Les Etats-Unis, l’Union européenne et le G7 vont imposer de nouvelles sanctions à la Russie

La détention de la mission de l’OSCE offre un prétexte à une escalade des Etats-Unis

Analyses:

Les Etats-Unis ont profité de la détention des observateurs militaires occidentaux par des militants pro-russes à Slaviansk en Ukraine orientale pour intensifier leur guerre de propagande contre Moscou et faire passer de nouvelles sanctions, plus draconiennes encore.

L’affaire présente toutes les caractéristiques d’une nouvelle provocation de la part de Washington visant à envenimer la crise à propos de l’Ukraine et à l’utiliser en vue d’isoler, d’encercler militairement et de paralyser la Russie. L’allié le plus proche de l’Amérique dans ce projet est l’Allemagne qui cherche à exploiter la crise dans le but de ranimer ses propres ambitions impérialistes dans l’Est, ce qui au siècle dernier l’avait par deux fois conduit à envahir et à occuper l’Ukraine et à attaquer la Russie.

Huit militaires dirigés par quatre Allemands et accompagnés par cinq soldats ukrainiens agissant sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) étaient vendredi en route vers la ville assiégée de Slaviansk lorsqu’ils furent interceptés par des forces opposées au régime de Kiev, mis en place lors d’un coup d’Etat orchestré par les USA et l’Allemagne et mené par les forces paramilitaires fascistes de Secteur droit.

Dimanche, les négociateurs civils de l’OSCE ont rencontré des responsables rebelles à Slaviansk et ont obtenu la libération d’un des militaires détenus, un Suédois. Les responsables à Slaviansk ont dit que l’officier, qui souffre de diabète, avait été libéré pour des raisons médicales.

La mission menée par l’Allemagne ne fait pas partie du programme de surveillance civil convenu en mars par les 57 Etats membres de l’OSCE, dont la Russie. Les responsables de l’OSCE à Vienne ont dit ne pas connaître la raison de l’intervention des « observateurs » militaires et l’Allemagne a décliné tout commentaire.

La visite eut lieu le lendemain de l’attaque par les troupes ukrainiennes de points de contrôle mis en place par les protestataires pro-russes à Slaviansk et au cours de laquelle furent tué cinq militants opposés au régime de Kiev. Comme le remarquait samedi le ministre russe des Affaires étrangères, ceux qui contrôlent Slaviansk et l’ensemble de la région de Donetsk n’avaient pas été prévenus par avance de la mission et aucune tentative n’avait été faite pour clarifier la présence de ces forces militaires pro-régime dans la région.

Vyacheslav Ponomarev, le maire auto-proclamé de Slaviansk, a accusé les officiers de s’adonner à une opération d’espionnage pour répertorier le déploiement des forces d’opposition et assister l’opération militaire, soutenue par l’Occident, organisée par les troupes ukrainiennes dans la région.

Samedi, il a dit que ses hommes avaient confisqué des cartes militaires auprès de membres de la mission. Evgueni Gorbik, un porte-parole des oppositionnels à Slaviansk, a dit, « Le groupe humanitaire de la mission [OSCE] a nié tout rapport avec eux. Ils disposaient d’agents du renseignement, de cryptogrammes et de carnets comportant des notes secrètes. »

La présence du régime de Kiev et d’espions occidentaux dans l’Est a été mis en évidence samedi lorsque des militants pro-russes à Slaviansk ont capturé trois officiers des services ukrainiens de sécurité, le SBU, les accusant de chercher à enlever le dirigeant pro-russe de Slaviansk. Le SBU a confirmé que ses agents avaient été saisis dans la région de Donetsk.

Le régime de Kiev a blâmé la Russie pour la détention de la mission militaire de l’OSCE et a cité ce fait comme un nouvel exemple d’agression alléguée et de propagande de guerre de la part de Moscou.

Dans une conversation téléphonique avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a exigé que la Russie garantisse la libération des officiers de l’OSCE « sans conditions préalables » et rejeté des suggestions de la part des autorités pro-russes à Slaviansk que les officiers seraient libérés en échange de figures anti-régime détenues par le gouvernement de Kiev. Lavrov a promis d’entreprendre la libération des officiers mais a exigé que les Etats-Unis arrêtent la répression engagée par le gouvernement ukrainien contre les manifestants dans l’Est.

Vendredi dernier, après la détention des officiers de l’OSCE, le président américain Barack Obama a interrompu sa tournée en Asie pour tenir une conférence téléphonique avec les chefs des gouvernements d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de France et d’Italie afin de parvenir à un accord sur une nouvelle série de sanctions contre la Russie. Samedi, le G7, groupe des sept plus grands pays industrialisés qui inclut le Japon et le Canada en plus des Etats-Unis et des quatre pays européens, a officiellement annoncé l’imposition de nouvelles sanctions dès lundi.

