chiffres ne tiennent même pas compte des milliers de personnes tuées par les violences israéliennes au Liban, en Cisjordanie et à Gaza, durant la même période et qui sont soutenues par les Etats-Unis.

La première frappe de drone américaine qui a ciblé le Yémen en 2014 a tué samedi au moins treize personnes selon le gouvernement yéménite, allié des Etats-Unis. Le missile a touché un véhicule qui se déplaçait dans la région de Sawmaa, dans la province d’al-Bayda, faisant exploser le véhicule et le projetant à 20 mètres et détruisant aussi une voiture qui passait.

Le Conseil suprême de la sécurité du pays a décrit l’attaque comme une frappe aérienne perpétrée par les forces armées yéménites, la rengaine habituelle servant à couvrir un missile tiré par un drone contrôlé par l’Amérique. Le gouvernement Obama n’a pas publiquement reconnu l’attaque, une pratique tout aussi habituelle en cas d’opérations menées par la CIA.

Selon Reuters, une seconde série d’attaques commises dimanche a tué 25 personnes de plus à al-Mahfad, dans la province d’Abyan, également dans le sud du Yémen. Le service d’information a cité des sources tribales locales rapportant qu’un « aéronef téléguidé sans pilote avait préalablement tracé des cercles dans les zones ciblées » et qu’« au moins trois frappes distinctes avaient eu lieu après les prières de l’aube. »

Une fois de plus, le gouvernement yéménite a affirmé avoir effectué les frappes aériennes, prétendument parce que « des éléments terroristes planifiaient de viser des installations civiles et militaires vitales, » le même discours de légitime défense utilisé pour masquer les attaques américaines de la veille.

Les sources gouvernementales yéménites et américaines prétendent invariablement que ceux qui ont été tués lors de ces frappes de drone sont des « terroristes » et des « militants » d’al Qaïda issus de la péninsule arabique, filiale locale du groupe fondamentaliste islamique fondée par Oussama ben Laden et actuellement dirigée par Ayman al-Zawahiri.

Les frappes de drone se sont produites deux semaines seulement après qu’une juge fédérale de district a rejeté une poursuite en dommages-intérêts contre des responsables du gouvernement américain au sujet du meurtre de trois citoyens américains au Yémen, Anwar al-Awlaki, son fils Abdulrahman al-Awalaki et Samir Khan, tous carbonisés en 2011 par des missiles de croisière américains.

La juge a estimé que les responsables officiels américains ne pouvaient pas être tenus personnellement responsables de violation du Quatrième et du Cinquième amendement de la constitution américaine, même de violations aussi graves que l’exécution, en l’absence de procès ou d’une quelconque audition judiciaire. La juge a aussi décidé qu’il n’y avait « aucune voie de recours disponible en vertu de la loi américaine pour cette requête. » En d’autres termes, les responsables et les agents de l’armée américaine ne peuvent être poursuivis pour avoir agi sous les ordres du président Obama, tandis que le président lui-même bénéficie de l’immunité.

Samedi, le Wall Street Journal a rapporté que le gouvernement Obama a commencé à acheminer des missiles antichars américains sophistiqués aux « rebelles » syriens. L’affaire avait tout d’abord été rapportée la semaine passée par le journal britannique Jane’s Defense Weekly et également confirmée par la suite par le Washington Post.

Le Journal dit que la livraison de missiles antichars TOW par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, premier approvisionnement d’armes aussi sophistiquées depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, était « un programme pilote susceptible de conduire à des envois plus importants d’armes sophistiquées. » Le journal attribue le changement de politique du gouvernement Obama à de « récentes victoires du régime sur le champ de bataille. »

Le régime d’Assad a réussi à dégager la région du Qalamoun le long de la frontière libano-syrienne en coupant une ligne d’approvisionnement clé rebelle, et il a lancé la semaine passée une offensive contre les derniers bastions « rebelles » à Homs, troisième ville du pays et un champ de bataille lourdement contesté lors de la guerre civile.

Le Journal cite un porte-parole du groupe « rebelle » Harakat Hazm, selon lequel la « première étape est de montrer que nous savons effectivement utiliser les TOW, et on espère que la deuxième sera d’utiliser des missiles antiaériens. »

Le Post écrit que ces dernières années le Pentagone a envoyé des missiles TOW à la fois à la Turquie et aux Etats du Golfe persique et 15.000 à l’Arabie saoudite à la fin de l’année dernière.

La Maison Blanche a jusqu’ici bloqué l’expédition de missiles antiaériens dans le Golfe persique par des régimes à la botte des Etats-Unis par crainte que ces armes puissent être utilisées par les alliés islamistes radicaux de Washington en Syrie contre des avions de ligne ailleurs. Mais, en préparation de la visite d’Obama du mois dernier en Arabie saoudite, le gouvernement aurait apparemment commencé à changer d’attitude.

Le Journal fait remarquer, « Après la visite, de hauts responsables du gouvernement ont dit que deux pays collaboraient très étroitement en matière de soutien matériel pour les rebelles et que l’Agence centrale du renseignement (CIA) cherchait un moyen d’étendre son armement limité et son programme d’entraînement basé en Jordanie. »

L’escalade américaine sur les différents champs de bataille au Moyen-Orient est tout aussi téméraire que sa conduite en Ukraine. Elle met aussi au grand jour la fraude de la soi-disant « guerre contre le terrorisme. » En Syrie, l’un des plus puissants groupes « rebelles » est le Front al-Nusra qui a publiquement fait serment d’allégeance à al Qaïda et à Ayman al-Zawahiri.

Au nom de la lutte contre al Qaïda, le gouvernement Obama cible les fondamentalistes islamiques au Yémen tout en fournissant des armes antichars à des groupes alliés à des éléments djihadistes similaires en Syrie.

Patrick Martin

Article original, WSWS, paru le 21 avril 2014



Articles Par : Patrick Martin

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