Les ambassadeurs de l’Union européenne auraient proposé de se rencontrer lundi en vue de fixer une liste supplémentaire d’individus en Russie et en Ukraine qui seront visés par des interdictions de voyage et des gels d’actifs.

Samedi, le conseiller adjoint à la sécurité nationale d’Obama, Ben Rhodes, a dit aux journalistes présents à bord d’Air Force One que les Etats-Unis détermineraient des sanctions ciblées additionnelles, visant cette fois des « copains » du président russe Vladimir Poutine, qui possèdent, selon un article paru dans le Wall Street Journal, des « actifs significatifs et de l’influence auprès de la direction russe, ainsi que des banques et des sociétés associées à ces individus. »

Le conseiller adjoint à la sécurité nationale à la Maison Blanche, Tony Blinken, est apparu dimanche sur CBS News dans l’émission « Face the Nation » et a dit que les nouvelles mesures américaines seraient imposées lundi. « Nous chercherons à viser des gens du cercle rapproché [de Poutine] qui influent grandement l’économie russe… Nous chercherons à prendre des mesures aussi en ce qui concerne les exportations de haute technologie vers leur secteur de la défense. »

Blinken s’est vanté de ce que la campagne menée par les Etats-Unis contre la Russie à propos de la crise ukrainienne avait déjà entraîné depuis le début de cette année une baisse de 22 pour cent sur les marchés financiers russes et fait tomber le rouble à son plus bas niveau.

L’escalade des sanctions et des menaces militaires contre la Russie est justifiée au motif que l’opposition au nouveau régime de Kiev, soutenu par l’Occident, et qui a éclaté en Crimée et s’est propagé à l’Ukraine orientale, régions principalement russophones entretenant d’étroits liens économiques et historiques avec la Russie, est la conséquence d’une manipulation russe. Sur la base de cette hypothèse, que les médias proclament universellement comme un fait sans aucun justificatif sérieux, le gouvernement Obama attribue la résistance au nouveau gouvernement en Ukraine orientale, à une « agression » russe et la présente comme preuve que la Russie a violé l’accord quadripartite signé le 17 avril à Genève en vue d’une désescalade de la crise à propos de l’Ukraine.

Les Etats-Unis ont négocié cet accord après qu’une première tentative de la part de Kiev de réprimer militairement les insurgés dans l’Est, lancée après une visite secrète à Kiev du directeur de la CIA, John Brennan, a échoué. La population locale était venue s’opposer aux troupes gouvernementales et aux véhicules blindés et un certain nombre de soldats ont refusé de tirer sur les manifestants, ont déserté et sont passés dans l’autre camp.

Washington avait voulu tout au long que l’accord de Genève serve de prétexte à de nouvelles sanctions et à des actions militaires contre la Russie. L’accord prévoit la dissolution de tous les groupes armés illégaux. Le gouvernement Obama a attribué la poursuite de l’occupation de bâtiments gouvernementaux à l’Est par des forces pro-russes à une intrigue russe et l’a invoqué comme preuve que Moscou violait l’accord de Genève.

Mais Washington ne pipe mot sur l’occupation continue de la place de l’Indépendance à Kiev par les nervis du Secteur droit d’extrême droite ou sur le déploiement de bandes de Secteur droit dans l’Est pour attaquer et tabasser des manifestants pro-russes.

La poursuite de cette politique risque directement de déclencher une guerre entre les Etats-Unis et l’OTAN d’une part et la Russie de l’autre – c’est-à-dire un conflit susceptible de générer une guerre nucléaire mondiale.

Le régime de Poutine représente les oligarques réactionnaires qui se sont enrichis en pillant les anciens biens publics de l’Union soviétique après le démantèlement de l’URSS par la bureaucratie stalinienne. Il veut éviter d’être entraîné dans une incursion militaire en Ukraine orientale mais avec Washington il a à faire à un ennemi qui semble déterminé à le pousser à faire précisément cela en attisant une guerre civile en Ukraine.

Samedi, le ministère russe de la Défense a publié une déclaration qui cite le chef d’état-major russe, le général Valery Gerasimov : « Notre préoccupation est due à l’accroissement de la force aérienne américaine et du personnel militaire américain dans la région de la Baltique et en Pologne, ainsi qu’aux navires de l’alliance en Mer noire. »

Le même jour, Washington a déployé 150 parachutistes en Lituanie, portant à 600 le nombre total de troupes américaines annoncées en Pologne et dans les anciens Etats baltes de l’Union soviétique. Et les forces militaires ukrainiennes, encouragées par Washington, continuent de renforcer les points de contrôle, en établissant de nouveaux autour de centres de résistance tels que Slaviansk dans un effort d’écraser la rébellion contre le régime à Kiev.

Barrey Grey

Article original, WSWS, paru le 28 avril 2014



Articles Par : Barry Grey

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